REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 25 MAI 2023
(n° 106 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/00963 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5WT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2020 – Tribunal de Commerce de Paris, 19ème chambre – RG n° 2019028997
APPELANTE
S.A.R.L. [Adresse 6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le numéro 448 720 789
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Arthur VIGNERON, avocat au barreau de PARIS, toque : R130
INTIMEE
S.A.S. LOCALIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 632 004 008
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître Guillaume ABADIE de l’AARPI CABINET GUILLAUME ABADIE – FREDERIQUE MORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0024, substitué par Maître Isabelle COGNARD de l’AARPI CABINET GUILLAUME ABADIE – FREDERIQUE MORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5-5 et de Madame Sylvie Castermans, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5
Madame Christine Soudry, conseillère
Madame Sylvie Castermans, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime MARTINEZ
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de la chambre 5.5 et par Monsieur MARTINEZ, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Localis a pour activité la location et l’entretien de linge et de vêtements destinés à des professionnels.
La société [Adresse 6] exploite un hôtel de tourisme au [Adresse 2].
Les parties ont signé un contrat de location de linge le 24 novembre 2015 pour une durée de quatre années civiles.
Un inventaire contradictoire effectué le 27 septembre 2016 a montré un écart de produits, sur l’ensemble du stock mis à disposition pour un montant de 3.605,34 euros, soit 11 % de la valeur du stock. Un litige a opposé les parties quant à la responsabilité de ces pertes.
Après s’être plainte à la société Localis de différents incidents lors de la livraison de linge et demandé à cette dernière d’y remédier sous peine de voir résilier le contrat, la société [Adresse 6] a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 novembre 2017, résilié le contrat les liant avec effet à la fin du mois de février 2018.
En raison de l’intervention de nouveaux incidents, l’hôtel a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 janvier 2018, avisé la société Localis de sa décision d’avancer la date de résiliation du contrat au 30 janvier 2018.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 31 janvier 2018, la société Localis a mis en demeure la société [Adresse 6] de reprendre l’exécution du contrat sous peine de résiliation anticipée.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 février 2018, la société Localis a prononcé la résiliation anticipée du contrat et demandé à la société [Adresse 6] le paiement d’une somme de 31.769,67 euros HT au titre de l’indemnité de rupture et de 16.760,56 euros HT au titre du rachat du stock outre une somme de 9.828,30 euros TTC au titre des fatures impayées entre octobre 2017 et janvier 2018.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2018, la société Localis a mis en demeure la société Hôtel la vilBohème de lui payer une somme totale de 67.336,78 euros TTC au titre de l’indemnité de rupture, du rachat du stock, du linge manquant et des factures impayées outre une somme de 6.733,68 euros TTC au titre des pénalités de retard.
Par acte du 16 mai 2019 la société Localis a assigné la société SARL [Adresse 6] en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement en date du 14 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de jonction de cette affaire avec celle enrôlée sous le numéro n°RG2019029000,
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de prononcer la résolution du contrat signé le 24 novembre 2015 à la date du 30 janvier 2018,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société Localis, la somme de 5.555,94 euros au titre de l’indemnité de rupture,
– Débouté la société SAS Localis de sa demande de paiement au titre du rachat de stock,
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de restitution de stock de linge repris par la société SAS Localis,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 3.384, 60 euros TTC au titre de rachat des manquants,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis la somme de 1.073, 17 euros TTC au titre de prestations impayées,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis la somme de 750 euros au titre de la clause pénale,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis la somme de 160 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, les intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne majorée de 7 points,
* Sur le montant de 1.804,24 euros entre le 30 novembre 2017 et le 30 septembre 2019,
* Sur le montant de 2.007,65 euros entre le 28 février 2018 et le 30 septembre 2017,
* Sur le montant de 1.477,98 euros entre le 31 mars 2018 et le 30 septembre 2019,
* Sur le montant de 1.073,17 euros à compter du 30 avril 2018, avec anatocisme,
– Condamné la société SAS Localis à payer à la société SARL [Adresse 6], la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts, montant venant en déduction des paiements mentionnés ci-dessus à effectuer par la SARL [Adresse 6] à la société Localis,
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraire,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration du 11 janvier 2021, la société [Adresse 6] a interjeté appel du jugement en ce qu’il :
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de jonction de cette affaire avec celle enrôlée sous le numéro N°RG2019029000,
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de prononcer la résolution du contrat signé le 24 novembre 2015 à la date du 30 janvier 2018,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 5.555,94 euros au titre de l’indemnité de rupture.
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 3.384,60 euros TTC au titre du rachat des manquants,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 1.073, 17 euros TTC au titre de prestations impayées,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 750 euros au titre de la clause pénale,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 160 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis les intérêts au taux de la banque de la Banque Centrale Européenne majoré de 7 points, avec anatocisme,
* sur le montant de 1.804,24 euros entre le ,30 novembre 2017 et le 30 septembre 2019,
* sur le montant de 2.007,65 euros entre le 28 février 2018 et le 30 septembre 2017,
* sur le montant de 1.477,98 euros entre le 31 mars 2018 et le 30 septembre 2019,
* sur le montant de 1.073, 17 euros à compter du 30 avril 2018,
– Condamné la société SAS LOCALIS à payer à la société SARL [Adresse 6] la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts,
– Débouté la société [Adresse 6] de ses demandes autres, plus amples et contraires,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné SARL [Adresse 6] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 12 octobre 2021, la société [Adresse 6] demande à la cour, au visa des articles 1182 du code civil et des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Débouté la société SARL [Adresse 6] de sa demande de prononcer la résolution du contrat signé le 24 novembre 2015 à la date du 30 janvier 2018,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 5.555,94 euros au titre de l’indemnité de rupture,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 3.384,60 euros TTC au titre du rachat des manquants,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 1.073, 17 euros TTC au titre de prestations impayées,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 750 euros au titre de la clause pénale,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 160 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis les intérêts au taux de la banque de la Banque Centrale Européenne majoré de 7 points, avec anatocisme,
* sur le montant de 1.804,24 euros entre le ,30 novembre 2017 et le 30 septembre 2019,
* sur le montant de 2.007,65 euros entre le 28 février 2018 et le 30 septembre 2017,
* sur le montant de 1.477,98 euros entre le 31 mars 2018 et le 30 septembre 2019,
* sur le montant de 1.073, 17 euros à compter du 30 avril 2018,
– Condamné la société SAS Localis à payer à la société SARL [Adresse 6], la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts,
– Débouté la société [Adresse 6] de ses demandes autres, plus amples et contraires,
– Condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné SARL [Adresse 6] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA
Statuant à nouveau sur l’affaire,
– Juger que la gravité des manquements contractuels commis par la société Localis a justifié que la société [Adresse 6] procède à la résolution unilatérale du contrat de location-entretien qui liait les parties ;
– Juger que la résolution du contrat de location-entretien a pris effet à la date du 30 janvier 2018 ;
En conséquence,
– Débouter la société Localis de l’ensemble de ses demandes ;
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour refusait de débouter la société Localis de l’ensemble de ses demandes ;
– Réduire le montant de l’indemnité de rupture réclamée par la société Localis à un montant symbolique qui ne saurait être supérieur à 5% de la valeur de l’indemnité contractuellement prévue, elle-même recalculée sur la base du minimum hebdomadaire de facturation défini au contrat ;
– Réduire le montant des autres condamnations réclamées par la société Localis à un montant symbolique qui ne saurait être supérieur à 5% des sommes demandées ;
– Ordonner la remise à la société [Adresse 6] du stock de linge prévu au contrat, par devant huissier de justice et aux frais de la société Localis, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification du jugement ;
Et en tout état de cause,
– Condamner la société Localis à rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance, augmentées des intérêts au taux légal;
– Condamner la société Localis à payer à la société [Adresse 6] une somme de 15.000 euros, en réparation du préjudice subi par cette dernière ;
– Condamner la société Localis à payer à la société [Adresse 6] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société Localis au paiement des entiers dépens de l’instance ;
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 15 février 2023, la société Localis demande à la cour, de :
– Dire mal fondée la société [Adresse 6] en son appel et la débouter de ses prétentions.
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société [Adresse 6] de sa demande de résolution du contrat à la date du 30 janvier 2018 et en ses dispositions sur la condamnation de la société [Adresse 6] au paiement des prestations impayées à hauteur de 1.073,17 euros TTC, sur les intérêts de retard, la capitalisation, l’indemnité forfaitaire de recouvrement, la clause pénale, l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
– Confirmé le jugement en ce qu’il a condamné la société [Adresse 6] au paiement d’une indemnité de rupture sauf à en élever le quantum et des articles manquants sauf à en élever le quantum,
– Dire recevable la société Localis en son appel incident
Statuant à nouveau,
– Condamner la société [Adresse 6] au paiement du rachat du stock à hauteur de 15.318,50 euros.
– Elever les condamnations prononcées à l’encontre de la société [Adresse 6] :
* au titre de l’indemnité de rupture à la somme de 34.347,60 euros
* au titre des articles manquants à la somme de 6.769,21 euros
– Dire que ces sommes porteront intérêts contractuels au taux de la Banque Centrale Européenne majoré de 7 points à compter des dates d’échéances de chacune des factures y afférentes.
– Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.
En tout état de cause :
– Condamner la société [Adresse 6] au paiement d’une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la société [Adresse 6] aux entiers dépens d’appel.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2023.
SUR CE, LA COUR
Sur la résiliation unilatérale du contrat
La société [Adresse 6] allègue que la responsabilité de la rupture incombe à la société Localis en raison de livraisons incomplètes de linge au regard des quantités indiquées sur les bons de livraison, de retards de livraison, d’oublis ou d’erreurs répétées.
La société Localis conteste la gravité des griefs exposés par la société [Adresse 6], elle reconnaît ne pas livrer sa cliente à heure fixe, estimant ne pas être contractuellement tenue de le faire. Elle soutient qu’elle justifie de sa réactivité dès réception de demandes de la part de la société appelante. Elle ajoute que la société [Adresse 6] avait sous évalué le stock de linge qui lui était nécessaire par rapport au nombre de chambres dont elle disposait.
Il appartient à celui qui se prévaut d’une rupture prématurée du contrat, de démontrer la gravité des manquements reprochés au cocontractant. Sauf urgence ,il doit préalablement mettre en demeure la partie défaillante de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
Le tribunal a prononcé la rupture aux torts exclusifs de la société [Adresse 6] estimant que le nombre d’incidents constatés était faible au regard du nombre de livraisons et que la société [Adresse 6] portait une part de responsabilité de l’hôtel pour ne pas avoir procédé à un contrôle systématique des mouvements de linge et pour avoir refusé de permettre la reconstitution du stock initial selon la proposition de la société Localis au mois de septembre 2016. La société [Adresse 6] critique cette analyse en affirmant qu’elle était dans l’impossibilité de contrôler toutes les livraisons, que le contrat ne l’y obligeait pas et qu’elle avait procédé par contrôles limités à deux périodes: les mois de juillet et décembre 2017. Or elle affirme que le taux d’erreurs constatées s’élevait à 62,50% et 50% sur ces deux périodes et que ces erreurs provoquaient une grande désorganisation dans la gestion de l’hôtel.
Aux termes de l’article 2 des conditions générales, la société Localis s’engage à remettre au client le stock nécessaire à ses besoins et figurant sur le bon de commande. Ensuite le loueur se présente chez le client suivant la périodicité convenue pour ramasser les articles utilisés et relivrer les articles remis en état de service ou éventuellement fournis en remplacement. Le client reçoit les documents qui lui permettent de suivre les mouvements du stock d’articles confiés étant précisé que les retraits demandés sont enregistrés à la date de la livraison suivante. Les quantités enregistrées sur les documents comptables du loueur font foi juridiquement notamment les quantités d’articles reconnues par les services « contrôle » de l’usine. Il est recommandé au client de vérifier tous les articles en présence du loueur. Toute réclamation, pour être recevable, doit être adressée par écrit dans les deux jours ouvrables suivant la livraison.
Il résulte de ces dispositions que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, il ne saurait être reproché à la société [Adresse 6] de ne pas avoir contrôlé systématiquement les mouvements de linge ou encore d’avoir refusé de reconstituer le stock initial en 2016 alors qu’aucune obligation contractuelle ne l’y contraignait.
En revanche, s’agissant des livraisons incomplètes, la société [Adresse 6] rapporte la preuve de ses réclamations établies par courriels, entre le 13 janvier 2017 et le 15 décembre 2017 (pièces 2, 4,5, 6,7,8,9, 18) Elle dénombre 173 articles manquants entre le 7 et le 27 juillet 2017.
La société Localis conteste son inertie et minimise les difficultés rencontrées en indiquant que celles-ci n’ont existé que sur une période limitée et qu’elle a remédié ponctuellement aux dysfonctionnements portant sur les livraisons.
Si les problèmes se sont cantonnés sur les mois de juillet et décembre 2017, la société [Adresse 6] démontre que le nombre d’erreurs commises a occasionné des problèmes au sein de ses équipes, contraignant son personnel à réaliser des tâches supplémentaires telles que lavage, repassage et emprunt de linge auprès de confrères hôteliers.
C’est donc en raison de ces manquements répétés et de leurs conséquences sur son organisation que la société [Adresse 6] a, à bon droit, prononcé unilatéralement la résiliation du contrat par lettre du 16 novembre 2017.
A la suite de trois nouveaux incidents survenus au mois de décembre 2017 sur six livraisons, la société [Adresse 6] a légitimement avancé le terme anticipé du contrat au 30 janvier 2018.
Dans ces conditions, il convient d’imputer la rupture du contrat exclusivement à la société Localis et le jugement sera infirmé de ce chef. La date de résiliation sera fixée à la date du 30 janvier 2018.
Sur l’indemnité de rupture
Il résulte de la solution retenue que la demande d’indemnité de rupture formée par la société Localis sera rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le rachat du stock
L’article 12 des conditions générales de vente prévoit que le client s’engage à acheter le stock de linge, vêtements et accessoires mis à sa disposition en cas de non-renouvellement du contrat (article 10) ou de rupture ou de résiliation du contrat (articles 9 et 11), ou de son refus de mise en place (article 11).
Il sera relevé que l’article 9 concerne la cession de fonds, la mise en location-gérance et la cession d’activité et que l’article 11 concerne la rupture du contrat du fait du client et le refus de mise en place du contrat par le client.
Ainsi la clause de rachat du stock de linge n’est applicable que lors de la survenance d’un événement affectant le contrat lié à la volonté du locataire ou encore en cas de faute de ce dernier.
En l’espèce, le contrat ayant été résilié aux torts exclusifs de la société Localis, cette disposition n’est pas applicable.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de paiement au titre du rachat de stock.
Sur le rachat des articles manquants
Selon l’article 3 de conditions générales du contrat, en fin de contrat, il sera procédé à un inventaire contradictoire des articles. Les pièces perdues sont facturées à la valeur de leur remplacement actualisée.
A l’appui de sa demande au titre du rachat des articles manquants, la société Localis produit un inventaire contradictoire réalisé le 22 mars 2018 au terme duquel différents articles n’auraient pas été rendus par la société [Adresse 6] à l’issue du contrat.
Toutefois il résulte du procès-verbal d’inventaire que celui-ci ne tient pas compte des livraisons refusées les 30 janvier 2018 et 2 février 2018. En outre, il apporte la démonstration du l’absence de fiabilité du comptage opéré par ses services puisque l’inventaire retrouve des articles en nombre supérieur à ceux initialement remis.
Dans ces conditions, aucune perte d’article de linge ne peut être imputée à la société [Adresse 6] et la demande au titre du rachat des manquants sera rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement au titre des prestations de février 2018
La résiliation du contrat ayant été prononcée à juste titre par la société [Adresse 6] le 30 janvier 2018 et toute prestation ayant cessé à cette date, la facture correspondant à la location de linge pour le mois de février 2018 n’est pas due. La demande en paiement de ce chef sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point.
Sur les intérêts de retard au titre des factures impayées, les indemnités forfaitaires et les pénalités contractuelles
Il n’est pas discuté que la société [Adresse 6] a payé, avec retard, les factures adressées par la société Localis au titre des prestations exécutées au mois d’octobre 2017, au mois décembre 2017 et au mois de janvier 2018.
Sur l’indemnité forfaitaire
La société [Adresse 6] demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’ a condamnée au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 441-6 du code de commerce en invoquant les circonstances du litige l’opposant à la société Localis. En tout état de cause, elle demande la réduction des indemnités mises à sa charge.
Il sera relevé que la société [Adresse 6] n’a jamais revendiqué retenir ses paiements en raison de l’inexécution par la société Localis de ses obligations. Dans ces conditions, le retard de la société [Adresse 6] dans son obligation de payer les factures émises par la société Localis est caractérisé et l’indemnité prévue à l’article L. 441-6 du code de commerce est due.
L’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable constitue une pénalité légale et non une clause pénale. Elle n’est donc pas réductible. La demande en ce sens sera rejetée.
Seule trois factures étant demeurées impayées, l’indemnité forfaitaire due s’élève à 120 euros et non à 160 euros. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société [Adresse 6] à payer à la société Localis une somme de 160 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement.
Sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts
La société [Adresse 6] revendique l’infirmation du jugement en ce qu’il l’ a condamnée au paiement des intérêts moratoires et à la capitalisation des intérêts en invoquant les circonstances du litige l’opposant à la société Localis. En tout état de cause, elle demande la réduction des indemnités mises à sa charge.
Il sera relevé que la société [Adresse 6] n’a jamais revendiqué retenir ses paiements en raison de l’inexécution par la société Localis de ses obligations. Dans ces conditions, le retard de la société [Adresse 6] dans son obligation de payer les factures émises par la société Localis est caractérisé et les intérêts moratoires contractuels prévus à l’article 5 des conditions générales du contrat sont dus.
Il n’y a en outre pas lieu d’en réduire le montant de même qu’il n’y a pas lieu d’écarter la demande au titre de la capitalisation des intérêts.
Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.
Sur la clause pénale
L’article 5 des conditions générales du contrat prévoit qu’outre la majoration au titre des intérêts moratoires, le montant des factures à payer sera majoré à titre de clause pénale d’une indemnité forfaitaire de 10% égale au minimum à 750 euros HT.
En l’espèce, la société Localis ne saurait revendiquer l’application d’une telle clause en plus de l’indemnité légale forfaitaire déjà allouée sans rapporter la preuve d’avoir supporté des frais ou subi un préjudice justifiant le versement de cette clause pénale d’un montant de 750 euros, qui correspond au montant minimum de l’indemnité contractuelle, étant précisé qu’il a déjà été accordé à la société Localis l’indemnité forfaitaire de 40 euros par facture pour frais de recouvrement ainsi que des intérêts moratoires majorés compensant le préjudice lié au retard d’exécution.
La demande de la société Localis au titre de la clause pénale sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts
Il résulte des développements précédents que c’est à bon droit que le tribunal, prenant en compte les défaillances de la société Localis , a alloué à la société [Adresse 6], en se fondant sur les attestations précises et circonstanciées ainsi que sur l’attestation de l’expert comptable produites, une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement
La société [Adresse 6] demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’elle a versées en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire, avec intérêts au taux légal.
Toutefois le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant précisé que les sommes devant être restituées porteront intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société [Adresse 6].
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Localis, partie perdante, au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées. La société Localis sera condamnée à payer la société [Adresse 6] une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés. Sa demande de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société SAS Localis de sa demande de paiement au titre du rachat de stock, condamné la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, les intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne majorée de 7 points, sur le montant de 1.804,24 euros entre le 30 novembre 2017 et le 30 septembre 2019, sur le montant de 2.007,65 euros entre le 28 février 2018 et le 30 septembre 2017, sur le montant de 1.477,98 euros entre le 31 mars 2018 et le 30 septembre 2019 et sur le montant de 1.073,17 euros à compter du 30 avril 2018, avec anatocisme, condamné la société SAS Localis à payer à la société SARL [Adresse 6], la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts, montant venant en déduction des paiements mentionnés ci-dessus à effectuer par la SARL [Adresse 6] à la société Localis;
Statuant à nouveau,
DIT que la rupture du contrat est exclusivement imputable à la société Localis ;
REJETTE la demande en paiement de la société Localis au titre de l’indemnité de rupture ;
REJETTE la demande en paiement de la société Localis au titre du rachat des manquants ;
REJETTE la demande en paiement de la société Localis au titre de la facture pour la location de linge au mois de février 2018 ;
REJETTE la demande en paiement de la société Localis au titre de la clause pénale ;
CONDAMNE la société SARL [Adresse 6] à payer à la société SAS Localis, la somme de 120 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
CONDAMNE la société SAS Localis à payer à la société [Adresse 6] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société SAS Localis aux dépens de première instance et d’appel ;
REJETTE les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE