LC/LL
[Y] [L]
C/
SA CA CONSUMER FINANCE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
N° RG 21/00662 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWKV
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 11 mars 2021,
rendue par le tribunal de proximité de Beaune – RG : 11-19/136
APPELANTE :
Madame [Y] [L]
née le [Date naissance 4] 1944 au PORTUGAL
domiciliée :
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 7]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003430 du 04/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Juliette MESNARD-ROUAUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 78
INTIMÉS :
SA CA CONSUMER FINANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127
assistée de Me Renaud ROCHE, avocat au barreau de LYON
Monsieur [F] [I]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 9] (21)
domicilié :
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Charlotte BENEDETTI, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 11
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par contrat signé le 21 mars 2018, la société Viaxel a consenti à M. [I] et Mme [L] un prêt d’un montant de 12 423,76 euros remboursable en 60 mensualités de 234,31 euros, hors assurance, avec intérêts au taux de 4,79% l’an, destiné à l’acquisition d’un véhicule Renault Clio 1.2 16v 75.
A la suite d’impayés, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme du contrat de prêt à la date du 3 janvier 2019.
Par actes d’huissier des 7 et 12 juin 2019, la société CA Consumer Finance, venant aux droits de la société Viaxel, a attrait M. [F] [I] et Mme [Y] [L] devant le tribunal de proximité de Beaune, aux fins de les voir condamner à lui payer le solde du prêt et obtenir la restitution du véhicule.
Dans l’intervalle, chacun des co-emprunteurs a bénéficié d’un plan de surendettement.
Un plan conventionnel a été élaboré en faveur de M. [I]. Approuvé par la commission de surendettement des particuliers de la Côte-d’Or le 8 octobre 2019, il est entré en application en date du 30 novembre 2019, retenant une créance de 11 166,96 euros du chef de ce crédit et prévoyant l’apurement total de cette dette sur 97 mois.
Par jugement du 11 mars 2021, le juge des contentieux de la protection de Beaune a :
– constaté la déchéance du terme du prêt à la date du 3 janvier 2019,
– condamné solidairement M. [I] et Mme [L] à payer, en deniers et quittances, à la société CA Consumer Finance la somme de 12 018,43 euros, assortie d’intérêts au taux conventionnel de 4.79 % dus à compter du 9 janvier 2019, date de la mise en demeure,
– condamné solidairement M. [I] et Mme [L] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 100 euros au titre de la clause pénale,
– dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital restant dû,
– ordonné la restitution du véhicule Renault Clio 1,2 16v 75 et dit que le prix de vente de ce véhicule devra venir en priorité réduire le capital dû susmentionné,
– débouté la société CA Consumer Finance de ses autres demandes,
– débouté M. [I] et Mme [L] de leurs demandes reconventionnelles,
– condamné solidairement M. [I] et Mme [L] aux dépens de l’instance,
– assorti sa décision de l’exécution provisoire.
Mme [Y] [L] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 14 mai 2021.
Au terme de ses conclusions d’appelante notifiées par voie électronique le 15 août 2021, Mme [Y] [L] demande à la cour de :
– la recevoir en son appel et l’y déclarant bien fondée.
En conséquence,
Avant dire droit,
– ordonner une médiation judiciaire confiée au centre de médiation de Côte d’Or pour inviter les parties à résoudre leur différend dans un cadre amiable dans un délai de 6 mois sinon, – Infirmer partiellement la décision entreprise et statuant à nouveau,
Au principal,
– dire que la déchéance du terme du contrat de prêt du 21 mars 2018 prononcée le 3 janvier 2019 par courrier de la société CA Consumer lui est inopposable.
– dire que la société CA Consumer est irrecevable en sa demande de condamnation judiciaire à son encontre solidairement avec M. [I] en paiement du solde du prêt contracté le 21 mars 2018,
– dire que le contrat sera poursuivi dans ses termes initiaux,
Subsidiairement, vu les articles ‘312-36 et 31-39″ du code de la consommation,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
– dire que la société CA Consumer devra produire un échéancier dépourvu des intérêts contractuels sur 60 mois outre assurance,
– débouter la société CA Consumer de sa demande de restitution de véhicule,
– débouter la société CA Consumer du surplus de ses demandes,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Au terme de ses conclusions d’intimée et d’appel incident notifiées par voie électronique le 15 novembre 2021, la SA Consumer Finance demande à la cour, au visa des articles L312-39 du code de la consommation et 1244-1 et 1224 du code civil, de :
– infirmer le jugement du tribunal de proximité de Beaune du 11 mars 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :
déclaré recevable l’action engagée par la société CA Consumer Finance,
constaté que la déchéance du terme du prêt a été prononcée le 3 janvier 2019,
ordonné la restitution par M. [F] [I] et Mme [Y] [L] à la société CA Consumer France du véhicule Renault Clio 1.2 16v 75 et dit que le prix de vente de ce véhicule devra venir en priorité réduire le capital dû susmentionné,
débouté M. [F] [I] et Mme [Y] [L] de leurs demandes reconventionnelles,
condamné solidairement M. [F] [I] et Mme [Y] [L] aux dépens de la présente instance.
Par conséquent statuant à nouveau et y ajoutant :
A titre principal,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme,
A titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles,
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. [F] [I] et Mme [Y] [L] à lui payer :
au titre du contrat du 6 mars 2018, la somme de 13 310,43 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 4,794 % à compter du 3 janvier 2019.
la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– débouter M. [F] [I] et Mme [Y] [L] de leurs demandes, fins et prétentions,
– ordonner la restitution du véhicule Renault Clio 1.2 16v 75 Limited 5p 04CV,
– condamner solidairement M. [F] [I] et Mme [Y] [L] aux entiers dépens de l’appel.
Au terme de ses conclusions d’intimée et d’appel incident notifiées par voie électronique le 15 novembre 2021, M. [F] [I] demande à la cour, au visa des articles L312-12 et L312-13 du code de la consommation, L312-16 du code de la consommation, L312-29 du code de la consommation, 1343-5 du Code civil, de :
– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Beaune en date du 11 mars 2021 en qu’il :
a déclaré recevable l’action engagée par la société CA Consumer Finance,
a constaté que la déchéance du terme du prêt a été prononcée la 3 janvier 2019,
l’a condamné solidairement avec Mme [Y] [L] à payer en deniers et quittances, à la société CA Consumer Finance la somme de 12.018,43 euros, qui sera assortie d’intérêts au taux conventionnel de 4.79 % dus à compter du 9 janvier 2019, date de la mise en demeure,
l’a condamné solidairement avec Mme [Y] [L] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 100 euros au titre de la clause pénale,
a dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital restant dû,
a ordonné la restitution du véhicule Renault Cio 1,2 16v 75 et dit que le prix de vente de ce véhicule devra venir en priorité réduire le capital dû susmentionné,
l’a débouté, ainsi que Mme [L], de leurs demandes reconventionnelles,
l’a condamné solidairement avec Mme [L] aux dépens de la présente instance,
a assorti la décision de l’exécution provisoire.
– dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en ses demandes,
En conséquence, y faisant droit et statuant à nouveau,
A titre principal,
– dire que la prétendue déchéance du terme du contrat de prêt prononcée le 3 janvier 2019 lui est inopposable,
– déclarer les demandes de la société CA Consumer Finance de condamnation solidaire de Mme [L] et lui même au paiement du solde du prêt, outre les intérêts contractuels au taux de 4,794 % et la clause pénale, irrecevables,
– déclarer la demande de la société CA Consumer Finance de restitution du véhicule irrecevable,
– dire que le contrat de prêt se poursuivra dans ses termes initiaux,
A titre subsidiaire,
– constater que la société CA Consumer Finance ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations d’information précontractuelle et de vérification de la solvabilité de l’emprunteur,
En conséquence,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société CA Consumer Finance,
– dire que la société CA Consumer Finance devra produire un nouvel échéancier dépourvu des intérêts contractuels,
A titre très subsidiaire,
– constater qu’il bénéficie d’un plan de surendettement définitif qui a suspendu les poursuites et l’a autorisé à échelonner le remboursement de sa dette sur 100 mois,
– lui accorder les plus larges délais de paiement, compte tenu de sa situation financière précaire,
– débouter la société CA Consumer Finance du surplus de ses demandes.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 décembre 2022.
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire, la cour observe que certaines des demandes tendant à voir ‘dire’, ‘dire et juger’ ou ‘constater’ ne constituent qu’un rappel de moyens ou d’arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces ‘demandes’.
1/ Sur la demande de médiation
L’article 131-1 du code de procédure civile prévoit que le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.
Le juge ne saurait en application de ces dispositions ordonner une mesure de médiation sans avoir au préalable recueilli l’accord des parties.
En l’espèce, la SA consumer reste taisante sur la proposition de médiation de Mme [L] tout en précisant qu’elle n’a pas donné son accord au moratoire accordé dans le cadre de la procédure de surendettement, s’agissant de mesures imposées, et qu’elle entend obtenir un titre afin de voir fixer sa créance.
