Clause pénale : 29 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01291

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Clause pénale : 29 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01291

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01291 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H737

CC

JUGE COMMISSAIRE DE NIMES

23 mars 2021 RG :19JC01287

S.A. LE CREDIT LYONNAIS (LCL)

C/

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE LA FONTAINE

Grosse délivrée

le 29 MARS 2023

à Me Pascale COMTE

Me Hubert MARTY

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 29 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge commissaire de Nîmes en date du 23 Mars 2021, N°19JC01287

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A. LE CREDIT LYONNAIS (LCL) S.A, au capital de 1.847.860.375€, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 954 509 741, dont le siège social est [Adresse 1]), représentée légalement par son Directeur Général en son siège social sis [Adresse 3]) agissant par son Président du Conseil d’Administration en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Claude BEGUE avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SELARL LA PHARMACIE DE LA FONTAINE,

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE LA FONTAINE, Immatriculée au RCS de Nîmes sous le n°490 806 148, prise en la personne de son représentant légal, Mme [D] [Y], pharmacienne, demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Hubert MARTY de la SELARL SELARL PLMC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Fany RIVIERE avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Février 2023

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 29 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 31 mars 2021 par la S.A. Le Crédit Lyonnais (LCL) à l’encontre de l’ordonnance prononcée le 23 mars 2021, dans l’instance n° 19JC01287, par le juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce de Nîmes dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de la société La Pharmacie de la Fontaine.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 mai 2021 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 juillet 2021 par la SELARL La Pharmacie de la Fontaine, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appel délivrée le 17 mai 2021 à la SELARL Etude Balincourt par acte laissé à une personne qui s’est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui, par conclusions du 9 février 2023, notifiées aux parties le 10 février 2023, a indiqué qu’il « s’en rapporte à l’appréciation de la Cour ».

Vu l’ordonnance du 31 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 23 février 2023.

* * *

Par acte authentique du 30 juin 2006, le Crédit Lyonnais a consenti un prêt n°11906043WT64 à la SELARL La Pharmacie de la Fontaine pour la somme au principal de 1 680 530 euros au taux de 2,45% (hors assurance), et d’une durée de 144 mois, prêt cautionné par la société Interfimo.

Une clause a été stipulée dans ce prêt quant aux conditions relatives au remboursement prévoyant que « toute somme due au Crédit Lyonnais et impayée à son échéance normale ou anticipée porte intérêts de plein droit sans mise en demeure au taux du prêt majoré de 3 points ».

Par avenant du 12 octobre 2009, la durée du prêt a été rallongée de 36 mois dont 12 mois de différé d’amortissement. Le taux d’intérêt est resté inchangé.

Un second avenant était signé le 23 mars 2011, modifiant notamment le taux d’intérêt du prêt, fixé à 3,50% hors assurance.

Par jugement du 1er août 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a placé la société La Pharmacie de la Fontaine en procédure de redressement judiciaire et a désigné la SELARL Etude Balincourt comme mandataire judiciaire.

Le 13 août 2018, la banque a déclaré sa créance privilégiée entre les mains du mandataire judiciaire portant sur :

76 échéances à échoir du 30 août 2018 au 30 novembre 2024 pour un montant de 730 282,08 euros ;

les intérêts de retard sur les échéances à échoir au taux de 3,50% + 3 points de la date du jugement d’ouverture jusqu’à parfait paiement ;

l’indemnité contractuelle de 5%.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2019, le mandataire judiciaire a contesté le montant des échéances à échoir déclarées, la majoration de 3 points du taux de l’intérêt et l’exigibilité de l’indemnité contractuelle. La banque a maintenu ses demandes, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 28 février 2019.

Par jugement du 8 avril 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a arrêté le plan de redressement de la société La Pharmacie de la Fontaine, a fixé à 10 ans la durée du plan et a dit que les créances échues Interfimo et Le Crédit Lyonnais seront réglées hors plan sur 12 ans de la façon suivante, soit 5 000 euros par mois durant 120 mois, puis 10 000 euros par mois durant 23 mois et une dernière échéance mensuelle finale estimée à 473 000 euros à parfaire à la date d’homologation du plan à un taux de 2%.

Par ordonnance du 23 mars 2021, le juge commissaire a :

-Dit la créance de la SA LCL-Crédit Lyonnais admise pour la somme de 730 282,08 euros à titre privilégié outre intérêts au taux de 2% l’an ;

-Dit que si la transaction intervenue entre les parties n’est pas respectée par le débiteur, les conditions du contrat initial reprendront leur plein et entier effet.

Le 31 mars 2021, la société Le Crédit Lyonnais (LCL) a relevé appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa de l’ordonnance du 23 mars 2021, de l’article L. 622-25 du code de commerce, des articles 1134 et 1152 anciens du code civil, de :

-Déclarer l’appel recevable en la forme et justifié au fond ;

Y faisant droit,

-Débouter la SELARL La Pharmacie de la Fontaine et la SELARL Balincourt de l’ensemble de leurs demandes et contestations ;

-Prononcer l’admission de la créance de la SA Le Crédit Lyonnais( LCL) au titre du prêt n°119060443WT64 en date du 30 juin 2006, pour la somme de 720 282,08 euros à titre privilégié et nanti, outre l’indemnité contractuelle et outre les intérêts de retard au taux de 3,50%, majoré de 3 points à compter du 1er août 2018 et jusqu’à parfait paiement ;

-Ordonner le paiement des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir, au visa de l’article L.622-25 du code de commerce, l’inopposabilité d’un accord postérieur à l’ouverture de la procédure collective. Outre le fait que le mandataire ne mentionnait pas l’accord transactionnel conclu avec la société Pharmacie de la Fontaine, la banque soutient qu’il n’y a pas eu de transaction en l’absence de concessions réciproques mais un accord intervenu postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Elle expose qu’en cas de non-respect de l’obligation de rembourser, elle ne saurait renoncer aux intérêts et devra pouvoir s’en prévaloir dans le cadre d’une action en paiement ou dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société débitrice.

Elle conteste le fait que la majoration du taux de l’intérêt, prévue contractuellement puisse être qualifiée de clause pénale et ne puisse être remise en cause en vertu du principe de la force obligatoire des conventions. En tout état de cause, la clause n’est pas manifestement excessive puisqu’elle est inférieure aux différentes majorations que la loi prévoit.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société La Pharmacie de la Fontaine, intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

-Confirmer en tous points la décision entreprise ;

Vu l’article 122 du code de procédure civile, les articles 2044 et 2052 du code civil, la lettre du LCL du 6 janvier 2020 et le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 8 avril 2020,

-Constater une transaction intervenue quant au taux des intérêts à échoir sur un montant de 2% privilégié ;

-Admettre au passif les sommes déclarées par Interfimo pour 730 282,08 euros à titre privilégié ;

-En ce qui concerne les intérêts à échoir, les admettre au passif avec mention « outre intérêts à 2%, sous réserve du respect de la transaction intervenue » ;

-Dire et juger le LCL irrecevable et à tout le moins mal fondé dans ses demandes relatives tendant à l’admission d’un taux supérieur à 2%

Subsidiairement,

Vu l’article 1103 du code civil,

-Dire et juger que les parties sont convenues d’un taux d’intérêts de 2% sous réserve du respect de ses obligations par le débiteur ;

En ce qui concerne le taux d’intérêts majoré de 3 points,

Vu l’article 1152 du code civil, la jurisprudence du 4 avril 2016, la clause du contrat de prêt instituant un taux majoré de 3 points en cas de défaillance du débiteur, des conditions usuelles de taux et de financement,

-Dire et juger que la clause instituant le taux majoré de 3 points s’analyse en une clause pénale ;

-Dire et juger cette clause manifestement excessive ;

-En conséquence, réduire à zéro ou à plus juste proportion que la cour arbitrera, le taux majoré de 3 points ;

-Condamner LCL au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’intimée expose qu’une transaction est intervenue entre les parties durant le redressement judiciaire, transaction reprise textuellement dans le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 8 avril 2020 ordonnant le plan de continuation de la pharmacie de la Fontaine.

