REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRET DU 29 MARS 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11626 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAC6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL RG n° 22/00243
APPELANTE
S.A.S.U. PRESTIGE ENGINEERING, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 839 08 5 6 44
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
INTIMEE
SCI W198 agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Mariame TOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1881
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre
Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre
Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
Par acte sous seing privé en date du 4 juillet 2020, la société civile immobilière W198 a donné à bail commercial à la société Prestige Engineering des locaux situés au [Adresse 1] moyennant un loyer annuel de 68 400 euros net de toutes taxes, impôts et charges payable trimestriellement à terme échu.
Par acte du 30 juillet 2021, la bailleresse a fait délivrer à la société Prestige engineering un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer la somme de 18 900 euros au titre du loyer et des charges du 2ème trimestre 2021, outre la somme de 1 890 euros au titre de la clause pénale conventionnelle.
Par acte extra-judiciaire en date du 8 février 2022, la SCI W198 a fait assigner la société Prestige engineering devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion de la locataire aux conditions d’usage et obtenir sa condamnation au paiement provisionnel de diverses sommes.
Par ordonnance (improprement qualifiée de réputée contradictoire) du 7 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a déclaré recevable l’action engagée par la SCI W198, a débouté la société Prestige engineering de ses contestations et de sa demande de délai de paiement et a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 30 août 2021 ;
– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société Prestige engineering et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
– dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point ;
– fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par la société Prestige engineering, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
– condamné par provision la société Prestige engineering au paiement de la somme de 93 539,12 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation au 17 mars 2022 (1er trimestre 2022 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2021 à hauteur de 18 900 euros et à compter de la présente décision pour le solde, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures ;
– ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins une année entière à compter de la demande à cette fin formée par conclusions du 21 mars 2022, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– constaté que dans ses dernières conclusions la SCI W198 n’a pas maintenu ses demandes initiales formées au titre de la clause pénale et du dépôt de garantie ;
– condamné la société Prestige engineering aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et à payer à la société W198 la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que sa décision est exécutoire à titre provisoire.
Le 21 juin 2022, la société Prestige engineering a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1343-5 du code civil et L.145-41 du code de commerce et 564 du code de procédure civile de déclarer irrecevables comme nouvelles à hauteur d’appel les demandes de la SCI W198 de conservation du dépôt de garantie en paiement de la somme de 3 780 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article 10.2 du bail et, infirmant la décision entreprise et statuant à nouveau, de juger que l’acte notifié le 30 juillet 2021 par la SCI W198 étant indivisible de la volonté de son rédacteur, les demandes de la bailleresse sont irrecevables.
Elle sollicite à titre subsidiaire que la cour prononce la nullité du commandement du 30 juillet 2021, et à titre très subsidiaire, qu’elle juge qu’elle est fondée à opposer une exception d’inexécution et en conséquence, déboute la SCI W198 de l’intégralité de ses demandes. Enfin à titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour d’ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire et de lui octroyer les plus larges délais de paiement, et en tout état de cause, de condamner l’intimée au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 février 2023, la SCI W198 soutient au visa des articles 835 et 514 du code de procédure civile, des articles 1103, 1193, 1194 et 1728-2° du code civil et des articles L.145-41 et L.441-10 et D.441-5 du code de commerce, la confirmation de l’ordonnance entreprise dans ses dispositions relatives à la recevabilité de son action, au rejet des demandes des contestations et demandes de la locataire, au constat de l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences de droit (expulsion, séquestration des meubles, fixation provisionnelle de l’indemnité d’occupation) et à sa condamnation au paiement provisionnel d’une somme de 93 539,12 euros au titre de l’arriéré locatif au 17 mars 2022 avec intérêts de droit et anatocisme.
Elle demande également à la cour de constater que la société preneuse a été expulsée des lieux, le 19 octobre 2022, et en statuant à nouveau en fait et en droit sur l’appel incident de l’intimée, de :
– condamner la société Prestige engineering au paiement par provision d’une indemnité forfaitaire de 3 780 euros en application de l’article 10.2 du bail,
– dire qu’elle conservera le dépôt de garantie, en raison de la résiliation de plein droit du bail commercial du fait de la locataire,
– condamner la société Prestige engineering à lui payer, par provision, la somme de 11 934,51 euros à titre du remboursement de la franchise de loyer, la somme provisionnelle de 208,61 euros au titre du remboursement des frais d’huissier, la somme provisionnelle de 40 euros en application des articles L.441-10 et D.441-5 du code de commerce et en tout état de cause, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
A titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 963 du code de procédure civile prévoit que lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, les parties sont tenues de régler un droit de 225 euros affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses, prononcée d’office par la cour d’appel.
En l’espèce, en dépit de l’avis de fixation qui lui rappelait cette obligation et la sanction prévue si elle n’était pas respectée, et d’un rappel par message adressé par le greffe le 6 mars 2023, la société Prestige engineering n’a pas justifié du paiement du dit timbre, son conseil ayant d’ailleurs informé la cour qu’il ne s’acquittera pas de ce droit. Son appel et ses défenses seront en conséquence déclaré irrecevables et la cour n’examinera que les prétentions de la SCI W 198.
En vertu du 2ème alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La société bailleresse reprend devant la cour des demandes (clause pénale, conservation du dépôt de garantie, franchise de loyer et indemnité forfaitaire de recouvrement) qui figuraient dans son assignation mais selon l’exposé du litige de l’ordonnance entreprise, ne sont pas reprises dans ses dernières conclusions, ce qu’elle conteste.
Selon l’article 10-1 du bail, en cas de résiliation du bail consécutive à l’application de la clause résolutoire, le dépôt de garantie constitué par le preneur entre les mains du bailleur demeure acquis à ce dernier à titre d’indemnité sans préjudice du droit au paiement des loyers échus ou à échoir ou de toute autre indemnité.
L’article 10-2 vient préciser que toute somme due au bailleur au titre des loyers, indemnités d’occupation, charges, clauses et conditions du bail sera automatiquement augmentée de 10% si le paiement n’intervient pas à chaque échéance.
Ces dispositions conventionnelles viennent fixer par avance et de façon forfaitaire, l’indemnisation due au bailleur en cas d’inexécution par le locataire de ses obligations contractuelles. Elles constituent des clauses pénales. Compte tenu notamment de leur montant qui cumulé est particulièrement élevé, elles sont susceptibles de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l’article 1231-5 du code civil et par conséquent, d’être modérées par le juge du fond. Il convient de relever, de surcroît, que la demande de conservation du dépôt de garantie, porte sur la créance indemnitaire elle-même, alors que le juge des référés peut seulement allouer une provision de ce chef.
Il n’y a donc lieu à référé sur ces deux demandes.
La bailleresse sollicite, à titre de provision, le remboursement d’une franchise de loyer, consistant à la lecture de ses écritures, dans la restitution de la remise du loyer du premier trimestre 2021, accordée au titre de travaux de dépose, aux frais de la locataire, d’un transformateur EDF sur la base d’un devis de 11 934,51 euros. La bailleresse justifie certes de l’accord des parties sur la réalisation de ces travaux et leur financement mais alors qu’elle fait état de relances et mise en demeure qu’elle aurait adressées à la locataire, celles-ci ne sont pas produites aux débats. Elle n’apporte pas au débat d’élément suffisant pour qu’il puisse être retenu, avec l’évidence requise en référé, le manquement du locataire qui fonde cette demande provisionnelle. Il sera dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.
La SCI W 198 prétend également à l’allocation à titre provisionnel de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue aux articles L. 441-10 et D 441-1 du code de commerce. Ces textes sont inscrits dans un chapitre sur la transparence des marchés et ne concernent que les relations d’affaires entre un producteur, un prestataire de services, grossiste ou importateur et un acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle et ne sont pas applicables au présent litige relatif à l’exécution d’un bail. Cette demande ne peut pas prospérer.
Enfin, le premier juge a condamné la société Prestige engineering aux dépens, en ce compris le coût du commandement, ce qui rend sans objet la demande provisionnelle de la bailleresse au titre des frais relatifs à cet acte extra-judiciaire.
La société Prestige engineering sera condamnée aux dépens d’appel et au paiement d’une indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Déclare l’appel et les défenses de la société Prestige engineering irrecevables ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI W 198 au titre de la clause pénale, du dépôt de garantie, de la franchise de loyer, d’indemnité forfaitaire de recouvrement et de frais de commandement ;
Condamne la société Prestige engineering à payer à la SCI W 198 la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT