Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02536

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Clause pénale : 30 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02536

AFFAIRE : N° RG 21/02536 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2O7

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES

en date du 03 Juin 2021 – RG n° 19/00924

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 30 MARS 2023

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

N° SIRET : 478 834 930 00016

[Adresse 3]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 10] (TUNISIE)

[Adresse 8]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Marine VIARD, avocat au barreau de COUTANCES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021008568 du 23/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

Madame [P] [J] épouse [Z]

née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Marine VIARD, avocat au barreau de COUTANCES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021008567 du 23/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

DEBATS : A l’audience publique du 23 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 30 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Suivant acte sous seing privé du 11 janvier 2010 n°00l505l0355, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (la CRCAM) a consenti à M. [K] [Z] un prêt «tout habitat facilimmo » pour des travaux dans sa résidence principale d’un montant de 30 651 euros sur 180 mois, avec un taux d’intérêt annuel de 4,60 % et des mensualités de remboursement de 236,05 euros.

Par acte sous seing privé du 17 mai 2010, la CRCAM a consenti à M. [K] [Z] un prêt ‘à consommer perso’ n°73036704lO6 d’un montant de 12 000 euros au taux d’intérêt annuel de 6,50 %, remboursable en 72 mensualités.

Par acte sous seing privé du même jour, la CRCAM a également consenti à M. et Mme [Z], engagés en tant que co-emprunteurs, un ‘crédit renouvelable’ sur un compte spécialement ouvert à cet effet et assorti de moyens d’utilisation du compte n°[XXXXXXXXXX07] de 5 000 euros avec un taux effectif global annuel de 9,326 %.

Par acte sous seing privé du 21 avril 2011, la CRCAM a consenti à M. et Mme [Z], engagés en tant que co-emprunteurs, un prêt « à consommer perso  » n°73053062965 de 12000 euros remboursable en 72 mois et conclu au taux d’intérêt annuel de 5,90 %.

Les échéances de remboursement ont été régulièrement réglées jusqu’en 2011.

Le 29 novembre 2011, les époux [Z] ont déposé un dossier de surendettement. Leur demande a été déclarée recevable et un plan conventionnel de redressement a été fixé par la commission de surendettement de la Manche le 19 mars 2013.

En application de ce plan, les créances de la CRCAM de Normandie ont été reportées à 12 mois.

A l’issue du plan, les époux [Z] n’ont pas repris le remboursement des échéances du prêt, la CRCAM leur a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception du 18 novembre 2014 pour les inviter à régulariser la situation sous un mois.

Puis, par courrier recommandé du 22 décembre 2014, la Banque a mis en demeure les époux [Z] de régler les sommes dues sous 10 jours, précisant que ‘à défaut de règlement des sommes indiquées ci-dessus dans le délai imparti, la déchéance du terme sera appliquée sans nouvel avis de notre part.

Cela signifie que le solde de vos engagernents en principal, frais et accessoires deviendra

immédiatement exigible’.

En l’absence de règlement, la CRCAM de Normandie a fait assigner par acte d’huissier en date du 28 juillet 2015 M. et Mme [Z] en paiement devant tribunal de grande instance de Coutances.

Par jugement du 22 mars 2018, le tribunal de grande instance de Coutances a rejeté les demandes de la CRCAM.

A la suite da cette décision, la CRCAM de Normandie a mis en demeure M. et Mme [Z] de payer les sommes restant dues au titre des quatre prêts en cause dans le délai de l5 jours prévu contractuellement par courriers recommandés avec accusé de réception respectivement envoyés les 11 décembre 2018 à M. [Z], et 26 février 20 l 9 à Mme [Z]. Ces courriers précisaient que : ‘ à défaut de règlement de la somme indiquée ci-dessus dans le délai imparti, et conformément aux dispositions contractuelles la déchéance du terme sera appliquée, sans autre avis de notre part. Cela signifie que le solde de vos engagements en principal, intérêts, frais et accessoires (…) deviendra immédiatement exigible  ».

En l’absence de paiement, par acte d’huissier du 10 mai 2019, la CRCAM de Normandie a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Coutances M. et Mme [Z] en paiement des sommes réclamées.

Par jugement en date du 3 juin 2021, le tribunal judiciaire de Coutance a :

– déclaré irrecevable pour cause de prescription l’action en paiement de la CRCAM de Normandie ;

– débouté la CRCAM de Normandie de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la CRCAM de Normandie à payer aux époux [Z] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

– laissé les dépens à la charge de la CRCAM de Normandie.

Par déclaration du 8 septembre 2021, la CRCAM de Normandie a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions du 13 décembre 2022, la CRCAM de Normandie, qui précise limiter son appel à l’irrecevabilité de la demande concernant le prêt immobilier n°00150510355 et aux condamnations accessoires, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite la demande en paiement au titre du prêt immobilier n° 00150510355, l’a condamné au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens et statuant à nouveau de :

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 22 218,42 euros outre les intérêts au taux de 4,6% sur la somme de 19 490,25 euros à compter du 11 décembre 2018 jusqu’à parfait paiement au titre du prêt n° 00150510355 ;

– déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts et de compensation formées par conclusions du 13 décembre 2022 par M. et Mme [Z] en application de l’article 910-4 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Z] à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions du 13 décembre 2022, M. et Mme [Z] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter la CRCAM de Normandie de toutes ses demandes et de condamner celle-ci à leur payer une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A titre subsidiaire, ils demandes àla cour de dire et juger que la CRCAM de Normandie a manqué à son devoir de prudence et d’information et en conséquence la débouter de l’ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, ils sollicitent la condamnation de la CRCAM de Normandie à leur verser

une indemnité équivalente aux sommes réclamées et que soit ordonnée la compensation des créances, que soient qualifiées de clauses pénales les clauses insérées aux termes des conditions générales de l’offre de prêt prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas de défaillance de l’emprunteur ainsi que la majoration des intérêts de retard et réduire en conséquence ces indemnités et majoration à l’euro symbolique, qu’il leur soit accordé les plus larges délais de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil, en l’occurrence un report de deux ans du paiement des sommes dues, qu’il soit dit que les paiements s’imputeront par priorité sur le capital et que la CRCAM de Normandie soit condamnée à leur payer une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

SUR CE, LA COUR

Sur la prescription de l’action en paiement

L’article L137-2 ancien du code de la consommation, devenu l’article L218-2, énonce que l’action des professionnels, pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

A l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

Le jugement du 22 mars 2018 du tribunal de grande instance de Coutances a rejeté la demande en paiement de la CRCAM au motif qu’elle ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme à défaut de mise en demeure préalable régulière.

L’exécution du contrat a donc continué.

Les règlements des échéances du prêt n’ayant pas été repris par l’emprunteur, une nouvelle mise en demeure a été adressée à M. [Z] le 11 décembre 2018 l’informant qu’à défaut de régularisation de la situation dans un délai de 15 jours, la déchéance du terme serait appliquée sans autre avis de la part de la banque.

La déchéance du terme a été acquise le 26 décembre 2018, la capital restant dû à cette date s’élevant à la somme de 15 005,30 euros.

L’assignation en paiement a été délivrée le 10 mai 2019.

N’est donc pas prescrite l’action en paiement de la banque au titre du capital restant dû au 26 décembre 2018 (15 005,30 euros) et au titre des mensualités échues impayées entre le 10 mai 2017 et le 26 décembre 2018 (4484,95 euros).

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a jugé l’action en paiement au titre du prêt immobilier prescrite.

Sur le manquement de la banque à son devoir d’information et de mise en garde

Les intimés soutiennent que la banque ne justifie pas avoir respecté ses obligations au titre du devoir de mise en garde et avoir vérifié avant d’octroyer le prêt les capacités financières des époux [Z] qui étaient déjà endettés, que celle-ci a donc engagé sa responsabilité et qu’ils sont donc bien fondés à solliciter le rejet de la demande en paiement.

En application de l’article 1147 ancien du code civil, applicable au litige, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat et de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts.

Contrairement à ce que soutient la CRCAM, l’action en responsabilité des intimés n’est pas prescrite dès lors que ceux-ci ne demandent que le rejet de la demande en paiement formée à leur encontre, à l’exclusion de tout autre avantage, de sorte qu’ils soulèvent un moyen au fond, sur lequel la prescription est sans incidence.

L’emprunteur qui invoque le manquement au devoir de mise en garde du banquier doit justifier du risque d’endettement.

En l’espèce, le prêt a été souscrit le 11 janvier 2010 pour un montant de 30 651 euros remboursable par mensualités de 236,05 euros.

Il résulte des pièces du dossier que M. [Z] a déclaré au titre de l’année 2009 un revenu de 65000 euros soit 5416 euros par mois.

M. et Mme [Z] étaient propriétaires d’un bien immobilier évalué en 2012 à environ 120 000 euros (jugement de surendettement du tribunal d’instance de Coutances du 13 novembre 2012).

Ils remboursaient un crédit octroyé par la CRCAM à hauteur de 351,81 euros par mois.

Les autres emprunts souscrits auprès de la CRCAM sont postérieurs.

M. et Mme [Z] font état d’autres prêts souscrits auprès d’autres établissements bancaires mais sans justifier de la date de ces prêts.

Au vu de ces éléments, les intimés ne justifient pas qu’il existait au moment de l’octroi du prêt litigieux un risque d’endettement. Dès lors la banque n’a pas manqué à son devoir de mise en garde.

Sur la clause pénale

Selon l’article 1152 ancien du code civil, applicable au litige, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l’espèce, la CRCAM demande le paiement de la somme de 1364,31 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de 7% prévue au contrat.

Les intimés ne justifient pas du caractère excessif de cette somme au vu du préjudice subi par la banque qui a été privée du remboursement des sommes dues à leur échéance.

La demande de modération de cette somme sera rejetée.

Par ailleurs, aucune demande de majoration des intérêts n’est présentée par la CRCAM de Normandie, le contrat de prêt ne prévoyant cette majoration qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans déchéance du terme.

La demande faite à ce titre est donc sans objet.

Sur les sommes dues

Au vu du décompte de la CRCAM, non utilement critiqué pour le surplus, M. [Z] sera condamné au paiement de la somme de 20854,56 euros avec intérêts au taux de 4,6% l’an sur la somme de 19 490,25 euros et intérêts au taux légal sur la somme de 1364,31 euros à compter du 11 décembre 2018 et jusqu’à parfait paiement.

Sur la demande de délais de paiement

Les intimés demandent un report de deux ans du paiement des sommes dues.

Cette demande sera rejetée, les intimés ne présentant aucune proposition de règlement et ayant déjà bénéficié de larges délais de paiement et d’un plan conventionnel de redressement élaboré par la commission de surendettement .

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais de procédure et aux dépens seront infirmées.

M. [Z], condamné à paiement, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement déféré dans la limite de l’appel ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et ajoutant au jugement ;

Condamne M. [K] [Z] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 20 854,56 euros avec intérêts au taux de 4,6% l’an sur la somme de 19 490,25 euros et intérêts au taux légal sur la somme de 1364,31 euros à compter du 11 décembre 2018 et jusqu’à parfait paiement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [K] [Z] aux dépens de première instance et d’appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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