Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 25 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/05625 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N4HZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 septembre 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/06818
APPELANTS :
Monsieur [H] [C]
né le 09 Novembre 1977 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
et
Madame [P] [S]
née le 04 Décembre 1978 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentés par Me Charles-Etienne SANCONIE de la SCP ASA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE, substitué à l’audience par Me Elsa LANAU de la SCP ASA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
Madame [L] [O]
née le 24 Janvier 1968 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne CROS DE GOUVILLE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 22 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 mars 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Fabrice DURAND, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA,
en présence de Mme Marine HOF, greffière stagiaire
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] [C] et Mme [P] [S], vendeurs, ont le 13 janvier 2015 signé avec Mme [L] [O], acquéreur, un compromis de vente portant sur une maison d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 2] (Hérault) moyennant le prix de 269 000 euros.
Ce compromis contenait, outre les conditions suspensives d’usage relatives à la situation hypothécaire, une condition relative à la vente par l’acquéreur d’un bien immobilier lui appartenant.
Un dépôt de garantie d’un montant de 2 000 euros était versé par Mme [O].
En cas de réalisation des conditions suspensives, la réitération de la vente en la forme authentique devait intervenir au plus tard le 10 avril 2015.
Une clause pénale d’un montant de 26 900 euros était stipulée.
Le 21 janvier 2015, un avenant au compromis de vente était signé entre les parties, comportant les dispositions suivantes :
« Concernant les travaux à réaliser :
Le VENDEUR accepte de réaliser, préalablement à la réitération des présentes par acte authentique, la construction d’un mur support des boîtes aux lettres et des niches de compteurs pour les implanter sur le lotissement.
2/ Conditions suspensives particulières :
Les présents sont soumises aux conditions suspensives particulières ci-après :
a) Obtention par le VENDEUR d’un devis pour lesdits travaux qui devra être porté à la connaissance de l’acquéreur avant la fin du délai de rétractation.
Une fois les travaux réalisés, l’acquéreur devra être prévenu (par le vendeur) de façon à ce qu’il puisse procéder à toutes les vérifications qui lui paraîtront nécessaires accompagné de l’homme de l’art de son choix.
b) La réalisation des présentes est soumise à l’obtention par le VENDEUR d’un prêt d’un montant maximum de 215 000 euros, sur une durée de 25 ans au taux maximum de 3% lui permettant l’acquisition d’un bien sis à [Adresse 8], moyennant le prix principal de 249 000 euros ainsi qu’une commission d’agence d’un montant de 12 000 euros pour lequel un compromis a été signé le 13 janvier 2015.
3/ Modification du montant de la clause pénale :
Les parties sont convenues de modifier le montant de la clause pénale et de le porter à la somme de 8 000 euros.
En conséquence, il faut lire :
Au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l’acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’acquéreur la somme de 8 000 euros à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du Code civil, indépendamment de tous dommages-intérêts.
Il est ici précisé et convenu entre les parties que cette clause pénale a également pour objet de sanctionner le comportement de l’une des parties dans la mesure où il n’a pas permis de remplir toutes les conditions d’exécution de la vente.
La présente clause pénale ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l’autre en exécution de la vente.
3/ Concernant le paragraphe « Permis de construire » :
Les parties ont convenu directement entre elles de rajouter au paragraphe « permis de construire » ce qui suit :
La déclaration attestant de l’achèvement et la conformité des travaux a été reçue en mairie le 10 novembre 2014.
En conséquence, le VENDEUR s’engage à solliciter en sa qualité de maître de l’ouvrage, de l’autorité compétente (la commune de [Localité 2] et à défaut de réponse le préfet) dans les meilleurs délais, une attestation de non-contestation de la conformité des travaux, l’obtention de ce document constituant une condition suspensive de la vente à laquelle l’acquéreur pourra seul renoncer.
Les autres conditions dudit compromis de vente, notamment le prix, restent inchangées. »
Par courrier du 24 mars 2015, Mme [O] invitait les vendeurs à faire réaliser les travaux prévus (compteurs et muret pour boîtes aux lettres).
Par courrier du 9 avril 2015, Maître [E], notaire de Mme [O], informait Me [K], notaire des vendeurs, que différentes non-conformités faisaient obstacle à la vente et réclamait la restitution du dépôt de garantie.
Par courrier du 16 avril 2015, le conseil de Mme [O] indiquait à nouveau à Me [K] que sa cliente n’entendait plus poursuivre la réalisation de la vente en l’état des difficultés constatées.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 mai 2015, Me [E] renouvelait auprès de Me [K] la demande de restitution du dépôt de garantie du fait de la caducité du compromis de vente.
Par courriers du 12 juin 2015 et du 3 septembre 2015, Me [E] renouvelait sa demande à Me [K].
C’est dans ces conditions que suivant exploit du 3 novembre 2015, Mme [O] a fait assigner les consorts [C] ‘ [S] devant le tribunal de grande instance de Montpellier.
Par un jugement contradictoire rendu le 25 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
– condamné les consorts [C]/[S] à payer à Mme [L] [O] :
– la somme de 2 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2015, date de la mise en demeure,
– la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015, date de l’assignation,
– la somme de 1 090 euros à titre de dommages-intérêts pour la location d’un box, outre intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015, date de l’assignation,
– dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien du code civil,
– débouté Mme [L] [O] du surplus de ses demandes,
– débouté M. [H] [C] et Mme [P] [S] de leurs demandes reconventionnelles,
– condamné M. [H] [C] et Mme [P] [S] à payer à Mme [L] [O] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du CPC,
– condamné M. [H] [C] et Mme [P] [S] aux dépens de l’instance.
Le 9 novembre 2018, les consorts [C]/[S] ont interjeté appel de ce jugement à l’encontre de Mme [O].
Vu les dernières conclusions des consorts [C]/[S] remises au greffe le 22 décembre 2021, au terme desquelles ils sollicitent la réformation du jugement, la condamnation de Mme [O] au paiement de la somme de 28 600,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du procès-verbal de carence établi par le notaire le 4 novembre 2015 en réparation des préjudices qu’ils ont subis et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de Mme [O] remises au greffe le 1er juin 2022, au terme desquelles elle sollicite la confirmation du jugement.
En conséquence, elle demande à ce que la restitution du dépôt de garantie à Mme [O] d’un montant de 2 000 euros déposé sur un compte ouvert à l’office notariale de Me [K] soit ordonnée, à ce que les consorts [C]/[S] soient condamnés à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale et à 28 600 euros si revalorisation.
Par ailleurs, elle demande d’infirmer et de condamner les consorts [C] / [S] au paiement de la somme de :
– 8 000 euros au titre du préjudice moral,
– 299, 9 euros au titre de l’abonnement free,
– 2 370 euros au titre de la location d’un box et à défaut de confirmer la décision sur le montant retenu.
Elle demande à ce qu’il soit jugé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée par Me [E] le 5 mai 2015 par application de l’article 1153 du Code civil et que les intérêts produits seront capitalisés dans les termes et conditions posés par l’article 1154 du Code civil.
En outre, elle demande d’infirmer et de condamner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision les consorts [C]/[S] à restituer les objets de la liste visés dans le corps des présentes et à défaut, de les condamner au paiement de la somme forfaitaire de 635 euros à titre d’indemnisation.
Subsidiairement, elle demande à ce que les consorts [C]/[S] soient déboutés de leurs demandes comme irrecevables, injustes et malfondées.
En tout état de cause, elle sollicite leur condamnation au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 22 février 2023.
MOTIFS
Sur les conditions suspensives
Les conditions suspensives sont énumérées en pages 8 et 9 du compromis de vente du 13 janvier 2015 sous le titre » conditions suspensives et réserves ».
Le compromis désigne aussi ces conditions sous le qualificatif de « suspensif » ou de la catégorie » Reserves » et indique : » la non réalisation d’une seule des ces conditions ou réserves entrainera la caducité des présentes sauf dans les hypothèses où l’acquéreur pourra renoncer à se prévaloir d’une ou de plusieurs conditions suspensives « .
Il s’agit des conditions suspensives dites de droit commun (origine de propriété, servitudes et charges, situation hypothécaire) et de la condition suspensive relative à la vente par l’acquéreur d’un bien immobilier lui appartenant.
La date de réitération de l’acte authentique est fixée au 10 avril 2015.
Un avenant est intervenu le 21 janvier 2015, ne modifie pas la nature du compromis, ces engagements mais en ajoute de nouveaux :
– celui de réaliser avant la réitération de la vente par acte authentique, un mur de support pour les boîtes aux lettres et les niches de compteurs.
– et des conditions suspensives particulières dans un paragraphe distinct, l’une concerne l’obtention parle le vendeur d’un devis pour les travaux ci- dessus (mur de support pour boîtes aux lettres et niches de compteurs) qui devra être porté à la connaissance de l’acquéreur avant la fin du délai de rétractation, l’autre concerne l’obtention d’un prêt par le vendeur.
Enfin, une dernière condition suspensive est expressément stipulée dans l’avenant du 21 janvier 2015, relative à l’obtention par le vendeur (maître de l’ouvrage) d’une attestation de non-contestation de la conformité des travaux ayant fait l’objet du permis de construire auprès de la commune de [Localité 2] et à défaut de réponse le préfet.
Seules ces conditions suspensives supplémentaires sont, comme celles figurant au compromis initial et qualifiées comme telles, sanctionnées par la caducité en cas de défaillance.
Il ressort de ce constat, comme le souligne le premier juge, que Madame [O] ne peut se prévaloir de la caducité du compromis pour non-réalisation de tout ou partie des travaux prévus avant la date de réitération de la vente par acte authentique, travaux qui n’avaient pas été érigés en conditions suspensives.
Le débat intervenu entre les parties concerne la condition suspensive d’obtention par le vendeur d’une attestation de non-contestation de la conformité des travaux ayant fait l’objet du permis de construire :
D’une part, les consorts [C]/[S] estiment que les délais pour obtenir cette attestation ne dépendaient pas d’eux mais des administrations concernées, en oubliant qu’ils ont eux mêmes posé ces délais au profit de l’acquéreur du fait qu’ils sont à l’origine de la réalisation de travaux non prévus au permis de construire initial, tels que notamment la transformation du garage en habitation et l’implantation d’un abri de jardin sur dalle en béton sur une servitude de passage, sans autorisation administrative.
Il sera donc adopté les conclusions du premier juge sur ce point : le retard causé par une régularisation administrative a posteriori ne résulte d’aucun prétendu « aléa » mais leur est entièrement imputable.
D’autre part les consorts [C]/[S] estiment que le délai de réitération a été prorogé et Mme [O] aurait manifesté sa volonté de poursuivre les relations contractuelles par courrier du 23 avril 2015 de son conseil Me [B], soit postérieurement à la date fixée pour la réitération. L’examen de ce courrier doit être mis en relation avec les courriers précédents notamment celui du 9 avril 2015 qui fait état sans ambiguïté de la position de Mme [O] de ne pas vouloir acquérir l’immeuble dans ces conditions ou qu’une discussion s’instaure et qu’une somme de 15 000 euros soit séquestrée ; ce que n’ont jamais accepté les consorts [C] /[S], ainsi le courrier du 23 avril 2015 ne peut pas constituer une prorogation du délai de la condition suspensive.
Enfin, l’attestation de non contestation à la DAACT a été délivrée le 15 avril 2015 pour les permis de construire du 7 mars 2013 et modificatif du 14 avril 2015 ne concerne pas les travaux de réalisation d’une terrasse et de toute évidence est tardif, intervient après le délai prévu contractuellement.
La condition suspensive de délivrance de l’attestation a donc fait défaut du fait du comportement des consorts [C] / [S] qui ont réalisé des travaux hors permis de construire initial.
Il sera donc constaté que le compromis est caduc en application de l’article 1176 du code civil, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions suspensives.
Sur la restitution du dépôt de garantie à Mme [O] d’un montant de 2 000 euros déposé sur un compte ouvert de l’office notariale de Me [K], rédacteur des contrats
Compte tenu de la défaillance de la condition suspensive et de la caducité du compromis de vente imputables aux vendeurs, ceux-ci devront restituer la somme à l’acquéreur soit la somme de 2 000,00 euros.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 05 mai 2015, date de la mise en demeure, outre anatocisme.
Sur la somme de 8 000 euros au titre de la clause pénale et à 28 600 euros si revalorisation
En application des dispositions contractuelles, il convient d’appliquer la clause prévue dans le dernier acte qui constitue la loi entre les parties, les consorts [C]/[S] seront donc condamnés au paiement de la somme de 8 000 euros.
Sur la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral
A défaut d’apporter d’autres éléments suffisants précis autre qu’un certificat médical qui atteste d’événements pénibles, Mme [O] sera déboutée de sa demande préjudice moral.
Sur la somme de l’abonnement free à hauteur de 299,9 euros.
Comme le constate le premier juge l’adresse de l’installation Free portée sur les factures étant le [Adresse 5] à [Localité 2] soit l’ancien domicile de Mme [O], dès lors cet élément conduit à débouter Mme [O] de sa demande.
Sur la somme au titre de la location d’un box à hauteur de 2 370 euros
La location d’un box est intervenue à compter du 28 février 2015.
La date de début de location à prendre en compte pour l’indemnisation réclamée doit être le 10 avril 2015, date prévue pour la réitération de la vente objet du présent litige. Le stockage des meubles avant le 10 avril 2015 est sans lien avec le sort de la promesse de vente objet du présent, c’est donc à bon droit que le premier juge a retenu une indemnité limitée de 5 mois (10/04/2015 au 10/09/2015) soit à hauteur de 1 090,00 euros au vu des factures mensuelles produites.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée par Me [E] le 5 mai 2015, avec application de l’article 1153 du code civil et application de l’anatocisme de l’article 1154 du code civil.
Sur la restitution des objets ou leur indemnisation,
La demande de restitution ou d’indemnisation repose sur trois attestations qui font état du dépôt d’objet de Mme [O] au [Adresse 1] à [Localité 2].
Qu’il convient d’en prendre acte, sauf à considérer que chacune des attestations est un faux. Que par contre l’évaluation précise de chacun des objets et leur dépréciation éventuelle n’est pas rapportée, une somme de 300 euros pour le lot d’objet sera satisfactoire à ce titre.
Sur les demandes reconventionnelles
Les consorts [C]/ [S] seront déboutés de leurs demandes indemnitaires formées à titre reconventionnel compte tenu de leur responsabilités dans l’échec de la vente.
Sur les dépens et l’article 700 code de procédure civile
M. [H] [C] et Mme [P] [S], succombants, seront condamnés, en cause d’appel, à payer à Mme [L] [O] la somme de 2 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme partiellement le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal de grande instance de Montpellier ;
Infirmant sur la somme au titre des objets déposés par Mme [O] ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Condamne M. [H] [C] et Mme [P] [S] à payer à Mme [L] [O] la somme de 300 euros ;
Condamne M. [H] [C] et Mme [P] [S] à payer à Mme [L] [O] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ;
Condamne M. [H] [C] et Mme [P] [S] aux entiers dépens.
La greffière, Le président,