SB/LL
SARL VALODEC
C/
SARL FRANCE CONCASSAGE
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 25 MAI 2023
N° RG 21/00943 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FX3L
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 29 avril 2021,
rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 2020/1548
APPELANTE :
SARL VALODEC, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualités au siège :
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
INTIMÉE :
SARL FRANCE CONCASSAGE, anciennement dénommée VALOMAT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège :
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Clémence MATHIEU, membre de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38
assistée de Me Christian GUIGUE, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et Sophie DUMURGIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Sophie BAILLY, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
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Les SARL Valodec et France Concassage exercent toutes deux l’activité de récupération de déchets triés.
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Par acte authentique du 28 avril 2017, la SARL Valodec a cédé à la SARL France Concassage une branche d’activité de fonds de commerce moyennant le règlement de 362 500 euros, soit 20 000 euros au titre des éléments incorporels et 342 500 euros pour la cession des droits attachés aux crédits-baux transférés.
L’acte prévoyait le versement du prix à l’étude du notaire rédacteur de l’acte au plus tard pour le 30 mai 2017.
Une indemnité journalière non réductible de 300 euros par jour de retard était prévue en l’absence de règlement dans les conditions précédemment fixées au-delà du 30 mai 2017, indemnité portée à 600 euros après le 30 juin 2017.
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Le 21 juillet 2017, le notaire chargé de la vente a demandé au cessionnaire de lui régler le montant du prix de vente et une indemnité au titre de la majoration de retard de 21 600 euros.
Le prix de 362 500 euros a été versé le 9 août 2017 par le cessionnaire.
Le notaire a réclamé une indemnité de 32 400 euros actualisée à cette date.
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La société Valodec a attrait la société France Concassage devant le tribunal de commerce par acte du 6 février 2020 aux fins d’obtenir le paiement de 32 400 euros.
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La société France Concassage demandait la réduction de la clause pénale à 676,75 euros (correspondant à l’application du taux de créance de 0,90 % entre professionnels du 30 mai au 9 août, soit 69 jours/365 x 0,90 %).
Elle sollicitait la compensation de cette somme avec le montant de 6 837,77 euros que lui devait la SARL Valodec au titre d’une facture établie le 30 avril 2017 et demeurée impayée.
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Par jugement du 29 avril 2021, le tribunal de commerce de Dijon a :
– condamné la SARL France Concassage à payer à la SARL Valodec la somme de 10 800 euros au titre des pénalités de retard de paiement du prix de cession,
– condamné la SARL Valodec à payer à la SARL France Concassage la somme de 6 837,77 euros au titre de sa facture FC-170149 en date du 30 mai 2018,
– ordonné la compensation entre les créances de la SARL Valodec et de la SARL France Concassage,
– dit que l’exécution provisoire est de droit et ne l’a pas écartée,
– condamné la SARL France Concassage à verser la somme de 500 euros à la SARL Valodec sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamné la SARL France Concassage aux entiers dépens de l’instance,
– dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, et les en a déboutées.
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Par déclaration d’appel du 15 juillet 2021, la SARL Valodec a interjeté appel de ce jugement dont elle critique expressément les dispositions :
– ayant condamné la SARL France concassage à lui payer la somme de 10 800 euros au titre des pénalités de retard de paiement du prix de cession,
– l’ayant condamnée à payer à la SARL France concassage la somme de 6837,77 euros au titre de sa facture FC 170149 en date du 30 mai 2018,
– ayant ordonné la compensation des créances
– ayant dit que toutes autres demandes, fins et conclusions des parties étaient injustifiées et en tout cas mal fondées.
‘
Par ses conclusions transmises par voie électronique le 7 février 2023, la SARL Valodec demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-6 du code Civil, de :
‘ réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné la SARL France Concassage à lui payer la somme de 10 800 euros au titre des pénalités de retard de paiement du prix de cession,
– dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées,
‘
Et statuant à nouveau,
‘ lui donner acte de ce qu’elle reconnaît devoir à la société France Concassage une somme d’un montant de 6 837,77 euros au titre de la facture n° FC-170149 en date du 30 mai 2018,’
‘ juger que la société France Concassage est redevable d’une somme d’un montant de 32 400 euros au titre des pénalités de retard visées dans l’acte authentique comportant cession de fonds de commerce en date du 28 avril 2017,
‘ rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,
Ainsi,
‘ juger qu’après compensation, la société France Concassage est débitrice à son égard d’une somme d’un montant de 25 562,23 euros,
Par conséquent,
‘ condamner la société France Concassage à lui verser une somme d’un montant de 25 562,23 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2017,
‘ condamner la société France Concassage :
– aux entiers dépens de l’instance,
– à lui régler une somme d’un montant de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
‘
Par ses conclusions transmises par voie électronique le 16 janvier 2023, la SARL France Concassage demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1218 et 1231-5 du code civil, de :
– juger mal fondé l’appel de la SARL Valodec et l’en débouter,
– juger bien fondé son appel incident
– réformer partiellement le jugement dont appel,
A titre principal, débouter la société Valodec de l’intégralité de ses demandes tant au titre du principal que des frais irrépétibles et dépens,
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A titre subsidiaire,
– juger comme devant être réputée non écrite la stipulation figurant dans l’acte du 28 avril 2017 et mentionnant l’indemnité comme « non réductible même en cas de paiement partiel du prix »,
– juger qu’en considération du caractère excessif de l’indemnité sollicitée, il y a lieu de modérer la clause pénale
– réduire le montant de l’indemnité à laquelle la SARL Valodec peut prétendre à la somme de 617 euros,
A titre plus subsidiaire, confirmer le jugement querellé en ce qu’il a été retenu que le point de départ des pénalités ne peut être que la date de la mise en demeure adressée à la concluante, soit le 22 juillet 2017,
Dans les hypothèses ci-dessus, prononcer compensation entre les créances réciproques des parties,
En toute hypothèse, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL Valodec à lui régler la somme de 6 837,77 euros , montant correspondant à sa facture impayée,
Ajoutant,
– condamner la société Valodec à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Valodec aux entiers dépens en réservant à la SELAS Adida et Associés le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
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La clôture de la procédure a été prononcée le 7 février 2023.
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MOTIVATION
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– Sur la facture de 6 837,77 euros
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La cour observe que la disposition du jugement dont appel ayant condamné la société Valodec à payer à la société France Concassage une somme d’un montant de 6 837,77 euros au titre de la facture n° FC-170149 en date du 30 mai 2018 n’est critiquée par aucune des parties.
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– Sur les pénalités pour retard de paiement du prix de cession d’une branche d’activité
La clause litigieuse de l’acte authentique du 28 avril 2017 est ainsi rédigée :
Le cessionnaire s’oblige à payer au cédant le prix en un seul versement en l’étude de Maître [T] [R], notaire soussigné, au plus tard le 30 mai 2017.
Le tout sans intérêt.
A défaut de paiement au-delà du 30 mai 2017, le cessionnaire devra régler au cédant une indemnité journalière forfaitaire de trois cents euros par jour de retard, à titre de stipulation de pénalité, sans que cette clause vaille novation de droit ou prorogation de délai.
L’indemnité sera due dès le premier jour de retard, elle est stipulée non réductible même en cas de paiement partiel du prix.
A défaut de paiement au-delà du 30 juin 2017, le cessionnaire devra régler au cédant, une indemnité journalière forfaitaire de six cents euros par jour de retard, à titre de stipulation de pénalité, sans que cette clause vaille novation de droit ou prorogation de délai.
L’indemnité sera due dès le premier jour de retard, elle est stipulée non réductible en cas de paiement partiel du prix. »
L’appelante soutient que :
– il est admis qu’une clause contractuelle peut déroger aux dispositions de l’article 1231-5 alinéa 4 du code civil,
– le tribunal de commerce de Dijon n’a pas appliqué les dispositions de l’acte de cession qui prévoyait une indemnisation en cas de retard du paiement du prix postérieurement au 30 mai 2017, mais a considéré à tort que la pénalité ne pouvait commencer à courir qu’à compter du 21 juillet 2017 date de la mise en demeure.
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L’intimée ne s’oppose pas à l’argumentation développée par l’appelante.
Formant appel incident, elle considère qu’elle doit être exonérée du paiement de toute indemnité dans la mesure où le dépassement de la date du 30 mai 2017 n’est pas imputable à sa négligence mais est due à une cause étrangère, à savoir le retard dans le déblocage des fonds imputable exclusivement aux établissements financiers contactés.
L’article 1231-5 du code civil dispose que :
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
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Seuls les alinéas 2 et 3 de l’article précité présentant un caractère impératif, les parties peuvent donc librement déroger au dernier alinéa et convenir d’une pénalité applicable en cas de non paiement du prix à une date qu’elles déterminent.
La clause de l’acte du 28 avril 2017 est donc valable en ce qu’elle prévoit une dérogation à la mise en demeure.
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La Sarl France Concassage ne peut pas utilement invoquer une cause étrangère pour échapper à ses obligations contractuelles.
Par confirmation du jugement déféré, sa demande d’exonération du paiement de toute indemnité sera en conséquence rejetée.
L’indemnité prévue au contrat est égale à une pénalité forfaitaire de 300 euros par jour à compter du premier juin 2017 et d’un montant de 600 euros par jour à compter du premier juillet 2017, se décomposant comme suit :
– 30 jours à 300 euros du 1er juin 2017 jusqu’au 30 juin 2017 : 300 x 30 = 9 000 euros
– 31 jours à 600 euros du 1er juillet au 31 juillet 2017 : 600 x 31 = 18 600 euros
– 8 jours du 1er au 8 août 2017 : 8 x 600 = 4 800 = 23 400
soit un total de 32 400 euros représentant environ 8,9 % du prix de la cession.
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L’exercice du pouvoir de modération par le juge est d’ordre public.
Le prix ayant été réglé deux mois et 9 jours après la date fixée dans l’acte de cession et en l’absence de difficulté de trésorerie avérée de l’appelante, le montant de l’indemnité qu’elle réclame se révèle manifestement excessif au regard du préjudice qu’elle a effectivement subi.
Usant de son pouvoir de modération, la cour réduit le montant de la clause pénale à la somme de 20 700 euros, soit 69 jours x 300 euros.
– Sur le compte entre les parties
Après compensation de leurs créances réciproques, la société France Concassage reste débitrice à l’égard de la société Valodec d’une somme de 13 862,23 euros.
En application de l’article 1231-6 du code civil, cette somme produira intérêts moratoires au taux légal à compter du 6 février 2020, date de l’assignation, et non à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2017, portant essentiellement sur le prix de la cession et antérieure à la date d’exigibilité de la clause pénale.
– Sur les frais de procès
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, le jugement étant confirmé relativement aux frais irrépétibles alloués en première instance et relativement aux dépens.
La Sarl France Concassage est condamnée aux dépens d’appel
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PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme les dispositions critiquées du jugement dont appel, SAUF celles ayant statué sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Fixe à la somme de 20 700 euros les pénalités de retard dues par la société France Concassage à la société Valodec,
Après compensation de leurs dettes et créances réciproques, condamne la société France Concassage à payer à la société Valodec la somme de 13 862,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 février 2020,
Condamne la Sarl France Concassage aux dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,