COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2023
N° 2023/283
Rôle N° RG 21/14110 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIFXL
S.A.R.L. ART VISION
C/
[L] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DE VILLEPIN
Me RULLIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution d’Aix en Provence en date du 30 Septembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n°21/2130 .
APPELANTE
S.A.R.L. ART VISION, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [L] [B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe Louis RULLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 6 février 2014, M. [L] [B] a consenti à la SARL ART VISION un bail d’une durée de six ans portant sur un emplacement publicitaire sis [Adresse 2] (13) moyennant une redevance annuelle de 1200 € TTC.
Le 29 novembre 2016, la SARL ART VISION a attrait M. [B] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence après avoir constaté la présence d’une affiche publicitaire concurrente sur l’emplacement objet du bail signé le 6 février 2014.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 17 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a notamment condamné M. [L] [B] à libérer l’espace publicitaire sis [Adresse 2] (13) et à le laisser à la disposition exclusive de la SARL ART VISION dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée limitée à 60 jours.
L’ordonnance du 17 janvier 2017 a été signifiée le 14 mars 2017 avec commandement de payer.
Par jugement en date du 29 avril 2019, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à la somme de 3000 € pour la période du 29 mars au 29 mai 2017 et a fixé une nouvelle astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé le délai d’un an suivant la signification de la décision et pour une durée de 60 jours.
Par jugement en date du 25 juin 2020, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à la somme de 3000 € pour la période du 16 août au 16 octobre 2017 et a débouté la SARL ART VISION de sa demande de fixation d’une astreinte définitive.
Par exploit en date du 27 mai 2021, la SARL ART VISION a fait assigner M. [B] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins de condamnation de ce dernier au paiement d’une somme de 21 600 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 213-6 du COJ et de fixation d’une astreinte définitive 200 € par jour de retard, outre condamnation de M. [B] au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement du 30 septembre 2021 dont appel du 6 octobre 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Aix en Provence a déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts, a débouté la SARL ART VISION de sa demande en fixation d’astreinte, a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la SARL ART VISION aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– la SARL ART VISION chiffre et fonde sa demande de dommages et intérêts en réalité sur les dispositions contractuelles du contrat conclu entre elle et M. [B] et il n’y a aucune mesure d’exécution forcée en cours, critère de compétence d’attribution du juge de l’exécution, lequel ne peut délivrer de titre exécutoire en dehors des cas prévus par la loi, ce qui constitue une fin de non-recevoir, s’agissant du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution,
– s’agissant de la demande de fixation d’astreinte, la SARL ART VISION ne rapporte pas la preuve de la poursuite du lien contractuel entre les parties alors que le contrat conclu le 6 février 2014 l’a été pour 6 ans et que M. [B] l’a résilié par courrier du 8 octobre 2019 pour le 6 février 2020 sans que ce soit contesté par la SARL ART VISION.
Vu les dernières conclusions déposées le 8 novembre 2021 par la SARL ART VISION, appelante, aux fins de voir réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau, condamner M. [B] à la somme de 21 600 € à titre de dommages et intérêts et fixer une astreinte définitive de 100 € par jour de retard, outre condamnation de M. [B] au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SARL ART VISION fait valoir :
– qu’elle n’a pas saisi le juge de l’exécution d’une demande de réparation fondée sur l’exécution du contrat mais de l’absence d’exécution effective d’une décision de justice initialement assortie d’une astreinte et qui s’est avéré insuffisamment comminatoire,
– que le juge de l’exécution connaît des demandes de réparation fondées sur l’inexécution dommageable des mesures qu’il a ordonnées, conformément à l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire.
Vu les dernières conclusions déposées le 17 novembre 2021 par M. [L] [B], intimé, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et condamner la SARL ART VISION au paiement d’une somme de 3000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [L] [B] fait valoir :
– que la demande de la SARL ART VISION, directement calculée à partir des précisions contractuelles et en particulier de l’article 4 du contrat qui constitue en réalité une clause pénale, échappe à la compétence du juge de l’exécution, lequel a déclaré à juste titre la demande irrecevable en ce qu’il n’y a aucune astreinte dont la liquidation est sollicitée ni mesure d’exécution forcée en cours,
– que la SARL ART VISION sollicite en réalité la réparation d’un trouble de jouissance résultant du prétendu non-respect par M. [B] de son obligation de délivrance, demande qui échappe à la compétence du juge de l’exécution, preuve en est la demande similaire présentée devant le juge des référés qui a alloué à ce titre une provision de 1800 €,
– que M. [B] ayant résilié le contrat du 6 février 2014 par courrier recommandé AR du 8 octobre 2019, les parties ne sont plus liées depuis le 6 février 2020, de sorte que le juge de l’exécution a rejeté à bon droit la demande de fixation d’une nouvelle astreinte définitive à défaut de preuve de la poursuite du contrat.
Vu l’ordonnance de clôture du 17 janvier 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le moyen de la SARL ART VISION selon lequel « le juge de l’exécution connaît des demandes de réparation fondée sur l’inexécution dommageable des mesures qu’il a ordonnées », procède d’une lecture erronée de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire et d’une méconnaissance de la nature juridique de l’astreinte.
En effet, conformément au premier alinéa de ce texte qui dispose que » le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée « , le juge de l’exécution ne peut être saisi qu’à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée, mesure qui n’est pas ordonnée par le juge mais mise en ‘uvre à la seule diligence du créancier titré.
Et l’astreinte, simple mesure comminatoire de nature judiciaire, ne constitue en aucun cas une mesure d’exécution forcée.
En conséquence, dès lors que le 4e alinéa de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire dispose que c’est sous la même réserve que le juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires, et qu’il n’est justifié d’aucune mesure d’exécution forcée ou mesure conservatoire au sens des articles L 511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts présentée devant le juge de l’exécution par la société ART VISION, après avoir très justement rappelé qu’il s’agit d’un défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution constitutif d’une fin de non-recevoir.
La société ART VISION sollicite par ailleurs la fixation d’une astreinte définitive de 100 € par jour de retard.
Mais par courrier recommandé AR du 8 octobre 2019, M. [L] [B] a résilié le bail de 6 ans consenti le 6 février 2014 à la SARL ART VISION, laquelle ne justifie pas avoir contesté cette résiliation en conséquence de laquelle le lien contractuel entre les parties a cessé depuis le 6 février 2020, de sorte que la demande de fixation d’une nouvelle astreinte pour la période postérieure à cette date est dénuée de tout fondement.
Le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL ART VISION à payer à M. [L] [B] la somme de 3000 € (trois mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne la SARL ART VISION aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE