Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00833

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Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00833

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/03/2023

la SCP LAVAL – FIRKOWSKI

La SELARL GILLET

ARRÊT du : 30 MARS 2023

N° : – 23

N° RG 21/00833

N° Portalis DBVN-V-B7F-GKL3

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 17 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271160585630

Monsieur [V] [J]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Claire ALLAIN, avocat au barreau de TOURS

S.E.L.A.R.L. MJ CORP

Prise en la personne de Monsieur [I], ès qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [J] par jugement du Tribunal de Commerce de TOURS

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Claire ALLAIN, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271160585630

S.A.S. OBJECTIF CONSTRUCTION 27

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 7]

Ayant pour avocat postulant Me Jean-yves GILLET, membre de la SELARL GILLET, avocat au barreau de TOURS et pour avocat plaidant Me Christian CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 22 Mars 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 01 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 19 JANVIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 30 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

 

La SAS Objectif Construction 27 est une société holding de financement participatif ayant pour activité la détention de titres et valeurs mobilières ou immobilières en France et à l’étranger.

La SARL Foncière 4, dont le siège social se trouve à Tours et qui a pour gérant M. [A] [H], exerce l’activité de marchand de biens. Son capital était initialement réparti entre la SARL AB Patrimoine (60 %) dont le gérant est M. [V] [J], Mme [C] [D] épouse [F] (30 %) et la société Flo Immo (10%).

En sa qualité d’investisseur, la SAS Objectif Construction 27 a financé un programme immobilier promu par la société Foncière 4 via un pacte d’associés, selon les deux moyens suivants : une prise de participation dans le capital de cette société et une avance en compte courant d’associé.

Ainsi par acte sous seing privé du 13 mai 2016, la société Flo Immo a cédé à la société Objectif Construction 27 les parts sociales qu’elle détenait dans le capital de la société Foncière 4.

Le 26 mai 2016, la société Objectif Construction 27 a conclu avec la société Foncière 4 une convention de compte courant d’associé et s’est engagée à mettre à la disposition de cette dernière sous forme d’une avance en compte courant la somme de 450 000 euros. Il est stipulé que cette avance est remboursable à l’issue d’un délai de douze mois susceptible d’être reporté de 6 mois sur accord et ouvrant droit à rémunération sur la base du taux maximum pouvant être déduit au titre des intérêts des comptes courants d’associés, payable in fine.

Le 26 mai 2016, un pacte d’associés « valant protocole d’investissement  entre les parties » a été conclu entre la société AB Patrimoine et Mme [D], dénommés les fondateurs d’une part, et la société Objectif Construction 27, dénommée l’investisseur d’autre part, en présence de la société Foncière 4. Aux termes des articles 2 et 5.3 de cet acte, la société AB Patrimoine, Mme [C] [D] et la société Foncière 4 se sont engagées à rémunérer l’avance en compte courant réalisée par la société Objectif Construction au taux annuel de 19 %, soit une rémunération fixée à 85 500 euros pour une mise à disposition des fonds pendant douze mois à ajuster en fonction du terme convenu, et à rembourser l’avance en compte courant le 1er décembre 2017 au plus tard.

Par acte sous seing privé du 26 mai 2016, Mme [C] [D], la société AB Patrimoine, M. [A] [H] et M. [V] [J] ont souscrit une garantie à première demande non bancaire au profit de la société Objectif Construction 27 d’un montant maximum de 578 250 euros, hors intérêts, frais et accessoires.

La société Objectif Construction 27 a mis à disposition de la société Foncière 4 la somme convenue de 450 000 euros par virement du 31 mai 2016 à hauteur de 250 000 euros et par virement du 16 juin 2016 à hauteur de 200 000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mars 2018, la société Objectif Construction 27 a mis en demeure la société Foncière 4 de lui payer la somme de 648 354,79 euros correspondant à :

– 450 000 euros au titre du remboursement du solde de l’avance en compte courant d’associé,

– 150 854,79 euros au titre des intérêts exigibles en exécution de la convention de compte courant d’associé,

– 47 500 euros au titre des pénalités.

