COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023
N° RG 22/04902 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6JA
S.A.S. VIDE GRENIER ARTISANAT 24
c/
S.N.C. SOFIRST
Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le : 27 avril 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 13 octobre 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de PERIGUEUX (RG : 22/00237) suivant déclaration d’appel du 25 octobre 2022
APPELANTE :
S.A.S. VIDE GRENIER ARTISANAT 24 exerçant sous le nom commercial VIDE GRENIER DU PERIGORD ET MAISONS DES ARTISANS, agissanten la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉ E :
S.N.C. SOFIRST, société en nom collectif au capital de 1 524 €, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le n°353229669, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par son gérant en exercice, la société FINANCIERE [B], société par actions simplifiée au capital de 544 160 €, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le n°342225620, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par son Président en exercice, Monsieur [H] [B], domicilié en cette qualité audit siège,[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric MOUSTROU de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocat au barreau de PERIGUEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privée du 25 mai 2021, la SNC Sofirst a consenti à M. [W] [P] et à M. [C] [S] un bail commercial d’une superficie locative d’environ 750 m2 situé [Adresse 1], à [Localité 5], au sein d’un ensemble immobilier figurant au cadastre de la ville de [Localité 5], section AL n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4], sis à [Adresse 1], consistant en les lots n° 243, 244, 245, 246 et 247 pour une surface totale de 1 800 m2.
La prise d’effet du bail a été fixée au 1er août 2021.
Par avenant du 2 décembre 2021, la faculté de substitution a été activée, de sorte que la SAS Vide Grenier Artisanat 24 s’est substituée, rétroactivement à compter de la signature du bail, à M. [P] et à M. [S].
Le 14 juin 2022, la société Sofirst a délivré un commandement de payer à la société Vide Grenier Artisanat 24 pour un montant principal de 17 410,80 euros.
Par acte du 25 août 2022, la société Sofirst a assigné en référé la société Vide Grenier Artisanat 24 aux fins d’obtenir la résiliation du bail, l’expulsion de la société Vide Grenier Artisanat 24 et sa condamnation au paiement de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.
Par ordonnance du 13 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Périgueux a :
– constaté la résiliation du bail commercial du 25 mai 2021 liant la société Sofirst et la société Vide Grenier Artisanat 24 à la date du 14 juillet 2022,
– constaté qu’à compter du 14 juillet 2022, la société Vide Grenier Artisanat 24 est devenue occupante sans droit ni titre des lieux loués,
– ordonné que la société Vide Grenier Artisanat 24 restituera les lieux loués dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance,
– ordonné, à défaut de libération volontaire des lieux loués par la société Vide Grenier Artisanat 24, de ses biens, de sa personne et de tous occupants de son chef, dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, l’expulsion de la société Vide Grenier Artisanat 24, de ses biens et tous occupants de son chef, avec, autant que de besoin, le concours de la force publique et d’un serrurier,
– fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par la société Vide Grenier Artisanat 24 depuis le 15 juillet 2022 au montant contractuel du loyer et des charges tel que prévu par l’article ‘J.a’ du contrat de bail du 25 mai 2021, payable au jour le jour,
– condamné la société Vide Grenier Artisanat 24 au paiement de cette indemnité à compter du 14 juillet 2022 et jusqu’au jour de la libération des lieux loués de sa personne et de ses biens et de tous occupants de son chef,
– condamné la société Vide Grener Artisanat 24 à payer à la société Sofirst à titre de provision la somme de 15 838,08 euros, représentant le montant des arriérés de loyers, charges et indemnités d’occupation selon décompte arrêté à la date du 15 juillet 2022,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la société Vide Grenier Artisanat 24 à payer à la société Sofirst la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Vide Grenier Artisanat 24 aux dépens de l’instance incluant le coût du commandement de payer du 14 juin 2022.
La société Vide Grenier Artisanat 24 a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 25 octobre 2022.
