ARRET N° .
N° RG 22/00876 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMVC
AFFAIRE :
M. [X] [T]
C/
S.A.S. CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE
GV/MS
Grosse délivrée à Me Paul GERARDIN, Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES, avocats, le 25 mai 2023.
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 25 MAI 2023
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Le vingt cinq Mai deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [X] [T], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d’une décision rendue le 18 NOVEMBRE 2022 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
S.A.S. CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul GERARDIN, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre, prévu aux articles 905 et suivants du code de procédure civilel’affaire a été fixée à l’audience du 27 Mars 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Madame Natacha COUSSY, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d’elle même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous-seing privé du 8 février 2019, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE a donné à bail à M. [X] [T] un tracteur routier de marque IVECO, modèle AS440S48TP, immatriculé [Immatriculation 3] pour une durée de 36 mois, moyennant un loyer mensuel de 1 133,50 € HT.
A cette fin, la société CNH a acquis auprès de la société de Diffusion de Véhicules Industriels (SDVI) ce véhicule portant un kilométrage de 367 826 kilomètres selon facture du 22 mars 2019.
Selon procès-verbal de réception du 8 mars 2019, la société SDVI a livré le tracteur routier à M. [T] sans réserve.
À compter du mois de février 2020, M. [T] s’est plaint à de multiples reprises auprès de la société SDVI de dysfonctionnements du véhicule,notamment une consommation anormale de liquide de refroidissement. Les tentatives de réparation effectuées par la société SDVI ont échoué.
Faute de réparation adéquate, par lettre recommandée avec accusé réception du 9 février 2021, le conseil de M. [T] a sollicité la résiliation du contrat du 8 février 2019 auprès de la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE en raison des anomalies affectant le véhicule, invoquant un problème important sur le joint de culasse.
M. [T] ayant ainsi interrompu le paiement des loyers à compter du 8 février 2021, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE a résilié le contrat de location par lettre recommandée avec accusé réception du 28 juin 2021 après mise en demeure du 26 mars 2021.
Par courrier du du 19 juin 2021, M. [T] a mis le véhicule à disposition de la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE à compter de cette date.
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Par acte d’huissier délivré le 8 juin 2022, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE a fait assigner en référé M. [X] [T] devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins d’obtenir sa condamnation sous astreinte à lui restituer le tracteur routier litigieux, ainsi qu’au paiement d’une somme de 47 962,36 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021.
Par ordonnance de référé du 18 novembre 2022, le tribunal de commerce de Limoges a :
– condamné M. [T] à :
* restituer à la SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE le tracteur routier de marque IVECO de modèle AS440S48TP donné en location selon contrat sous-seing-privé n°A1C81903 en date du 8 février 2019 sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
* payer à la société CNH la somme de 47 962,36 € outre intérêts légaux de retard à compter du 28 juin 2021, ce à titre provisionnel ;
– condamné M. [T] à verser à la société CNH une indemnité de 300 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance dont le coût de la présente décision.
M. [T] a interjeté appel de cette ordonnance le 5 décembre 2022.
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Aux termes de ses écritures du 15 février 2023, M. [X] [T] demande à la cour de :
– réformer dans son intégralité l’ordonnance dont appel ;
– déclarer l’action de la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE à la fois irrecevable et mal fondée ;
– débouter la société CNH de l’intégralité de ses demandes ;
– la condamner au paiement d’une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soutient que des contestations sérieuses s’opposent à l’action en référé engagée par la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE.
En effet, il dit rapporter la preuve des dysfonctionnements du véhicule, dont la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE, en sa qualité de bailleur, doit répondre en vertu de son obligation légale de délivrance et de jouissance paisible. En outre, il ne recherche pas la garantie pour vice caché du vendeur, ce qui exclut l’application de l’article 6 du contrat. Il se prévaut seulement de la résiliation du contrat fondée sur les manquements du bailleur en application de l’article 8 du contrat, ce qui entraîne la suspension du paiement des loyers.
En second lieu, il invoque l’absence de précision et de décompte du montant de la somme réclamée.
Enfin, il soutient que la clause pénale est manifestement excessive en application de l’article 1231-5 du code civil.
Aux termes de ses écritures du 16 janvier 2023, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée ;
Y ajoutant,
– condamner M. [T] à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles de 3 000 €, outre intérêts au taux légal à dater de l’arrêt à intervenir, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel, le bénéfice de distraction étant accordé à Maître Paul Gerardin, avocat, pour les sommes dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.
