RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00304 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FNSL
Minute n° 23/00115
[V], [P]
C/
[R], [O]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 04 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/01150
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 09 MAI 2023
APPELANTS :
Monsieur [Y] [V]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
Madame [N] [P] épouse [V]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [E] [R]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
Madame [U] [O]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 20 Octobre 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 09 Mai 2023, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DUSSAUD, Conseillère
Mme DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Selon contrat de vente par acte sous seings privés en date du 28 septembre 2018, M. [Y] [V] et Mme [N] [V] ont vendu à M. [E] [R] et Mme [U] [O], sous réserve de la réalisation de conditions suspensives, un bien immobilier sis [Adresse 3] comprenant un lot n°1 consistant en un appartement situé au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété, outre aux abords un emplacement de parking, une allée avec escaliers, une terrasse et un jardin, et un lot n°2 consistant en un débarras situé au rez-de-chaussée du même immeuble.
La réitération de la vente par acte authentique, telle que prévu le 27 décembre 2018, reportée au 16 janvier 2019 n’ayant pas eu lieu, les vendeurs ont fait convoquer les acquéreurs pour signature devant notaire le 4 mars 2019.
Par acte d’huissier en date du 22 avril 2019, M. [V] et Mme [P] épouse [V] ont fait assigner M. [R] et Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins de faire constater, au besoin prononcer, la résolution de la vente parfaite unissant les parties et la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 23 000 euros en application de la clause pénale.
Les défendeurs ont quant à eux formé demandes reconventionnelles en nullité de la vente pour dol et en indemnisation de leur préjudice.
Par jugement du 04 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
déclaré recevables en leur action M. [V] et Mme [P] épouse [V] ;
prononcé la nullité du contrat dressé par acte sous seing privé en date du 28 septembre 2018 ayant pour objet la vente par M. [V] et Mme [P] épouse [V] à M. [R] et Mme [O] des biens et droits immobiliers consistant en les lots n°1 et n°2 dans un ensemble immobilier sis [Adresse 3] (57) cadastré section EO n°[Cadastre 4], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 10] ;
débouté M. [V] et Mme [P] épouse [V] de leurs demandes en résolution de la vente du bien immobilier sis [Adresse 3] (57) cadastré section EO n°[Cadastre 4], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 10] ;
débouté M. [V] et Mme [P] épouse [V] de leu demande en paiement de la clause pénale ;
rejeté la demande de M. [R] et Mme [O] en indemnisation ;
rejeté la demande de M. [V] et Mme [P] épouse [V] formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté la demande de M. [V] et Mme [P] épouse [V] tendant à la condamnation de M. [R] et Mme [O] au paiement des frais relatifs aux actes d’exécution de la décision à intervenir ;
condamné M. [V] et Mme [P] épouse [V] à payer à M. [R] et Mme [O] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [V] et Mme [P] épouse [V] aux dépens ;
prononcé l’exécution provisoire de la présente décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu dans un premier temps sur la demande reconventionnelle en nullité de la vente pour dol, que les époux [V] étaient informés lors de la conclusion de l’acte litigieux du projet de construction sur le terrain voisin, qui était suffisamment avancé pour donner lieu au dépôt d’une demande de permis de construire début août et qu’ils ne l’ont pas porté à la connaissance des futurs acquéreurs M. [R] et Mme [O].
Le tribunal a retenu une réticence à informer les acquéreurs quant au risque d’un changement notable de l’environnement voisin de l’immeuble vendu, et que ce risque était susceptible d’avoir une incidence directe sur ledit bien, et estimé que le caractère déterminant du dol par réticence était établi.
Dans un second temps, le tribunal a souligné que le contrat portant vente du bien immobilier dont s’agit étant annulé, il est censé n’avoir jamais existé de telle sorte que les parties sont remises en leur état antérieur et qu’en conséquence les époux [V] ne peuvent qu’être déboutés de leur demande en résolution de la vente ainsi conclue qui est elle-même censée n’avoir jamais existé, et de leur demande en paiement de la somme réclamée à titre de la clause pénale dont la stipulation se trouve consécutivement privée d’effet.
Enfin pour rejeter la demande reconventionnelle d’indemnisation, le tribunal a observé que M. [R] et Mme [O] ne produisaient aucun élément de nature à établir l’existence et le quantum du préjudice dont ils sollicitent la réparation.
Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour en date du 05 février 2021, M. [V] et Mme [P] épouse [V] ont interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Metz aux fins d’annulation, subsidiairement en infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat dressé par acte sous seing privé en date du 28 septembre 2018 ayant pour objet la vente par M. [V] et Mme [P] épouse [V] à M. [R] et Mme [O] des biens et droits immobiliers consistant en les lots n°1 et n°2 dans un ensemble immobilier sis [Adresse 3] (57) cadastré section EO n°[Cadastre 4], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 10] ; en ce qu’il déboute M. et Mme [V] de leur demande de résolution de la vente du bien immobilier sis [Adresse 3] cadastré section EO n°[Cadastre 4], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 10] ; en ce qu’il déboute M. et Mme [V] de leur demande en paiement de la clause pénale ; en ce qu’il rejette la demande de M. et Mme [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il rejette la demande de M. et Mme [V] tendant à la condamnation de M. [R] et Mme [O] au paiement des frais relatifs aux actes d’exécution ; en ce qu’il condamne M. et Mme [V] aux dépens ainsi qu’à payer à M. [R] et Mme [O] une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; en ce qu’il a prononcé l’exécutoire provisoire de la décision ; en ce qu’il a rejeté les demandes de M. et Mme [V] tendant à voir constater qu’ils ont pris acte du refus des défendeurs de régulariser l’exécution de la vente portant parfaite du bien [Adresse 3], tendant en conséquence à voir constater, au besoin prononcer, la résolution du contrat de vente aux torts des défendeurs avec toutes conséquences de droit, tendant à la condamnation solidaire de M. [R] et Mme [O] à leur payer la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de la clause pénale prévu au contrat, avec intérêts au taux légal à compter du jugement tendant à la condamnation solidaire des défendeurs aux dépens ainsi qu’à leur payer une somme de 3000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 27 juillet 2021, M. [R] et Mme [O] ont formé un appel incident.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 septembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 02 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un pas ample exposé des prétentions et des moyens, les appelants M. et Mme [V] demandent à la cour de :
recevoir l’appel de M. et Mme [V] et le dire bien fondé ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat pour dol, en ce qu’il a débouté M. et Mme [V] de l’ensemble de leurs demandes, en ce qu’il a condamné M. et Mme [V] aux dépens ainsi qu’à payer une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
Vu les articles 1224 et suivants du code civil,
Vu les articles 1130, 1131 et 1137 du code civil,
Vu l’article R.423-6 du code de l’urbanisme,
recevoir M. et Mme [V] en leur demande ;
la dire bien fondée ;
débouter M. [R] et Mme [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
rejeter la demande de nullité du contrat de vente du 28 septembre 2018 pour dol, la dire mal fondée ;
constater que M. et Mme [V] ont pris acte du refus des défendeurs de régulariser l’exécution de la vente courant parfaite dont s’agit, [Adresse 3] ;
En conséquence,
constater, au besoin prononcer, la résolution du contrat de vente aux torts de ces défenseurs avec toutes conséquences en droit
En conséquence,
condamner solidairement, en tous les cas in solidum, les défendeurs à payer à M. et Mme [V] la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de la clause pénale prévue au contrat avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
rejeter l’appel indécent de M. [R] et Mme [O], le dire mal fondé ;
rejeter la demande de dommages et intérêts formée par M. [R] et Mme [O] ;
condamner solidairement, en tous les cas in solidum, les défendeurs aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. et Mme [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir qu’il leur était impossible de fournir à leurs cocontractants une information dont ils ne disposaient pas à la date de la conclusion de la vente puisque le permis de construire sur la parcelle voisine a été délivré et affiché postérieurement à la date de signature du compromis de vente. Ils soutiennent que les attestations produites ne permettent à aucun moment d’établir que M. [V] savait de manière certaine qu’un immeuble serait construit sur l’emplacement de la maison de Mme [X] de sorte que la preuve de l’intention dolosive fait selon eux également défaut. Ils ajoutent que le projet de vente de leur maison est largement antérieur au projet de construction sur la parcelle voisine de sorte qu’on ne pourrait leur reprocher d’avoir voulu vendre rapidement leur bien pour ce motif. Ils font également valoir que M. [R], de par ses fonctions de fonctionnaire territorial à la municipalité de [Localité 6], était en mesure de se renseigner sur le projet de construction projeté. Enfin, M. et Mme [V] estiment que M. [R] et Mme [O] ne rapportent pas la preuve que l’immeuble projeté, d’une hauteur de 7,9 mètres, aurait apporté des nuisances visuelles ou autres.
Les appelants font valoir que le constat ou le prononcé de la résolution de la vente ne rend pas sans effet la stipulation de la clause pénale et qu’au contraire il résulte du compromis de vente que la partie qui n’est pas en défaut percevra de l’autre à titre d’indemnisation forfaitaire de son préjudice la somme de 23 000 euros.
M. et Mme [V] considèrent que M. [R] et Mme [O] n’ont subi aucun préjudice qui leur serait imputable. Ils indiquent qu’en définitive le promoteur a abandonné son projet de construction, et en déduisent que les plaintes et contestations des intimés s’écroulent.
Par conclusions déposées le 29 août 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un pas ample exposé des prétentions et des moyens, les intimés M. [R] et Mme [O] demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1130 et suivants du code civil,
Vu les jurisprudences précitées,
rejeter l’appel principal ;
débouter M. et Mme [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusion ;
faire droit à l’appel incident ;
infirmant le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [R] et Mme [O] de leurs demandes indemnitaires ;
condamner solidairement, à tout le moins in solidum, M. et Mme [V] à payer à M. [R] et Mme [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
confirmer le jugement pour le surplus ;
débouter M. et Mme [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner solidairement, à tout le moins in solidum, M. et Mme [V] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d’appel ainsi qu’au règlement d’une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les intimés se prévalent de la nullité du contrat de vente pour dol. Ils font valoir que M. et Mme [V] n’ont à aucun moment fait mention du projet de construction sur le terrain voisin de leur logement, et que cet élément gardé sous silence, s’il leur avait été communiqué, les auraient empêchés de contracter.
Ils estiment que les attestations de M. [G] et Mme [X] démontrent que les époux [V] avaient eu connaissance du projet de construction avant la signature du compromis de vente de sorte qu’ils leur ont délibérément caché cette information, et ce quand bien même le projet de construction n’était qu’à l’état de projet et le permis de construire non encore délivré.
Les intimés exposent que cette dissimulation a été faite dans le but d’obtenir leur consentement et caractérise le dol. Ils font valoir que la présence d’un immeuble attenant à la propriété mise en vente aurait changé complètement l’environnement de celle-ci, ce qu’ils n’auraient pu anticiper en l’absence de toute information par les vendeurs, et que le caractère déterminant de cette information est démontré.
Subsidiairement les intimés estiment que la construction d’un immeuble avec rez-de-chaussée et de deux étages outre balcons et terrasses de 7,9 mètres de hauteur, contigu au bien vendu constitue une erreur sur les qualités essentielles du bien vendu puisque l’élévation aurait eu pour conséquence une perte d’ensoleillement ainsi qu’un vis à vis indéniable. Les intimés ajoutent qu’il ne peut nullement leur être reproché de ne pas avoir pris renseignements sur la construction dudit immeuble.
Sur les demandes indemnitaires, les intimés font valoir que dans le cadre de l’achat de l’appartement des époux [V], ils ont dû mettre en vente leur précédent bien de sorte qu’ils se sont retrouvés sans logement à compter du 15 janvier 2019 et ont donc subi un préjudice caractérisé par l’obligation d’habiter en urgence au domicile des parents de Mme [O] du 19 janvier 2019 au 16 février 2019 puis de se reloger dans un logement avec bail d’habitation à compter du 14 février 2019 jusqu’au 12 septembre 2019 moyennant un loyer de 700 euros par mois et de louer un garde meuble. Les intimés estiment que la responsabilité délictuelle des époux [V] est constituée par les man’uvres dolosives que ces derniers ont employées et sollicitent la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur la demande principale et la demande reconventionnelle en nullité de l’acte de vente du 28 septembre 2018
Conformément à l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Il est précisé à l’article 1130 du code civil que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Selon l’article 1137 du code civil, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie constitue un dol.
Il ressort de l’attestation du 15 janvier 2019 de M. [C] [G], conseiller immobilier demeurant [Adresse 2], qu’au mois d’août 2018 M. [V] est venu se présenter à lui et le consulter sur la future construction d’un immeuble d’appartements à l’emplacement de la maison de Mme [X], et lui a fait savoir qu’il souhaitait vendre son appartement et qu’il allait se renseigner aux services de l’urbanisme sur le projet de construction. Cette attestation conforme aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile et circonstanciée est probante. Le fait que M. [G] évoque le « projet de vente » de l’appartement de M. [V] est cohérent dès lors que le compromis de vente n’était pas encore signé à l’époque.
Cette attestation démontre que M. [V] savait depuis le mois d’août 2018 que la maison de Mme [X], située sur le terrain voisin de l’appartement qu’il entendait vendre, serait démolie et qu’un immeuble composé d’appartements y serait construit.
Par ailleurs Mme [X] atteste dans une attestation du 15 janvier 2019 avoir informé verbalement M. [V] de la vente de sa propriété à un promoteur au courant du mois de septembre 2018.
