3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 157
N° RG 21/00277 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RIBV
S.A.R.L. AQUA SPORT LOISIRS
C/
S.A. CABINET [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me VIVES
Me VERRANDO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur
GREFFIER :
Madame Lydie CHEVREL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, le délibéré annoncé au 11 Avril 2023 ayant été avancé pour être rendu ce jour.
****
APPELANTE :
S.A.R.L. AQUA SPORT LOISIRS, immatriculée au RCS de SAINT-NAZAIRE sous le n°404 134 280, prise en la personne de son gérant, Monsieur [C] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.A. CABINET [Y], immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 345 375 604, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel NIVARD de la SELAS CJP AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, substituée par Me Camille SUDRON, avocat au barreau de RENNES
La société CABINET [Y] exerce une activité d’expertise après sinistre au service des assurés.
La société AQUA SPORT LOISIRS exploite une base de loisirs terrestres et nautiques située en Loire-Atlantique.
Le 24 octobre 2016, un incendie est survenu dans un bâtiment situé lieudit [Adresse 5], dont elle était propriétaire.
Suivant deux contrats en date du 26 octobre 2016, la société AQUA SPORT LOISIRS a confié au CABINET [Y] la réalisation d’une mission d’expertise des dommages directs résultant du sinistre et la réalisation d’une mission d’expertise des dommages immatériels.
Au cours des opérations d’expertise, le CABINET [Y] a adressé à la société AQUA SPORT LOISIRS plusieurs factures d’acomptes :
‘ Facture du 29-12-2016 de 4.000 € HT, soit 4.800 € TTC,
‘ Facture du 31~03~2017 de 18.500 HT, soit 22.200 € TTC,
‘ Facture du 31-07-2017 de 10.000 € HT, soit 12.000 € TTC.
Ces 3 factures n’ont jamais été réglées.
En dépit de ces défauts de paiement, le CABINET [Y] a poursuivi ses missions. A l’issue des opérations d’expertise amiable, les experts sont parvenus à un accord sur le montant des dommages résultant du sinistre.
La société AQUA SPORTS LOISIRS a toutefois refusé dans un premier temps la proposition d’indemnisation, au motif que les honoraires de la société CABINET [Y] n’étaient pas pris en charge par son assureur, la compagnie AXA.
Elle a toutefois signé des accords transactionnels avec son assureur lui allouant 686.068 euros de préjudice matériel et 453.285 euros au titre de sa perte d’exploitation.
La compagnie AXA a maintenu son refus de prise en charge de ses honoraires et le CABINET [Y] a facturé le solde de ses honoraires selon facture du 08 décembre 2017, à hauteur de 5.402,10 euros TTC.
Il lui reste dû au total la somme de 44.402,10 euros.
Postérieurement, un accord a été conclu entre la société AQUA SPORT LOISIRS et son assureur.
Ne pouvant se faire payer ses honoraires malgré une mise en demeure du 23 février 2018, le CABINET [Y] a assigné le 24 janvier 2019 la société AQUA SPORT LOISIRS devant le tribunal de commerce de Nantes.
Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal de commerce de Nantes a:
– débouté la société AQUA SPORT LOISIRS de l’ensemb1e de ses demandes, y compris reconventionnelles ;
– condamné la société AQUA SPORT LOISIRS à payer à la société CABINET [Y] la somme de 44.402,10 € et ce, avec intérêts de retard à un taux égal à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter du 29 mai 2018 ;
– condamné la société AQUA SPORT LOISIRS à payer à la société CABINET [Y] la somme de 4.440,21 € à titre de clause pénale,
– condamné la société AQUA SPORT LOISIRS à payer à la société CABINET [Y] la somme de 160 euros à titre d’indemnité forfaitaire,
– débouté la société CABINET [Y] du surplus de ses demandes,
– condamné la société AQUA SPORT LOISIRS au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société AQUA SPORT LOISIRS aux dépens.
Appelante de ce jugement, la société AQUA SPORT LOISIRS, par conclusions du 28 décembre 2022, a demandé que la Cour:
– la reçoive en son appel et le dise bien fondé,
– réforme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de Nantes,
Et statuant à nouveau,
– dise et juge que la société AQUA SPORT LOISIRS est fondée à opposer l’exception d’inexécution à la société [Y],
– déboute la société [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– subsidiairement, réduise la somme due à la société [Y] à la somme de 7.200 € TTC,
– encore plus subsidiairement, condamne la société [Y] à payer la somme de 25.000 € à la société AQUA SPORT LOISIRS au titre du préjudice causé par un manquement à son obligation d’information,
-ordonne la compensation judiciaire,
– à titre infiniment subsidiaire, dise n’y avoir lieu à appliquer la clause pénale et les intérêts de retard,
– condamne la société [Y] à payer la somme de 5.000 € à la société AQUA SPORT LOISIRS au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamne la société [Y] aux entiers dépens.
Par conclusions du 04 janvier 2023, la société CABINET [Y] a demandé que la Cour:
– déclare la société AQUA SPORT LOISIRS irrecevable et subsidiairement infondée en son appel ;
– confirme dans toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nantes le 19 novembre 2020
Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,
– condamne la société AQUA SPORT LOISIRS à payer au CABINET [Y] la somme de 3 500 Euros au titre des dispositions de l’Article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
– condamne la société AQUA SPORT LOISIRS aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
MOTIFS DE LA DECISION:
A titre liminaire, la Cour ne relève dans les conclusions de la société CABINET [Y] aucun motif qui pourrait venir au soutien de sa demande visant à voir dire la société AQUA SPORT LOISIRS irrecevable en son appel.
La société AQUA SPORT LOISIRS soutient que la société CABINET [Y] n’a effectué aucun travail réel et lui oppose par conséquent une exception d’inexécution.
La société AQUA SPORT LOISIRS a signé deux conventions avec la société CABINET [Y], l’une relative à son préjudice matériel, l’autre relative à son préjudice immatériel.
Il ne résulte d’aucune des pièces versées aux débats que la société CABINET [Y] se soit engagée à ce que ses honoraires soient pris en charge par l’assureur.
Le préjudice matériel:
La société CABINET [Y] verse aux débats:
– des courriels attestant de sa participation à des réunions visant au chiffrage des préjudices matériels les 22 novembre 2016, 17 janvier 2017, 15 mars 2017,
– des courriels adressés à la compagnie d’assurances demandant le versement d’acomptes à la société AQUA SPORT LOISIRS,
– le chiffrage du préjudice matériel de la société AQUA SPORT LOISIRS, lot par lot, aboutissant à un total de préjudice de 680.763 euros,
– le récapitulatif des factures de reconstruction, permettant les demandes de déblocage d’acompte,
– le procès-verbal transactionnel signé par la compagnie AXA et la société AQUA SPORT LOISIRS à hauteur de 686.068 euros de préjudice matériel.
Ces pièces témoignent de l’importance du travail effectué et d’une méconnaissance de ses fondements par la société AQUA SPORTS LOISIRS.
La société AQUA SPORT LOISIRS fait ainsi grief au Cabinet [Y] d’avoir procédé à un chiffrage théorique sans rencontrer son architecte et d’avoir dû elle-même lui demander des rectifications.
Cette argumentation témoigne d’une méconnaissance du travail de l’expert chargé d’évaluer un préjudice matériel.
D’une part, il n’est pas le maître d’oeuvre de la reconstruction.
D’autre part, l’évaluation des dommages va nécessiter un premier travail visant à justifier de ce qui a été détruit, en fonction tout à la fois d’éléments de preuve et de règles théoriques (restes d’objets détruits, factures et amortissement).
Ce n’est qu’une fois ce travail effectué que pourra se poser la question de la reconstruction, les compagnies d’assurance veillant bien entendu à ne payer que ce dont il est justifié avoir été endommagé ou détruit.
Enfin il est usuel qu’un dialogue s’insère entre l’assuré et l’expert, le premier pouvant vouloir insister sur des aspects du dossier peu mis en valeur par le second, et le second ayant besoin de documents que seul le premier peut lui communiquer, comme les devis des coûts de reconstruction.
Ainsi, le courrier adressé le 30 mars 2017 au Cabinet [Y] par la société AQUA SPORT LOISIRS, dans lequel elle lui récapitule les factures et devis des travaux de reconstruction ne témoigne pas d’une inexécution de ses prestations par l’expert.
A cet égard, le montant des travaux résultant de cette première estimation est de 724.920 euros, à comparer avec les 686.068 euros reçus en définitive , soit des montants proches.
Le mode de calcul définitif de la société AXA n’est pas justifié, non plus que le contrat, et la Cour ne sait donc pas pourquoi le chiffre de 686.068 euros d’indemnisation a été retenu.
Au demeurant, il n’est pas allégué que la société AQUA SPORT LOISIRS se soit trouvée dans l’incapacité, avec l’indemnité allouée, de faire reconstruire son espace de loisirs.
En conséquence, le Cabinet [Y] justifie de l’exécution de ses prestations pour le préjudice matériel.
Le préjudice immatériel:
A titre liminaire, la Cour relève qu’aucune des parties n’a jugé utile de verser aux débats le contrat d’assurance, ce qui lui interdit de vérifier comment celui-ci devait s’apprécier.
Est versée aux débats l’étude établie à l’appui de la réclamation pour perte d’exploitation, avec la difficulté résultant du caractère saisonnier de l’activité pour apprécier la perte de marge sur coût variable réellement subie.
Sont aussi justifiés différents rendez vous avec l’expert d’AXA pour fixer la perte d’exploitation, et la transmission de documents.
Le protocole d’accord transactionnel signé par la société AQUA SPORTS LOISIRS comprend une mention selon laquelle les parties rappellent que les dommages ont été chiffrés contradictoirement entre l’expert de la compagnie AXA et l’expert du Cabinet [Y].
Il comprend aussi une mention selon laquelle la compagnie AXA, à titre exceptionnel et transactionnel, accepte une indemnisation de 453.285 euros ‘alors que l’engagement maximum aurait dû être de 433.858 euros’.
Il résulte enfin d’un courrier de la société AQUA SPORT LOISIRS adressé à la compagnie AXA que le seul point ayant fait litige pour accepter l’indemnité offerte au titre de la perte d’exploitation a été la demande de prise en charge des honoraires de la société CABINET [Y], le solde de l’évaluation étant apparu acceptable à l’assuré (pièce numéro 5 AQUA SPORTS LOISIRS).
Dès lors, il est justifié du travail réalisé par la société CABINET [Y] et il apparaît que les droits de la société AQUA SPORT SERVICES ont été préservés.
Pour ces motifs, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société AQUA SPORTS LOISIRS à payer les factures de la société CABINET [Y] le mode de calcul des honoraires ne faisant pas l’objet de contestation.
Les intérêts demandés étant ceux de l’article L442-6 ancien du code de commerce, ils sont dus de plein droit, de même que l’indemnité forfaitaire.
S’agissant de la clause pénale, égale à 10% des sommes dues, cette dernière est prévue par les conventions et la société AQUA SPORT SERVICES ne démontre pas qu’elle présente un caractère manifestement excessif.
Le jugement est donc confirmé sur ce point.
Il a été dit plus haut que la société AQUA SPORT SERVICES ne justifiait pas que la société CABINET [Y] lui ait indiqué que ses honoraires seraient pris en charge par la compagnie d’assurance.
Elle ne justifie pas plus qu’elle avait des raisons sérieuses de croire à une telle prise en charge et qu’elle aurait due être détrompée par la société CABINET [Y].
Dès lors, aucun manquement à un quelconque devoir d’information n’est établi à l’encontre de la société CABINET [Y] et la demande de dommages et intérêts présentée par l’appelante est rejetée.
Le jugement est confirmé de ce chef.
La société AQUA SPORTS LOISIRS, qui succombe dans son recours, supportera la charge des dépens d’appel.
La société CABINET [Y], déjà indemnisée des conséquences de la défaillance de l’appelante par l’application d’une clause pénale, verra rejetée sa demande de frais irrépétibles en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne la société AQUA SPORTS LOISIRS aux dépens d’appel.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT