Clause pénale : 6 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04224

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Clause pénale : 6 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04224

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 06 AVRIL 2023

F N° RG 19/04224 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFBE

Madame [V] [E]

c/

Madame [X] [S]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 janvier 2019 (R.G. 16/01430) par le Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 24 juillet 2019

APPELANTE :

[V] [E]

née le 28 Septembre 1965 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[X] [S]

née le 15 Décembre 1957 à [Localité 3]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Sébastien MOTARD de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT

Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [V] [E] s’est portée acquéreure, suivant un compromis de vente des 27 octobre et 06 novembre 2014, d’un immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 6] appartenant à Madame [X] [S] pour un prix de 92 800 euros.

D’après le diagnostic effectué le 16 juillet 2014 par le service public d’assainissement joint au compromis de vente, l’installation d’assainissement non collectif était incomplète et présentait un défaut de sécurité sanitaire.

Mme [S] a remis à Mme [E] un devis de travaux nécessaires pour y remédier établi par M. [B] d’un montant de 9 768 euros.

Autorisée par Mme [S] à s’installer dans l’immeuble dès le 20 décembre 2014, Mme [E] a informé son notaire, Me [O], le 13 janvier 2015 ne plus souhaiter faire l’acquisition de ce bien en raison des difficultés rencontrées dans l’exécution des travaux de mise en conformité de l’assainissement risquant selon elle de fragiliser l’immeuble ainsi que de la présence d’humidité dans celui-ci. Elle a quitté les lieux le 19 janvier.

Le 09 avril 2015, il a été fait sommation à Mme [S] de se présenter en l’étude du notaire le 16 avril suivant pour procéder à la signature de l’acte de vente.

Le 16 avril 2015, maître [O] a dressé un procès-verbal de difficultés en présence du notaire de Mme [S] dans la mesure où Mme [E] a justifié son refus de signer l’acte par l’existence d’une réticence dolosive dont se serait rendue coupable Mme [S], soutenant que son consentement a dès lors été vicié.

Par acte du 25 avril 2016, Mme [S] a assigné Mme [E] devant le tribunal de grande instance d’Angoulême afin d’obtenir sa condamnation au versement de la somme de 9 280 euros en application de la clause pénale insérée au compromis de vente.

Le jugement rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de grande instance d’Angoulême :

– a débouté Mme [E] de ses demandes,

– a condamné Mme [E] à verser à Mme [S] les sommes de :

– 9 280 euros au titre de la clause pénale ;

– 1 023,42 euros en remboursement de ses frais ;

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné Mme [E] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Mme [E] a relevé appel de cette décision le 24 juillet 2019.

Par ordonnance du 30 octobre 2019, le premier président de la cour d’appel de Bordeaux a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par Mme [E] et l’a condamnée au paiement des dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 août 2020, Mme [E] réclame l’infirmation du jugement de première instance et demande à la cour sur le fondement des articles 1116 ancien et 1152 ancien du code civil :

à titre principal :

– de débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– de prononcer l’annulation du compromis de vente des 27 octobre et 6 novembre 2014,

à titre subsidiaire :

– de constater le caractère manifestement excessif de la clause pénale visée dans le compromis de vente des 27 octobre et 6 novembre 2014,

– de fixer par conséquent la clause pénale à la somme symbolique d’un euro,

en tout état de cause :

– de condamner Mme [S] au paiement :

– de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– d’une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– des entiers dépens.

Suivant ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 08 décembre 2020, Mme [S] demande à la cour, au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, et 564 du code de procédure civile, de

– dire et juger Mme [E] recevable mais mal fondée en son appel,

– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

– débouter l’appelante de sa demande nouvelle en diminution du montant de la clause pénale,

– condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi que des entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

MOTIVATION

Aucune des parties ne remet en cause le respect du principe du contradictoire.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [S]

Sur l’annulation du compromis de vente

Aux termes de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, le dol est une nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aura pas contracté. Le dol ne se présume point et doit être prouvé.

