Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/03562

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Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/03562

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 30 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/03562 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OVJ2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 JUIN 2020 Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 19/01266

Ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 octobre 2020 prononçant la jonction des procédures N° RG 20/03542 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OVIR et N° RG 20/03562 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OVJ2 sous le N° RG 20/03562 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OVJ2

APPELANT :

Monsieur [I] [T]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me Arnaud DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Katia FISCHER de la SELARL FISCHER ET ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/012385 du 30/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Autre qualité : Appelant dans 20/03542 (Fond)

INTIME :

Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimé dans 20/03542 (Fond)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 février 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 15 août 2009, M. [N] [K] a prêté à M. [I] [T] la somme de 15 000 euros, remboursable avec un taux d’intérêt de 10% l’an payable mensuellement. Deux chèques d’un montant de 5 000 euros et de 10 000 euros ont ainsi été établis le même jour.

Le 21 septembre 2009, M. [K] a prêté la somme de 8 000 euros, remboursable avec un taux de 10 % l’an payable mensuellement.

Enfin, le 19 décembre 2009, il a, à nouveau, prêté la somme de 7 000 euros, remboursable avec un taux de 10 % payable mensuellement. Deux chèques ont été établis ce même jour, l’un de 5 000 euros et l’autre de 2 000 euros.

M. [T] établissait trois chèques de 10 000 euros en remboursement. Ces chèques étaient refusés par sa banque faute de provision.

Par acte d’huissier en date du 12 janvier 2011, M. [K] a fait signifier à M. [T] un certificat de non-paiement valant commandement de payer la somme totale de 10 189,09 euros dont 10 000 euros en principal dans le délai de 15 jours et à défaut de pouvoir y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. L’huissier de justice établissait le 17 février 2011 un titre exécutoire.

Par acte d’huissier en date du 27 janvier 2011, M. [K] a fait signifier à M. [T] un certificat de non-paiement valant commandement de payer la somme totale de 20 225,92 euros dont 20 000 euros en principal. L’huissier de justice établissait le 1er mars 2011 un titre exécutoire.

Un virement de 500 euros et deux virements de 400 euros chacun ont été réalisés par M. [T] les 27 février 2018, 21 mai 2018 et 10 juillet 2018 au bénéfice de M. [K].

M. [T] n’ayant pas remboursé l’intégralité des sommes prêtées, M. [K] l’a fait assigner en référé par acte d’huissier de justice en date du 30 octobre 2018.

Par ordonnance de référé rendue le 21 février 2019, M. [T] a été condamné par provision à payer à M. [K] la somme de 28700 euros correspondant au principal prêté en ce compris les règlements partiels effectués, outre la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. La demande formée par M. [K] à se voir payer la somme de 25 791,20 euros au titre des intérêts dus jusqu’au 30 octobre 2018 était rejetée par le juge des référés en raison d’une contestation sérieuse.

Par acte d’huissier de justice en date du 6 mars 2019, M. [K] a fait assigner M. [T] aux fins de le voir condamner à lui payer :

– les sommes suivantes : 15 687 euros au titre des intérêts sur le prêt de 15 000 euros du 15 août 2009, 8 300 euros au titre des intérêts sur le prêt de 8 000 euros du 21 septembre 2009, et 7 088,20 euros au titre des intérêts sur le prêt de 7 000 euros du 19 décembre 2009,

– un intérêt supplémentaire au taux de 10 % sur les sommes précitées du 21 février 2019 jusqu’au jour de la décision à intervenir,

– la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 24 juin 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [T] tenant au défaut de communication de pièces,

– déclaré prescrits les intérêts pour la période antérieure au 30 octobre 2013,

– condamné M. [T] à payer à M. [K] au titre des intérêts non prescrits :

– 8 025 euros au titre des intérêts dus sur le prêt du 15 août 2009 de 15 000 euros au taux d’intérêt de 10 % l’an du 30 octobre 2013 au 6 mars 2019,

– 4 280 euros au titre des intérêts dus sur le prêt du 21 septembre 2009 de 8 000 euros au taux d’intérêt de 10 % l’an du 30 octobre 2013 au 6 mars 2019,

– 3 744,50 euros au titre des intérêts du prêt du 19 décembre 2009 de 7.000 euros au taux d’intérêt de 10 % l’an du 30 octobre 2013 au 6 mars 2019,

– condamné M. [T] à payer à M. [K] un intérêt au taux légal sur les sommes précitées du 6 mars 2019 au 24 juin 2020,

– rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. [K],

– rejeté la demande de délai de paiement formée par M. [T],

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné M. [T] à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les aux entiers dépens.

Vu la déclaration d’appel de M. [T] en date du 24 août 2020,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 19 janvier 2023,

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 janvier 2023, M. [T] sollicite qu’il plaise à la cour de réformer la décision dont appel en toutes ses dispositions et :

– débouter M. [K] de toutes ses demandes,

– condamner M . [K] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de son avocat.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.

M. [K] n’a déposé aucune conclusion.

MOYENS :

A titre principal, M. [T] soutient l’irrecevabilité de la demande en paiement des intérêts dus au titre de la clause pénale.

Il fait valoir qu’il n’a jamais reconnu être redevable de ces intérêts, qu’aucune mesure conservatoire ou d’exécution forcée n’a été prise par M. [K] concernant le paiement de ces intérêts et enfin, que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’action en référé en date du 30 octobre 2018 n’a pas interrompu la prescription puisqu’elle a été introduite après l’expiration du délai de prescription qui est intervenue en 2014.

En tout état de cause, il soutient qu’en application de l’article 1231-5 du code civil qui édicte que « Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure », il a remboursé une partie de la somme principale et n’a jamais reçu de mise en demeure préalable. Il affirme que tous les actes réalisés par M. [K] démontrent qu’il n’a poursuivi que le recouvrement de la somme principale sans jamais demander le paiement de la clause pénale.

Subsidiairement, il argue de l’absence de décompte détaillé et de la nullité de la clause pénale litigieuse. En effet, il fait valoir que cette clause est nulle car elle est imprécise, ne permettant pas de calculer le montant des sommes dues.

Très subsidiairement, le juge ayant la possibilité en application de l’article 1231-5 du code civil, de modifier une clause pénale qui s’avère excessive, il soutient que M. [K] ne démontre pas qu’il a subi un préjudice. De ce fait, il demande que la clause soit réduite à 1,5 %, c’est-à-dire le taux usuel habituellement pratiqué par les banques.

En tout état de cause, il demande à bénéficier de délais de paiement, expliquant qu’il se trouve ruiné ayant perdu tout son patrimoine et ne percevant qu’une pension de retraite de 514,52 euros par mois.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la demande en paiement des intérêts :

‘ S’agissant de la prescription :

L’article 2224 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La cour constate, à l’instar du premier juge, que :

– les prêts ont été consentis les 15 août, 21 septembre et 19 décembre 2009,

– M. [K] n’a pas justifié des mesures d’exécution forcée qu’il aurait diligentées après avoir obtenu les titres exécutoires établis par huissier les 17 février et 1er mars 2011, qui seraient venues interrompre la prescription,

– M. [T] a procédé à des paiements partiels les 27 février, 21 mai et 10 juillet 2018. Au vu des reconnaissances de dette qu’il a rédigé au profit de M. [K], chacun des prêts consentis était « remboursable avec un taux d’intérêt de 10 % l’an payable mensuellement ». Ainsi, en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, M. [T] en procédant à ces paiements partiels a reconnu sa dette, ce qui entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription,

– l’assignation en référé du 30 octobre 2018 demandait au juge de condamner M. [T] au paiement de la somme de 30 000 euros au titre des trois prêts et de 25 791,20 euros au titre des intérêts dus jusqu’au 30 octobre 2018. En l’état de prêts consentis en 2009, cette action, qui se prescrivait le 30 octobre 2013, a été introduite dans le délai de cinq prévu par l’article 2224 susvisé.

C’est donc bien à juste titre que le premier juge a considéré que les intérêts dus pour la période antérieure au 30 octobre 2013 étaient prescrits et que les intérêts étaient dus du 30 octobre 2013 au 6 mars 2019, date de l’assignation au fond au taux conventionnel de 10 %.

‘ S’agissant de l’absence de mise en demeure :

Avant toute poursuites, un créancier doit mettre en demeure son débiteur de payer par lettre recommandée avec accusé de réception ou lui faire délivrer un commandement ou une sommation par voie d’huissier.

Il est constaté que M. [K] a fait signifier par acte d’huissier en date du 12 janvier un certificat de non-paiement valant commandement de payer la somme totale de 10 189,09 euros dont 10 000 euros en principal dans le délai de 15 jours et par acte d’huissier en date du 27 janvier 2011, un autre certificat de non-paiement valant commandement de payer la somme totale de 20225,92 euros dont 20 000 euros en principal.

Le moyen est donc en voie de rejet.

Sur l’absence de décompte détaillé :

Là encore, la cour constate, comme le premier juge, que le montant des intérêts à hauteur de 10 % entre le 30 octobre 2013 et le 6 mars 2019 était parfaitement calculable.

Il convient donc de confirmer la décision dont appel sur ce point et en ce qu’elle a appliqué le taux légal aux intérêts supplémentaires ayant couru du 6 mars 2019 au 24 juin 2020, date de la décision.

Sur la demande de réduction de la clause :

L’article 1231-5 du code civil dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera à l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.[…] »

Les prêts ont été consentis avec un taux d’intérêt, c’est-à-dire avec un taux correspondant à la rémunération du capital prêté. Il ne s’agit en aucun cas d’une clause pénale qui viendrait sanctionner un retard de remboursement, si bien que les dispositions de l’article susvisé ne trouvent pas à s’appliquer s’agissant d’un taux fixé conventionnellement par les parties.

Le moyen est en voie de rejet.

Sur la demande de délais de paiement :

En application de l’article 1343-5 du code civil, le premier juge a considéré que M. [K] avait bénéficié depuis 2009 des plus larges délais de paiement et de la prescription de certaines sommes.

M. [T] affirme que sa situation est, contrairement à celle de M. [K], totalement obérée. S’il est constaté qu’il verse aux débats les éléments justifiant de ses droits à la retraite et qu’il a bénéficié d’une aide juridictionnelle totale, il n’en demeure pas moins qu’aucune pièce ne vient établir la situation prétendument favorable de M. [K] qui justifierait qu’il soit privé encore plus longtemps des sommes qui lui reviennent.

La décision est donc confirmée en ce qu’elle a débouté M.[T] de sa demande de délai de paiement.

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l’action, M. [T] sera condamné, en application de l’article 696 du Code de procédure civile, aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu’elles ont été déférées devant la cour d’appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [I] [T] aux entiers dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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