Clause pénale : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00145

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Clause pénale : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00145

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 25/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/00145 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UBOA

Jugement (N° 19/03969) rendu le 02 Novembre 2021

par le Tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

La SAS Smart Habitat prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud Boix, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Madame [C] [W]

née le 25 Février 1997 à [Localité 5]

Monsieur [P] [M]

né le 14 Février 1984 à [Localité 4]

demeurant ensemble [Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me Gautier Lacherie, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 13 février 2023 tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Manon Caron

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 après prorogation du délibéré en date du 04 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Béthune en date du 02 novembre 2021,

Vu la déclaration d’appel de la société Smart Habitat SAS du 10 janvier 2022,

Vu les conclusions de la société Smart Habitat du 08 avril 2022,

Vu les conclusions de Mme [C] [W] et de M. [P] [M] du 05 décembre 2022,

Vu l’ordonnance de clôture du 23 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Le 18 janvier 2019, Mme [C] [W] et M. [P] [M] ont conclu un contrat de construction d’une maison individuelle avec la société Smart Habitat, sur un terrain situé à [Localité 6].

Le 17 mai 2019, Mme [W] et M. [M] ont adressé à la société Smart Habitat un courrier faisant part de leur intention de se rétracter, de ne pas poursuivre le projet de construction et sollicitant le remboursement d’un acompte de 1 000 euros versé à la signature du contrat.

Par courrier du 27 mai 2019, la société Smart Habitat a contesté la rétractation, aucune solution amiable n’est intervenue.

Mme [W] et M. [M] ont fait opposition au chèque d’acompte de 1 000 euros, qui n’a pas été encaissé.

Par acte d’huissier du 10 octobre 2019, la société Smart Habitat a fait assigner Mme [W] et M. [M] devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins d’obtenir réparation à la suite de la rupture du contrat.

Par jugement en date du 02 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– Condamné solidairement Mme [C] [W] et M. [P] [M] à payer à la société SMART HABITAT la somme de 4 381,10 euros correspondant à l’indemnité due au titre de la résiliation du contrat en date du 18 janvier 2019 ;

– Condamné in solidum Mme [C] [W] et M. [P] [M] à payer à la société Smart Habitat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;

– Condamné in solidum Mme [C] [W] et M. [P] [M] aux dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

Par déclaration en date du 10 janvier 2022, la société Smart Habitat a interjeté appel de l’ensemble des chefs de la décision.

Par dernières conclusions du 08 avril 2022, la société Smart Habitat demande à la cour, de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– Condamné solidairement Mme [C] [W] et M [P] [M] à payer à la société Smart Habitat la somme de 4 381,10 euros (quatre mille trois cent quatre-vingt-un euros et dix centimes) correspondant à l’indemnité due au titre de la résiliation du contrat en date du 18 janvier 2019 ;

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

En conséquence et statuant à nouveau :

– Débouter Mme [C] [W] et M [P] [M] de l’ensemble de leur demandes fins et conclusions ;

– Condamner Mme [C] [W] et M [P] [M] à régler à la société Smart Habitat la somme de 21 905 euros au titre des préjudices subis du fait de la résiliation du contrat de construction de maison individuelle en date du 18 janvier 2019 ;

– Condamner Mme [C] [W] et M. [P] [M] à régler à la société Smart Habitat la somme de 1.000 euros au titre de l’acompte du contrat ;

– Condamner Mme [C] [W] et M. [P] [M] à régler à la société Smart Habitat la somme de 3 000 euros au titre des préjudices subis du fait de leur mauvaise foi ;

– Condamner Mme [C] [W] et M [P] [M] à régler à la société Smart Habitat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Mme [C] [W] et M [P] [M] aux entiers frais et dépens de la présente instance ;

Par conclusions du 05 décembre 2022, Mme [W] et M. [M] demandent à la cour de :

Infirmer la décision en ce qu’elle a :

– Condamné solidairement Mme [C] [W] et M [P] [M] à payer à la société Smart Habitat la somme de 4381,10 euros correspondant à l’indemnité due au titre de la résiliation du contrat en date du 18 janvier 2019 ;

– Condamné in solidum Mme [C] [W] et M [P] [M] à payer à la société Smart Habitat la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens ;

Confirmer la décision pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Débouter la société Smart Habitat de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Smart Habitat à payer à Mme [C] [W] et à M. [P] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Smart Habitat aux dépens de première instance et d’appel

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l’exercice du droit de rétractation

Par conclusions notifiées le 08 juillet 2022, Mme [W] et M. [M] ont formé appel incident à l’encontre du jugement en ce qu’il les a déclarés forclos dans l’exercice de leur droit de rétractation. Ils font valoir que le délai de rétractation doit être rappelé dans la lettre de notification, faute de précision dans la lettre, le délai ne peut courir.

