République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 MAI 2023
N° de Minute : 58/23
N° RG 23/00008 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UWXH
DEMANDERESSE :
S.A.S.U. RMB STOCK
dont le siège social est au [Adresse 3]
[Localité 4]
ayant pour avocate Me Sylviane MAZARD, avocate au barreau de Lille
DÉFENDERESSE :
S.C.I. EMLV
dont le siège social est au [Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Virginie LEVASSEUR, avocate au barreau de Douai et pour avocat plaidant Me Justine CORDONNIER, avocate au barreau de Lille
PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de Chambre désignée par ordonnance du 21 décembre 2022 du premier président de la cour d’appel de Douai
GREFFIER : Christian BERQUET
DÉBATS : à l’audience publique du 2 mai 2023
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt- cinq mai deux mille vingt-trois, date indiquée à l’issue des débats, par Hélène CHÂTEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 1er décembre 2020, la S.C.I. EMLV a consenti à la S.A.S.U. RMB Stock un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 3] pour une durée de neuf années moyennant le paiement d’un loyer annuel de 5 400 euros payable par quart et d’avance outre provisions pour charges et versement d’un dépôt de garantie de 450 euros, le bail comportant la clause particulière suivante : « après ouverture du magasin, six premiers mois de loyers offerts ».
Indiquant que la mairie de [Localité 4] l’avait informée de l’impossibilité d’exercer une activité commerciale dans le local loué, la S.A.S.U. RMB Stock a fait assigner la SCI EMLV devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins notamment de consignation des loyers entre les mains de Mme le bâtonnier de l’ordre des avocats de Lille en qualité de séquestre.
Par ordonnance du 3 janvier 2023, le juge des référés a :
– débouté la S.A.S.U. RMB Stock tendant à suspendre le règlement de ses loyers à la SCI EMLV jusqu’à ce que le local commercial soit remis en état d’être exploité par le preneur ;
– débouté la S.A.S.U. RMB Stock de sa demande de consignation des loyers litigieux entre les mains de tel organisme qu’il plaira au tribunal ;
– débouté la S.A.S.U. RMB Stock de sa demande de condamnation sous astreinte de 150 euros par jour de retard la remise en état des lieux aux frais du bailleur ;
– débouté la S.A.S.U. RMB Stock de sa demande de suspension de l’exécution de la clause résolutoire ;
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date du 1er décembre 2020 portant sur les locaux situés [Adresse 3] et ce depuis le 1er mai 2022 ;
– ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la S.A.S.U. RMB Stock et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 3] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
– dit, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
– fixé à titre provisionnel l’indemnité mensuelle d’occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, à compter du 3 mai 2022 ;
– condamné à titre provisionnel la S.A.S.U. RMB Stock au paiement de cette indemnité et ce, jusqu’à libération effective des lieux ;
– condamné la S.A.S.U. RMB Stock à payer à la SCI EMLV la somme provisionnelle de 4 354 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d’occupation, selon décompte arrêté au 29 mars 2022, terme du mois d’avril 2022 inclus ;
– dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
– rejeté la demande de suspension des effets de la clause résolutoire ;
– dit n’y avoir lieu à référé s’agissant des demandes tendant à la condamnation de la S.A.S.U. RMB Stock au paiement d’une clause pénale, de la majoration de 10% des sommes dues et à la conservation du dépôt de garantie ;
– condamné la S.A.S.U. RMB stock à permettre l’accès des locaux, notamment en dégageant les parties communes à la société Bauffe pour la réalisation des travaux portant sur la toiture du bien donné à bail sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, passé le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et pendant une durée de trois mois ;
– dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l’astreinte ;
– condamné la S.A.S.U. RMB stock à payer à la SCI EMLV la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la S.A.S.U. RMB stock aux dépens y incluant les frais de commandement de payer du 1er avril 2022 ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 20 janvier 2023, la S.A.S.U. RMB stock a interjeté appel de cette ordonnance.
Par acte du 20 janvier 2023, la S.A.S.U. RMB stock a fait assigner la SCI EMLV devant le premier président de la cour d’appel de Douai et demande, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile afin d’obtenir :
– la suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 3 janvier 2023 ;
– la condamnation de la SCI EMLV à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
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Elle expose que :
– elle a été contrainte d’arrêter son activité après que la mairie de [Localité 4] lui a demandé plusieurs justificatifs, dont seule la bailleresse était en possession, pour obtenir l’autorisation à recevoir du public et donc que sa situation soit régularisée ;
– le refus de la bailleresse de faire réaliser les travaux de toiture ne lui a pas permis de fournir l’engagement de solidité ;
– après que la bailleresse a fait intervenir la société Bauffe pour la réalisation des travaux, la mairie a délivré une injonction d’arrêter les travaux en raison notamment de problèmes d’échafaudage ;
– en raison de fortes pluies, la toiture a fini par s’effondrer dans le local et la bailleresse ne s’est pas présentée aux opérations d’expertise organisées par l’assurance de la locataire ;
– il existe un moyen sérieux de réformation de l’ordonnance en raison de la mauvaise foi de la bailleresse ;
– l’exécution provisoire est susceptible d’entrainer des conséquences manifestement excessives car sans local pour exploiter son activité, elle risque d’être placée en liquidation judiciaire alors qu’elle a engagé 15 000 euros de travaux d’aménagement du local.
L’affaire appelée à l’audience du 30 janvier 2023 a été renvoyée à la demande de Maître Levasseur, conseil de la SCI EMLV.
A l’audience du 6 mars 2023 à laquelle l’affaire a été retenue :
La S.A.S.U. RMB Stock a maintenu ses demandes par la voix de son conseil, précisant que sa demande est bien recevable dès lors que l’article 514-3 du code de procédure civile n’impose pas d’effectuer une déclaration d’appel avant de saisir le premier président mais seulement de régulariser un appel, chose qu’elle a bien faite.
Par ailleurs elle a bien sollicité du juge de première instance qu’il écarte l’exécution provisoire, ce dont la SCI EMLV justifie d’ailleurs en produisant les écritures déposées en première instance par la S.A.S.U RMB Stock.
La SCI EMLV demandait au premier président, au visa des articles 514-3, 835 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, L. 143-2 du code de commerce, de :
– débouter la S.A.S.U. RMB stock de sa demande de suspension de l’exécution provisoire ;
– condamner la S.A.S.U. RMB stock à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle exposait que :
– l’appel avait été interjeté le 20 janvier 2023 à 18h19 soit après la signification de l’assignation, intervenue le même jour à 18h04, ce qui rend irrecevable la saisine du premier président ;
– la S.A.S.U. RMB stock n’avait pas formulé d’observations relatives à l’exécution provisoire de l’ordonnance au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile ;
– la S.A.S.U. RMB stock ne présentait pas de moyen sérieux de réformation car :
* elle ne justifiait pas de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite qui fonderait sa demande de consignation des loyers ;
* c’est l’attitude de la locataire qui avait été la cause de l’empêchement des travaux ;
* elle-même était fondée à demander le constat de la résiliation du bail, l’acquisition à titre de provision du dépôt de garantie, le versement de la somme de 4 789,40 euros au titre des loyers et charges et la condamnation sous astreinte de la locataire à permettre l’accès des lieux.
Par décision en date du 3 avril 2023, la présente juridiction a :
Dit recevable la demande formée par la S.A.S.U RMB Stock d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du juge des référés de Lille du 3 janvier 2023,
Avant dire droit sur le bien fondé de cette demande,
Ordonné la réouverture des débats au mardi 2 mai 2023 à 14 heures, à charge pour les parties de conclure sur l’absence de conséquences manifestement excessives au maintien de l’exécution provisoire de la décision de référé du président du tribunal judiciaire de Lille du 3 janvier 2023,
Sursis à statuer sur les dépens et les demandes d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.
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A l’audience du 2 mai 2023,
La SASU RMB Stock a maintenu ses demandes, faisant valoir que s’il est exact que la société est effectivement dans l’impossibilité d’exercer son activité commerciale en raison de l’interdiction de la mairie, la décision de référé aggrave sa situation en ce que elle lui fait perdre son fonds de commerce, sa clientèle, ses investissements dans l’aménagement des locaux, le stock de marchandises se trouvant dans le local, elle l’a contraint à déménager en pleine période d’interdiction d’exercice, elle la met dans l’impossibilité d’être indemnisée de l’intégralité de ses préjudices.
La SCI EMLV s’en est tenue à ses conclusions développées à l’audience du 6 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Il appartient à la S.A.S.U RMB Stock de justifier devant la présente juridiction que le maintien de l’exécution provisoire de la décision de référé du 3 janvier 2023 du président du tribunal judiciaire de Lille entraînerait des conséquences manifestement excessives et qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de cette décision.
Des pièces versées aux débats par la S.A.S.U. RMB stock, à savoir les factures de travaux du 12 octobre 2021, les courriers que lui a adressés la ville de [Localité 4] les 14 octobre 2021 et le 15 septembre 2022 et le courriel adressé le 2 mars 2023 par la responsable adjointe du service urbanisme, il résulte que :
– la S.A.S.U. RMB Stock a en effet entrepris des travaux d’aménagement des locaux donnés en location par la SCI EMLV qui lui ont été facturés 15 578,58 euros le 12 octobre 2021, pour pose d’une dalle de sol, plancher, plâtrerie, peinture, menuiserie et électricité, sans toutefois solliciter de la mairie de [Localité 4] une autorisation d’aménager cet établissement, la mairie lui demandant de régulariser sa situation afin qu’elle puisse avoir l’autorisation d’ouvrir son établissement au public,
– suivant décision du 8 septembre 2022, la commission communale de sécurité a émis un avis défavorable à l’exploitation motivé par l’insuffisance du nombre de dégagements,
– par arrêté en date du 22 décembre 2022, le maire de Roubaix a levé les mesures prises dans l’arrêté du 29 juin 2022 prescrivant l’interdiction d’accès à l’étage, interruption de l’alimentation électrique au niveau du disjoncteur principal est l’interdiction de l’exploitation du commerce situé en rez-de-chaussée de l’immeuble sis [Adresse 3] et ceux à raison du rapport établi le 2 décembre 2022 lequel a pris acte de la réalisation des travaux permettant de rétablir le clos et le couvert est de garantir la sécurité à moyen terme,
– la S.A.S.U RMB Stock ne peut toutefois pas ouvrir son établissement en raison notamment de l’avis défavorable d’accessibilité du 8 septembre 2022.
La présente juridiction constate que la S.A.S.U RMB Stock est en tout état de cause, indépendemment de la décision du 3 janvier 2023 dans l’impossibilité d’exercer son activité commerciale, de sorte que les conséquences manifestement excessives invoquées ne sont pas en lien avec l’exécution provisoire de la décision du 3 janvier 2023.
La présente juridiction ajoute que :
– ne peut être considérée comme une conséquence manifestement excessive la perte du fonds de commerce en ce compris la clientèle alors même que la SASU RMB Stock ne peut exercer son activité commerciale dans ce fonds – la SASU RMB Stock peut tout à fait déménager son stock dans un nouveau local,
– si la SASU RMB Stock fait état de ce qu’elle va perdre ses investissements, elle pourrait les retrouver en cas d’infirmation de la décision de première instance,
– le fait de devoir déménager en période d’interdiction d’exercice n’apparaît pas un désenvatage,
– elle pourra être indemisée de ses préjudices, même en cas de maintien de l’exécution provisoire, la cour restant maître d’infirmer la résiliation du bail.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du tribunal judiciaire de Lille en date du 3 janvier 2023.
La SASU RMB Stock sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile. Il sera fait droit à la demande d’indemnité d’article 700 formée par la SCI EMLV à hauteur de 1500 euros.
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PAR CES MOTIFS
Déboute la SASU RMB Stock de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du tribunal judiciaire de Lille en date du 3 janvier 2023,
Condamne la SASU RMB Stock aux dépens de la présente instance,
Condamne la SASU RMB Stock à payer à la SCI EMLV la somme de mille cinq cents euros à titre d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SASU RMB Stock de sa demande d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est signée par Hélène Château présidente et par Christian Berquet greffier.
Le greffier La première présidente de chambre
C. BERQUET H. CHATEAU