Clause pénale : 9 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00950

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Clause pénale : 9 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00950

MINUTE N° 23/204

Copie exécutoire à :

– Me Christine BOUDET

– Me Katja MAKOWSKI

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 09 Mai 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/00950 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HZEH

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de mulhouse

APPELANTE :

S.A. FINANCO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉS :

Monsieur [H] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

Madame [V] [S] épouse [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat en date du 2 février 2018, la société My Money Bank a consenti à Monsieur [H] [D] et Madame [V] [S] épouse [D] un crédit d’un montant de 42 260 euros, remboursable en soixante mensualités de 799,78 euros hors assurance, avec intérêts au taux de 4,40 % l’an (Taeg 5,25 %), affecté au financement d’un véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 5].

Faisant valoir que les emprunteurs ont cessé de payer les échéances du prêt à compter du 10 mai 2019 malgré mises en demeure, la Sa Financo, venant aux droits de la société My Money Bank, a assigné Monsieur et Madame [D] devant le tribunal d’instance de Mulhouse le 1er octobre 2020, aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 37 856 euros avec intérêts au taux de 4,40 % l’an à compter de la mise en demeure du 12 décembre 2019, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux fins de les voir condamner à lui restituer le véhicule Audi aux fins de sa mise en vente aux enchères publiques.

Monsieur et Madame [D] ont conclu au rejet des demandes de la Sa Financo à hauteur de la somme de 185,21 euros au titre des intérêts contentieux arrêtés au 31 juillet 2019, à hauteur de la somme de 63,10 euros au titre des frais répétibles de contentieux, à hauteur de la somme de 2 900,76 euros au titre de l’indemnité légale de 8 % et de la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Ils ont exposé avoir rencontré des difficultés financières en raison d’une maladie grave et d’une perte d’emploi et avoir saisi la commission de surendettement des particuliers ; qu’une procédure de recours est en cours après contestation de la décision de recevablité de cette demande.

Par jugement avant dire droit du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a invité la Sa Financo à justifier de son intérêt à agir et a invité les parties à présenter leurs observations

sur les moyens soulevés d’office par le juge, susceptibles d’entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

Les parties ont maintenu leurs demandes, la Sa Financo faisant notamment valoir qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue en ce qu’elle a respecté son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs, les défendeurs déclarant s’en rapporter quant aux moyens soulevés d’office.

Par jugement du 24 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-déclaré irrecevable la Sa Financo en son action en paiement,

-débouté la Sa Financo de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sa Financo aux dépens de l’instance.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la Sa Financo ne justifiait pas de ce qu’elle venait aux droits de la société My Money Bank.

La Sa Financo a interjeté appel de cette décision et du jugement avant dire droit du 17 juin 2021 le 4 mars 2022.

Par écritures notifiées le 18 novembre 2022, elle conclut à l’infirmation des jugements déférés et demande à la cour de, au visa des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, 1103, 1104 et 1353 du code civil, 9 du code de procédure civile,

-débouter Monsieur et Madame [D] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

-constater, dire et juger que la Sa Financo justifie de son intérêt à agir,

-condamner solidairement Monsieur et Madame [D] à payer à la Sa Financo, venant aux droits de la société My Money Bank, la somme principale de 37 856,62 euros se décomposant en :

-échéances impayées : 5 597,13 euros,

-capital à échoir : 29 110,42 euros,

-indemnité légale de 8 % : 2 900,76 euros,

-intérêts contentieux arrêtés au : 185,21 euros,

31 juillet 2019

-frais répétibles de contentieux : 63,10 euros,

outre les intérêts courus et à courir à compter de la mise en demeure du 12 décembre 2019 jusqu’à complet paiement,

-condamner solidairement Monsieur et Madame [D] à restituer à la Sa Financo, venant aux droits de la société My Money Bank, le véhicule Audi SQ5 financé, immatriculé [Immatriculation 5], en vertu du gage matériel et aux fins de la mise en vente aux enchères publiques,

-condamner solidairement Monsieur et Madame [D] à payer à la Sa Financo la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner in solidum Monsieur et Madame [D] aux entiers frais et dépens.

Elle fait valoir qu’elle justifie en appel de son intérêt à agir par la production de la publication au Bodacc de la vente et cession de la Sa My Money Bank à la Sa Financo le 13 juillet 2018 ; que l’indemnité légale de 8 % n’est pas excessive ; que les dispositions de l’article 1231-5 du code civil ne prévoient pas la possibilité de suppression de la clause pénale, mais seulement sa modération ou son augmentation si elle est manifestement dérisoire ou excessive ; que la défaillance des emprunteurs entraîne la mise en compte d’intérêts et frais contentieux contractuellement prévus ; qu’elle est de même fondée à solliciter la restitution du véhicule financé, dont elle est seule et unique propriétaire ; que les intimés ne rapportent pas la preuve de ce qu’ils l’ont vendue.

Par écritures notifiées le 26 août 2022, Monsieur [H] [D] et Madame [V] [S] épouse [D] ont conclu ainsi qu’il suit, au visa des articles L 312-38, L 312-39 du code de la consommation :

-déclarer l’appel de la Sa Financo mal fondé,

Par conséquent,

-débouter la Sa Financo de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement entrepris,

Subsidiairement, si la cour devait déclarer la sa Financo recevable en son action,

-débouter la Sa Financo de sa demande à hauteur de la somme de 185,21 euros au titre des intérêts contentieux arrêtés au 31 juillet 2019,

-débouter la Sa Financo de sa demande à hauteur de la somme de 63,10 euros au titre des frais répétibles de contentieux,

-débouter la Sa Financo de sa demande à hauteur de la somme de 2 900,76 euros au titre de l’indemnité légale de 8 %,

-débouter la Sa Financo de sa demande de restitution du véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 5],

-débouter la Sa Financo de sa demande à hauteur de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils déclarent s’en remettre à la cour s’agissant de la recevabilité de l’action de la Sa Financo.

Ils font valoir que leur situation financière s’est dégradée à la suite d’une maladie grave et récidivante de Monsieur [D] et de la perte de leurs emplois ; que leur demande de surendettement a été déclarée recevable par jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 17 juin 2021 et qu’un plan de désendettement a été établi par la commission de surendettement le 2 septembre 2021, actuellement en cours d’exécution.

Ils contestent les frais de contentieux non conformes aux dispositions de l’article L 312-38 du code de la consommation, font valoir que l’indemnité de 8 % doit être rejetée, compte tenu du contexte et de leur bonne foi et soutiennent qu’ils ne sont plus en possession du véhicule, dont l’entretien et l’usage était devenu trop onéreux ; qu’ils ne sont pas en possession des documents de vente.

MOTIFS

Sur la qualité à agir :

Aux termes de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

La Sa Financo justifie à hauteur d’appel de ce qu’elle vient aux droits de la Sa My Money Bank par la production d’un extrait du Bodacc portant publication le 13 juillet 2018 de la vente du fonds de la société My Money Bank à la société Financo.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a déclaré l’appelante irrecevable en son action.

Sur les frais de contentieux :

En vertu des dispositions de l’article L 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L’article L 312-38 du même code dispose qu’aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. Toutefois, le prêteur peut réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui ont été occasionnés par cette défaillance, à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement. En cas de défaillance de l’emprunteur, seuls les modes de réalisation du gage autorisés par les articles 2346 et 2347 du code civil sont ouverts aux créanciers gagistes, à l’exclusion du pacte commissoire prévu à l’article 2348 du même code qui est réputé non écrit.

La Sa Financo met en compte, aux termes de son décompte de créance en date du 4 août 2020, une somme de 63,10 euros au titre de frais taxables de contentieux.

Bien que ces frais soient, par leur nature, répercutables sur les emprunteurs en vertu des dispositions légales précitées, l’appelante ne verse aux débats aucun décompte spécifique permettant de vérifier que la somme réclamée correspond bien à des frais taxables et non à d’autres dépenses exclues de ces dispositions.

La demande portant sur la somme de 63,10 euros, dont la nature ne peut être identifiée, sera en conséquence rejetée car non justifiée.

Sur les intérêts arrêtés au 31 juillet 2019 :

Il sera constaté que selon décompte arrêté au 4 août 2020, la somme de 185,21 euros est mise en compte au titre des intérêts courus au taux conventionnel sur les sommes impayées jusqu’au 31 juillet 2020.

Ces intérêts sont contractuellement dus, de sorte que la contestation élevée par les emprunteurs sur ce point ne peut prospérer.

Sur l’indemnité légale de 8 % :

Cette indemnité, courant sur le capital dû en raison de la défaillance des emprunteurs, est expressément prévue par l’article L 312-39 du code de la consommation et les clauses contractuelles liant les parties.

Il n’est en rien démontré qu’elle serait excessive en son montant, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la réduire.

Sur la créance :

Au regard des motifs précités et du décompte versé aux débats, les époux [D], qui ne critiquent pas autrement les montants mis en compte, seront condamnés solidairement à payer à la Sa Financo la somme de 37 793,62 euros se décomposant en :

-échéances impayées : 5 597,13 euros,

-capital à échoir : 29 110,42 euros,

-indemnité légale de 8 % : 2 900,76 euros,

-intérêts contentieux arrêtés au : 185,21 euros.

31 juillet 2019

Cette somme portera intérêts au taux conventionnel de 4,40 % l’an sur la somme de 34 707,89 euros à compter du 1er août 2020 et au taux légal à compter de l’assignation du 1er octobre 2020 pour le surplus.

Il sera rappelé que l’exécution du présent arrêt suivra les modalités définies par la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin, dans le cadre du plan de désendettement consenti aux époux [D].

Sur la restitution du véhicule :

L’appelante fonde sa demande de restitution du véhicule financé par le fait qu’elle en est la seule et unique propriétaire.

Force est cependant de constater que le contrat liant les parties est un crédit affecté et non une location avec promesse de vente, de sorte que seuls Monsieur et Madame [D] ont acquis la propriété dudit véhicule, à l’aide du crédit consenti par la société Financo.

L’appelante, qui ne peut se prévaloir d’aucun titre de propriété sur le bien, sera dès lors déboutée de sa demande sur ce fondement.

Par ailleurs, l’appelante ne justifie en rien de ce qu’elle aurait inscrit un gage sur le véhicule financé, de sorte que sa demande ne peut pas plus prospérer sur le fondement allégué dans le cadre du dispositif de ses écritures.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées, étant relevé que la demande de la société Financo n’a été déclarée irrecevable qu’en raison de la carence de la demanderesse dans l’administration de la preuve de sa qualité à agir qui lui incombait.

Succombant essentiellement en la procédure d’appel, Monsieur et Madame [D] seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation financière respective des parties et des intérêts au taux conventionnel dont bénéficie l’appelante, l’équité commande qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Financo.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la Sa Financo irrecevable en son action,

Statuant à nouveau,

DECLARE recevables les demandes formées par la Sa Financo, venant aux droits de la Sa My Money Bank, contre Monsieur [H] [D] et Madame [V] [S] épouse [D],

CONDAMNE Monsieur [H] [D] et Madame [V] [S] épouse [D] solidairement à payer à la Sa Financo la somme de 37 793,62 euros, portant intérêts au taux conventionnel de 4,40 % l’an sur la somme de 34 707,89 euros à compter du 1er août 2020 et au taux légal à compter de l’assignation du 1er octobre 2020 pour le surplus,

REJETTE la demande en paiement de la sa Financo pour le surplus,

RAPPELLE que l’exécution du présent arrêt suivra les modalités définies par la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin, dans le cadre du plan de désendettement consenti aux époux [D],

DEBOUTE la Sa Financo de sa demande de restitution du véhicule Audi SQ5 immatriculé [Immatriculation 5],

CONFIRME le jugement déféré quant aux frais et dépens,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la Sa Financo fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [D] et Madame [V] [S] épouse [D] aux dépens de l’instance d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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