COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
N° RG 22/00686 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G7AT
[U] [K] etc…
C/ S.A.S. ALPINE ALUMINIUM etc…
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’ANNECY en date du 30 Mars 2022, RG F 20/00236
APPELANTS ET INTIMES INCIDENTS
Monsieur [U] [K]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [E] [I]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [R] [M] [D]
[Adresse 14]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [B] [G]
[Adresse 12]
[Localité 10]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Copies délivrées le :
Monsieur [LR] [G]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [V] [W]
[Adresse 13]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [Z] [H]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur
[N] [S]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
Monsieur [L] [LS]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Représenté par Me Thierry BILLET, avocat au barreau d’ANNECY, substitué par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEES ET APPELANTES INCIDENTES
S.A.S. ALPINE ALUMINIUM
[Adresse 16]
[Localité 3]
Représentée par Me Cécile PESSON de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON
et par Me Ingrid-Astrid ZELLER, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
S.A.S. ALPINE STEEL
[Adresse 16]
[Localité 3]
Représentée par Me Cécile PESSON de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON
et par Me Ingrid-Astrid ZELLER, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des parties, le 23 Mars 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, désigné à ces fins par ordonnance de Madame la Première Présidente, chargé du rapport, et Madame Françoise SIMOND, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
********
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 3 décembre 2019 le tribunal de commerce d’Annecy a confié la reprise de la SCOP Alpine Aluminium à la société Samfy Invest, qui s’engageait à reprendre quarante neuf salariés, dont M. [P] [K], M. [V] [W], M. [J] [I], M. [T] [Y], M. [R] [M] [D], M. [Z] [H], M. [LR] [G] M. [B] [G], M. [N] [S], M. [L] [LS].
Trois sociétés destinées à reprendre l’activité de la SCOP ont été crées par le dirigeant de la société Samfy Invest, M. [O].
Dix sept salariés ont été repris par la société Alpine Aluminium, seize par la société Alpine Industry et seize par la société Alpine Steel.
M. [W], M. [LR] [G], M. [B] [G], M. [K], M. [H] et M. [LS] ont été licenciés chacun pour faute grave par lettre du 30 juin 2020.
M. [I], M. [Y], M. [D], M.[S] ont été respectivement licenciés pour faute grave par lettres du 4 juin 2020, 15 juillet 2020, 24 juillet 2020, et 31 juillet 2020.
L’employeur au termes des lettres de licenciement reprochait aux salariés licenciés de s’être opposés catégoriquement au transfert de leur contrat de travail, estimant qu’ils auraient dû être licenciés, et que le transfert les empêchaient de mettre en oeuvre un projet professionnel et personnel différent. Il leur indiquait que le transfert du contrat de travail s’imposait à l’ensemble des parties en vertu de l’article L 1224-1 du code du travail.
Des transactions en date du 15 juillet ont été signées par M. [I], M. [W], M. [LR] [G], M. [B] [G], M. [K], M. [H], M. [LS] et M. [A] [O] es qualité de président représentant la société Alpine Steel.
M. [Y] a signé une transaction le 30 juillet 2020, M. [S], et M. [D] ont signé une transaction le 6 août 2020.
M. [W] a saisi le conseil des prud’hommes d’Annecy le 23 novembre 2020 et M. [I] a saisi le conseil des prud’hommes le 15 février 2021.
Les autres salariés ont saisi le conseil de prud’hommes par requêtes des 3 novembre 2020 et 16 février 2021.
Le syndicat CFDT est intervenu volontairement.
Par jugements en date du 30 mars 2022 le conseil de prud’hommes présidé par le juge départiteur a :
– déclaré les demandes des salariés irrecevables,
– débouté la société Alpine Steel de ses demandes,
– débouté le syndicat CFDT de ses demandes,
– rejeté toutes les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’employeur aux dépens.
Les salariés ont interjeté appel par déclaration du 21 avril 2022 au réseau privé virtuel des avocats.
Les sociétés Alpine Steel et Alpine Aluminium ont formé appel incident sur le rejet de leurs demandes reconventionnelles.
Les procédures ont été jointes par mention au dossier.
Par conclusions notifiées le 13 septembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, les dix salariés appelants demandent à la cour de :
– infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
– dire et juger que la société Alpine Steel a eu recours à une fraude à la loi pour procéder aux licenciement de M. [K], M. [B] [G] ,M. [LR] [G], M. [Y], M. [H], M. [S] et M. [LS],
– dire que la société Alpine Steel leur a fait perdre la chance de conserver leur emploi,
– en conséquence, condamner la société Alpine Steel à payer à :
* M. [K] la somme de 56 784,32 €,
* M.[B] [G] la somme de 68 664,75 €,
* M. [LR] [G] la somme de 53 808,34 €,
* M. [W] la somme de 54 587,86 €,
* M. [Y] la somme de 52 865,79 €,
* M. [H] la somme de 53 814,14 €,
* M. [S] la somme de 66 206,93 €,
* M. [LS] la somme de 61 248,58 €,
A titre subsidiaire,
– condamner la société Alpine Steel à payer à :
* M. [K] la somme de 28 512,274 €,
* M.[B] [G] la somme de 35 516,25 €,
* M. [LR] [G] la somme de 10 205,03 €,
* M. [Y] la somme de 37 098,80 €,
* M. [H] la somme de 8350,47 €,
* M. [S] la somme de 49 945,58 €,
* M. [LS] la somme de 28 512,27 €,
au titre de la perte de chance et de la fraude à la loi,
– dire et juger que la société Alpine Aluminium a eu recours à une fraude à la loi pour procéder aux licenciements de M. [D] et M. [I],
– dire que la société Alpine Aluminium leur a fait perdre la chance de conserver leur emploi,
– en conséquence, condamner la société Alpine Aluminium à payer à :
* M. [I] la somme de 52 587,90 €,
* M. [D] la somme de 60 565,96 €,
A titre subsidiaire,
condamner la société Alpine Aluminium à payer à :
* M. [I] la somme de 6000 €,
* M. [D] la somme de 28 512,274 €,
au titre de la perte de chance et de la fraude à la loi,
– dire et juger que la procédure d’entretien préalable a été violé par Alpine Steel,
– condamner la société Alpine Steel à payer un mois de salaire, soit les sommes suivantes:
* M. [K] la somme de 1958,08 €,
* M.[B] [G] la somme de 2367,75 €,
* M. [LR] [G] la somme de 1855,46 €,
* M. [W] la somme de 1882,02 €,
* M. [Y] la somme de 1854,94 €,
* M. [H] la somme de 1855,66 €,
* M. [S] la somme de 2323,05 €,
* M. [LS] la somme de 2112,02 €,
– condamner la société AlpineAluminium à payer un mois de salaire, soit les sommes suivantes à:
* M. [D] la somme de 2163 €,
* M. [I] la somme de 1752 €
au titre de la violation de la procédure de licenciement,
– condamner la société Alpine Steel à payer à M. [K], M.[B] [G], M. [LR] [G], M. [W] , M. [Y], M. [H], M. [S], M. [LS] chacun la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Alpine Aluminium à payer à M. [I] et M. [D] chacun la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société Alpine Steel, et la société Alpine Aluminium de leurs demandes reconventionnelles, et de leurs demandes relative au remboursement de l’indemnité transactionnelle et de compensation.
Ils soutiennent en substance que :
Ils font partie des quarante neuf salariés repris par M. [O] et le fonds d’investissement Samfi à la barre du tribunal de commerce d’Annecy suite au redressement judiciaire de la SCOP Alpine Aluminium et ‘dispatchés’ensuite entre trois sociétés, Alpine Steel, Alpine Aluminium et Alpine Industry, qui n’ont jamais eu la moindre activité industrielle.
Lors de l’audience devant le tribunal de commerce, M. [O] s’engageait notamment à poursuivre les contrats de travail de 49 salariés sur les 85 existants.
Les premiers mois suivant la cession, le site devait être remis en état, les salariés repris étant placés en chômage technique ; les salariés devaient percevoir 70 % de leur salaire brut.
Les institutions représentatives du personnel devaient être maintenues.
Les candidats s’engageaient à créer cent postes sur le site de [Localité 15] en quatre années.
A défaut, les repreneurs s’engageaient à verser une pénalité de 8000 € par emploi crée sur le site de [Localité 15] dans un délai de quatre ans.
Le candidat s’engageait aussi à verser une pénalité de 12 500 € pour tout licenciement pour motif économique d’un salarié repris dans les trois ans suivant la cession.
La somme de 100 000 € devait être affectée à une cellule de reclassement au bénéfice de l’ensemble des salariés de la SCOP.
Les candidats s’engageaient enfin à verser 10 000 € à chaque salarié dont le contrat ne sera pas repris aux termes de l’offre de reprise.
Depuis le jugement de cession, aucune activité n’a été crée sur le site, aucune remise en état n’a commencé, et aucun salarié n’a été recruté malgré les engagements de création d’emploi.
Tous les salariés repris ont été placés au chômage technique total sans aucune formation pour préparer le retour dans l’usine et poursuivre la production de tôles aluminium.
Le repreneur n’avait aucun projet industriel et ne visait que la maîtrise du foncier important de l’usine dans un but ultime de promotion immobilière.
M. [O] ne pouvant conserver les salariés à ne rien faire, les a licenciés.
Il n’a pas respecté son engagement de maintenir le comité économique et social.
Les licenciements individuels sont des licenciements disciplinaires déguisés de plus de dix salariés et sont en réalité des licenciements économiques.
En procédant à des licenciements individuels pour motif disciplinaire de plus de dix salariés alors qu’un CSE aurait dû exister, l’employeur a éludé les règles spécifiques du licenciement économique : consultation du CSE, obligation de recherche de reclassement, critères de licenciement, priorité de réembauchage…
L’employeur a convoqué tous les salariés par vagues successives à des heures différentes, les explications étaient farfelues, il a été proposé à chaque salarié l’indemnité de 12500 € au lieu de verser cette somme dans le cadre de la procédure commerciale ; des pressions ont été exercées pour que le licenciement disciplinaire soit accepté, et pour que les salariés acceptent d’antidater la date de convocation à l’entretien préalable. La transaction a été signée avant la notification du licenciement.
Les salariés établissent que le site est dans un état de délabrement total.
Le tribunal de commerce a refusé de clôturer la liquidation judiciaire, le parquet d’Annecy a ouvert une enquête sur les agissements des repreneurs.
Les attestations des salariés licenciés et celles de M. [C] et [X] qui ont refusé d’accepter d’être licenciés pour faute, permettent d’établir le mode opératoire de M .[O] : pressions, intervention de M. [F] de la société Sirac, affirmation de l’absence de délai de carence pour bénéficier des indemnités chômage alors que ce n’était pas le cas.
Il est établi que l’employeur a eu l’intention d’éviter un licenciement économique.
Tous attestent que M. [O] et M. [F] se sont ligués pour les dissuader de rester. Après avoir été mis en demeure, Alpine Steel et Alpine Aluminium n’apportent aucune preuve de ce que les salariés avaient des projets personnels.
Par lassitude d’être livrés à eux mêmes et sans perspective de travail à leur usine dans un délai raisonnable, ils ont fini par accepté les conditions de M. [O].
Toutes les attestations des salariés mais aussi le simple examen de la chronologie identique de chaque licenciement comme le caractère unique du motif prouvent
l’utilisation frauduleuse d’un motif de licenciement inadéquat mais adapté au seul but poursuivi : se débarrasser des salariés.
Le registre du personnel montre que tous les salariés ont été licenciés avant juin 2020.
Le tribunal de commerce a reporté la clôture, et le parquet d’Annecy a pris des réquisitions le 29 juin 2022 pour demander la résiliation de la cession de la Scop, motif pris qu’aucun engagement des repreneurs n’a été tenu.
Le maquillage d’un licenciement économique collectif en licenciement disciplinaire doit s’analyser en un manquement au devoir de loyauté et partant comme la perte de chance pour le salarié de conserver son emploi. Un tel manquement justifie d’accorder au salarié une indemnité pour perte de chance, ce qu’a déjà admis la cour de cassation dans des situations comparables.
La cour de cassation juge que la perte de chance doit être réparée par une indemnisation distincte de celle engendrés par les ruptures de contrat de travail. Le bénéfice des transactions doit donc demeurer.
L’irrecevabilité invoquée par l’employeur n’est pas fondée, puisque la transaction matérialise la fraude à la loi, elle peut donc être soulevée. Alpine Steel se fonde sur la nullité de la transaction alors que les salariés fondent leurs demandes sur le terrain de l’existence de la transaction comme expression juridique de la fraude à la loi.
L’employeur ne peut demander une compensation alors qu’il est l’auteur de la fraude à la loi. La turpitude d’une partie ne peut pas lui permettre d’invoquer la nullité du contrat pour obtenir la restitution de ce qui a été versé.
De plus la cour n’est pas saisie d’une demande de nullité de la transaction et ne peut statuer ultra petita.
L’employeur ne peut prétendre que les salariés auraient engagé collectivement une négociation avec l’entreprise, elle n’en apporte aucune preuve, c’est M. [O] qui a convoqué les salariés.
Les indemnités de fraude à la loi et de perte de chance échappent au barème du licenciement en ce qu’elles sont distinctes.
Une enquête préliminaire du parquet d’Annecy a été ouverte pour fraude au jugement, du fait du non respect des engagements du repreneur.
L’absence de maintien dans l’emploi imputable à l’employeur justifie la demande d’indemnité correspondant au différentiel entre la durée de la période de maintien à l’emploi et la date de rupture du contrat de travail.
Le jugement du tribunal de commerce marque le début d’engagement du maintien dans l’emploi de trois années courant jusqu’au 3 décembre 2022.
Les salariés sont fondés à demander une indemnité représentant trois années de salaires.
Ce préjudice est aggravé par l’absence de toute mesure d’accompagnement assuré par la société Sirac.
Il n’y a eu aucune violation de confidentialité comme prétendu par l’employeur, les salariés ayant appris par Pôle emploi que d’autres salariés étaient dans la même situation qu’eux.
Sur l’atteinte à l’image de M. [O], celui-ci n’est pas recevable dans sa demande comme n’étant pas partie à l’instance. Sur la demande de la société, la demande n’est pas fondé, les salariés n’ayant exercé que leur droit en saisissant le conseil des prud’hommes.
Aucun abus de droit n’a été commis par les salariés.
L’employeur qui s’est fait assisté à l’entretien préalable par une personne extérieure de l’entreprise, M. [F] directeur de Sirac. Il s’agit d’un détournement de pouvoir. La convocation a en outre été antidaté et le délai de cinq jours entre la date de convocation et la date de l’entretien préalable prévu par l’article L 1232-2 du code du travailn’a pas été respecté.
Par conclusions notifiées le 5 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Alpine Steel et la société Alpine Aluminium demandent à la cour de:
– déclarer irrecevables les demandes de rappel de salaire comme étant des demandes nouvelles,
Au titre de l’appel principal,
– confirmer le jugement,
en cas de réformation,
– dire et juger irrecevable la demande nouvelle de dommages et intérêts au titre de la violation de la procédure de licenciement,
– dire et juger irrecevables les prétentions des appelants en raison de la transaction conclue entre les parties,
Subsidiairement,
– dire et juger qu’il n’existe pas de fraude à la loi,
– rejeter les demandes infondées,
Très subsidiairement,
– retenir la complicité des salariés,
– juger la nullité subséquente de la transaction signée,
– condamner les appelants à restituer les sommes versées au titre des transactions,
si une condamnation devait intervenir,
-opérer une compensation,
– dire que la demande de rappel de salaire n’est pas fondée,
– dire que la demande de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement est en tout état de cause injustifiée tant son principe que son quantum,
Au titre de l’appel incident des sociétés Alpine Steel, et Alpine Aluminium,
– condamner les appelants à leur payer la somme de 9775 € au titre de la clause pénale, et celle de 500 € au titre de l’action abusive,
– condamner les appelants à leur payer la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux dépens.
Elle fait valoir que le site était en très mauvais état avant la reprise.
Des accidents dont un mortel se sont produits en juillet 2019, une enquête pénale pour homicide involontaire a été ouverte, et des scellés ont été apposés sur certaines parties du site.
En janvier et février 2020 a été découvert des sources de radioactivité sur le site, et d’une dizaine de cuve de kérosène dans les caves et de chrome hexavalent qui avait explosé en juillet 2019.
Ces circonstances n’étaient pas prévisibles lors de la reprise du site.
Les travaux de mise en conformité du réseau d’assainissement n’ont pu débuter qu’en juin 2021.
Il n’a jamais été prévu de reprendre une activité à l’identique.
Le projet de reprise était de maintenir une activité industrielle dans des conditions d’exploitation satisfaisantes après que le site ait été réhabilité.
Un audit environnemental a dû être effectué et a été réalisé par le cabinet Advice environnement qui a relevé une pollution importante du site, notamment la présence de sources radioactives. La station d’épuration était défectueuse.
La seule entreprise habilitée, la société ABB a été retardée avec la crise sanitaire.
L’autorité de sûreté nucléaire a fait droit à la demande de visant à mettre fin à l’autorisation d’exploitation qu’après destruction des sources.
Des travaux de remise aux normes électriques ont dû être effectués.
De nombreux chantiers ont été menés afin de réhabiliter le site.
Des investissements financiers importants ont été engagés pour un total de 2 756 K €.
Sur la recevabilité des demandes, les demandes de rappel de salaires sur trois années sont des demandes nouvelles.
La cour n’a pas été saisie lors de l’appel d’une demande d’annulation concernant la rupture des contrats de travail ou d’une demande de réintégration.
Il n’existe aucun fait nouveau contrairement à ce que prétendent les parties adverses.
La transaction emporte renonciation des parties signataires à faire valoir en justice les droits et prétentions sur lesquels porte l’accord intervenu.
Le juge ne peut connaître ensuite d’un litige ayant le même objet que celui de la transaction.
Les transactions stipulent que compte tenu de l’acceptation d’une somme globale et forfaitaire à titre de réparation de leurs entiers préjudices, les salariés s’estiment intégralement remplis de leurs droits.
Elles précisent que les salariés renoncent à exercer toute action.
Les demandeurs ne sollicitent pas l’annulation des transactions, le jugement ne pourra donc être que confirmé.
Pour contourner l’obstacle, les salariés soutiennent qu’il s’agit d’un licenciement économique déguisé, et qu’ils auraient subi en raison d’une fraude à la loi une perte de chance de conserver leur emploi.
Subsidiairement, les demandes d’indemnité pour violation de la procédure de licenciement sont nouvelles et irrecevables. Elles sont aussi irrecevable en raison de la transaction.
La fraude à la loi n’est pas caractérisée.
Les salariés ont refusé le transfert de leur contrat de travail. Ce refus de transfert ne peut constituer un motif économique de licenciement.
Le fait générateur des licenciements est le refus des salariés et il s’agit d’une cause inhérente à la personne du salarié.
La circonstance que plusieurs salariés ont formé un collectif pour négocier leurs sorties des effectifs avec leur employeur ne suffit pas à caractériser un licenciement économique collectif.
Le collectif a fait pression sur l’employeur pour trouver un accord en étant prévenu qu’un refus de transfert du contrat de travail et le refus d’exécuter leur travail au profit du repreneur pourraient entraîner leur licenciement pour faute grave.
C’est donc en toute connaissance de cause que les licenciements sont intervenus.
La fraude ne peut s’entendre par rapport à un préjudice économique puisque les salariés ont perçu au terme des transactions une indemnité supérieure à ce qu’ils auraient perçus dans le cadre d’un licenciement économique.
Elle a mis en oeuvre un important dispositif de reclassement, à aucun moment la société n’était contrainte de faire bénéficier ces mesures aux salariés ayant refusé le transfert.
Très subsidiairement, si la cour retenait une fraude à la loi, la transaction devrait être annulée, et les sommes versées à ce titre restituées par les salariés.
Si la cour retient la fraude, elle devra nécessairement apprécier le préjudice des salariés et tenir compte des sommes versées lors des transactions.
Le préjudice des salariés n’est pas distinct de celui de la rupture des contrats de travail.
Ils ont déjà été rempli de leurs droits au delà du barème de l’article L 1235-3 du code du travail.
Les salariés conscients de la faiblesse de leurs arguments demandent un rappel de salaires sur trois années, qui ne repose sur aucun fondement juridique.
Un rappel de salaire ne serait justifié qu’en cas de nullité des licenciements et des transactions ou de poursuite des contrats de travail.
Il est faux de prétendre que les emplois auraient dû être maintenus compte tenu de la résolution du plan de cession par jugement du tribunal de commerce du 30 septembre 2022, en l’absence d’engagement de maintien des emplois pendant une durée déterminée.
Enfin le quantum des rappels de salaire n’est pas justifié.
La demande reconventionnelle visant la clause pénale des transaction est justifiée, les salariés ayant violé la clause de confidentialité en produisant dans une procédure commune avec le même avocat les transactions.
La procédure ne vise qu’à obtenir des sommes indues et non fondées et est abusive, ce qui justifie des dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 23 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande pour perte de chance et fraude à la loi, les salariés ne demandent pas un rappel de salaires, ils demandent des dommages et intérêts correspondant au montant des salaires qu’ils estiment avoir perdu compte tenu de la fraude alléguée et de la perte de chance qu’il ont subi de conserver leur emploi.
Il ressort de l’acte introductif d’instance introduit devant le conseil des prud’hommes que les salariés demandaient des dommages et intérêts en se fondant sur une fraude à la loi et une perte de chance.
Les salariés sont recevables à demander en cours de procédure des dommages et intérêts plus élevés que ceux demandés lors de leurs demandes originelles, s’agissant d’une demande additionnelle.
L’irrecevabilité pour demande nouvelle sera dès lors écartée.
Si les salariés dans leurs premières conclusions d’appel ont formulé des demandes de dommages et intérêts pour fraude à la loi et perte de chance d’un montant déterminé, ils n’ont pas modifié dans leurs conclusions d’appel postérieures leurs prétentions dans leur principe.
Ils ont en effet juste augmenter leurs demandes et ajouter un moyen nouveau à savoir le non respect de l’obligation de maintien dans leur emploi, une telle demande additionnelle étant recevable.
L’article 910-4 du code de procédure civile a donc été respecté.
En revanche, les salariés en se fondant sur la fraude ne remettent pas en cause le licenciement, et la validité de la transaction puisqu’ils n’en demandent pas la nullité.
Pourtant la fraude corrompt tout, et si fraude était retenue elle ne pourrait qu’entraîner la remise en cause du licenciement, que le salarié serait en droit de remettre en cause en sollicitant qu’il soit jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul, et la remise en cause de la transaction qui pourrait être annulée à la demande des salariés.
Sans qu’il y ait besoin de se prononcer sur la fraude nonobstant les arguments sérieux des salariés, la transaction toujours valable stipule que le salarié dénonce le fait que l’entreprise ne lui ait pas fourni de travail et qu’elle ne peut se prévaloir d’une faute grave. Elle précise que la société conteste tout manquement volontaire à ses obligations en invoquant l’impossibilité de reprendre à court terme toute forme d’activité.
Elle ajoute que pour mettre fin aux différents qui les opposent pouvant résulter d’éventuels manquements aux obligations réciproques des parties, celles-ci ont recherché un accord destiné à liquider tous droits en rapport avec l’exécution et la rupture du contrat de travail.
Au titre des concessions réciproques la société s’est engagée pour une durée de trente six mois à faire bénéficier le salarié d’une priorité de réembauchage, et de verser une indemnité globale et forfaire à titre de dommages et intérêts.
La transaction conclut : Sous réserve de l’exécution intégrale du présent accord intervenu librement après négociation et qui règle définitivement tous les comptes sans exception ni réserve pouvant exister entre elles, les parties soussignées renoncent irrévocablement à tous autres droits, actions ou indemnités, de quelque nature que ce soit qui résulterait de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. La présente transaction règle définitivement le litige intervenu entre les parties et ce conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil et notamment de l’article 2052 du code civil aux termes duquel la transaction a entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Ainsi que l’a retenu à juste titre le conseil des prud’hommes, les demandes des salariés relatives à la fraude à la loi et la perte de chance portent sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences pour lesquels les salariés ont déclaré être rempli de leurs droits et qu’elles entrent donc dans le périmètre de la transaction.
Dès lors, les jugements déclarant les demandes irrecevables seront confirmés.
Sur les demandes reconventionnelles, les transactions sont rédigées en termes identiques, seul le montant de l’indemnité transactionnelle étant distinct pour chaque salarié.
Les salariés agissant en justice avec le même avocat devaient nécessairement produire les transactions les concernant. Il ne peut dès lors leur être imputé une violation de la règle de confidentialité sauf à la détourner de sa finalité, qui est de protéger les parties de toute transmission à des tiers de nature à nuire à l’une d’entre elle ou altérer son image, précision faite que la seule production de la transaction dans une procédure commune ne crée aucune atteinte aux droits de l’employeur et ne cause aucun préjudice.
Le jugement sera aussi confirmé sur ce point.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle sera rejetée, les salariés n’ayant fait que défendre leurs droits en engageant une action en justice et en présentant des moyens sérieux de nature à remettre en cause le jugement attaqué.
Enfin pour des raisons tenant à la fois à l’équité et la situation économique des appelants, les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile formées par les sociétés Alpine Steel et Alpine Aluminium seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes leurs dispositions le jugement en date du 30 mars 2022 rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy ;
CONDAMNE solidairement M. [U] [K], M. [V] [W], M. [E] [I], M. [T] [Y], M. [R] [M] [D], M. [Z] [H], M. [LR] [G] M. [B] [G], M. [N] [S], M. [L] [LS] aux dépens d’appel ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les sociétés Alpine Steel et Alpine Aluminium de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 27 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président