La société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE soutient que M. [T] ne démontre pas l’existence des prétendus vices affectant la chose louée, le problème technique relevant en tout état de cause d’un défaut d’entretien.
Conformément à l’article 6 du contrat et au mandat donné à M. [T], il appartenait à ce dernier d’agir en garantie contre le vendeur du véhicule, soit la société SDVI, elle-même ne s’étant engagée envers M. [T] à aucune garantie de bon fonctionnement du véhicule.
Sa créance est suffisamment précise et détaillée.
La clause pénale ne peut pas être considérée comme manifestement excessive, au regard du dépassement du terme de la location et des frais qu’elle a dû engager pour préserver ses droits.
SUR CE,
Les deux parties ont résilié le contrat du 8 février 2019, M. [T] par lettre recommandée avec accusé réception du 9 février 2021 en raison des pannes et dysfonctionnements du tracteur routier loué, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE pour défaut de paiement des loyers par lettre recommandée avec accusé réception du 28 juin 2021.
Il convient de rechercher quelle est la résiliation qui est justifiée.
La société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE dénie sa garantie à M. [T] sur le fondement de :
– l’article liminaire du contrat de location selon lequel le bailleur a institué le locataire comme son mandataire pour la livraison de l’équipement, les actions en justice et les formalités à accomplir ;
– l’article 6 du contrat sur les recours en garantie : ‘Le locataire exerce dans le cadre du mandat susvisé, tous droits et actions en garantie notamment vis-à-vis du constructeur ou du fournisseur de l’équipement, notamment annulation de la commande, récupération des acomptes versés, mise en jeu des garanties légales et/ou conventionnelles et le droit d’ester en justice à condition d’avoir appelé le bailleur en cause. De par son mandat, le locataire agira en cas de défaillance ou de vices cachés affectant l’équipement ou de défaut de garanties pour obtenir des dommages-intérêts, le cas échéant complétés d’une demande de résolution judiciaire de la vente objet du contrat, lequel sera résilié à compter du jour où cette résolution sera devenue définitive’.
Mais, la résiliation du preneur n’est pas fondée sur une action en garantie, mais sur l’obligation de délivrance et de jouissance paisible de la chose louée incombant au bailleur, prévues par les articles :
– 1719 du code civil selon lequel ‘Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée…
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail’ ;
– 1720 du même code selon lequel : ‘Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives’ ;
– et 1721 du même code ‘Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail’.
Si ces dispositions ne sont pas d’ordre public, le contrat prévoit néanmoins en son article 8.1 que : ‘Le locataire peut demander la résiliation du contrat en cas de (i) non-respect par le bailleur de l’un des engagements pris au présent contrat après mise en demeure non suivie d’effet dans les 15 jours suivant sa réception’.
Et l’article 8.3, ‘Conséquences’ stipule : ‘Dans le cas prévu au 8.1 (i) le locataire pourra solliciter du juge l’obtention de dommages-intérêts au titre du seul préjudice direct lié au manquement du bailleur limité à un montant maximum égal aux loyers perçus sur les 12 derniers mois précédant la mise en jeu de la responsabilité’.
M. [T] rapporte la preuve par la facture de réparation du 10 février 2020, ses multiples courriers, le constat d’huissier du 24 octobre 2022 que le véhicule a présenté des anomalies de fonctionnement, notamment au niveau du circuit de refroidissement.
Or, il n’agit pas en garantie comme prévu par l’article 6 du contrat. Il se prévaut de la résiliation du contrat de bail pour défaut de délivrance paisible de la chose louée sur les fondements légaux ci-dessus indiqués, alors même que le bailleur a une obligation de mise à disposition de l’objet loué selon l’article 1er du contrat.
En conséquence, sans préjuger du bien-fondé de l’action engagée par M. [T], il existe néanmoins une contestation sérieuse sur son obligation à paiement. Le juge des référés ne peut donc pas, en application de l’article 835 du code de procédure civile en son alinéa 2, accorder de provision à la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE. De même, faute de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite, il ne peut pas prescrire la restitution du véhicule sous astreinte.
En conséquence, la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE doit être déboutée de ses demandes.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE succombant à l’instance, elle doit être condamnée aux dépens et il est équitable de la condamner à payer à M. [T] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Limoges le 18 novembre 2022 ;
Statuant à nouveau
DEBOUTE la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE DE l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE à payer à M. [X] [T] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
[U] [Z]. [B] [M].