Clause pénale : 27 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03882

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Clause pénale : 27 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03882

N° RG 21/03882 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LA4X

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXWAY AVOCATS

la SELARL EUROPA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG 2019J148)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 23 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 08 septembre 2021

APPELANT :

Me [K] [E] ès qualité de « Mandataire liquidateur » de la Société « VICTORIA STATION PRODUCTION »

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté et plaidant par Me Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.C.I. CASERNE DE BONNE au capital de 3.400.000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT-ETIENNE sous le numéro 477 667 976, agissant par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me HOBARDON de la SASU CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 février 2023, M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport et, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure :

1. Par acte sous seing privé du 15 juin 2010 et avenant du 17 décembre 2010, la SCI Caserne de Bonne a conclu un bail commercial avec la société SF Punto, aux droits de laquelle est venue la société Victoria Station Production, portant sur des locaux dépendant du centre commercial Caserne de Bonne à [Localité 5]. Ce bail a été consenti pour une durée de 10 ans, s’échelonnant du 17 décembre 2010 au 16 décembre 2020, moyennant un loyer annuel de base de 21.500 euros HT et hors charges et d’un loyer variable additionnel, correspondant à la différence positive entre un pourcentage égal à 6% HT du chiffre d’affaires annuel réalisé par le preneur et le Ioyer de base.

2. La société Victoria Station Production a réglé tardivement et partiellement ses loyers, si bien que la dette arrêtée au 9 octobre 2018 s’est élevée à la somme de 93.540,07 euros. A plusieurs reprises, la SCI Caserne de Bonne a signifié des commandements de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, mais n’est pas allée jusqu’au bout des démarches contentieuses.

3. La SCI Caserne de Bonne s’est finalement rapprochée de la société Victoria Station Production et, le 22 novembre 2018, un protocole d’accord transactionnel a été régularisé, valant résiliation du bail, sans indemnité de quelque nature que ce soit de part et d’autre, et aux termes duquel la bailleresse a consenti un abandon de sa créance pour un montant de 55.140,07 euros TTC. Le preneur, via sa société mère C2M73, s’est acquittée du paiement du solde restant dû, soit la somme de 38.400 euros.

4. Selon jugement prononcé le 18 décembre 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a ordonné la liquidation judiciaire immédiate de la société Victoria Station Production, et a fixé la date de cessation des paiements au 31 octobre 2018. Le 15 avril 2019, maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire, a engagé une procédure tendant à l’annulation du protocole et à la restitution des actifs.

5. Par jugement du 23 juillet 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a’:

– débouté maître [E] ès-qualités de liquidateur de la société Victoria Station Production, de sa demande de nullité du protocole de résiliation du bail du 22 novembre 2018′;

– jugé que le protocole constitue une transaction, régularisée en contrepartie de concessions réciproques, entre la SCI Caserne de Bonne et la société Victoria Station Production’;

– jugé que maître [E] ès-qualités de liquidateur de la société Victoria Station Production, n’apporte pas la preuve formelle de la connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Victoria Station Production par la SCI Caserne de Bonne’;

– jugé que la somme de 38.400 euros constitue une dette de loyers, qu’il s’agit d’une créance certaine, liquide et exigible, qui ne saurait faire l’objet de restitution, ne trouvant pas son fondement juridique dans l’acte issu du protocole de résiliation du bail’;

– jugé que maître [E] en qualité de liquidateur de la société Victoria Station Production, ne peut prétendre à quelque remboursement que ce soit lié à la perte du fonds de commerce ainsi que du droit au bail, dépourvus de toute valeur comme de toute existence’;

– débouté les parties de leurs demandes d’exécution provisoire’;

– rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la SCI Caserne de Bonne’;

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné maître [E] en qualité de liquidateur de la société Victoria Station Production aux entiers dépens de l’instance.

6. Appel de ce jugement a été interjeté par maître [E] le 8 septembre 2021, concernant l’ensemble de ses dispositions, à l’exception de celles ayant’:

– débouté les parties de leurs demandes d’exécution provisoire’;

– rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la SCI Caserne de Bonne’;

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 12 janvier 2023.

Prétentions et moyens de maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production ‘:

7. Selon ses conclusions remises le 23 février 2022, il demande à la cour, au visa des articles L622-26, L 632-1, L 632-2, L 641-9, L 641-14 du code de commerce’:

– de recevoir son appel et de le déclarer bien fondé’;

– à titre principal, de constater la nullité du protocole de résiliation du bail en date du 25 juin 2010 régularisé par les parties le 22 novembre 2018′;

– subsidiairement, de constater qu’en toute connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Victoria Station Production, la société Caserne de Bonne et la société Victoria Station Production ont signé un acte sous seing privé emportant protocole de résiliation du bail commercial et paiement d’une partie de l’arriéré locatif par le preneur pendant la période suspecte, résultant du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Victoria Station Production’;

– en conséquence, de juger que la signature du protocole litigieux a eu pour effet de priver le preneur d’une part de la propriété du fonds de commerce, et d’autre part de la créance qu’il détenait à l’encontre de la Société C2M73′;

– de prononcer la nullité dudit protocole ainsi que corrélativement la nullité du paiement opéré entre les mains du bailleur par le preneur pour la somme 38.400 euros TTC ;

– de constater que du propre aveu du bailleur dès lors qu’il a récupéré le droit au bail dont bénéficiait son preneur, il a procédé à la destruction des locaux qui constituaient le siège d’exploitation de son fonds de commerce’;

– en conséquence, de constater que dans ces conditions, la restitution du droit au bail et du fonds de commerce propriété de la société Victoria Station Production est devenue impossible par le fait du bailleur’;

– de condamner la SCI Caserne de Bonne à payer au concluant ès-qualités de liquidateur de la société Victoria Station Production, la somme de 38.400 euros TTC, ainsi que celle de 68.729,50 euros correspondant à la perte du fonds de commerce ainsi que du droit au bail’;

– de débouter l’intimée de son appel incident’;

– de condamner la SCI Caserne de Bonne à payer au concluant ès-qualités de liquidateur de la société Victoria Station Production, une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;

– de condamner l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelant expose’:

8. – que la société Victoria Station Production a rapidement tardé à régler ses loyers, mais que le bailleur s’est cependant gardé de faire jouer la clause résolutoire en saisissant le juge des référés, conscient que cela entraînerait une déclaration de cessation des paiements par le preneur, et ainsi le risque de perte de sa créance’; que cette attitude du bailleur a ainsi permis à la dette locative d’atteindre 93.540,07 euros le 9 octobre 2018, représentant plusieurs années de loyers’; que le bailleur s’est ainsi rapproché du preneur, ce qui a abouti à l’accord transactionnel’;

9. – que suite à l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Victoria Station Production, le concluant a constaté que le protocole signé le 22 novembre 2018 était intervenu pendant la période suspecte, reportée au 31 octobre 2018′; qu’alors que la loi faisait interdiction au preneur de régler au bailleur, le jour de la signature du protocole, la somme de 38.400 euros a été payée au bailleur via la société mère du preneur, ayant le même gérant’; que cette opération est manifestement intervenue dans un intérêt personnel, au mépris de la collectivité des créanciers de la société Victoria Station Production représentée par le concluant, puisque le preneur s’est vu ainsi privé de l’actif constitué par le fonds de commerce, ainsi que d’une créance sur sa société mère’; que suite à la signature du protocole, le gérant du preneur a ainsi sollicité une liquidation immédiate, en raison de l’absence de toute possibilité de poursuivre l’activité, ce qui a eu pour conséquence la prise en charge par l’Ags de trois salariés attachés au fonds, pour un coût de 15.975,42 euros; qu’au jour de la signature du protocole, la société Victoria Station Production se trouvait déjà en état de cessation des paiements en raison de l’ampleur de sa dette locative, ce que ne pouvait ignorer le bailleur, encaissant à cette occasion 38.400 euros et récupérant le droit au bail’;

10. – au titre des articles L641-14 et L632-1 et suivants du code de commerce, que sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière, tous paiements pour dettes échues faits autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires’; que selon l’article L632-2, les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements’;

11. – qu’en l’espèce, c’est le bailleur qui a pris l’initiative de la rédaction du protocole litigieux, afin de mettre un terme immédiat à un bail commercial ainsi qu’au règlement également immédiat de 40% de la créance qu’il détenait contre la société Victoria Station Production, contre l’abandon de 60% de ladite créance qu’il détenait jusqu’alors contre un débiteur insolvable en état de cessation des paiements, ainsi que cela ressort du préambule de ce protocole’; qu’ainsi, la nullité de plein droit prévue par l’article L631-1 doit s’appliquer, s’agissant d’une résolution amiable en période suspecte, ne constituant pas une mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires;

12. – subsidiairement, que l’opération est nulle au regard de l’article L631-1 1er, le protocole constituant un acte à titre gratuit translatif de propriété mobilière, puisque la perte de la propriété commerciale, impliquée par la résiliation du bail, est intervenue sans contrepartie;

13. – que l’opération est également illicite en vertu de l’article L632-2 concernant la possibilité d’annuler l’opération, lorsque le créancier a eu connaissance de l’état de cessation des paiements’; que si le tribunal a estimé que le concluant est défaillant dans l’administration de la preuve de la connaissance de cet état par l’intimée au jour de la signature du protocole, cependant, il a relevé que le protocole avait été précédé par un commandement de payer démontrant que le preneur était dans l’impossibilité de payer la totalité des loyers dus’; que la seule lecture du protocole confirme la connaissance de la situation compromise du preneur par le bailleur, alors que le bailleur est à l’initiative de ce protocole; que l’intimée savait que son débiteur était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au sens de l’article L631-1, notamment suite à la délivrance de plusieurs commandements de payer’; que le but poursuivi par le bailleur, ne mettant pas en ‘uvre des procédures de résiliation du bail, était d’éviter une déclaration de cessation des paiements et le risque d’une perte de sa créance, ce qui le constitue de mauvaise foi’;

14. – sur les conséquences de l’annulation de ce protocole, que si le concluant a demandé initialement la restitution du droit au bail, et ainsi du fonds de commerce, il est apparu que le bailleur a détruit des lieux, fermant le local pendant plusieurs semaines, alors que le kiosque dans lequel le preneur exerçait son activité n’existe plus au sein de la galerie marchande’; que le bailleur doit ainsi rembourser, à titre de dommages et intérêts, en raison de sa mauvaise foi résultant des dispositions prises pour rendre impossible toute restitution des lieux, la valeur du fonds correspondant à six mois de chiffre d’affaires réalisé courant 2017, soit 68.729,50 euros’;

15. – sur ce point, que si le tribunal a indiqué que le concluant ne pouvait en aucun cas reprendre le fonds, dès lors qu’il était dans l’impossibilité de payer les loyers faute d’actif généré par la liquidation, le concluant n’a pas eu l’intention de poursuivre l’exploitation du fonds, d’autant que la liquidation suppose l’arrêt de toute activité’; qu’il s’est agi seulement de reconstituer l’actif du débiteur, afin de le vendre au profit des créanciers’;

16. – en réponse à la demande reconventionnelle de l’intimée, que la présente action ne présente aucun caractère abusif, alors que le concluant, s’il ne l’avait pas mise en oeuvre, aurait engagé sa responsabilité personnelle en sa qualité de représentant de l’intérêt collectif des créanciers’;

17. – que l’intimée est mal fondée en son appel incident tendant à être relevée de sa forclusion dans la déclaration de sa créance à hauteur de 102.894,08 euros, puisque la cour, statuant au fond, n’a pas compétence pour fixer une créance au passif, ce pouvoir étant réservé au juge-commissaire, sauf existence d’une instance en cours, ce qui n’est pas le cas’; qu’en outre, cette demande a été formée pour la première fois dans les conclusions de l’intimée du 13 septembre 2019 devant le tribunal de commerce, juridiction également incompétente pour en connaître’; que l’instance ayant été engagée par le concluant le 15 avril 2019, l’intimée ne pouvait ignorer les demandes dirigées contre elle, et pouvait saisir le juge-commissaire afin de se faire relever de la forclusion afin de déclarer sa créance.

Prétentions et moyens de la Sci Caserne de Bonne’:

18. Selon ses conclusions remises le 28 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-17, L.622-14, L.622-26, L.632-1, L.632-2, L.641-9, L.641-12 et R.641-21 du code de commerce, des articles 1103, 1104, 1193 et 1240 nouveaux du code civil, des articles 32-1, 559 et 700 du code de procédure civile’:

– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

– de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la concluante de ses demandes pécuniaires formées aux titres de la procédure abusive diligentée par maître [E] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production, et de la prise en charge des frais irrépétibles ;

– d’infirmer le jugement dont appel sur ces deux seuls chefs, et y ajoutant’;

– de condamner l’appelant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production à verser à la concluante une indemnité de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

– de condamner l’appelant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production à verser à la concluante une indemnité de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la première instance ;

– subsidiairement et à titre reconventionnel’;

– de dire que si la nullité du protocole devait être prononcée, la cour devra en tirer les nécessaires conséquences et de juger que les abandons de créance consentis à la société Victoria Station Production sont nuls et non avenus, et comme tels opposables à maître [E] ès-qualités’;

– ainsi, de constater que maître [E] ès-qualités ne dispose pas des fonds nécessaires à la poursuite du bail, depuis l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et dès lors d’en prononcer la résiliation’;

– de relever la concluante de la forclusion encourue et de fixer sa créance à titre privilégié au passif à la somme de 102.894,08 euros, sauf à parfaire, correspondant au seul montant des loyers et charges, majorés des accessoires contractuels, dont la société Victoria Station Production est redevable au 9 octobre 2018, sans préjudice de l’intégralité des autres sommes dues postérieurement, jusqu’à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire;

– en tout état de cause, de déclarer maître [E] ès-qualités mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, et par conséquent de l’en débouter;

– de condamner l’appelant ès-qualités à verser au Trésor Public une amende civile de 3.000 euros’;

– de condamner maître [E] ès-qualités à verser à la concluante une indemnité de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif sur le fondement des dispositions de l’article 559 du code de procédure civile;

– de condamner maître [E] ès-qualités à payer à la concluante la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la présente instance d’appel;

– de condamner l’appelant ès-qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimée indique’:

19. – concernant la demande d’annulation du protocole au visa de l’article L632-1 du code de commerce, qu’il doit être établi que le débiteur a eu l’intention de soustraire les biens litigieux aux poursuites des créanciers’;

20. – que la régularisation d’un protocole transactionnel de résiliation amiable avec abandon partiel de créance est une pratique courante dans les relations d’affaires entre bailleur et preneur, l’intérêt pour chacune des parties étant d’éviter un aléa judiciaire, et de mettre fin à une exploitation déficitaire, dans l’intérêt de chacune des parties’; qu’en l’espèce, s’il a été mis fin au bail le 18 novembre 2018, l’échéance contractuelle était le 16 décembre 2020′; que l’article L143-2 du code de commerce prévoit une possibilité de résiliation amiable avant terme’;

21. – que les hypothèses sanctionnées par la jurisprudence concernent des appauvrissements caractérisés, avec des abandons de droits sans contrepartie pour le preneur, ce qui n’est pas le cas du protocole litigieux, puisque le bailleur a renoncé à toute poursuite, concernant notamment le paiement de l’indemnité forfaitaire de 10’% des sommes dues, de l’indemnité d’occupation majorée, de la clause pénale, de la clause des intérêts majorés, avec un abandon de 60’% de sa créance, ainsi qu’à l’abandon de la possibilité de se prévaloir de la clause de solidarité contre tout cessionnaire potentiel’; ainsi, que le fait pour un bailleur de chercher à obtenir le paiement de ses loyers impayés et de tenter de mettre fin au bail au motif que les loyers à venir ne seraient pas davantage payés, ne caractérise pas une attitude fautive, ce qu’a validé le tribunal de commerce, retenant que la décision de mettre fin au bail n’était pas dénuée de logique économique;

22. – concernant l’application de l’article L632-2 du code de commerce, s’agissant de la connaissance de l’état de cessation des paiements par la concluante, que la seule existence de relations d’affaires ne peut être retenue, même en cas d’impayés antérieurs; que le cocontractant doit donc savoir que l’actif disponible ne permettait pas de faire face au passif immédiatement exigible’;

23. – qu’en l’espèce, la concluante n’était que la bailleresse de la société Victoria Station Production, et n’était ni associée, ni cogérante’; qu’à la date du 24 octobre 2018, il n’existait aucune inscription sur le fonds de commerce’; que le seul défaut de paiement ne permettait pas de constater une cessation des paiements, alors que l’acceptation d’un plan de règlement était de nature à éviter une telle cessation’; qu’il n’appartenait pas à la concluante de s’informer sur la provenance des fonds, alors qu’il était libre à la société Victoria Station Production de s’adjoindre un concours financier’;

24. – subsidiairement, que la sanction prévue par l’article L632-2 n’est que facultative’; qu’en l’espèce, la concluante est de bonne foi, en raison d’un large abandon de sa créance et des délais antérieurement accordés; que la preuve d’une volonté de fraude n’est pas rapportée’; que la concluante a soutenu son preneur afin qu’il puisse poursuivre son activité’; que si le bail a prévu une clause résolutoire faute de paiement des loyers, il n’a pas inclus d’obligation pour le bailleur de la mettre en ‘uvre’;

25. – qu’en tout état de cause, aucune restitution n’est désormais possible, puisque suite à la remise des clefs, le kiosque dans lequel la société Victoria Station Production exerçait son activité a disparu au sein de la galerie marchande’; que la demande de paiement de 68.729,50 euros est infondée, puisque la société Victoria Station Production ne disposait pas d’une clientèle propre, celle-ci étant attachée au centre commercial’; que toute restitution du fonds aurait été impossible, puisque le liquidateur, pour poursuivre le contrat, doit s’assurer qu’il dispose des fonds nécessaires pour régler le loyer et les charges, alors que le liquidateur ne disposait que de 4.357,14 euros d’actif; que toute cession du fonds aurait été impossible en raison de la clause de solidarité pesant sur le cessionnaire concernant le paiement des sommes dues par le cédant’;

26. – que l’évaluation effectuée par maître [E], sur la base de six mois de chiffre d’affaires, est infondée, ce chiffre ne résultant que des déclarations de la société Victoria Station Production, alors que le résultat d’exploitation n’est pas précisé, pas plus que l’excédant brut d’exploitation’; que le fonds n’était pas rentable’; qu’en raison d’une impossibilité pratique de céder le fonds, il n’existe pas de droit au bail’;

27. – que l’appelant est mal fondé à demander la restitution de 38.400 euros payés, puisqu’il s’agit de loyers dus en toute hypothèse selon le bail’;

28. – subsidiairement, en cas d’annulation du protocole, que l’appelant se trouvera contraint de régler les loyers et les charges rétroactivement depuis l’ouverture de la liquidation judiciaire, alors que la créance de la concluante ne sera plus annulée’; que la concluante sollicite ainsi à être relevée de son éventuelle forclusion, afin que sa créance soit fixée au passif pour 102.849,08 euros, correspondant aux loyers et charges, majorés des accessoires contractuels, selon décompte du 9 octobre 2018, outre toutes sommes postérieurement dues, notamment en vertu d’une éventuelle poursuite du bail jusqu’au 18 décembre 2018′;

29. – que la procédure tardivement diligentée par maître [E] ès-qualités est manifestement abusive comme dépourvue de toute justification et ne reposant que sur de simples hypothèses.

*****

30. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’:

1) Sur la demande d’annulation du protocole d’accord transactionnel’:

31. Selon le jugement déféré, la société Victoria Station Production s’est reconnue débitrice à l’égard de la SCI Caserne de Bonne d’un arriéré de loyer arrêté au 9 octobre 2018 à de la somme de 93.540,07 euros. Le bailleur a consenti à abandonner une partie de sa créance, à hauteur de 55.140,07 euros et le preneur lui a remis un chèque de 38.400 euros, correspondant au règlement de l’arriéré de loyer au jour de la signature du protocole. Le tribunal en a retiré que par ce protocole, les parties ont convenu de résilier le bail amiablement avec effet au 7 novembre 2018, de manière anticipée, sans indemnité de quelque nature que ce soit.

32. Si le tribunal a reconnu que ce protocole transactionnel est intervenu entre la date de cessation des paiements et la date du jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective concernant la société Victoria Station Production, donc en période suspecte, alors que selon l’article L.632-1 I et IV du code de commerce, sont nuls lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière, et tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires, cependant, si au jour de la convention de résiliation amiable du bail, celui-ci était toujours en cours faute de décision de justice ayant autorité de chose jugée, le liquidateur judiciaire ne démontre pas en quoi cette convention constituerait un acte gratuit translatif de propriété, ni une pratique qui ne serait pas courante, alors que le protocole litigieux a été précédé d’un commandement de payer pour défaut de loyers, démontrant que la société Victoria Station Production était dans l’impossibilité de payer la totalité les loyers dus, de sorte que la décision de mettre fin au bail n’apparaît pas dénuée de logique économique.

