N° RG 21/07729 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N4ZT
Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON
du 31 août 2021
RG : 11-20-000188
[U]
C/
[S]
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 27 Avril 2023
APPELANT :
M. [J] [U]
né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Brigitte MANEVAL-PASQUET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEES :
Mme [F] [S]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Céline GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2210
assistée de Me Benoît COURTIN, avocat au barreau de LYON, toque : 2216
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 21 Juin 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mars 2023
Date de mise à disposition : 27 Avril 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Suivant ordonnance du 5 juin 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montbrison a enjoint à M. [J] [U] de payer à la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNP) la somme de 38.992,72 euros en paiement du solde impayé d’un prêt du 6 juin 2018, outre intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification de l’ordonnance.
Cette ordonnance a été signifiée le 17 juin 2020 à la personne de M. [U].
Le 3 juillet 2020, M. [U] a fait opposition à cette ordonnance.
Les parties ont été convoquées devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montbrison afin de voir statuer sur l’opposition de M. [U].
Le 23 décembre 2020, M. [U] a fait appeler en cause Mme [F] [S].
Le 8 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection a procédé à la vérification de la signature de M. [U].
La société BNP demandait en dernier lieu de voir condamner solidairement M. [U] et Mme [S] à lui payer le solde impayé du prêt avec intérêts au taux contractuel de 4,21 % l’an à compter du 4 juillet 2019 ainsi que la clause pénale et concluait au rejet des demandes adverses.
M. [U] sollicitait de voir à titre principal débouter la société BNP de la demande en paiement à son égard, à titre subsidiaire ordonner une expertise graphologique et à titre plus subsidiaire, condamner Mme [S] à le relever et garantir de toute condamnation.
Mme [S] concluait au débouté des prétentions de M. [U].
Par jugement du 31 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montbrison a :
– déclare recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer formée par M. [U],
– mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 5 juin 2020,
– dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise graphologique,
– dit que la signature figurant sur l’offre de prêt Cetelem du 6 juin 2018 n’était pas celle de M. [U],
– condamné M. [U] à payer à la société BNP la somme de 37.002,07 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [U] et Mme [S] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 21 octobre 2021, M. [U] a interjeté appel de la décision, sauf en ce que celle-ci a déclaré recevable son opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 5 juin 2020 et dit que la signature figurant sur l’offre de prêt Cetelem du 6 juin 2018 n’était pas la sienne.
Dans ses conclusions notifiées le 19 janvier 2022, M. [U] a demande à la Cour, au visa des articles 287 et 288 du code de procédure civile,1103, 1104, 1154, 1184, 1193, 12131-1, 1303 et suivants, 1304, 1353, 1902,1342-10, 1344 et 2224 du code civil, de :
à titre principal :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société BNP la somme de 37.002.07 euros en principal avec intérêts au taux légal, vu qu’il n’a pas signé le contrat de prêt et que celui-ci lui est donc inopposable,
– débouter la société BNP de toutes les demandes formées à son encontre,
à titre subsidiaire, si par impossible, Ia Cour d’AppeI entendait entrer en voie de condamnation à son encontre :
à titre principal :
– condamner Mme [S] à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
à titre subsidiaire et avant dire droit:
– ordonner une expertise graphologique, l’expert ayant pour mission de dire si l’écriture figurant sur l’offre de prêt invoquée par la société BNP est celle de Mme [S],
à titre infiniment subsidiaire :
– condamner Mme [S] solidairement avec lui à rembourser la somme de 37.002,07 euros en principal, outre intérêts au taux légal,
– débouter la société BNP du surplus de ses demandes,
– débouter Mme [S] de toutes ses demandes,
– condamner la société BNP et Mme [S] aux entiers dépens de l’instance, ainsi qu’au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, M. [U] fait valoir que :
– il a découvert à la fin de l’année 2018 que Mme [S], avec qui il entrenait une relation depuis 2012-2013 et avait une fille née en 2014, avait totalement abusé de sa confiance ; celle-ci a notamment été condamnée pour escroquerie au préjudice d’un couple d’amis chez qui elle travaillait et a souscrit à son insu plusieurs prêts à son nom, alors qu’elle lui avait fait croire qu’elle disposait de beaucoup d’argent,
– il s’est séparé de Mme [S] et a déposé plainte contre elle pour abus de confiance, faux et usage de faux ainsi que diffamation ; si le premier juge a constaté à juste titre qu’il n’avait pas signé le contrat de prêt considéré, il l’a condamné à tort au paiement du solde impayé de ce prêt,
– le seul fait que le capital prêté ait été versé sur le compte joint dont il était titulaire avec Mme [S] ne prouve pas qu’il s’est enrichi personnellement aux dépens du prêteur ; par ailleurs, l’article 220 du code civil n’est pas applicable en l’espèce, du fait qu’il n’était pas marié avec Mme [S] ; enfin, la société BNP n’a pas vérifié par téléphone qu’il était bien l’auteur de la demande de prêt contracté à distance, de telle sorte qu’elle est responsable du préjudice lié à ce prêt,
– à titre subsidiaire, son appel afin d’être relevé et garanti des condamnations pouvant être prononcées à son égard par Mme [S], est bien fondé, celle-ci ayant manifestement signé le contrat de prêt litigieux en son nom, et à titre infiniment subsidiaire Mme [S] doit être condamnée solidairement avec lui au paiement du solde impayé du prêt, du fait qu’elle était cotitulaire du compte joint sur lequel le capital a été versé.
Dans ses conclusions notifiées le 18 avril 2022, la société BNP demande à la Cour, au visa des 4, 5, 7 alinéa 1er, 9, 125, 51, 514-1, 287, 288 et 378 du code de procédure civile, 1103,1104, 1154, 1184, 1193, 1231-1,1303, 1303-1, 1344, 1353, 1902, 1342-10, 1344 et 2224 du code civil, R.631-2, R.312-35, L.312-47, L.312-48, L.312-49, L.311-14, L.312-12 et L.312-17, D.312-8, L.341-1, L.312-16, L.341-2, L.312-29, L.3414, L.312-17, L.341-3, L.312-28, R.312-33 et L.312-87, L.312-19, L.312-20, L.312-21, L.312-22, L.312-23, L.312-28, L.341-4, L.312-39, D.312-16 du code de la consommation, L.313-3 du code monétaire et financier de :
– réformer le jugement en ce qu’il a :
‘ débouté les parties du surplus de leurs demandes, et notamment rejeté la demande de condamnation formulée à l’encontre de Mme [S] par la société BNP,
‘ dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– condamner solidairement M. [U] et Mme [S] au règlement de la somme de 37.002,07 euros en principal avec intérêts au taux légal,
– débouter M. [U] et Mme [S] de toutes demandes contraires,
– condamner solidairement M. [U] et Mme [S] au règlement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, d’appel et de toutes ses suites.
A l’appui de ses prétentions, la société BNP fait valoir que :
– M. [U] était cotitulaire avec Mme [S] du compte joint sur lequel les fonds prêtés ont été versés et a profité de ceux-ci comme il l’a reconnu dans le cadre de son dépôt de plainte,
– M. [U] s’étant enrichi de manière injustifiée à son détriment, elle est bien fondé à lui réclamer le paiement du solde impayé du prêt ; il en est de même en ce qui concerne Mme [S], étant observé qu’il ressort des motifs du jugement que le premier juge souhaitait prononcer une condamnation solidaire à l’égard de M. [U] et Mme [S], ce qu’il a omis de faire ; la condamnation à paiement de Mme [S] est d’autant plus justifiée que celle-ci a manifestement signé le contrat de prêt litigieux au nom de M. [U],
– elle s’en remet à l’appréciation de la Cour quant à la demande de M. [U] afin d’être relevé et garanti par Mme [S] des condamnations pouvant être mises à sa charge.
Dans ses conclusions notifiées le 18 avril 2022, Mme [S] demande à la Cour, au visa des articles 331 et suivants, 700 du code de procédure civile, 1103 et 1318 du code civil, L. 312-12 et suivants du code de la consommation, de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter M. [U] de ses prétentions aux fins d’expertise graphologique et de vérification d’écriture,
– condamner M. [U] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que :
– elle a été contrainte de se séparer de M. [U] en raison de la dégradation de son état de santé du fait du comportement de son conjoint, lequel était violent, la soumettait à des pressions psychologiques et voulait avoir un train de vie très supérieur à celui auquel il pouvait prétendre ; M. [U] a contracté le prêt litigieux afin d’acquérir un véhicule, dont il était l’utilisateur exclusif,
– la signature apposée sur le contrat de prêt litigieux est bien celle de M. [U], de telle sorte qu’il ne lui incombe pas de supporter la charge du règlement de ce prêt ; en outre, ce prêt a profité seulement à M. [U], même si les fonds prêtés ont été versés sur le compte joint et il ne ressort pas des motifs du jugement que le premier juge souhaitait la condamner solidairement avec M. [U] ; enfin, il n’est pas démontré que c’est elle qui a signé le prêt au nom de son ex-compagnon,
– une mesure de vérification d’écriture ou une expertise graphologique ne permettront pas de prouver qu’elle a imité la signature de M. [U] dans le cadre du contrat de prêt.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2022.