Il est ainsi certain que M. [V] détenait cette information, et il n’est pas contesté qu’il n’en a pas informé les acquéreurs, ni à la date de l’acte sous seing privé du 28 septembre 2018, ni ultérieurement.
Or une telle information était déterminante du consentement de M. [R] et de Mme [O] lors de la signature de l’avant-contrat de vente du 28 septembre 2018.
En effet il résulte de l’ensemble des pièces produites qu’ils se portaient acquéreurs d’un bien immobilier composé notamment d’un appartement en rez-de-chaussée, d’une place de parking, d’une allée avec escalier, d’une terrasse et d’un jardin, et ce sur un terrain limitrophe de la propriété de Mme [X].
Si les dimensions exactes du futur immeuble qui serait construit sur cette propriété ne pouvaient pas être connues avec certitude à l’époque, le permis de construire ayant été sollicité le 8 août 2018 et non encore délivré, en revanche il était déjà certain que la destruction de la maison de Mme [X] et la construction d’un immeuble collectif engendrerait des nuisances pendant les travaux. De plus le risque de perte d’ensoleillement et de création de vis-à-vis surplombant l’appartement, la terrasse et le jardin vendus était très élevé. Il ressort de l’examen du plan de masse PC2 du permis de construire élaboré le 7 août 2018, et des différentes photographies et plans produits, que la propriété de Mme [X] était située du côté sud de la propriété de M. et Mme [V], et que la maison à détruire était en retrait de la rue du Coupillon, de sorte que toute construction plus rapprochée de la rue devait engendrer une perte d’ensoleillement et d’intimité pour le logement litigieux et ses extérieurs.
En outre il ressort des différentes pièces produites que la [Adresse 13] était une rue pavillonnaire, alors que la construction d’un immeuble collectif faisait craindre une perte de la tranquillité des lieux aux abords immédiats du logement vendu.
Au regard de ce qui précède le projet de construction d’un immeuble d’appartements à proximité des lots de copropriété vendus engendrait un risque élevé de perte de la qualité de la jouissance de ceux-ci, et de diminution de leur valeur, de sorte qu’il s’agissait d’une information qui, s’ils en avaient eu connaissance, aurait conduit M. [R] et Mme [O] à ne pas contracter ou à contracter à des conditions substantiellement différentes.
Le fait que M. [R] était fonctionnaire territorial ne lui conférait pas une aptitude ni une facilité particulière à s’informer lui-même sur d’éventuels projets de construction, dès lors qu’il n’est pas contesté qu’il ne travaillait pas au service délivrant les permis de construire. Cela ne lui conférait pas non plus l’obligation de prendre connaissance de tous les avis de dépôt de demandes de permis de construire et de déclarations préalables de travaux qui étaient affichés en mairie de [Localité 6].
Il est de surcroît observé qu’alors que M. [R] et Mme [O] ont vendu leur propre logement par acte authentique du 15 janvier 2019, et avaient sollicité le report de signature de l’acte authentique de vente litigieux au lendemain, 16 janvier 2019, ils ne l’ont pas signé en expliquant « qu’ils venaient d’apprendre qu’un permis de construire avait été accordé à un promoteur immobilier sur la parcelle voisine », et qu’ils allaient prendre conseil auprès d’un avocat. Cette circonstance, notée par Me [D] dans l’acte du 4 mars 2019, confirme qu’une telle information était déterminante du consentement de M. [R] et Mme [O], aussi bien à la date de l’avant-contrat qu’à la date de sa réitération.
Enfin le fait que M. [V] a fait la démarche de se présenter en août 2018 à M. [G] pour le consulter au sujet du projet de construction d’un immeuble sur la propriété de Mme [X], et qu’il lui indique qu’il entendait se renseigner en mairie sur ce projet, démontre qu’il était conscient des risques encourus pour son bien immobilier et qu’il savait qu’une telle information était également déterminante pour un acquéreur.
Il est ainsi avéré que M. et Mme [V] ont commis un dol en dissimulant intentionnellement une information dont ils savaient le caractère déterminant pour M. [R] et Mme [O]. Le consentement de ceux-ci a été vicié et l’avant-contrat de vente du 28 septembre 2018 est nul.
Par ailleurs le fait que le promoteur ait finalement, le cas échéant, définitivement abandonné en cours de procédure son projet de construction, est sans incidence sur le litige, dès lors que le dol a été commis antérieurement, et que le consentement des acquéreurs a été vicié parce qu’ils n’ont pas été informé du risque de construction sur le terrain voisin ayant une incidence sur le bien vendu.
Le contrat nul est censé n’avoir jamais existé, conformément à l’article 1178 du code civil. Dès lors M. et Mme [V] ne sont pas fondés à solliciter l’application d’une clause de ce contrat annulé.
Le jugement est confirmé en ce qu’il prononce la nullité du contrat et rejette les demandes de M. et Mme [V].
II- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts
Conformément à l’article 1178 du code civil, indépendamment de l’annulation du contrat la partie lésée peut demander réparation du préjudice subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. et Mme [V] doivent réparer les conséquences préjudiciables de la réticence dolosive qu’ils ont commise.
Il ressort de l’acte du 4 mars 2019 dressé par Me [D], notaire, que les acquéreurs avaient demandé le report du rendez-vous de signature au 16 janvier 2019, parce qu’ils étaient dans l’attente de la régularisation de la vente de leur propre résidence et de la perception du prix de vente dont le remploi leur était nécessaire pour financer une partie du prix d’acquisition. Il est également démontré par une attestation rédigée par Me [A], notaire, que M. [R] et Mme [O] ont vendu leur propre logement par acte authentique du 15 janvier 2019.
Ainsi, alors qu’ils devaient obtenir les clés de l’appartement vendu par M. et Mme [V] le 16 janvier 2019, ils se sont trouvés sans logement et contraints de se reloger en urgence dans des locaux autres que ceux qu’ils espéraient acquérir.
Ils rapportent la preuve de ce qu’ils se sont relogés d’abord chez la mère de Mme [O], puis dans un appartement situé dans un immeuble collectif communal, d’une surface de 82 m² et sans jardin ni terrasse, ni place de parking attitrée (pièces 12 et 13), alors que l’appartement qu’ils devaient acquérir avait une surface de 92,55 m², ainsi qu’une terrasse, un jardin et une place de parking.
Cette obligation de se reloger rapidement dans des conditions imprévues et moins confortables, et la déception de ne pas pouvoir acheter le bien immobilier escompté dans l’environnement et les conditions d’ensoleillement, de vue et d’absence de vis-à-vis qu’ils souhaitaient, caractérisent un préjudice moral et de jouissance.
Ce préjudice a été directement causé par la réticence dolosive de M. et Mme [V], qui a conduit M. [R] et Mme [O] à signer l’avant-contrat de vente du 28 septembre 2018, à croire qu’ils pourraient se loger dans l’appartement litigieux à la date de signature du 16 janvier 2019 et à s’estimer ainsi libres de pouvoir quitter auparavant leur propre logement.
En outre M. [R] et Mme [O] ont été contraints de payer un loyer totalisant 5 275 euros sur la période du 14 février 2019 au 12 septembre 2019 (pièces 13 à 15), soit durant un délai raisonnable leur permettant de rechercher un autre logement leur convenant et d’y emménager, alors qu’ils n’auraient pas transféré la propriété de leur appartement dès le 15 janvier 2019 ni exposé de tels frais de location si leur consentement n’avait pas été vicié. Enfin ils démontrent avoir exposé des frais de location de box à hauteur de 283,60 euros pour la période du 19 janvier 2019 au 28 février 2019, ce qui est également une conséquence préjudiciable de la réticence dolosive, qui a conduit M. [R] et Mme [O] à se retrouver sans logement personnel jusqu’à mi-février 2019.
En conséquence de tout ce qui précède le préjudice moral, de jouissance et matériel directement causé par la réticence dolosive de M. et Mme [V] est évalué à la somme de 10 000 euros.
Le jugement est infirmé en ce qu’il rejette la demande en dommages-intérêts de M. [R] et Mme [O]. M. et Mme [V] sont condamnés in solidum à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice.
Cette indemnité produit de plein droit intérêts au taux légal à compter du présent arrêt infirmatif en application de l’article 1231-7 du code civil.
III- Sur les dépens et l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées.
Succombant en appel M. et Mme [V] seront in solidum condamnés aux dépens de la procédure d’appel et à payer à M. [R] et Mme [O] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de M. et Mme [V] au titre des dépens et indemnités prévues par l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [R] et Mme [O] en dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
Condamne in solidum M. [Y] [V] et Mme [N] [P] épouse [V] à payer à M. [E] [R] et Mme [U] [O] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts, et ce avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [V] et Mme [N] [P] épouse [V] aux dépens de la procédure d’appel;
Condamne in solidum M. [Y] [V] et Mme [N] [P] épouse [V] à payer à M. [E] [R] et Mme [U] [O] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute M. [Y] [V] et Mme [N] [P] épouse [V] de leurs demandes au titre des dépens et de l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
La greffière La présidente de chambre