Elle fait valoir, à titre principal que la transaction intervenue met un terme au litige et prive la banque de tout intérêt à agir. Le taux a été fixé par cette transaction à 2% et celle-ci est parfaitement exécutée, un virement mensuel de 5 000 euros ayant été mis en place.

A titre subsidiaire, elle soutient que la transaction est un contrat portant avenant au contrat de prêt et tient lieu de loi aux parties en vertu de l’article 1103 du code civil. le taux contractuel de 2% doit donc s’appliquer sous la réserve mentionnée par le juge commissaire. A supposer que la cour ne prenne pas en compte les effets de la transaction, la pharmacie de la Fontaine estime que la clause stipulant un taux majoré de 3% s’analyse en une clause pénale présentant un caractère manifestement excessif permettant au juge de la modifier et, en l’espèce, de la réduire à néant.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Par lettre du 6 janvier 2020, la banque accepte un plan de redressement de la pharmacie de la Fontaine sous réserve du remboursement de sa créance sur une durée de 12 ans sous diverses conditions cumulatives dont la mise en place de paliers portant sur une somme de 5 000 euros par mois durant 120 mois puis une somme de 10 000 euros par mois durant 23 mois et un solde estimé à 473 000 euros à parfaire à la date d’homologation du plan, le taux d’intérêt étant fixé à 2%.

Le plan a repris les modalités de paiement décrites par la banque, précisant que ces règlements sont faits hors plan.

Aux termes de l’article L.622-25 du code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jugement d’ouverture, soit en l’espèce à la date du 1er août 2018. Par conséquent, le juge commissaire doit apprécier le montant et la nature de la créance au jour d’ouverture. (Com. 2 oct. 2012, n° 11-20.181).

C’est donc à tort que le juge commissaire a pris en considération l’accord du créancier sur un plan de redressement sous réserve de diverses conditions cumulatives avec modification d’intérêt. Cet accord, qu’il soit qualifié de transaction ou d’avenant au contrat, n’était pas formalisé au jour de l’ouverture du redressement judiciaire et ne peut être invoqué dans la présente procédure d’admission de la créance de la banque.

Contrairement à ce que soutient la banque, la majoration du taux d’intérêt contractuel à hauteur de 3% constitue une clause pénale, puisqu’elle est stipulée en cas de défaillance de l’emprunteur et est forfaitairement fixée à 3% de majoration.

(Com. 18 mai 2005 n°03-10.508)

En l’espèce, le taux d’intérêt conventionnel du prêt a été fixé à 3,5%. L’augmentation de taux, de l’ordre de 90%, par rapport à un taux conventionnel de base, excède notablement le coût de refinancement de la banque au 1er août 2018 et elle est sans commune mesure avec le préjudice résultant pour elle du retard de paiement.

Il y a donc lieu de réduire cette clause pénale manifestement excessive à 1% de majoration.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a assorti la créance de la SA LCL-Crédit Lyonnais d’un montant de 730 282,08 euros à titre privilégié d’intérêts au taux de 2% l’an et dit que si la transaction intervenue entre les parties n’est pas respectée par le débiteur, les conditions du contrat initial reprendront leur plein et entier effet.

Et statuant à nouveau,

Dit la clause pénale de majoration d’intérêts manifestement excessive et la réduit à un point ;

Prononce l’admission de la créance de la SA Le Crédit Lyonnais(LCL) au titre du prêt n°119060443WT64 du 30 juin 2006, pour la somme de 720 282,08 euros à titre privilégié et nanti, outre l’indemnité contractuelle et outre les intérêts de retard au taux de 3,50%, majoré de 1 point à compter du 1er août 2018 et jusqu’à parfait paiement ;

Ordonne le paiement des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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