Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/01659

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Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/01659

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 30 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/01659 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NTC3

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 FEVRIER 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 16/00176

APPELANTE :

SCP Jean FAIXA – Luce BROUSSE-CHAMICHIAN – Laurence PUIG

[Adresse 15]

[Localité 9]

Représentée par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-

JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l’audience par Me Bernard VIAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMES :

Madame [X] [F] [U]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006690 du 06/06/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Monsieur [V] [Z]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 13] (ALGÉRIE)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006663 du 06/06/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Maître [L] [I]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 11] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Passion-Célestin GREGONE-MBOMBO, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES – non plaidant

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, conseiller chargé du rapport et Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, conseiller faisant fonction de Président

M. Fabrice DURAND, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

– contradictoire,

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Thierry CARLIER, conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique reçu le 20 juillet 2010 par Me [W], notaire associé de la SCP [W] Faixa Brousse-Chamichian, M. [V] [Z] et Mme [X] [U] divorcée [Z] ont vendu à la SARL DS Concept le fonds de commerce de restaurant-bar-glacier « Le Lutèce » sis [Adresse 6] à [Localité 12] (66) au prix de 155 000 euros.

Ce fonds était exploité dans un local appartenant à la SCI Maraly loué à M. [Z] et Mme [U] par bail commercial renouvelé en date du 21 janvier 1997.

Par jugement du 27 avril 2015 (non versé aux débats par les parties) le tribunal de grande instance de Perpignan a prononcé des condamnations à l’encontre de M. [Z] et de Mme [U] à hauteur de 42 840 euros et de 30 795,56 euros au profit de la SCI Maraly.

Par acte d’huissier du 17 mai 2013, Mme [U] a fait assigner la SCP [W] Faixa Brousse-Chamichian devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de la voir déclarer responsable des conséquences financières supportées suite au jugement de condamnation du 27 avril 2015 ayant résilié le bail commercial à la demande de la SCI Maraly.

Par acte du 9 mai 2016, la SCP de notaires a fait assigner en intervention forcée Me [L] [I], avocat intervenu à l’acte de cession du 20 juillet 2010 pour conseiller M. [Z] et Mme [U].

M. [Z] est intervenu volontairement à l’instance.

Par jugement contradictoire du 26 février 2018, le tribunal a :

‘ déclaré recevable et non prescrite l’action de M. [Z] et Mme [U] ;

‘ condamné la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig à payer M. [Z] et Mme [U] les sommes suivantes :

– 42 840 euros au titre de la clause pénale ;

– 30 795,56 euros au titre de la contre valeur ;

– 81 134,52 euros au titre du reliquat de paiement de cession ;

‘ mis hors de cause Me [I] ;

‘ ordonné l’exécution provisoire ;

‘ dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamné la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 27 mars 2018, la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig a relevé appel de ce jugement contre toutes les parties.

Vu les dernières conclusions de la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig remises au greffe le 15 octobre 2018 ;

Vu les dernières conclusions de Me [L] [I] remises au greffe le 8 août 2022 ;

Vu les dernières conclusions de M. [Z] et de Mme [U] remises au greffe le 18 juin 2020 ;

La clôture de la procédure a été prononcée au 3 janvier 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité de l’action,

L’article 2224 du code civil dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Le dommage résultant d’une condamnation ne se manifeste qu’à compter de la décision de condamnation, intervenue en l’espèce avec le jugement rendu le 27 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Perpignan, et non à compter du 24 septembre 2010 date à laquelle la SCI Maraly a signifié l’acte de contestation, contrairement à la position soutenue par le notaire dans ses écritures.

En effet, cet acte d’opposition notifié le 24 septembre 2010 par la SCI Maraly ne matérialisait pas de façon suffisante l’existence du dommage subi par M. [Z] et Mme [U] qui ne sera définitivement établi qu’à l’issue du jugement prononcé le 27 avril 2015.

À la date de signification de l’acte introductif d’instance le 17 mai 2013 par Mme [U], le délai de prescription n’avait donc pas commencé à courir.

À la date de son intervention volontaire le 30 décembre 2015 à l’instance, l’action de M. [Z] n’était pas davantage prescrite.

En conséquence, l’action en responsabilité exercée par M. [Z] et Mme [U] contre la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig est recevable.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité du notaire,

Le notaire est tenu d’assurer l’efficacité juridique de l’acte auquel il prête son concours, d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de cet acte.

En l’espèce la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig ne conteste pas avoir commis les fautes suivantes relevées par le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan du 27 avril 2015 :

‘ mention erronée de la tacite reconduction du bail jusqu’au 31 mars 2015 ;

‘ absence d’engagement réel quant à la contre-valeur à neuf de la cession du fonds ;

‘ déclaration fausse du cédant quant à l’absence de retard de paiement de loyers alors qu’une instance judiciaire était pendant de ce chef ;

‘ défaut de mention de la garantie solidaire du cessionnaire pour le paiement des loyers et l’exécution des charges et de l’obligation de payer les loyers directement entre les mains du bailleur ;

‘ absence d’intervention du bailleur à l’acte de cession en violation de l’article 15 du contrat de bail commercial.

M. [Z] et Mme [U] soutiennent que ces fautes commises par le notaire sont en lien de causalité directe avec les condamnations prononcées par le tribunal par jugement du 27 avril 2015.

Le jugement déféré a fait droit à cette demande de M. [Z] et Mme [U] en retenant que :

« Le lien de causalité entre la faute commise par le notaire et le préjudice des consorts [Z]-[U] déterminé par le jugement du 27 avril 2015, est parfaitement établi ;

Que celui-ci met en oeuvre la clause pénale en application de l’article 15 dudit bail qui aboutit à condamner les consorts [Z] à la somme de 42 840 euros, mais aussi à la somme de 30 795,56 euros au titre de la contre-valeur à neuf des baies vitrées due par le preneur en fin de bail, intervenu du fait de la résiliation du bail et de la non opposabilité de l’acte de cession du 20 juillet 2010 entre les consorts [Z] et la SARL DS Concept ;

Qu’il importe peu qu’in fine la SCI Maraly ait obtenu la restitution du local de la part de la SARL DS Concept, les consorts [Z] ont de fait été évincés ;

Que par ailleurs de manière directe, certaine et exclusive la résiliation du contrat de bail a eu pour conséquence l’impossibilité pour les consorts [Z] d’obtenir le versement du solde du prix de vente de leur fonds de commerce d’un montant de 81 134,52 euros, n’ayant plus de titre pour fonder cette restitution ; que cet obstacle juridique constitue un obstacle direct dans les rapports entre DS Concept et les consorts [Z] nonobstant le comportement ultérieur de DS Concept ;

Qu’ainsi le solde du prix de vente soit 81 134,25 euros constitue aussi le préjudice en lien avec les fautes du notaires dans l’acte du 20 juillet 2010 ».

La SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig conteste fermement les motifs de ce jugement et soutient au contraire qu’il « convient cependant de se reporter au jugement rendu le 27 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Perpignan pour constater que si cette décision a jugé que l’acte de cession intervenu entre [V] [Z] et la SARL DS Concept était inopposable à la SCI Maraly, il a par contre ordonné la résiliation du bail aux torts de M. [V] [Z] et de Mme [X] [U] » en retenant que ces derniers n’avaient pas payé les loyers et avaient réalisé de gros travaux sans autorisation « ce qui est expressément repris dans la décision du 27 avril 2015 ».

Les parties n’ont pas versé aux débats le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan du 27 avril 2015 alors que chacune d’elle interprète les motifs de ce jugement dans un sens exactement opposé au soutien de sa position.

Cette pièce n’ayant pas été versée aux débats, la cour n’est pas en mesure d’en prendre connaissance.

M. [Z] et Mme [U], sur qui repose le fardeau de la preuve du bien-fondé de leur action en responsabilité contre le notaire et notamment de l’existence du lien de causalité présentement contesté, succombent donc à administrer cette preuve.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions ayant accueilli les demandes formées par M. [Z] et Mme [U] contre la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig, en ce compris les dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

L’appel en garantie formé par la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig contre Me [I] est par conséquent sans objet et le jugement sera donc confirmé en sa disposition l’ayant mis hors de cause.

Sur les demandes accessoires,

M. [Z] et Mme [U] succombent intégralement en appel et seront donc tenus de supporter les entiers dépens de première instance et d’appel selon les modalités prévues par l’article 42 alinéa 1er de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

L’équité commande en outre de les condamner à verser à la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Les autres demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable l’action en responsabilité exercée par M. [V] [Z] et Mme [X] [U] contre la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig et en ce qu’il a mis hors de cause Me [L] [I] ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Déboute M. [V] [Z] et Mme [X] [U] divorcée [Z] de leurs demandes formées contre la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig ;

Condamne M. [V] [Z] et Mme [X] [U] divorcée [Z] à supporter les dépens de première instance et d’appel selon les modalités prévues par l’article 42 alinéa 1er de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Condamne M. [V] [Z] et Mme [X] [U] divorcée [Z] à verser à la SCP Faixa Brousse-Chamichian Puig une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de président

 


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