Faute de règlement par la société Foncière 4, la société Objectif Construction 27 a adressé à M. [V] [J], par courrier du 8 juin 2018, une mise en demeure de lui payer la somme de 578250 euros, sous sept jours calendaires à compter de la réception de la demande, en exécution de la garantie à première demande.

Par acte du 14 août 2018, la société Objectif Construction 27 a fait assigner en référé provision la société Foncière 4, la société AB Patrimoine, Mme [C] [D], M. [A] [H] et M. [V] [J].

Par ordonnance du 4 octobre 2018, le président du tribunal de commerce de Paris s’est déclaré compétent à l’égard des sociétés pour connaître du litige eu égard à la clause attributive de compétence, a condamné solidairement la société Foncière 4 et la société AB Patrimoine à payer à la société Objectif Construction 27 à titre de provision la somme de 450 000 euros au titre du capital restant dû en compte courant d’associés et celle de 200 515 euros au titre de la rémunération telle que définie dans le pacte d’associés du 26 mai 2016. S’agissant des demandes formées à l’encontre des personnes physiques, le juge des référés a considéré qu’il existait un débat sur la validité de la clause attributive de compétence contenue dans l’acte de garantie et renvoyé la demanderesse à mieux se pourvoir au fond devant le tribunal compétent.

La société AB Patrimoine a été placée en redressement judiciaire le 14 mai 2019 puis en liquidation judiciaire le 28 mai 2019, la SELARL MJ Corp en la personne de Me [I] étant désignée en qualité de mandataire puis de liquidateur judiciaires.

Par acte du 17 mars 2020, la société Objectif Construction 27 a fait assigner M. [V] [J] devant le tribunal judiciaire de Tours en paiement de la somme de 578.250 euros due au titre de la garantie à première demande, des pénalités de retard à hauteur de 5,89 % à compter du 27 juin 2018 soit au 28 janvier 2020 la somme de 54.121 euros à parfaire, en sus des frais et accessoires, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par actes en date des 12 mars 2019 et 11 juin 2020, la société Objectif Construction 27 a parallèlement fait assigner aux mêmes fins respectivement M. [A] [H] et Mme [C] [D].

 

Par jugement réputé contradictoire du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Tours a:

– dit non écrite la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris et s’est déclaré compétent,

– condamné M. [V] [J] à payer à la SAS Objectif Construction 27 la somme de 578.250 euros au titre de la garantie à première demande avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018,

– débouté la SAS Objectif Construction 27 de sa demande en paiement de pénalités de retard,

– débouté la SAS Objectif Construction 27 de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [V] [J] aux dépens qui seront recouvrés par Maître Jean-Yves Gillet, si les conditions en sont réunies, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

– rejeté en tant que de besoin toute autre demande plus ample ou contraire à la motivation.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce de Tours a étendu à M. [V] [J] la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société AB Patrimoine.

Suivant déclaration du 22 mars 2021, M. [V] [J] a interjeté appel de ce jugement (affaire enrôlée sous le numéro RG 21/00833), en intimant la SAS Objectif Construction 27, et en critiquant le jugement en ce qu’il a : 

– condamné M. [V] [J] à payer à la SAS Objectif Construction 27 la somme de 578.250 euros au titre de la garantie à première demande avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018,

– condamné M. [V] [J] aux dépens qui seront recouvrés par Maître Jean-Yves Gillet, si les conditions en sont réunies, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Suivant déclaration du 13 avril 2021, la Selarl MJ Corp prise en la personne de M. [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] [J], a interjeté appel du même jugement (affaire enrôlée sous le numéro RG 21/01168), en intimant la SAS Objectif Construction 27 et M. le Procureur de la République (‘), et en critiquant le jugement en ce qu’il a :

– condamné M. [V] [J] à payer à la SAS Objectif Construction 27 la somme de 578.250 euros au titre de la garantie à première demande avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018,

– condamné M. [V] [J] aux dépens qui seront recouvrés par Maître Jean-Yves Gillet, si les conditions en sont réunies, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 22 juillet 2021, les procédures inscrites sous les numéros 21/00833 et 21/01168 ont été jointes sous le numéro 21/00833.

Par arrêt du 23/09/2021, la cour d’appel d’Orléans a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Tours ayant étendu à M. [V] [J] la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la société AB Patrimoine. M. [V] [J], de nouveau in bonis, poursuit désormais seul la présente procédure.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2021, M. [V] [J] demande à la cour de :

– prononcer la mise hors de cause de la Selarl MJ Corp,

– recevoir M. [J] en son appel et le dire bien fondé,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [J] à verser à la SAS Objectif Construction 27 la somme de 578 250 euros au titre de la garantie à première demande avec intérêt au taux légal à compter du 27 juin 2018,

– débouter la société Objectif Construction 27 de son appel incident et confirmer le jugement entrepris sur les points querellés à ce titre,

– débouter la société Objectif Construction 27 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Objectif Construction 27 à verser à M. [J] et à la Selarl MJ Corp la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Objectif Construction 27 aux entiers dépens. 

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, la SAS Objectif Construction 27 demande à la cour de :

Vu l’article 1134 du code civil,

Vu l’article 2321 du code civil,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [J] à verser à Objectif Construction 27 la somme de 578 250 euros au titre de la garantie à première demande, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Objectif Construction 27 de sa demande en paiement de pénalités de retard et condamner M. [J] à payer à la société Objectif Construction 27 les pénalités au taux de 5,89 % de la somme de 578 250 euros à compter du 27 juin 2018 et a minima à la somme de 80 000 euros,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Objectif Construction 27 de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles et condamner M. [J] à payer à la société Objectif Construction 27 la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance,

– débouter M.[J] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, 

– condamner M. [V] [J] à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure d’appel,

– condamner M. [V] [J] au paiement des entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er décembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS 

Sur la mise hors de cause de la SELARL MJ CORP :

M. [V] [J] ayant retrouvé sa capacité à agir seul en justice après infirmation -par arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 23 septembre 2021- du jugement ayant étendu à sa personne la procédure de liquidation judiciaire de la société AB Patrimoine

dont il était le gérant, il convient de mettre hors de cause la SELARL MJ CORP, es-qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] [J].

Sur l’appel principal de M. [V] [J] relatif à la mise en oeuvre de la garantie:

Pour s’opposer à l’exécution de la garantie, M. [V] [J] soutient que :

– faute de mise en demeure préalable à la société Foncière 4 de s’acquitter des sommes dues, la garantie n’a pas été valablement mise en oeuvre à son encontre,

– à défaut de démontrer qu’elle n’a pas été désintéressée des sommes dont elle a été déclarée créancière en vertu des décisions de justice, la société Objectif Construction 27 se rend coupable d’abus manifeste,

– la garantie est nulle car il n’est pas établi que M. [V] [J] à titre personnel ait eu pleinement conscience de son engagement portant sur un montant exorbitant au regard de ses revenus et de son patrimoine et que cet acte de garantie est dépourvu de cause en ce qui le concerne à titre personnel.

Aux termes de l’article 2321 du code civil, ‘la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.

Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie’.

L’autonomie d’une telle garantie signifie que le garant prend un engagement nouveau, indépendant de celui constitutif de l’obligation garantie. Il ne s’oblige pas, à la différence du cautionnement, à payer la dette du débiteur principal. Il contracte un engagement de payer une certaine somme, qui est certes initialement déterminée en considération du contrat de base, mais qui est librement arrêtée par les parties et qui est sans rapport nécessaire avec l’objet ou l’étendue des obligations du débiteur garanti. Si l’existence d’un contrat de base constitue la raison d’être de la constitution de la garantie -car il ne peut y avoir de garantie sans obligation à garantir-, il n’y a autonomie de la garantie que si les obligations du donneur d’ordre et du garant ont des sorts distincts. Ni leur validité, ni leur durée, ni leur étendue, ni leur exécution ou inexécution ne doivent avoir d’incidence réciproque.

En l’espèce, aux termes de l’article 1er de la garantie à première demande souscrite par M. [V] [J] au profit de la société Objectif Construction 27, ‘chaque fondateur s’engage irrévocablement et inconditionnellement, d’ordre et pour le compte de la société, débiteur garanti, indépendamment de la validité et des effets juridiques de la convention de compte courant d’associé, sans pouvoir faire valoir d’exception, d’objection, répartition ou contestation résultant de ladite convention, à payer à l’investisseur, à première demande de sa part, tout montant que ce dernier pourrait lui réclamer au titre de la présente garantie.

La garantie porte sur l’ensemble des montants dus à l’investisseur par la société et/ou les garants au titre du remboursement du compte courant soit un montant maximum de 450 000 euros, auquel il convient de rajouter la rémunération de 19 % par an prorata temporis.

La garantie est donc émise en considérant un remboursement au terme + 6, pour un montant maximum de 578 250 euros, à majorer des éventuels intérêts, frais et accessoires’.

L’article 3 stipule que ‘chaque fondateur reconnaît et accepte que, dans les conditions visées ci-dessus et à l’article 2321 du code civil, toute demande de paiement par l’investisseur entraîne une obligation de paiement de sa part de toute somme que ce dernier lui réclame, à concurrence du montant garanti dû. Il est précisé que le caractère exact ou le bien fondé des déclarations contenues dans une demande de paiement faite par l’investisseur n’est pas une condition de l’exécution par le fondateur de ses obligations au titre de la présente garantie.

Pour l’investisseur, le fondateur est redevable de la totalité des montants dus au titre de la garantie. L’investisseur peut indifféremment demander la totalité des montants dus au titre de la garantie au fondateur qui s’engage à payer la totalité du montant dû à charge pour lui de réclamer tout remboursement à l’autre fondateur’.

En application de l’article 4, ‘la garantie est une garantie autonome à première demande, régie par les dispositions de l’article 2321 du code civil.

Les engagements du fondateur au titre de la garantie sont indépendants et autonomes. En conséquence, un fondateur ne peut, pour retarder ou se soustraire à l’exécution inconditionnelle et immédiate de ses obligations au titre de la garantie, soulever toute exception ou autre moyen de défense résultant des relations juridiques entre le fondateur et la société ou tout autre tiers. En d’autres termes, la modification ou la disparition des rapports de droit ou de fait pouvant exister entre le fondateur et la société ne peut dégager le garant de la garantie’.

Outre le fait qu’il y est clairement stipulé l’inopposabilité des exceptions, cet acte définit l’engagement du garant distinctement de l’obligation du débiteur principal, l’appréciation des modalités d’exécution du contrat de base n’étant pas nécessaire pour déterminer le montant et l’étendue de l’engagement du garant. C’est donc à juste titre que le premier juge a constaté le caractère autonome de la garantie à première demande souscrite le 26 mai 2016 par M. [V] [J]. Au demeurant, la qualification de l’acte n’est pas discutée par celui-ci.

L’article 2 de la garantie à première demande stipule que ‘l’investisseur peut exercer la garantie 1/ uniquement après une mise en demeure de s’acquitter des montants dus adressée à la société restée sans réponse en cas de non respect des conditions prévues au pacte d’associés valant protocole d’investissement signé ce jour, 2/ à partir du terme ou dans le + 6 mois de ce terme si un remboursement anticipé ou prorogé a été accordé.

La demande en vue de la mise en jeu de la garantie doit être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’adresse indiquée en tête des présentes. Cette lettre recommandée avec demande d’avis de réception doit attester que la somme demandée est due par la société à l’investisseur en vue de la convention visée ci-dessus et que donc la rémunération prévue à l’article 2 du pacte d’associé valant protocole d’investissement l’est en conséquence.’

La société Objectif Construction 27 produit (sa pièce 17) une ‘mise en demeure de faire et de payer’ qu’elle a adressée à la société Foncière 4 par lettre recommandée du 6 mars 2018 avec accusé de réception du 8 mars 2018 afin de faire exécuter la convention de compte courant d’associés et de lui payer la somme de 648 354,79 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2018, la société Objectif Construction 27 a mis en demeure M. [V] [J] de lui payer en exécution de la garantie à première demande la somme de 578 250 euros à majorer des éventuels intérêts, frais et accessoires. Il y est précisé que la somme demandée est due par la société Foncière 4 en exécution de la convention d’apport en compte courant comme suit ‘à ce jour et malgré les engagements récents et réitérés de M. [A] [H], Foncière

4 n’a cependant toujours pas procédé au remboursement de l’avance en compte courant’ et que la rémunération de l’investisseur lui ‘est due en exécution du pacte depuis la même date. A ce titre, je vous rappelle que, aux termes de l’article 2 du pacte, tant que le remboursement du compte courant d’associé n’est pas réalisé, la rémunération court’.

Il en résulte que contrairement à ce que soutient l’appelant, la société Objectif Construction 27 s’est conformée aux modalités contractuelles préalables à la mise en oeuvre de la garantie prévues à l’article 2 de la garantie.

Si la société Objectif Construction 27 est détentrice de plusieurs titres exécutoires lui permettant de recouvrer la créance dont elle se prévaut, il apparaît que celle-ci n’a récupéré que la somme de 22 958,14 euros sur les sociétés Foncière 4 et AB Patrimoine. Il en résulte que M. [V] [J] ne peut à ce titre se prévaloir de l’abus ou de la fraude manifestes de la société Objectif Construction 27, bénéficiaire de la garantie, pour se soustraire à son engagement.

Il est avéré que M. [V] [J] a porté sa signature à l’acte, sans que son engagement manuscrit de la somme à laquelle il s’est obligé, en lettres et en chiffres, ne soit mentionné conformément à l’article 1376 du code civil.

Il convient de rappeler que l’omission des formalités de l’article 1376 est sans influence sur la validité de l’obligation elle-même.

Il est constant que la preuve d’un engagement de garantie autonome peut résulter de la souscription d’un acte écrit, même imparfait au regard des exigences de l’article 1376, dès lors qu’en tant que commencement de preuve par écrit, il est complété par un élément extrinsèque établissant que la personne engagée avait une exacte conscience de la nature et de la portée de l’obligation.

En l’espèce, l’acte de garantie à première demande signé par M. [V] [J] constitue un commencement de preuve par écrit, complété par le paraphe de celui-ci sur chaque page de la convention de compte courant d’associé ainsi que par le paraphe sur chaque page et la signature du même en qualité de gérant de AB Patrimoine du pacte d’associés, de sorte que M. [V] [J] avait une exacte conscience de la nature et de la portée de l’engagement souscrit aux termes de la garantie à première demande.

Enfin, l’engagement d’un garant à première demande est causé dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt économique à la conclusion du contrat de base, peu important qu’il n’y soit pas partie (Ch. com, 3 juin 2014, 13-17.643). De surcroît, M. [V] [J] a un intérêt personnel à garantir le risque d’inexécution de la société Foncière 4, donneur d’ordre, puisqu’il détient personnellement 50 % des parts de la société AB Patrimoine (l’autre moitité étant détenue par M. [A] [H]), laquelle détient 90 % des parts de la société Foncière 4 depuis l’acquisition de 30 % des parts détenues par Mme [C] [D].

En conséquence, la garantie à première demande ne sauraît être annulée pour absence de consentement et/ou défaut de cause.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [V] [J] à payer à la société Objectif Construction 27 la somme de 578 250 euros au titre de la garantie à première demande avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018.

Sur l’appel incident de la société Objectif Construction 27 relatif aux pénalités :

La société Objectif Construction 27 sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande de pénalités de retard à l’encontre de M. [J] au motif que la preuve de l’inexécution de ses obligations par au moins un des garants ne serait pas rapportée, alors que la preuve de la défaillance de MM. [J], [H] et de Mme [D], tous trois garants, a selon elle bien été rapportée, que l’article 3 de la garantie prévoit expressément que les garants sont redevables en plus de la somme dont le paiement est demandé, d’intérêts de retard calculés au taux légal majoré de 5% par an, sur le montant appelé au titre de la garantie. Elle ajoute que si cette demande de pénalités s’apparente à une clause pénale, elle n’en est pas pour autant dénuée de fondement, puisqu’elle a dans ce cas pour objet de fixer par avance le montant des dommages et intérêts dus par une partie en cas d’inexécution de ses obligations ; qu’en l’espèce, l’inexécution par M. [V] [J] de ses engagements lui a causé un préjudice certain en lui faisant perdre tout crédit à l’égard de ses investisseurs privés qui ont définitivement renoncé à renouveler l’expérience de crowdfunding.

M. [V] [J] réplique que cette demande de pénalités s’assimile à une clause pénale puisque la société Objectif Construction 27 sollicite un taux légal majoré de 5 % par an en plus de sa rémunération et en plus de l’intérêt au taux légal, laquelle est dénuée de tout fondement.

L’article 3 in fine de la garantie à première demande stipule : ‘Pénalités – Dans l’hypothèse où l’un des garants n’exécutent pas une obligation de paiement en vertu de la présente garantie à bonne date, les autres garants sont redevables envers l’investisseur, en sus de la somme dont le paiement est demandé, d’intérêt de retard calculé sur le montant appelé au titre de la garantie au taux légal majoré de 5 % par an, sur la base d’une année de 365 jours et rapporté au nombre de jours écoulés entre la date d’expiration du délai de paiement et la date de paiement effectif’.

Les stipulations relatives à la fixation de pénalités de retard constituent une clause pénale susceptible de modération par le juge, même d’office, si une telle clause est manifestement excessive, en application de l’article 1231-5 du code civil.

En l’espèce, le montant de la clause pénale résultant de la stricte application du contrat, à savoir un taux légal majoré de 5 % par an, soit 5,89 %, sur la somme de 578 250 euros, laquelle comprend déjà la rémunération de 19 % de l’investisseur, et en plus de l’intérêt au taux légal courant sur la somme impayée, est manifestement excessif au regard du préjudice invoqué par la société Objectif Construction 27, soit sa perte de crédit en sa qualité d’holding de financement participatif à l’égard des investisseurs qui ont renoncé à renouveler l’expérience de crowdfunding par cet intermédiaire.

En conséquence, il convient de réduire la clause ‘pénalités’ à la somme de 1 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la société Objectif Construction 27 de sa demande en paiement de pénalités de retard et il sera fait droit à la demande de la société Objectif Construction 27 formée à ce titre à hauteur de la somme de 1 000 euros.

Sur les autres demandes :

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

M. [V] [J], qui succombe principalement, supportera la charge des dépens d’appel et sera condamné à verser à la société Objectif Construction 27 la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Met hors de cause la SELARL MJ CORP, es-qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] [J], et reçoit M. [V] [J] en son appel,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 17 décembre 2020 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne les pénalités de retard,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [V] [J] à payer à la société Objectif Construction 27 la somme de 1 000 euros au titre des pénalités de retard et rejette le surplus de la demande de la société Objectif Construction 27 formée à ce titre,

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [J] aux dépens d’appel,

Condamne M. [V] [J] à verser à la société Objectif Construction 27 la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute d e la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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