Aux termes de l’article 1134, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

A la suite du refus de Mme [E] de signer l’acte authentique de vente de son bien immobilier, Mme [S] a réclamé et obtenu devant le premier juge le versement par celle-ci du montant de la clause pénale insérée à la promesse de vente ainsi que diverses indemnités.

L’appelante s’oppose au paiement de ces sommes en réclamant l’annulation du compromis des 27 octobre et 06 novembre 2014. Elle soutient avoir été victime d’un dol ayant vicié son consentement. Si elle reconnaît que les parties avaient annexé audit compromis un diagnostic en date du 16 juillet 2014 faisant état du caractère incomplet de l’installation d’assainissement et du défaut de sécurité sanitaire, elle affirme que les travaux devant remédier à cette situation étaient en réalité irréalisables comme l’attestent deux entrepreneurs ainsi que l’étude de filière réalisée par la société Impact Environnement, ajoutant que ce dernier document ne lui a été communiquée par la venderesse que postérieurement à la date de signature de l’acte.

L’étude de la société Impact Environnement indique que l’habitation était, à la date du contrôle, équipée d’une fosse étanche pour les eaux vannes et d’aucun traitement pour les eaux ménagères puisque celles-ci étaient rejetées dans le caniveau. I1 y était précisé que ‘cette réhabilitation sera réalisée par 1’acquéreur à qui sera fournie la présente étude.’

Mme [S] ne conteste pas avoir omis de remettre à Mme [E] le document établi par cette société lors de la signature du compromis et ne s’explique pas sur les raisons de sa carence.

Pour autant, l’absence de remise à l’appelante de l’étude précitée ne peut constituer une réticence dolosive car il apparaît qu’elle disposait, à la date de signature du compromis, d’une information pleine et entière sur la situation réelle du système d’assainissement dans la mesure où l’acte stipule en pages 6 et 7 :

– que le vendeur déclare que l’immeuble vendu est desservi par le réseau d’assainissement mais n’est pas raccordé à ce dernier ;

– qu’un diagnostic de cette installation (d’assainissement), annexé au compromis, a été effectué le 16 juillet 2014 par le SPANC. Ce diagnostic révèle que l’installation est incomplète et présente un défaut de sécurité sanitaire,

– que l’acquéreur reconnaît en avoir pris connaissance et déclare faire son affaire personnelle de son contenu, étant informé qu’en cas de non conformité de l’installation lors de la signature de l’acte authentique de vente, il devra procéder aux travaux de mise

en conformité dans le délai d’un an après l’acte de vente.

Mme [E] soutient également que Mme [S] était parfaitement informée que les travaux permettant de rendre conforme le système d’assainissement étaient techniquement irréalisables en raison du risque d’effondrement du garage lors de leur exécution. Elle fournit à l’appui de son affirmation deux écrits établis par M. [B] et le gérant de la S.A.R.L. Fort Bâtiment.

Il doit être tout d’abord observé que ces deux documents ont été rédigés postérieurement aux dates de signature du compromis de sorte qu’il n’est pas possible de reprocher à la venderesse d’avoir omis d’en informer l’acquéreur de leur contenu.

Il sera ensuite relevé que les informations qu’ils contiennent ne se sont pas révélées exactes dans la mesure où Mme [S] justifie, comme le souligne très justement le premier juge, avoir entrepris les travaux, d’ailleurs réalisés par M. [B], permettant de rendre conforme le système d’assainissement comme le démontre l’attestation établie par le SIAEPA le 19 février 2016 qui a été ratifiée par le Maire de la commune le 1er mars suivant.

Mme [E] n’établit pas dès lors l’existence d’un vice du consentement.

L’appelante réclame également la nullité de l’acte notarié en considérant que la venderesse lui a volontairement caché la présence d’une très forte humidité au sein de l’immeuble. Elle produit à l’appui de son affirmation un courrier du Maire de la commune adressé à Mme [S] au cours de l’année 2003.

Cependant, l’intimée justifie avoir entrepris d’importants travaux d’isolation, notamment en 2007 (facture Landes) et 2012 (facture de la société Agencement Intérieur) permettant de remédier au problème décrit dans la correspondance précitée. Cette situation est confirmée par l’attestation rédigée par le nouvel occupant de l’immeuble qui souligne l’absence de toute problème d’humidité.

Aucun autre élément produit par Mme [E] ne vient démontrer la présence d’une importante humidité de sorte que ce grief n’est pas établi.

En conséquence, le consentement de Mme [E] n’a pas été vicié de sorte que le rejet de la demande d’annulation de l’acte de vente conditionnelle prononcé par le jugement attaqué sera confirmé.

Sur la clause pénale

En vertu des dispositions de l’article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En cause d’appel, Mme [E] sollicite pour la première fois une diminution du montant de la clause pénale dans l’hypothèse d’un rejet de sa demande d’annulation du compromis de vente.

En page 17 de ses dernières écritures, Mme [S] soulève l’irrecevabilité de cette prétention.

Il doit être cependant constaté que la cour n’est pas saisie d’une fin de non-recevoir sur ce point car l’intimée réclame uniquement dans le dispositif de ses dernières écritures le rejet au fond de cette demande.

Le montant de la clause pénale insérée en page 16 du compromis a été fixé à 10% du prix de vente. Ce montant n’apparaît pas disproportionné et conforme aux usages en vigueur dans le domaine de la vente immobilière.

L’appelante sollicite également sa diminution compte-tenu de son caractère excessif.

Cependant, si sa situation professionnelle est actuellement incertaine, il doit être constaté qu’elle dispose de réserves financières dont elle ne fait pas état dans ses dernières écritures, l’ordonnance du 03 octobre 2019 ayant rejeté sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire mentionnant que celle-ci avait déclaré disposer d’un apport personnel d’un montant de 89 400 euros.

Le fait que Mme [S] ait réussi à procéder à la vente de son bien immobilier à la fin de l’année 2015, à un prix inférieur à celui figurant dans le compromis, ne démontre pas pour autant le caractère excessif du montant de la clause pénale.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement de première instance ayant condamné Mme [E] au paiement à la venderesse de la somme de 9 280 euros.

Sur les frais

Le premier juge a condamné Mme [E] au versement à Mme [S] d’une indemnité d’occupation pour la période comprise entre le 20 décembre 2014 et le 19 janvier 2015.

Il convient de constater que Mme [E] sollicite en cause d’appel le rejet de l’intégralité des demandes financières formées à son encontre mais ne présente aucun moyen venant contester les motifs clairs et pertinents du premier juge qui a mis à sa charge la somme de 1 023,42 euros à ce titre.

Il en est de même pour ce qui concerne sa condamnation au paiement des sommes de 30,24 euros (ouverture d’un compteur électrique), 71,62 euros (coût de la sommation de comparaître devant notaire) et de 471,56 euros (frais d’acte d’établissement du procès-verbal de difficultés).

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts

Chaque partie réclame à l’autre le versement de dommages et intérêts.

Ne justifiant d’aucun préjudice indemnisable en raison du rejet de l’intégralité de ses prétentions, Mme [E] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Mme [S] réclame la condamnation de l’appelante au paiement de la somme de 3 000 euros en soutenant que celle-ci s’est comportée d’une manière identique lors d’une autre opération immobilière, lui reprochant d’être de nouveau à l’origine de l’échec d’une vente d’un bien.

Outre le fait que le préjudice doit être personnellement subi par la partie qui en invoque l’existence, il sera répondu que l’intimée a revendu moins d’un an après sa maison d’habitation et a d’ores et déjà été indemnisée du préjudice tiré du refus de vente de Mme [E] et de l’occupation de son immeuble par le biais de la clause pénale.

Ne justifiant d’aucun préjudice, elle sera déboutée de sa demande d’octroi d’une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Outre la somme mise à la charge de Mme [E] en première instance, il y a lieu en cause d’appel de la condamner au versement à Mme [S] d’une indemnité complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de grande instance d’Angoulême ;

Y ajoutant ;

– Condamne Mme [V] [E] à verser à Mme [X] [S] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

– Condamne Mme [V] [E] au paiement des dépens d’appel.

La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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