33. Le tribunal a également énoncé que si au vu de l’article L.632-2 du code de commerce, les paiements pour dettes échues effectuées à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date, peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements, il appartient au liquidateur, demandeur à l’action en nullité, de rapporter la preuve de la connaissance par la SCI Caserne de Bonne, de l’état de cessation des paiements de la société Victoria Station Production au moment de la signature du protocole le 22 novembre 2018, et du paiement par chèque de la somme de 38.400 euros à la même date.

34. Le tribunal a retenu qu’aucune disposition du bail ne prévoyait expressément que le loueur pourrait à tout moment requérir des justifications comptables d’exploitation du gérant, en surveiller la bonne marche, vérifier l’activité, le paiement des dépenses, et que le fait d’accepter un abandon partiel de la dette et un paiement pour solde et de renoncer à des poursuites judiciaires ne suffit pas pour établir la connaissance de l’état de cessation des paiements, le créancier ayant tout lieu de croire à de simples difficultés et non pas à une impossibilité définitive pour le preneur d’honorer son passif. Il a précisé que l’état des inscriptions et nantissements du 22 novembre 2018, annexé au protocole transactionnel, n’a relevé aucune inscription prise sur le fonds de commerce. Il a indiqué que contrairement aux prétentions du

liquidateur judiciaire, la connaissance par le bailleur de l’existence d’un arriéré de loyer depuis 2014, si elle peut établir que le bailleur savait que la société Victoria Station Production rencontrait des difficultés, est insuffisante pour rapporter la preuve formelle de sa connaissance de l’état de cessation des paiements.

35. En conséquence, le tribunal a débouté maître [E] ès-qualités de sa demande de nullité du protocole de résiliation du bail du 22 novembre 2018, et a jugé que le protocole constitue une transaction, régularisée en contrepartie de concessions réciproques entre la SCI Caserne de Bonne et la société Victoria Station Production.

36. La cour constate que le préambule du protocole d’accord transactionnel a rappelé les conditions du bail, et les difficultés rencontrées par le preneur dans le cadre de son activité, rendant impossible le paiement des loyers et des accessoires du bail. Le bailleur s’est alors rapproché du preneur afin de régulariser ce protocole valant résiliation du bail, le bailleur abandonnant une partie de sa créance, ce que le preneur a accepté. En conséquence, les parties ont arrêté le solde de l’arriéré à 93.540,07 euros TTC au 9 octobre 2018, et en contrepartie de la résiliation du bail sans indemnité, le bailleur a abandonné sa créance à hauteur de 55.140,07 euros, le solde de l’arriéré de 38.400 euros étant réglé par le preneur le jour de la signature du protocole. Il est constant que cette somme a été payée par la société mère du preneur. La cour relève que le montant de l’arriéré locatif fixé dans le protocole n’est pas contesté, et est corroboré par le relevé du compte du preneur annexé à cet acte, alors qu’un état des inscriptions sur le fonds de commerce a également été annexé audit acte, démontrant l’absence de toute inscription.

37. Selon l’article L632-1 du code de commerce, sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ;

3° Tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;

4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la’loi n° 81-1 du 2 janvier 1981’facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires.

38. Selon l’article 1108 du code civil, le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit. En l’espèce, le protocole litigieux constitue un tel contrat, puisqu’en contrepartie de l’abandon de plus de la moitié de la créance locative, il a été mis fin au bail commercial avant son terme, sans indemnité. L’analyse du décompte de l’arriéré locatif annexé au protocole indique que le preneur a connu, depuis l’origine, des difficultés pour régler le loyer et ses accessoires, son compte se trouvant systématiquement débiteur depuis le 24 septembre 2013. En raison du montant de l’abandon d’une partie de la créance, ce contrat ne constitue pas un acte à titre gratuit translatif de propriété mobilière, alors que les obligations du preneur, débiteur, n’ont pas excédé notablement celles du bailleur. En effet, selon le rapport présenté par le liquidateur judiciaire au tribunal de commerce, si le preneur avait engagé plus de 80.000 euros pour réaliser les agencements figurant à l’actif du bilan, ceux-ci étaient amortis pour 54.609 euros. Au 31 décembre 2016, les capitaux propres étaient négatifs et le résultat déficitaire pour 13.756 euros. La cour relève que le liquidateur ne produit aucun élément comptable, permettant notamment de constater le montant du chiffre d’affaires réalisé et son évolution sur les trois

années précédant la conclusion du protocole transactionnel, son rapport mentionnant seulement un chiffre d’affaires (sans préciser s’il est hors taxe) pour les années 2016 et 2017, mais sans joindre aucun bilan.

39. En outre, le paiement de la somme de 38.400 euros par le preneur pour solde de l’arriéré locatif correspond au paiement d’une dette échue, puisque le décompte des sommes dues a été arrêté au 9 octobre 2018, soit avant la date de la cessation des paiements reportée au 31 octobre 2018.

40. En conséquence, le tribunal a justement débouté maître [E] ès-qualités de sa demande d’annulation de ce protocole, et jugé qu’il constitue une transaction, régularisée en contrepartie de concessions réciproques.

41. S’agissant des nullités facultatives prévues par l’article L632-2 du code de commerce, la cour constate que si les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements, maître [E] ès-qualités est défaillant dans la démonstration de la connaissance qu’avait le bailleur de la situation du preneur. En effet, il n’existait aucune inscription sur le fonds de commerce lors de la régularisation du protocole transactionnel, alors que si le montant de la dette locative était devenu très important, le preneur réglait cependant des acomptes substantiels. Selon le rapport adressé par le liquidateur au tribunal, le passif est constitué principalement des créances de l’Ags et de l’Urssaf, soit un passif privilégié de 37.625,30 euros,’le passif chirographaire de 1.658,71 euros étant constitué de trois dettes fournisseurs. Le jugement déféré sera ainsi également confirmé sur ce point.

42. S’agissant du paiement de la somme de 38.400 euros prévu dans le protocole transactionnel, le tribunal a en outre exactement indiqué que cette somme constitue une dette de loyers, dette liquide, certaine et exigible, dont le fondement juridique de son paiement ne résulte pas du protocole dont il est sollicité la nullité, mais du contrat de bail lui-même. La cour, se référant aux motifs développés plus haut concernant la date de l’arrêté du décompte locatif, ne peut que confirmer cette appréciation, et la validité de ce paiement.

43. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a ainsi débouté maître [E] ès-qualités de ses demandes tendant à l’annulation du protocole transactionnel et à la restitution de la somme de 38.400 euros. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande du liquidateur formée au titre de la perte du fonds de commerce et du droit au bail, le bailleur ayant valablement repris possession du local donné à bail. A ce titre, les premiers juges ont exactement retenu, au visa de l’article L.641-11-1 du code de commerce, que le liquidateur judiciaire n’aurait pu solliciter la poursuite du bail sans offrir au cocontractant le paiement des loyers depuis l’ouverture de la procédure collective, prononcée le 18 décembre 2018, les fonds disponibles étant insuffisants, et qu’ainsi, si le bail avait subsisté, le bailleur aurait été bien fondé à saisir directement le juge-commissaire d’une requête aux fins de constat de la résiliation de plein droit du bail, le bail étant résilié de plein droit faute de paiement des loyers postérieurs à la liquidation.

2) Sur les demandes reconventionnelles de la Sci Caserne de Bonne’:

44. Compte tenu du sens du présent arrêt, confirmatif sur le rejet des prétentions du liquidateur judiciaire, la demande concernant un relevé de forclusion et l’admission de la créance de l’intimée au passif de la liquidation judiciaire est sans objet.

45. Concernant les prétentions reposant sur une action et un appel du liquidateur judiciaire estimés abusifs, la cour constate qu’aucun élément ne permet de qualifier cette action et ce recours de la sorte, puisque en raison de la proximité de la conclusion du protocole transactionnel avec la déclaration de l’état de cessation des paiements effectuée le 10 décembre 2018, le liquidateur judiciaire pouvait s’exposer à une mise en jeu de sa responsabilité personnelle en cas d’absence d’action visant l’annulation du protocole et la réintégration d’éléments d’actifs au profit des créanciers de la société Victoria Station Production. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de ces demandes. La cour rejettera en outre les demandes formées sur un appel abusif.

3) Sur les demandes accessoires.

46. Le tribunal de commerce a fait une exacte appréciation des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a, vu les circonstances de la cause, laissé à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles.

47. Succombant en son appel, maître [E] sera condamné ès-qualités à payer à l’intimée la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L632-1 et L632-2 du code de commerce ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant’;

Déboute la Sci Caserne de Bonne de ses demandes fondées sur un appel abusif de maître [E] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production’;

Condamne maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production, à payer à la Sci Caserne de Bonne la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria Station Production, aux dépens exposés en cause d’appel, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire’; ‘

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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