COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/03/2023
Me Sofia VIGNEUX
ARRÊT du : 30 MARS 2023
N° : – 23
N° RG 21/03201 –
N° Portalis DBVN-V-B7F-GPRO
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ORLEANS en date du 04 Mars 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265276207915737
S.A. VOLKSWAGEN BANK GMBH L
Agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Sofia VIGNEUX, membre de la SCP THOMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
D’UNE PART
INTIMÉS :
– Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-
Monsieur [B] [D]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Défaillant
Madame [V] [D]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Défaillante
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 17 Décembre 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 26 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 02 FEVRIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 30 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant offre préalable acceptée le 15 avril 2016, la société Volkswagen Bank GMBH a consenti à M. [B] [D] et Mme [V] [D] un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule neuf de marque Audi, d’une valeur de 28 000 euros.
Le contrat prévoyait le paiement d’un premier loyer de 500,88 euros, suivi de 47 loyers mensuels de 398,56 euros, puis un prix d’achat final, au terme de la location, de 13 827,40 euros.
Des loyers étant restés impayés à compter du mois de juillet 2019, la société Volkswagen Bank GMBH a vainement mis en demeure Mme [D] de régulariser la situation par courrier recommandé du 21 janvier 2020, présenté le 22 janvier suivant, puis a provoqué la déchéance du terme le 6 février 2020.
Après avoir mis en demeure chacun de M. et Mme [D], par courriers du 6 février 2020 adressés sous plis recommandés réceptionnés le 7 février suivant, de lui régler la somme de 17 588,62 euros et de lui restituer le véhicule, la société Volkswagen Bank GMBH a fait assigner M. et Mme [D] en paiement devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Orléans par acte du 7 août 2020.
Par jugement du 4 mars 2021, en retenant qu’en application des articles L. 312-16 et L. 341-9 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010, la société de crédit devait être déchue en totalité du droit aux intérêts contractuels pour avoir communiqué un document de consultation du FICP peu lisible et ne contenant pas le code certificat BDF, ne justifiant pas d’une consultation régulière du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, en en déduisant que la créance de la société de crédit devait être ramenée au prix d’achat du véhicule diminué des versements effectués et du prix de revente, puis en constatant que le montant déjà perçu par le bailleur excédait sa créance exempte des intérêts, le tribunal a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SARL Volkswagen Bank GMBH au titre du contrat de crédit du 15 avril 2016,
– constaté que le total des versements intervenus est supérieur au prix d’achat du véhicule,
– débouté la SARL Volkswagen Bank GMBH de l’ensemble de ses prétentions,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire,
– laissé les dépens à la charge de la SARL Volkswagen Bank GMBH.
La SA Volkswagen Bank GMBH a relevé appel de cette décision par déclaration du 17 décembre 2021, en critiquant expressément toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions remises le 7 mars 2022 au greffe par voie électronique, signifiées les 14 et 17 mars suivants à chacun de M. et Mme [D], la SA Volkswagen Bank GMBH demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1221 du code civil, L 311-1 et suivants du « code civil », L. 333-4 ancien et suivants du code de la consommation, de :
– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la SARL Volkswagen Bank,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Orléans en date du 4 mars 2021 en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts au profit de la Société Volkswagen et ainsi limité la créance de la Société Volkswagen,
Statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [B] [D] et Mme [V] [D] à payer à la société Volkswagen la somme totale de 8 462, 08 euros pour les causes sus-énoncées, avec intérêts de retard au taux contractuel de 18 % sur les échéances impayées et le capital restant dû, du 21 avril 2021, date du décompte produit, jusqu’à parfait paiement,
– condamner solidairement M. [B] [D] et Mme [V] [D] à porter et payer à la SARL Volkswagen Bank la somme de 1 100€ par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [B] [D] et Mme [V] [D] en tous les dépens.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2023, pour l’affaire être plaidée le 2 février suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. et Mme [D], assignés en l’étude de l’huissier instrumentaire, aient constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS :
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur la demande en paiement du prêteur :
L’article L. 311-2 du code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable à la cause, telle qu’issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, assimile à son alinéa 2 la location avec option d’achat à une opération de crédit.
Il en résulte que par application du deuxième alinéa de l’article L. 311-48 du même code, le loueur qui est assimilé au prêteur est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, lorsqu’il n’a pas vérifié ou ne justifie pas avoir vérifié la solvabilité du preneur à partir d’un nombre suffisant d’informations, ou lorsqu’il n’a pas consulté ou ne justifie pas avoir consulté le fichier des incidents de paiement caractérisés prévu à l’article L. 333-4 (FICP) dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, comme le lui impose l’article L. 311-9.
L’alinéa 2 de l’article L. 333-5 devenu l’article L. 751-6 du code de la consommation indique qu’un arrêté du ministre chargé de l’économie, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du comité consultatif du secteur financier, détermine les modalités selon lesquelles les établissements et organismes mentionnés au deuxième alinéa du I de l’article L. 333-4 devenu l’alinéa premier de l’article L. 751-2 peuvent justifier qu’ils ont consulté le fichier, notamment en application de l’article L. 311-9 devenu l’article L. 312-16.
L’article 13, I, de l’arrêté du 26 octobre 2010 auquel renvoient les articles précités, intitulé « modalités de justification des consultations et conservation des données », énonce que, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes [de crédit] doivent, dans les cas de consultation obligatoire, conserver des preuves de la consultation du fichier sur un support durable, qu’ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation des éléments de preuve de ces consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées, puis précise que constitue un support durable tout instrument permettant aux établissement et organismes concernés de stocker les informations constitutives de ces preuves, d’une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l’identique.
Depuis le 20 février 2020, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 février 2020 portant modification de l’arrêté du 26 octobre 2010, il est expressément prévu que les éléments de preuve sont apportés conformément au modèle figurant en annexe dudit arrêté et sont à restituer sur papier d’affaire reprenant les mentions obligatoires prévues aux articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce.
Antérieurement à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 février 2020 l’ayant modifié, l’article 13 ne prévoyait aucun modèle formalisé, de sorte que les organismes de crédit étaient seulement tenus de conserver la preuve de la consultation du fichier sur un support durable.
Si aucun texte n’imposait, avant l’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 février 2020 et le modèle fourni en annexe de l’article 7 dudit arrêté, que le justificatif de consultation fourni par l’établissement de crédit contienne l’indication de la clé BDF utilisée, ni le code certificat BDF attestant que le résultat a bien été produit par la Banque de France, les documents que l’appelante produit en pièces 5 et 15 n’établissent cependant pas que celle-ci aurait satisfait à ses obligations.
La pièce 5, intitulée au bordereau de communication de pièces « recherches FICP », ne contient aucune autre indication lisible que le nom d’un progiciel.
Quant à la pièce 15, que la société Volkswagen Bank présente dans ses écritures comme le justificatif de la consultation du FICP, elle porte sur les « cotations » de M. et Mme [D], ne contient aucune indication qui puisse être comprise comme le résultat d’une consultation du FICP, ni aucune référence, tel un numéro de dossier, qui permette de rattacher ce document à l’instruction du dossier de crédit des intimés, mais au contraire une date de « début de validité » (3 novembre 2021) qui est postérieure à la date d’octroi du financement litigieux.
Il n’est donc pas établi que, conformément aux prescriptions de l’article L. 311-9, l’appelante a interrogé le ficher prévu à l’article L. 333-4 ancien du code de la consommation avant de conclure le contrat de crédit, et ainsi satisfait à son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs en préalable à l’octroi du prêt.
Quoi qu’il ait effectivement commis une erreur sur la loi applicable au contrat de prêt litigieux, il apparaît que par application de l’ancien article L. 311-48, alinéa 2, du code de la consommation, devenu l’article L. 341-2 du même code, qui prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées par l’article L. 311-9 devenu l’article L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, le premier juge a néanmoins décidé à raison, au regard de la gravité du manquement du prêteur à son devoir de vigilance en préalable à l’octroi du prêt, que la société Volkswagen Bank devait être déchue en totalité du droit aux intérêts.
L’article L. 311-48 ancien du code de la consommation prévoit que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu, puis précise que les sommes perçues au titre des intérêts sont imputées sur le capital restant dû lorsque, comme en l’espèce, elles ne sont pas restituées.
En application de ces principes, étant rappelé que les dispositions de l’article L. 311-48 précité interdisent au prêteur de prétendre au paiement de l’indemnité prévue à titre de clause pénale en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement du crédit, la créance de la société Vokswagen Bank doit être arrêtée en déduisant du prix au comptant du véhicule (28 000 euros), son prix de revente (12 200) et, non pas l’intégralité des sommes versées par M. et Mme [D], comme l’a retenu le premier juge, mais seulement les sommes versées déduction faite de celles réglées, en sus des loyers, en contrepartie des options de services souscrites par les locataires (entretien périodique du véhicule et véhicule de remplacement).
Au vu de l’historique du compte, même à ramener les règlements à déduire à un total de seulement 15 941,17 euros, la société Vokswagen Bank ne peut se prévaloir d’aucune créance à l’encontre des intimés (28 000 – 12 200 – 15 941,17 = -141,17).
Par confirmation du jugement entrepris, l’appelante sera donc déboutée de l’intégralité de sa demande en paiement.
Sur les demandes accessoires :
La société Volkswagen Bank, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de la société Volkswagen Bank GMBH formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Volkswagen Bank GMBH aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT