COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 09 MAI 2023
N° RG 21/00171 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4BG
S.A.R.L. LE BON
c/
S.C.I. [Adresse 2]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2020 (R.G. 18/06378) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 11 janvier 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. LE BON, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Alexis DROUHAUD, substituant Maître Yves MOUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.C.I. [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Patrick GUILLEMOTEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 03 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 19 mai 2014, la SCI [Adresse 2] (ci-après également désignée ‘le bailleur’ ou la SCI) a donné à bail commercial à la SARL Le Bon des locaux à usage de restaurant situés dans un immeuble au [Adresse 2] à [Localité 3], moyennant un loyer de 3200 euros hors taxes et hors charges, payable d’avance le cinq de chaque mois, outre une provision sur charges de 400 euros hors-taxes.
Ce contrat stipulait notamment en page 14 que le bailleur déclarait vouloir assujettir le bail à la taxe à la valeur ajoutée qui sera à la charge du preneur en sus du loyer ci-dessus fixé et acquitté entre les mains du bailleur en même temps que chaque règlement.
Par jugement en date du 25 mars 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert à l’égard de la société Le Bon une procédure de redressement judiciaire.
La SCI a déclaré sa créance pour un montant de 18’468,71 euros entre les mains du mandataire.
Par jugement en date du 13 juillet 2016, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société Le Bon, et a nommé la SELARL Malmezat-Prat & Lucas en qualité de commissaire à l’exécution du plan; ce plan a ensuite fait l’objet d’une modification substantielle par jugement en date du 5 décembre 2018.
Par acte en date du 7 août 2017, le bailleur a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire puis il a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 19 mars 2016 a condamné par provision la société Le Bon à payer la somme de 916,29 euros correspondant à l’indexation des loyers échus entre juillet 2015 et décembre 2017, en déboutant le bailleur du surplus de ses demandes et en constatant en particulier l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, concernant les décomptes produits par les parties, et la réclamation relative à la TVA.
Par acte d’huissier en date du 19 juin 2018, la SCI a fait assigner la société Le Bon devant le tribunal judiciaire de Bordeaux au fond, pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, voir prononcer à défaut la résiliation judiciaire du bail, voir ordonner dans tous les cas l’expulsion du preneur et celle de tous occupants de son chef et sa condamnation au paiement de la somme de 41’672,79 euros TTC au titre des loyers et charges échues après le jugement d’ouverture de la procédure collective entre le 1er avril 2015 le 31 mai 2018, outre des dommages-intérêts.
Par ordonnance en date du 15 janvier 2019, le juge de la mise en état a condamné la société Le Bon à payer une provision de 21’971,45 euros au bailleur, en rejetant la demande de délai de paiement.
Par jugement en date du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a, pour l’essentiel :
– constaté la résolution du bail commercial par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire, à effet au 7 septembre 2017,
– condamné la société Le Bon à payer au bailleur la somme de 76’702,73 euros TTC
au titre des loyers et indemnité d’occupation, sauf à déduire le cas échéant le montant de la provision de 21’971,45 euros à laquelle elle a été condamnée par ‘ordonnance du juge de la mise en état du 15 janvier 2019
-condamné la société Le Bon au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 4529,23 euros TTC à compter du 1er décembre 2019,
– ordonné l’expulsion de la société Le Bon et celle de tous occupants de son chef,
– rejeté le surplus des demandes.
Par deux déclarations en date du 11 janvier 2021, la société Le Bon a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués.
Les instances ont été jointes.
Par dernières conclusions notifiées 12 avril 2021, elle demande à la cour :
– de déclarer l’intégralité des moyens et demandes de la société Le Bon recevable et bien fondée,
– par conséquent, de réformer le jugement,
– de constater le caractère erroné des demandes relatives aux impayés de loyer formés par la SCI [Adresse 2],
– de constater l’inopposabilité des demandes relatives au paiement de la TVA formée par la SCI [Adresse 2],
en conséquence,
– de déterminer le montant dû par la société Le Bon au titre des loyers impayés à la somme de 18’228,24 euros,
– de débouter la SCI [Adresse 2] de ses demandes portant sur le paiement de la TVA,
à titre subsidiaire,
– de condamner la SCI [Adresse 2] à lui payer la somme de 55’343 euros en compensation de son impossibilité d’exercer son droit à déduction,
– de constater la bonne foi de la société Le Bon,
– de constater la mise en ‘uvre de mauvaise foi de la clause résolutoire par la SCI [Adresse 2],
En conséquence,
– de débouter la SCI [Adresse 2] de sa demande tendant à son expulsion sur le fondement de la résolution de plein droit du bail et sur le fondement de la résiliation judiciaire du bail,
– de lui accorder un délai de grâce sur 24 mois afin qu’elle puisse acquitter de sa dette de loyer d’un montant de 18’228,24 euros en 24 échéances d’un montant de 759,51 euros
– de condamner la SCI [Adresse 2] à lui payer les sommes suivantes :
– 848 euros au titre d’un trop-perçu de charges causé par le défaut de régularisation annuelle de la part du bailleur,
– 15’000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’acharnement de mauvaise foi du bailleur,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’absence de preuve d’un préjudice distinct du retard de loyer,
– de débouter en conséquence la SCI [Adresse 2] de sa demande de dommages et intérêts,
– de condamner la SCI [Adresse 2] à lui payer la somme de 3000 euros
au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et frais éventuels d’exécution.
Par ordonnance en date du 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande tendant à voir prononcer l’exécution provisoire du jugement, à défaut d’urgence.
Par dernières conclusions notifiées le 4 mai 2021, la SCI [Adresse 2] demande à la cour :
– de déclarer recevable mais mal fondé, l’appel diligenté à l’encontre du jugement rendu par la 5ème chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux, le 17 décembre 2020.
– le confirmant,
– de constater, la résolution du bail commercial consenti par la SCI du [Adresse 2] au bénéfice de la sar lLe Bon pour des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 3] par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail et à effet du 7 septembre 2017,
– de condamner la SARL Le Bon à payer la somme de 126.119,92 euros ttc au titre des loyers dus et indemnités d’occupation calculés mensuellement à raison de 4.529, 23 euros ttc pour la dernière revalorisation du 1er juin 2019, arrêtée au 28 février 2021 et subsidiairement,à payer la somme de 76.702,73 euros ttc au titre des loyers dus et indemnités d’occupations calculés mensuellement à raison de 4.529,23 euros ttc arrêtée au 30 novembre 2019.
– de condamner en tant que de besoin, la SARL Le Bon à une indemnité d’occupation menselle de 4.529,23 euros ttc à compter du 1er décembre 2019 jusqu’à libération complète des lieux.
– ordonner, l’expulsion de la SARL Le Bon du local occupé situé[Adresse 2] à [Localité 3] ainsi que l’expulsion de tous occupants de son chef dans les conditions prévues par le code des procédures civiles d’exécution
Ajoutant au jugement
– de dire en tout état de cause que ces sommes seront assorties d’une majoration forfaitaire contractuelle de 10 % et d’un intérêt au taux légal majoré de cinq points, conformément au bail,
– de condamner la SARLLe Bon à lui payer la somme de 15’000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des retards et impayés de loyer et du fait de sa résistance abusive, outre celle de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens incluant le coût du commandement et de tous les frais de huissier afférent au recouvrement des sommes dues.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes en paiement de la SCI :
Sur la demande au titre de la TVA :
1- La société Le Bon soutient que la TVA sur les loyers n’est pas exigible, faute pour le bailleur de lui avoir notifié son assujettissement à la TVA, et elle fait valoir que les loyers et charges ont été payés hors taxe depuis le début de la relation contractuelle, sans que le bailleur ne réagisse.
2- Le bailleur réplique qu’il est assujetti à la TVA depuis 2013 et qu’il est donc fondé à réclamer l’arriéré de loyers et charges, TVA incluse, ainsi que prévu au bail.
Sur ce :
3 – Selon les dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Le bail stipule qu’il est ‘consenti et accepté moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 38’400 euros que le preneur s’oblige à payer au domicile ou au siège du bailleur ou en tout autre endroit indiqué par lui en 12 termes égaux de 3200 euros chacun
Ce loyer correspond à la valeur locative et s’entend hors droits, taxes et charges.
Le preneur versera au bailleur en même temps que chaque terme de loyer une provision sur les charges, taxes et prestations à sa charge. Cette provision est fixée à 400 euros par mois et sera ajusté chaque année en fonction des dépenses effectuées l’année précédente.’
En page 14, le bail stipule par ailleurs que le bailleur déclare vouloir assujettir le bail à la taxe à la valeur ajoutée, qui sera à la charge du preneur en sus du loyer ci-dessus fixé et acquittée entre les mains du bailleur en même temps que chaque règlement.
4 – Le bailleur justifie, par production de sa déclaration numéro 3517 ‘ S (sa pièce 30), qu’il était assujetti à la TVA à compter du 1er janvier 2013.
Il en résulte que les sommes dues au titre du bail étaient exigibles, TVA incluse, sans que le bailleur soit tenu de notifier préalablement l’option d’assujettissement à la TVA, dès lors que le contrat stipulait que telle était bien son option.
Sur le décompte de loyers et charges :
5- La société appelante fait valoir que pour l’appel d’avril 2015 à novembre 2019, ayant donné lieu à la décision frappée d’appel, le montant des loyers exigibles ressortait à 204’862,74 euros, alors que le montant des sommes payées s’élève lui à 185’187,68 euros, de sorte que le solde exigible elle n’est que de 19’675,06 euros et non de 76’702,73 euros ainsi que l’a décidé le tribunal de manière erronée.
6- Le bailleur réplique qu’en fonction du tableau actualisé soumis au premier juge, l’arriéré de loyer s’élevait bien à 76’702,73 euros au 30 novembre 2019 par différence entre le total des loyers et charges appelées (246 299,86 euros) et des versements réalisés (soit 169497,13 euros).
Sur ce :
7 – Conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil (ancien) devenu article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
8- Il convient de synthétiser sous forme de tableaux le montant des sommes dues (loyers et provisions sur charges TTC) et des versements justifiés par les relevés bancaires et les bordereaux de virement versés au débat (étant précisé que la révision annuelle du loyer en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction ne donne pas lieu à contestation) :
ANNEE 2015
sommes dues TTC
sommes payées
solde exigible en fin d’année
avril 2015
4320
mai 2015
4320
4296,77 le 06-06
juin
4343,78
3600 le 27-06
juillet 2015
4343,78
3600 le 15-07
1821,49 saisie
aout 2015
4343,78
3600 le 22-08
chèque de banque
septembre 2015
4343,78
3600 le 05-09
chèque de banque
octobre 2015
4343,78
3600 le 03-10
chèque de banque
novembre 2015
4343,78
3600 le 30-10
3600 le 25-11
décembre 2015
4343,78
3600 le 23-12
TOTAL 2015
52077,80
34918,26 euros
17159,54 euros
ANNEE 2016
sommes dues TTC
sommes payées
solde exigible
en fin d’année
janvier 2016
4343,78
3600 le 04-02
fevrier 2016
4343,78
3600 le 17-02
mars 2016
4343,78
3600 le 26-03
avril 2016
4343,78
3600 le 12-04
mai 2016
4343,78
3600 le 12-05
juin 2016
4353,29
3600 le 02-07
juillet 2016
4353,29
3600 le 12-07
aout 2016
4353,29
3600 le 19-08
septembre 2016
4353,29
3600 le 17-09
octobre 2016
4353,29
3600 le 26-10
novembre 2016
4353,29
3600 le 02-12
décembre 2016
4353,29
3600 le 14-01
TOTAL 2016
52191,93
43200 euros
8991,93 euros
ANNEE 2017
sommes dues TTC
sommes payées
solde exigible en fin d’année
janvier 2017
4353,29
3600 le 09-02
fevrier 2017
4353,29
3600 le 25-02
mars 2017
4353,29
1596,86 le 25-03
avril 2017
4353,29
3600 le 19-04
mai 2017
4353,29
3655,48 le 17-05
juin 2017
4391,33
juillet 2017
4391,33
aout 2017
4391,33
7255,48 le 22-08
septembre 2017
4391,33
octobre 2017
4391,33
3627,74 le 14-11
novembre 2017
4391,33
3627,74 le 28-11
décembre 2017
4391,33
3649,44 le 30-12
TOTAL 2017
52505,76 euros
33 492,74 euros
19013,02 euros
ANNEE 2018
sommes dues
TTC
sommes payées
solde exigible en fin d’année
janvier 2018
4391,33
3034,70 le 10-01
février 2018
4391,33
3716,93 le 12-02
3649,44 le 27-02
mars 2018
4391,33
3659,44 le 26-04
avril 2018
4391,33
3659,44 le 09-06
mai 2018
4391,33
juin 2018
4443,64
juillet 2018
4443,64
aout 2018
4443,64
septembre 2018
4443,64
octobre 2018
4443,64
8098,88 le 02-10
dont 800 TF
novembre 2018
4443,64
3692,90 le 29-11
décembre 2018
4443,64
3692,90 le 04-12
TOTAL 2018
53 062,13
33 204,63
19 857,50 euros
ANNE 2019
sommes dues
TTC
sommes payées
solde
janvier 2019
4443,64
février 2019
4443,64
21 971,45 le 04-02
mars 2019
4443,64
2293,64 le 27-03
avril 2019
4443,64
mai 2019
4443,64
juin 2019
4529,23
7385,80 le 27-06
juiller 2019
4529,23
aout 2019
4529,23
septembre 2019
4529,23
octobre 2019
4529,23
novembre 20919
4529,23
TOTAL
44 864,35
31 650,89
13 213,46 euros
Total général de l’arriéré au 30 novembre 2019: 78235,45 euros
La seule circonstance que le bailleur ait omis de réclamer la TVA, avant le commandement du 7 aout 2017, ne constitue en aucun cas une renonciation univoque à cette créance, dès lors que la réclamation correspondante n’est pas atteinte par la prescription.
9 – La locataire ne peut utilement se prévaloir d’une mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, dès lors qu’à la date du 7 aout 2017, la somme réclamée par le bailleur correspondait non seulement à la différence de montants entre les loyers et charges hors taxe et TTC, mais également au défaut d’indexation du loyer par le locataire entre juin 2016 et avril 2017 (la société Le Bon ayant continué à payer la somme de 3600 euros entre juillet 2015 et avril 2017). Or, selon l’article relatif à l’indexation du loyer (page 12 du bail), le réajustementdu loyer devait s’effectuer chaque année, à la date anniversaire de l’entrée en jouissance, en fonction de la variation de l’indice INSEE du coût de la construction; l’indexation jouant de plein droit, sans qu’il soit besoin d’une notification préalable.
Au surplus, la société Le Bon n’avait pas réglé la totalité du loyer de mars 2017 mais seulement la somme de 1596,86 le 25 mars 2017, et n’avait rien payé au titre des loyers de juin et juillet 2017.
10- Dès lors que la société preneuse ne rapporte pas la preuve, qui lui incombait, d’autres paiements que ceux mentionnés aux tableaux ci-dessus, selon décompte arrêté à novembre 2019 inclus, sur la bases des relevés bancaires produits au débat,le bailleur était fondé à faire délivrer au locataire, par acte du 7 aout 2017, un commandement visant la clause résolutoire d’un montant de 30 903,84 euros en principal, au titre de l’arriéré de loyers et provisions sur charges au mois de juin 2017 inclus.
Le paiement de la somme de 7255,48 le 22 aout 2018 n’a pas permis de régler dans le délai d’un mois l’arriéré exigible en principal à la date de délivrance du commandement.
11 – Par des motifs pertinents qui ne sont pas utilement critiqués en cause d’appel et que la cour adopte, le premier juge a donc constaté à bon droit le jeu de la clause résolutoire, entraînant la résiliation de plein droit du bail à la date du 7 septembre 2017, et a fixé à juste titre le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 4529,23 euros TTC par mois.
12 – Il convient de déduire le montant des régularisations sur charges au titre de la taxe foncière, qui apparait sur certains décomptes intermédiaires mais non sur le décompte final au 30 novembre 2029 (pièce 63 bis), soit la somme de 848 euros ainsi que soutenu par la locataire en page 23 de ses conclusions, de sorte que le solde exigible ressort à 77 387,45 euros.
13 – A la date du 30 novembre 2019, la demande en paiement du bailleur est donc fondée, et sera retenue pour le montant sollicité, soit 76 702,73 euros.
14 – Le jugement sera en revanche rectifié sur le montant de la condamnation au titre de l’arriéré des loyers, charges et indemnités d’occupation exigibles au 30 novembre 2019, car il n’y a pas lieu de déduire la somme de 21 971,45 euros correspondant au montant de la provision à laquelle allouée par ordonnance du juge de la mise en état du 15 janvier 2019, ce paiement ayant déjà été intégré dans le décompte du bailleur, en crédit (somme effectivement payée le 4 février 2019).
Sur les autres demandes du bailleur :
15 – En application de l’article 1152 du code divil, sans sa rédation applicable au litige, il convient de modérer la clause pénale prévue au contrat, représentant 10 % des sommes dues (avec majoration de cinq points du taux de l’intérêt légal), qui apparaît manifestement excessive, et d’en fixer le montant conformément au dommage subi par le bailleur.
La SCI est fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice qui lui a été causé par les manquements de la société locataire à son obligation de payer les loyers et charges à la date convenue (indépendamment des intérêts de retard au taux légal), dès lors, que l’équilibre de sa trésorerie s’est trouvé perturbé par des versements partiels et irréguliers des loyers, ce qui a occasionné des retards de paiement dans les échéances de son prêt immobilier, ayant ensuite conduit à la déchéance du terme du prêt, avec obligation pour elle de solliciter en justice le bénéfice d’un délai de grâce afin d’échapper à une saisie immobilière, et de payer en outre des frais et commissions sur découverts bancaires.
En revanche, en l’absence de justificatif médical en ce sens, le lien de causalité n’est pas établi entre la carence de la société locataire et la pathologie présentée par Mme [N], co-titulaire de parts dans la SCI, ni dans le congé de longue durée qui s’en est suivi.
16- Modérant la clause pénale, la cour fixera donc à 5000 euros le montant du préjudice résultant du défaut de paiement des loyers et charges aux termes convenus.
La société locataire sera donc condamnée à payer cette somme à la SCI, le jugement étant infirmé de ce chef.
Le complément sollicité à titre de dommages-intérêts sera rejeté, faute de preuve d’un autre préjudice.
Sur les demandes reconventionnelles la société locataire :
16- La sociétéLe Bon sollicite la compensation entre les demandes du bailleur et sa créance de dommages-intérêts, évaluée à 55 343 euros, en faisant valoir qu’en s’abstenant de lui adresser des factures de loyers comportant la TVA, en violation des articles 271 et 289 du code général des impôts, le bailleur la privait de la possibilité de déduire cette TVA.
17- Toutefois, il ne peut y avoir de compensation judiciaire qu’entre créances certaines et réciproques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En effet, la sociétéLe Bon ne produit pas ses déclarations de TVA, et ne démontre pas avoir été taxé à ce titre par l’administration fiscale, ni subir un préjudice né et actuel à ce titre.
En toute hypothèse, dès lors qu’elle aura à payer les sommes correspondantes, et obtenu des quittances faisant apparaître la part de TVA, elle sera en mesure de prétendre à la déduction sollicitée.
18- La demande de dommages-intérêts au titre de la TVA a été rejetée à juste titre par le jugement, comme celle de compensation.
19- Il n’est nullement établi que le bailleur fait preuve d’un acharnement abusif lors de ses procédures en justice compte tenu du caractère incomplet et irrégulier dans le paiement des loyers et charges.
C’est à juste titre que le tribunal a rejeté ce chef de demande.
Sur la demande de délais de paiement :
20 – La société Le Bon, qui n’a effectué que des paiements irréguliers et incomplets à compter de décembre 2020, ce qui a conduit à une augmentation importante de la créance de la SCI (plus de 120 000 euros en février 2021), ne justifie nullement devant la cour de la capacité qu’elle aurait d’apurer cet arriéré en deux années.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de délai.
Sur les demandes accessoires :
21- Il est équitable d’allouer à la SCI une indemnité de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Échouant en son appel, la sociétéLe Bon supportera les dépens ainsi que ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a :
– dit qu’il conviendra de déduire, le cas échéant, le montant de la provision de 21’971,45 euros, à laquelle a été condamnée la sociétéLe Bon par ordonnance du juge de la mise en état du 15 janvier 2019,
– rejeté la demande de dommages-intérêts de la SCI [Adresse 2]
Statuant à nouveau de ces chefs,
– Dit n’y avoir lieu de déduire le montant de la provision de 21’971,45 euros, allouée par ordonnance du juge de la mise en état du 15 janvier 2019, de la condamnation principale à paiement de la somme de 76’702,73 euros TTC, au titre des loyers, indemnités d’occupations à la date du 30 novembre 2019,
-Condamne la sociétéLe Bon à payer la somme de 5000 euros au titre de la clause pénale, après modération,
Y ajoutant,
Condamne la sociétéLe Bon à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Rejette les autres demandes,
Condamne la sociétéLe Bon aux dépens, incluant le coût du commandement de payer et ceux des frais d’exécution de l’arrêt, et autorise la SCP Puybaraud, avocat, à recouvrer ceux dont elle aurait fait l’avance sans recevoir provision.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.