Par conclusions déposées le 14 février 2023, la société Vide Grenier Artisanat 24 demande à la cour de :
– juger la société Vide Grenier Artisanat 24 recevable et bien fondée en son appel,
Partant, réformant l’ordonnance rendue le 13 octobre 2022 par M. le président du tribunal judiciaire de Périgueux, et statuant à nouveau,
– juger que la société Vide Grenier Artisanat 24 n’était en rien redevable de la somme de 15 838,08 euros au 15 juillet 2022,
Constatant la persistance des règlements effectués :
* juger que, au jour de l’établissement des présentes, la société Vide Grenier Artisanat 24 est redevable de la somme de 15 257,66 euros,
* accorder des délais de règlement à la concluante et suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire,
* accorder, si au jour où la cour statue la régularisation intégrale du retard n’est pas intervenue, au vu du montant restant dû à ce jour, un délai de 12 mois à la société Vide Grenier Artisanat 24 pour se libérer de sa dette,
– réformer l’ordonnance en ce qu’elle a alloué à la société Sofirst une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger qu’il n’y aura pas application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour,
– juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.
Par conclusions déposées le 28 décembre 2022, la société Sofirst demande à la cour de :
– juger la société Vide Grenier Artisanat 24 mal fondée en son appel et l’en débouter intégralement,
– recevoir la société Sofirst en son appel incident, et l’y déclarant bien fondée,
– constater le caractère acquis au 15 juillet 2022 de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 25 mai 2021 liant la société Sofirst et la société Vide Grenier Artisanat 24 portant sur un local commercial d’une superficie locative d’environ 750 m2 situé [Adresse 1], au sein d’un ensemble immobilier figurant au cadastre de la ville de [Localité 5] section AL n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4], sis à [Adresse 1], consistant en les lots n° 243, 244, 245, 246 et 247 pour une surface totale de 1 800 m2 et juger que le bail commercial est résilié de plein droit à compter du 15 juillet 2022,
– juger que la société Vide Grenier Artisanat 24 est occupante sans droit ni titre du local commercial d’une superficie locative d’environ 750 m2 situé [Adresse 1], au sein d’un ensemble immobilier figurant au cadastre de la ville de [Localité 5] section AL n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4], sis à [Adresse 1], consistant en les lots n° 243, 244, 245, 246 et 247 pour une surface totale de 1 800 m2, depuis le 15 juillet 2022,
En conséquence,
– ordonner l’expulsion de la société Vide Grenier Artisanat 24 ainsi que celle de tous occupants de son chef du local commercial d’une superficie locative d’environ 750 m2 situé [Adresse 1], au sein d’un ensemble immobilier figurant au cadastre de la ville de [Localité 5] section AL n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4], sis à [Adresse 1], consistant en les lots n° 243, 244, 245, 246 et 247 pour une surface totale de 1 800 m2, au besoin avec le concours d’un serrurier et de la force publique et ce, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meubles que la cour désignera ou dans tel autre lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,
– condamner la société Vide Grenier Artisanat 24 à porter et payer, sans terme ni délai, à la société Sofirst, à titre de provision, une indemnité journalière d’occupation d’un montant de 121, 12 euros, à compter du 15 juillet 2022, et ce, jusqu’à complète libération du local par la société Vide Grenier Artisanat 24 et de tous occupants de son chef,
– condamner la société Vide Grenier Artisanat 24 à porter et payer, sans terme ni délai, à la société Sofirst, à titre de provision, une somme correspondant au montant total de l’arriéré de loyers et charges dus au 15 juillet 2022, soit la somme de 15 838,08 euros, en principal et frais,
– condamner la société Vide Grenier Artisanat 24 à porter et payer sans terme ni délai, à la société Sofirst, à titre de provision, une somme, en application de la clause pénale prévue à l’article L du bail commercial du 25 mai 2021, de 1 583,80 euros, correspondant à 10% de l’arriéré des sommes dues au 15 juillet 2022,
– à titre subsidiaire, juger qu’en cas de défaut de règlement d’une seule mensualité d’apurement de la dette locative arrêtée à la date de l’arrêt à intervenir, la société Vide Grenier Artisanat 24 perdra le bénéfice de la suspension ordonnée, de sorte que la clause résolutoire produira immédiatement son plein effet et que l’intégralité des sommes dues sera immédiatement exigible,
– condamner la société Vide Grenier Artisanat 24 au paiement la société Sofirst la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 1 500 euros allouée de ce chef à la concluante par le premier juger,
– condamner la société Vide Grenier Artisanat 24 aux entiers frais et dépens de l’instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer, par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 2 mars 2023, avec clôture de la procédure à la date du 16 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes dévolues à la cour
En vertu des articles 562 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans une interprétation applicable aux appels postérieurs au 17 septembre 2020, sauf l’exception de l’appel aux fins d’annulation ou de l’indivisibilité de l’objet, la saisine de la cour est cantonnée aux chefs de demande frappés par les appels principal ou incident. Les conclusions de l’appelant, qu’il soit principal ou incident, devant déterminer l’objet du litige porté devant la cour, lorsque l’appelant, principal ou incident, ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement (Civ.2e, 17 septembre 2020, n° 18-23.626 ; Civ. 2e, 1er juil. 2021, no 20-10.694)
En l’espèce, la SNC Sofirst, appelante incidente, ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation des chefs du dispositif de la décision dont elle recherche l’anéantissement, ni l’annulation de la décision.
Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la SNC Sofirst n’a pas valablement formé appel incident à l’encontre de l’ordonnance du 13 octobre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Périgueux, de sorte que la cour ne peut que confirmer ladite ordonnance sur les points non critiqués par la SAS Vide Grenier Artisanat 24, appelante principale.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
L’article 834 du code de procédure civile dispose : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »
L’article L. 145-41, alinéa premier, du code de commerce dispose : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »
En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire à défaut de payement ou d’exécution d’une quelconque des clauses et conditions du bail. Le commandement de payer délivré le 14 juin 2022 vise la clause résolutoire et reproduit le délai légal. Il est constant que ce commandement de payer est resté infructueux dans le délai d’un mois.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle constate que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de bail sont réunies, ordonne l’expulsion de la locataire et fixe une indemnité d’occupation à compter du 14 juillet 2022 au montant contractuel du loyer et des charges tel que prévu par l’article ‘J.a’ du contrat de bail du 25 mai 2021, payable au jour le jour.
Sur l’octroi de délais et la suspension des effets de la clause résolutoire
L’article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce dispose : « Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »
L’article 1343-5 du code civil dispose : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
« Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
« Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
« La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
« Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »
Il ressort des pièces versées aux débats que les impayés de loyer ont commencé à compter de janvier 2022, amenant la SNC Sofirst à délivrer, le 14 juin 2022, un commandement de payer les loyers et charges des mois de janvier à juin 2022 pour un montant de 17.410,80 euros.
S’il est exact que la SAS Vide Greniers Artisanat 24 a effectué plusieurs versements partiels, l’arriéré locatif s’élevait, au 2 décembre 2022, à la somme de 28.615,04 euros.
Ainsi que le relève justement la bailleresse, il s’avère que la SAS Vide Greniers Artisanat 24 n’est pas en capacité de régler l’intégralité du loyer au terme convenu.
Dans ces conditions, il convient de rejeter sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.
Sur les sommes dues par la SAS Vide Greniers Artisanat 24
En l’espèce, au vu des décomptes produits et des explications des parties, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné la SAS Vide Greniers Artisanat 24 au paiement provisionnel de la somme 15.838,80 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 15 juillet 2022.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer l’ordonnance déférée en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La SAS Vide Greniers Artisanat 24 supportera les dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la SAS Vide Greniers Artisanat 24 sera condamnée à payer à la SNC Sofirst la somme de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l’ordonnance déférée,
Y ajoutant,
DEBOUTE la SAS Vide Greniers Artisanat 24 de ses demandes,
CONDAMNE la SAS Vide Greniers Artisanat 24 à payer à la SNC Sofirst la somme de 1.500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS Vide Greniers Artisanat 24 aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,