En conséquence, la SA Consumer n’ayant pas manifesté son consentement à une telle mesure, il ne sera pas fait droit à la demande de médiation de l’appelante.
2/ Sur la déchéance du terme
Mme [L] reproche à la SAS Consumer Finance ne pas avoir avoir rempli son obligation légale imposée par l’article L312-36 du code de la consommation qui implique la preuve de l’envoi et de la réception de l’information du premier impayé et des risques encourus.
Elle conclut, pour ce motif, à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et à l’inopposabilité de la déchéance du terme à son égard.
De son côté, M. [I] soutient, pour conclure à l’irrecevabilité des demandes de l’organisme de crédit, que celui-ci ne peut se prévaloir de la déchéance du terme faute d’une mise en demeure préalable à son prononcé.
L’article L312-36 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er avril 2018, dispose que, dès le premier manquement de l’emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci des risques qu’il encourt au titre des articles L.312-39 et L. 312-40 (déchéance du terme avec remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés outre une clause pénale) ainsi que, le cas échéant, au titre de l’article L141-3 du code des assurances (exclusion du bénéfice du contrat d’assurance sous certaines conditions).
Pour autant, l’article L341-2 du code de la consommation ne sanctionne pas le non respect par le prêteur des dispositions de l’article L312-36 du code de la consommation par la déchéance du droit aux intérêts.
Par ailleurs, l’appelante ne peut valablement soutenir que faute d’avoir été informée du premier impayé, la déchéance du terme ne lui serait pas opposable alors que seule l’absence de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme peut avoir cet effet.
Selon l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
En effet, en l’absence de clause contractuelle de résolution du contrat comme en l’espèce, l’article 1226 du code civil, prévoit que « le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »
L’article 1229 du code civil précise que la résolution met fin au contrat. Elle prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
En l’espèce, la SA Consumer Finance produit deux lettres simples de mise en demeure datées du 22 novembre 2018 au nom de chacun des emprunteurs d’avoir à régler la somme de 725,98 euros au titre des retards de paiement concernant le contrat n°81057113836 dans un délai de quinze jours à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée.
Toutefois, alors qu’il appartient au créancier de démontrer qu’il a satisfait à son obligation, la production de ces seuls courriers, sans autre élément, ne saurait suffire à démontrer que ces derniers ont été envoyés à leurs destinataires.
En conséquence, faute de justifier d’une mise en demeure préalable, la société Consumer Finance n’est pas fondée à se prévaloir de la déchéance du terme au 3 janvier 2019 de sorte que le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a constaté que la déchéance du terme avait été prononcée le 3 janvier 2019.
En revanche, comme relevé par le premier juge, il n’est pas contesté que M. [I] et Mme [L] ont manqué à leur obligation de régler les échéances du prêt dès le 25 août 2018 sans régularisation depuis, malgré une mise en demeure cette fois envoyée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 3 janvier 2019 à chacun des emprunteurs.
Mme [L] ne saurait reprocher à la SA Consumer de lui avoir adressé ce courrier au domicile de M. [I] alors que seul l’adresse de ce dernier figure au contrat. En outre, le récépissé de la lettre recommandée comporte une signature différente de celle de M. [I] et plus approchante de celle de l’appelante.
En tout état de cause, aucune régularisation n’est intervenue postérieurement à l’assignation délivrée aux emprunteurs par actes des 7 et 12 juin 2019, l’acte ayant été remis en mains propres à Mme [L].
En conséquence, au regard des manquements graves et répétés des emprunteurs défaillants dans le remboursement du crédit et la mise en demeure étant antérieure aux plans de redressement établis par la commission de surendettement pour les deux emprunteurs, il convient de prononcer la déchéance du terme à compter de l’acte d’assignation, en application de l’article 1229 du code civil.
3/ Sur la déchéance du droit aux intérêts
M. [I] soutient que la SAS Consumer Finance ne justifie pas de la remise d’une fiche d’informations précontractuelles et d’une notice d’assurance.
Au terme de l’article L312-12 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er avril 2018, « préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l’article L. 312-5.
Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d’un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d’informations mentionnée au premier alinéa lui soit remise sur le lieu de vente.
Lorsque le prêteur offre à l’emprunteur ou exige de lui la souscription d’une assurance, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit informe l’emprunteur du coût de l’assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l’article L312-7.»
Le prêteur qui ne respecte pas les dispositions qui précèdent est déchu du droit aux intérêts en application des dispositions des articles L341-2 et suivants du code de la consommation.
Selon un arrêt de la 4ème chambre de la CJUE rendu le 18 décembre 2014 dans l’affaire C-449/13, CA Consumer Finance SA c. Ingrid Bakkaus et autres, les dispositions de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 «d’une part, s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 et 8 de la directive 2008/48 repose sur le consommateur et d’autre part, s’opposent à ce que, en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. » La CJUE a précisé que «la clause type en question constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents. »
Dans un arrêt rendu le 21 octobre 2020 n°19-18971, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
En l’espèce, la SA Consumer Finance, qui reste taisante sur ce grief, ne produit pas la Fipen qu’elle aurait remise aux emprunteurs.
Si la signature de l’offre de crédit, laquelle comporte une mention type relative à la reconnaissance de la remise de ces documents, constitue un indice de ce que l’organisme de crédit a honoré ses obligations, il n’est toutefois pas suffisant pour l’établir.
Faute d’apporter des éléments complémentaires, et sans qu’il soit nécessaire de vérifier les autres griefs, la SA Consumer est déchue de son droit aux intérêts contractuels de sorte que le jugement est infirmé sur ce point.
4/ Sur le montant de la créance
Aux termes de l’article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées, soit 12 423,76 euros, la totalité des sommes payées, soit 702,65 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point et il convient de condamner conjointement et non solidairement, en l’absence de stipulations contractuelles en ce sens, M. [I] et Mme [L] à payer à la société Consumer Finance la somme de 11 721,11 euros.
La limitation légale de la créance du prêteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L.312-39 du code de la consommation de sorte que le jugement déféré est infirmé également sur ce point.
5/ Sur les intérêts au taux légal et la majoration des intérêts au taux légal
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).
En l’espèce, le crédit affecté a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 4,794 %. Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel.
Il convient de prévoir que la créance du prêteur portera intérêts au taux légal à compter de l’acte d’assignation mais d’écarter la majoration des intérêts au taux légal prévue à l’article L313-3 du code monétaire et financier.
6/ Sur les délais de paiement
Le premier juge a, par de justes motifs qu’il convient de s’approprier, débouté les intéressés de leur demande de délais de paiement dès lors qu’ils bénéficient chacun d’un plan conventionnel de redressement leur permettant d’apurer leur dette dans des délais bien plus longs que ceux dont ils pourraient bénéficier en application de l’article 1343-5 du code civil. Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé sur ce point.
En revanche alors que les délais de paiement n’étaient pas accordés, le premier juge ne pouvait décider que les paiements s’imputeraient en priorité sur le capital restant dû de sorte que sa décision doit être infirmée sur ce point.
7/ Sur la restitution du véhicule
Les conditions particulières du contrat de crédit prévoient une clause de réserve de propriété, le vendeur subrogeant le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur.
La SA Consumer Finance a accepté l’établissement d’un plan conventionnel de surendettement en faveur de M. [I], ne subordonnant pas la restitution du véhicule et l’imputation de sa valeur sur la dette de M. [I] afin d’en reduire le montant, une telle mesure n’ayant pas été considérée comme nécessaire pour traiter la situation de surendettement de M. [I].
En conséquence, dans la mesure où il n’est même pas allégué que le plan n’est pas respecté ou est caduc, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la restitution du véhicule, objet du financement.
8/ Sur les autres demandes
Le jugement déféré est confirmé sur les frais irrépétibles non compris dans les dépens mais réformé ce qu’il a condamné les débiteurs solidairement aux dépens.
M. [I] et Mme [L], parties succombantes, sont condamnés conjointement aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, Mme [L] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.
Des considérations d’ordre économique conduisent à débouter la SA Consumer Finance de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
– débouté M. [I] et Mme [L] de leur demande de délais de paiement,
– débouté la SA Consumer Finance de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Prononce la déchéance du terme du prêt au 12 juin 2019,
Dit que la SA Consumer Finance est déchue de son droit aux intérêts contractuels,
Condamne conjointement M. [F] [I] et Mme [Y] [L] à payer à la SA Consumer Finance la somme de 11 721,11 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter de l’assignation du 12 juin 2019,
Dit que toutes les sommes payées par M. [I] en exécution du plan conventionnel de surendettement du 8 octobre 2019 s’imputent sur la somme due,
Rappelle que les procédures d’exécution sont suspendues pendant l’exécution du voire des plans de surendettement élaborés en faveur de M. [I] et Mme [L],
Condamne conjointement M. [F] [I] et Mme [Y] [L] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
Déboute la SA Consumer Finance de toutes ses plus amples demandes, y compris celle tendant à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel
Le Greffier, Le Président,