La société Smart Habitat sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté que la notice d’information adressée le 23 janvier 2018 avec l’ensemble des documents contractuels comportait mention du délai de rétractation de dix jours qui a expiré le 8 février 2018.

L’article L 231-9 du code de la construction et de l’habitation dispose qu’une notice d’information conforme à un modèle type agréé par arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de la consommation est jointe au contrat qui est adressé par le constructeur au maître de l’ouvrage par lettre recommandée avec avis de réception.

L’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation instaurant un délai de rétractation pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation précise que les notes d’information indiquent, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion.

Il ressort des pièces produites que le 18 janvier 2019, la société Smart Habitat a adressé à Mme [W] et M. [M] par courrier recommandé avec accusé de réception :

– le contrat de construction paraphé et signé,

– la notice descriptive paraphée et signée,

– le plan contractuel,

– l’information et l’« Engagement Etanchéité à l’air »,

– la notice d’information,

-l’attestation d’assurance responsabilité décennale.

La notice d’information indique au « point 1- vous venez de signer un contrat de construction d’une maison individuelle

Si vous avez signé un contrat de construction d’une maison individuelle à usage exclusif d’habitation, vous disposez de dix jours pour réfléchir et éventuellement revenir sur votre engagement, profitez de ce délai pour être bien sûr de votre projet.

Ce délai de dix jours court à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée avec avis de réception vous notifiant le contrat et la présente notice. Utilisez le délai pour procéder à un inventaire complet du contrat ainsi que de ses annexes.

A la suite vous pourrez :

– soit confirmer votre choix dans ce cas vous n’avez rien à faire ;

– soit exercer votre droit de rétractation : dans ce cas vous adressez une lettre recommandée avec accusé réception au constructeur pour l’en informer ».

La société Smart Habitat produit les accusés de réception signés de Mme [W] et M. [M], attestant d’une réception de ces informations le 23 janvier 2019.

La notice d’information adressée à Mme [W] et M. [M], conforme aux exigences de l’article L 231-9 du code de la construction et de l’habitation, satisfait à l’obligation d’information sur les conditions de rétractation, fixée à l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation, il ne peut être fait grief à la société Smart Habitat de ne pas avoir mentionné le délai de rétractation dans la lettre d’envoi du contrat et de la note d’information.

Le délai de rétractation de dix jours a commencé à courir le 24 janvier 2019 et était donc expiré lorsque Mme [W] et M. [M] ont, par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2019, invoqué leur droit de rétractation.

2- Sur la rupture du contrat

Selon l’article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1794 du code civil dispose que Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise.

La société Smart Habitat soutient que Mme [W] et M. [M] ont résilié unilatéralement le contrat et sont dès lors redevables envers le constructeur d’une indemnisation telle que prévue à l’article 5 du contrat de construction de maison individuelle, soit 25 % du montant total du contrat, la société déclare justifier des diligences accomplies depuis la signature.

Mme [W] et M. [M] sollicitent, quant aux conséquences de la résiliation du contrat, la confirmation du jugement dès lors que la société Smart Habitat ne justifie pas des travaux réalisés, ils soutiennent que la clause du contrat doit s’interpréter comme une clause pénale et que le juge peut minorer la pénalité.

Le contrat de construction de maison individuelle a été signé le 18 janvier 2019, un acompte de 1 000 euros a été versé mais non encaissé par le constructeur. Mme [W] et M. [M] n’ont pas exercé valablement leur droit de rétractation. Par courrier du 17 mai 2019, ils indiquaient que le contrat était « non valable » et sollicitaient le remboursement de l’acompte de 1 000 euros versé.

L’article 5- Résiliation des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle stipule que :

« hormis les deux cas de résiliation prévus par les conditions suspensives légales rappelées à l’article 3ème du présent contrat, la résiliation à l’initiative du maître de l’ouvrage ne pourra intervenir que contre dédommagement entier du constructeur de l’ensemble des diligences, travaux et prestations intellectuelles qu’il aura réalisés au jour de la résiliation. (‘) si la résiliation intervient après le dépôt du permis de construire et avant le coulage des fondations, le maître de l’ouvrage devra verser une somme égale au montant de la situation d’achèvement des fondations après déduction des travaux du chantier non exécutés (‘) »

Se fondant sur l’échelle des paiements figurant à l’article 5 du contrat, et invoquant le dépôt du permis de construire la société Smart Habitat sollicite le versement de 25 % du montant des sommes dues, correspondant aux appels de fond après achèvement des fondations.

Si l’article 5 indique qu’en cas de résiliation du contrat postérieurement au dépôt du permis de construire la somme due au constructeur en dédommagement est de 25 % du montant total du marché (somme égale au montant des paiement à l’achèvement des fondations) il précise que le dédommagement doit se faire déduction faite des travaux du chantier non-exécutés.

L’échelle des paiements prévue à l’article 5 du contrat prévoit :

– 5 % du prix à la signature et sous réserve de la justification d’une garantie de remboursement d’acompte,

– 10 % à l’ouverture du chantier sous réserve de l’existence de la garantie de livraison à prix et délai convenu,

– 10 % à l’achèvement des fondations.

Il est justifié du dépôt de permis de construire par la communication du récépissé de dépôt auprès de la mairie de [Localité 6].

La sanction de la résiliation du contrat par le maître de l’ouvrage, ne revêt pas un caractère forfaitaire, dès lors que le coût des travaux non exécutés doit être déduit des sommes dues, la clause ne revêt pas le caractère d’une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil.

En l’espèce, il est constant que les travaux n’avaient pas débuté, seules des démarches administratives et dépôt du permis de construire sont invoquées par la société Smart Habitat, sans qu’aucun chiffrage ne soit communiqué :

– constitution du dossier CCMI,

– recherche et validation du terrain, visite d’implantation,

– réalisation des plans et modification de ces plans,

– préparation du dossier de permis de construire,

– constitution du dossier de financement bancaire et présentation du dossier à plusieurs organismes bancaires,

– organisation de deux rendez-vous chez le notaire.

Dès lors que les travaux non exécutés doivent être déduits des sommes dues à titre de dédommagement sur la base de 25 % du montant total des travaux, il apparaît qu’il n’est justifié d’aucuns travaux, le chantier n’ayant même pas été ouvert, de sorte que seul 5 % du montant du marché peut être alloué à titre de dommages et intérêts à la suite de la résiliation.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Mme [W] et M. [M] au paiement de la somme de 4 381,10 euros représentant 5 % du montant total du marché.

3- Sur la demande au titre de l’acompte de 1 000 euros

La société Smart Habitat réclame outre des dommages et intérêts sur la base des stipulations de l’article 5 du contrat, le paiement d’une somme de 1 000 euros qui aurait dû être réglée à titre d’acompte.

Mme [W] et M. [M] s’opposent à cette demande et sollicitent la confirmation du jugement.

En l’espèce, à l’article 5 du contrat signé, au paragraphe « résiliation » il est précisé que « si la résiliation intervient avant le dépôt du permis de construire, le constructeur aura un droit définitif sur l’acompte versé ou recouvrement de celui-ci si le montant n’a pas été versé ».

Aucune stipulation du contrat ne prévoit le versement d’un acompte de 1 000 euros, il est en revanche prévu un versement de 5 % du prix de la construction s’il est justifié d’une garantie de remboursement de l’acompte, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Selon l’article 5 du contrat, la perte des sommes versées à la signature correspond au montant du dédommagement du constructeur en cas de résiliation du contrat avant dépôt du permis de construire, elle ne saurait donc s’ajouter au dédommagement accordé, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Smart Habitat de sa demande de ce chef.

4- Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise foi de Mme [W] et M. [M]

La société Smart Habitat expose que Mme [W] et M. [M] ont résilié tardivement le contrat, qu’ils n’ont pas répondu aux différents courriers qui leur étaient adressés, elle sollicite une somme de 3 000 euros à ce titre invoquant les différentes démarches accomplies en exécution du contrat.

Selon l’article 1104 du code civil les contrats doivent être négociés et exécutés de bonne foi.

Ainsi que l’a justement relevé le tribunal, il n’est pas justifié par la société Smart Habitat d’un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par les dommages et intérêts prévus en cas de résiliation du contrat, par ailleurs le dédommagement versé correspond aux frais exposés par le constructeur qui ne peut dès lors invoquer une perte de chance, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Smart Habitat de cette demande

5- sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Smart Habitat sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement à Mme [W] et M. [M] d’une somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société Smart Habitat au paiement de la somme de 1 200 euros à Mme [C] [W] et M. [P] [M] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Condamne la société Smart Habitat aux dépens d’appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille

 


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