Mme [S] a adressé à la Cour le 17 mars 2023 une note en délibéré à laquelle étaient jointes de nouvelles pièces, sollicitant si besoin une réouverture des débats. La société BNP et M. [U] ont conclu les 24 et 25 mars 2023 au rejet de cette note en délibéré et des pièces jointes, s’opposant à une réouverture des débats.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
En l’absence d’arguments développés par le ministère public ou de demande de la Cour afin d’explications complémentaires, il convient de déclarer irrecevable la note en délibéré de Mme [S] du 17 mars 2023 et les pièces jointes à cette note.
sur la demande en paiement de la société BNP :
Suivant offre préalable acceptée le 6 juin 2018, la société BNP, exerçant sous l’enseigne Cetelem, a consenti à M. [U] un crédit d’un montant de 40.000 euros en capital, remboursable en 60 mensualités de 740,46 euros chacune (hors assurance), comprenant des intérêts au taux débiteur fixe de 4,21 % l’an.
Plusieurs échéances du prêt étant restées impayées, la société BNP a mis en demeure M. [U] de régler celles-ci par lettre recommandée du 11 juin 2019 avec avis de réception signé le 15 juin 2019 puis a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée du 4 juillet 2019, retournée par la Poste avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
sur la demande en paiement de la société BNP :
Si Mme [S] soutient que le prêt litigieux a été signé par M. [U], elle conclut néanmoins à la confirmation du jugement. Aussi, elle ne fait pas appel incident du jugement sur ce point de même que la société BNP. Le jugement s’impose dès lors aux parties en ce qu’il a dit que la signature figurant sur l’offre de prêt Cetelem du 6 juin 2018 n’était pas celle de M. [U].
Les parties sont d’accord pour reconnaître que la société BNP a versé la somme de 40.000 euros sur le compte joint de M. [U] et Mme [S]. Plusieurs mensualités ayant été remboursées à la société BNP à hauteur de la somme totale de 2.997,93 euros, la société BNP justifie d’un appauvrissement de 37.002,93 euros et d’un enrichissement corrélatif au profit de M. [U] et Mme [S], en l’absence de preuve par ceux-ci que l’un d’entre eux n’a pas bénéficié de la somme versée sur le compte joint.
M. [U] et Mme [S] sont donc redevables de la somme de 37.002,93 euros à l’égard de la société BNP en application de l’article 1303 du code civil, peu important qu’une faute du prêteur soit à l’origine du versement des fonds considérés. Toutefois, la société BNP n’établit pas à quel titre cette somme lui serait due solidairement par M. [U] et Mme [S]. Ceux-ci seront condamnés conjointement et non solidairement à payer la somme de 37.002,93 euros à la société BNP outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt. Le jugement sera infirmé sur ce point.
sur la demande de M. [U] afin d’être relevé et garanti par Mme [S] des condamnations prononcées à son égard :
M. [U] ne précise pas quelles similitudes existent entre le carnet écrit de la main de Mme [S] et les mentions manuscrites sur le prêt du 6 juin 2018 signé à son nom. Par ailleurs, il ne verse pas aux débats d’expertise graphologique privée ni ne fait connaître la suite donnée à ses plaintes pénales des 24 novembre 2018 et 23 février 2019 pour faux et usage de faux contre Mme [S] dans le cadre du prêt Cetelem considéré. Aussi, il ne produit pas de pièces de nature à démontrer que Mme [S] aurait falsifié sa signature. La mesure d’instruction sollicitée ayant pour seule fin de suppléer la carence de M. [U] dans l’administration de la preuve, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise graphologique.
M. [U] ne prouvant pas que Mme [S] a signé le contrat de prêt à sa place, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande afin d’être relevé et garanti des condamnations prononcées à son égard.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé quant aux dépens. M. [U] et Mme [S], parties perdantes pour l’essentiel, seront condamnés conjointement aux dépens d’appel. L’équité ne commande pas en l’espèce d’allouer à l’une des parties une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant dans les limites de l’appel,
Déclare irrecevable la note en délibéré de Mme [S] du 17 mars 2023 et les pièces jointes à cette note ;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [U] à payer à la société BNP la somme de 37.002,07 euros outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
L’infirme sur ce point ;
STATUANT A NOUVEAU,
Condamne conjointement M. [U] et Mme [S] à payer à la société BNP la somme de 37.002,07 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt;
Condamne M. [U] et Mme [S] aux dépens d’appel ;
Déboute chacune des parties de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT