Clause pénale : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/16440

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Clause pénale : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/16440

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 24 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/16440 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNZ7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Août 2022 -Président du TJ d’EVRY – RG n° 21/01137

APPELANTE

S.A.S.U. SEPHAT, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

sis [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Jessica MANSUY de l’AARPI EVY Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.C.I. BALEDOR, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

sis [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Anne BARRES DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2127

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 février 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

en présence de Marine DAVID, greffier stagiaire

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, lors de la mise à disposition.

Par contrat du 1er juillet 2017, la SCI Baledor a consenti un bail à la société Sephat portant sur des locaux commerciaux situés à [Adresse 3], moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 103.960 euros, payable par trimestre et d’avance.

Par décision du 14 décembre 2018, la SCI Baledor a accepté de réduire le montant du loyer annuel de la société Sephat de 103.960 à 92.000 euros TTC, soit 23.000 euros TTC par trimestre, à compter du 1er janvier 2019 et pour la durée du bail restant à courir.

Le 31 décembre 2019, la société Sephat a procédé à la résiliation du bail commercial avec prise d’effet au 30 juin 2020.

Exposant que malgré la résiliation du bail, la société Sephat restait dans les lieux sans régler les indemnités d’occupation et les charges, la SCI Baledor l’a assignée, par acte du 15 décembre 2021, devant le président du tribunal judiciaire d’Evry statuant en référé aux fins de condamnation au paiement de provisions au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés et d’expulsion.

Par ordonnance du 19 août 2022, le juge des référés a :

condamné la société Sephat à payer à titre provisionnel à la SCI Baledor la somme de 115.000 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamné la société Sephat à payer à titre provisionnel à la SCI Baledor la somme de 15.333,33 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022 ;

débouté la SCI Baledor de l’ensemble de ses autres demandes ;

rejeté l’ensemble des demandes plus amples ou contraires formulées par la société Sephat ;

condamné la société Sephat aux entiers dépens ;

condamné la société Sephat à payer à la SCI Baledor la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté la société Sephat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 21 septembre 2022, la société Sephat a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif, sauf celui relatif au rejet des autres demandes de la SCI Baledor.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 février 2023, elle demande à la cour de :

infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle :

l’a condamnée à payer à titre provisionnel à la SCI Baledor la somme de 115.000 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

l’a condamnée à payer à titre provisionnel à la SCI Baledor la somme de 15.333,33 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022 ;

a rejeté l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;

l’a condamnée aux entiers dépens ;

l’a condamnée à payer à la SCI Baledor la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

confirmer l’ordonnance entreprise pour le surplus, à savoir en ce qu’elle a débouté la SCI Baledor de l’ensemble de ses autres demandes ;

en conséquence, statuant à nouveau,

à titre principal,

juger irrecevables les demandes de la SCI Baledor tendant à sa condamnation à lui régler les charges de l’ASL du parc Burospace et de l’ARIE Burospace de 2019 à 2022, dues à la société Cogeva PM, non partie à la procédure ;

juger qu’elle justifie de contestations sérieuses ;

juger qu’elle a procédé au règlement de l’indemnité d’occupation pour le 4ème trimestre 2020 ;

juger que l’obligation de paiement d’une indemnité d’occupation pour le 4ème trimestre 2020 et sur la période du 1er janvier 2021 au 28 février 2022 est sérieusement contestable ;

en conséquence,

débouter la SCI Baledor de l’ensemble de ses demandes ;

juger qu’il n’y avait lieu à référé sur la demande de la SCI Baledor tendant au règlement d’indemnités d’occupation ;

juger que le tribunal judiciaire d’Evry statuant en référé était incompétent pour statuer sur les demandes formées par la SCI Baledor ;

renvoyer la SCI Baledor à mieux se pourvoir au fond ;

condamner la SCI Baledor à lui régler la somme de 134.370,01 euros en restitution des condamnations prononcées par l’ordonnance de référé entreprise ;

débouter la SCI Baledor de sa demande de déduction du droit proportionnel de l’article A. 444-32 du code de commerce, des sommes à lui restituer ;

à titre subsidiaire, si la cour considérait qu’elle ne pouvait déduire d’elle-même le montant du dépôt de garantie de la somme due au titre des indemnités d’occupation du 4ème trimestre 2020,

condamner la SCI Baledor au paiement de la somme provisionnelle de 23.000 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie ;

ordonner la compensation avec la somme de 23.000 euros due par elle au titre des indemnités d’occupation du 4ème trimestre 2020 ;

juger irrecevables les demandes de la SCI Baledor tendant à la condamner à lui régler les charges de l’ASL du parc Burospace et de l’ARIE Burospace de 2019 à 2022, dues à la société Cogeva PM, non partie à la procédure ;

débouter la SCI Baledor de l’ensemble de ses demandes ;

juger qu’il n’y avait lieu à référé sur la demande de la SCI Baledor tendant au règlement d’indemnités d’occupation sur la période du 1er janvier 2021 au 28 février 2022 ;

juger que le tribunal judiciaire d’Evry statuant en référé était incompétent pour statuer sur les demandes formées par la SCI Baledor ;

renvoyer la SCI Baledor à mieux se pourvoir au fond ;

condamner la SCI Baledor à lui régler la somme de 134.370,01 euros, en restitution des condamnations prononcées par l’ordonnance de référé entreprise ;

débouter la SCI Baledor de sa demande de déduction du droit proportionnel de l’article A. 444-32 du code de commerce des sommes à lui restituer ;

en tout état de cause,

condamner la SCI Baledor à lui régler la somme de 7.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’instance d’appel ;

condamner la SCI Baledor aux entiers dépens de première instance et d’appel en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 janvier 2023, la SCI Baledor demande à la cour de :

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Sephat :

‘ à titre provisionnel au paiement d’une indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

à titre provisionnel au paiement d’une indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022 ;

infirmer l’ordonnance entreprise sur le quantum des condamnations au titre des indemnités d’occupation et, pour le surplus, en ce qu’elle l’a déboutée de l’ensemble de ses autres demandes ;

statuant à nouveau,

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer la somme de 129.950 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021, majorée de 50% (64.975 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer la somme de 17.326,66 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022, majorée de 50% (8.663,33 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022 ;

subsidiairement,

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer la somme de 115.000 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021, majorée de 50% (57.500 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer la somme de 15.333,33 euros au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022, majorée de 50% (7.666,66 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer les sommes suivantes :

taxe foncière 2021 : 20.532 euros TTC ;

taxe sur les bureaux 2021 : 4.699,20 euros TTC ;

avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

taxe sur les bureaux 2022 : 795,60 euros TTC ;

taxe foncière 2022 (prorata) : 3.421,99 euros TTC ;

avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2022 ;

condamner à titre provisionnel la somme Sephat à lui payer la somme de 73.638,22 euros (majoration contractuelle de 50%) pour la période du 1er octobre 2020 au 28 février 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

subsidiairement, à lui payer la somme de 65.166,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer la somme de 14.794 euros (pénalité de 10%), avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

subsidiairement, à lui payer la somme de 13.033 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

condamner à titre provisionnel la société Sephat à lui payer les charges de l’Association syndicale libre du parc Buropace et de l’ARIE Burospace pour les années 2019 à 2022 :

année 2019 : 4.314,24 euros pour les charges de l’ASL et 2.253,06 euros pour les charges de l’ARIE ;

année 2020 : 7.351 euros pour les charges de l’ASL et 2.883,32 euros pour les charges de l’ARIE ;

année 2021 : 5.343 euros pour les charges de l’ASL et 2.777,44 euros pour les charges de l’ARIE ;

année 2022 : 1.288 euros pour les charges de l’ASL ;

en tout état de cause,

déduire du montant des sommes qui pourraient être restituées à la société Sephat le droit proportionnel de l’article A. 444-3 du code de commerce, soit la somme de 5.425,79 euros TTC ;

condamner la société Sephat au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

condamner la société Sephat à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de provision au titre des indemnités d’occupation depuis la résiliation du bail

Selon l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La cour relève à titre liminaire que, si le bail du 1er juillet 2017 n’est pas signé par la société Sephat, étant uniquement signé par la SCI Baledor, il résulte de l’ensemble des pièces produites par les deux parties qu’il a été exécuté selon ses clauses et conditions, en sorte que les obligations de la société Sephat qui en résultent ne sont pas sérieusement contestables.

Le litige concerne au demeurant la période postérieure à la résiliation du bail, intervenue à l’initiative de la locataire.

Celle-ci soutient que c’est à tort que le premier juge a retenu que son obligation de paiement d’une indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 28 février 2022 n’était pas sérieusement contestable alors que son déménagement, prévu initialement dans de nouveaux locaux à Palaiseau, a été retardé en raison de la crise sanitaire et de la maladie de son associé, [D] [O], également gérant de la SCI Baledor, lequel est décédé le 29 septembre 2020.

Elle précise que le déménagement effectif a eu lieu le 28 décembre 2020 mais qu’elle a accepté, à la demande des héritiers du gérant de la SCI Baledor, de s’occuper du bâtiment afin qu’il ne soit pas laissé à l’abandon et ce, pour aider les enfants de son ancien associé.

Elle expose que c’est la raison pour laquelle, alors qu’elle n’occupait plus les locaux depuis le 1er janvier 2021, elle a accepté de continuer à tenir ces locaux chauffés et assurés à ses frais, à régler les différents abonnements internet et téléphone, à conserver les effets personnels, meubles et dossiers personnels du défunt et à effectuer des visites aux fins de vente du bien.

Elle soutient que les parties sont convenues, lors d’une rencontre en juillet 2021, qu’elle réglerait les loyers et taxes foncières pour l’année 2020 et prendrait en charge jusqu’au 31 décembre 2021 les frais indirects, mais qu’il n’a jamais été envisagé le règlement par elle d’indemnités d’occupation ou de taxes pour l’année 2021.

Elle prétend donc que l’absence de remise des clés avant le 28 février 2022 ne procède pas d’un refus de sa part mais d’une demande de la SCI Baledor.

Il est constant que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 31 décembre 2019, la société Sephat a indiqué résilier le bail commercial liant les parties, avec prise d’effet au 30 juin 2020. Il est également constant qu’elle n’a remis les clés du local que le 28 février 2022.

Contrairement à ce qu’elle soutient, aucune des pièces produites ne démontre l’existence d’un accord de la bailleresse sur une occupation des lieux à titre gratuit après le 1er janvier 2021.

Il n’est pas davantage établi que la SCI Baledor aurait demandé à la société Sephat de « s’occuper » des locaux et de régler les abonnements relatifs aux charges courantes de téléphonie ou internet.

Si le gérant de la société Sephat a proposé un arrangement par courriel du 6 août 2021, avec prise en charge des loyers et charges de l’année 2020 puis prise en charge des seuls « frais indirects » en 2021 jusqu’au 31 décembre 2021, aucun accord en retour de la SCI Baledor n’est produit.

En outre, il résulte de ce courriel du 6 août 2021 que la société Sephat indiquait alors avoir lancé des travaux dans les locaux de [Localité 4] avec une « fin de réalisation fin août », ce qui démontre qu’à cette date, les travaux n’étaient pas achevés sur le site de [Localité 4] et le déménagement des locaux de [Localité 2] non effectif.

L’existence d’un mandat qui lui aurait été donné par la SCI Baledor afin de vendre le bien immobilier n’est pas davantage démontrée, cette dernière n’ayant pas répondu à la proposition formulée en ce sens par l’appelante. De même, quelques échanges par courriel ont eu lieu entre les parties, la société Sephat relayant des offres d’achat de sociétés voisines, mais sans aucun mandat ni engagement de la part de la propriétaire à son égard.

Il résulte au contraire des pièces versées aux débats que la SCI Baledor a adressé une mise en demeure de payer à la société Sephat le 9 novembre 2021 et une sommation de restituer les clés et d’établir un état des lieux de sortie le 18 novembre 2021, attestant de son refus d’un maintien dans les lieux de l’occupante.

Les photographies du rapport d’expertise immobilière en valeur vénale établi par la société Real Expert démontrent une occupation effective des locaux au début de l’année 2021, même si un déménagement était en cours, certaines pièces étant envahies de cartons de déménagement.

La circonstance que certains salariés de la société Sephat aient changé de lieu de travail à compter du 4 janvier 2021, ainsi qu’en attestent les avenants aux contrats de travail produits, est sans incidence dès lors qu’il est établi que les locaux restaient occupés à compter de cette date.

En tout état de cause, il est constant que l’agencement « Kardex » des locaux n’a été déménagé par la société Sephat qu’au mois de février 2022, ainsi qu’en atteste la facture de « démontage Kardex » du 28 février 2022 qu’elle produit.

Ni la maladie du gérant de la SCI Baledor ni la crise sanitaire ne sont de nature à justifier l’occupation des locaux pendant vingt mois après la fin du bail et ce, d’autant moins que l’appelante ne produit aucune pièce de nature à justifier de l’impact de ces événements sur son déménagement.

En conséquence, faute de justifier d’un accord de la SCI Baledor pour une occupation des locaux jusqu’au 28 février 2022 sans règlement de l’indemnité d’occupation, la société Sephat, qui occupait les lieux sans remise des clés, est débitrice de l’indemnité d’occupation et son obligation n’est pas sérieusement contestable.

Sur le montant des indemnités d’occupation

L’indemnité d’occupation a pour objet de réparer l’entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien et a une double nature, compensatoire et indemnitaire.

Le bail initial prévoyait un loyer annuel hors taxes et hors charges de 103.960 euros, payable par trimestre et d’avance.

Par décision du 14 décembre 2018, la SCI Baledor a accepté de réduire le montant du loyer annuel de la société Sephat de 103.960 à 92.000 euros TTC, soit 23.000 euros TTC par trimestre, à compter du 1er janvier 2019 et « pour la durée du bail restant à courir ».

L’intimée soutient que cette décision n’a pas pu produire ses effets après la résiliation du bail, de sorte que l’indemnité d’occupation doit être fixée au loyer qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi, soit la somme annuelle de 103.960 euros.

Cependant, ainsi que l’expose l’appelante, l’article 10-4 du bail stipule qu’ « en cas de maintien dans les lieux loués du preneur après résiliation de plein droit ou judiciaire ou expiration du bail pour quelque cause que ce soit, l’indemnité d’occupation à la charge du preneur sera établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50%, outre tous accessoires du loyer ».

C’est donc sur la base du loyer global de la dernière année de location, soit la somme de 92.000 euros TTC, que l’indemnité d’occupation doit être fixée.

La SCI Baledor sollicite une majoration de 50 % en application de ces stipulations du bail, mais cette majoration, très importante, constitue une clause pénale susceptible de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l’article 1231-5 du code civil, et de donner lieu à modération par le juge du fond. Son application se heurte donc à une contestation sérieuse et il n’y a pas lieu à référé de ce chef.

L’indemnité d’occupation sera en conséquence fixée au montant non sérieusement contestable correspondant au dernier loyer annuel, soit 92.000 euros TTC.

L’appelante prétend avoir réglé l’indemnité d’occupation du 4ème trimestre 2020 par compensation avec le dépôt de garantie de 23.000 euros, et avoir réglé, le 28 février 2022, la taxe foncière de 20.697,60 euros et la taxe sur les bureaux 2020 de 4.668 euros.

Cependant, s’agissant du dépôt de garantie, l’article 4 bis du contrat de bail visé par l’intimée stipule que « ce dépôt de garantie non productif d’intérêts, est destiné à assurer au bailleur le bon

paiement des réparations locatives arrêtées amiablement ou judiciairement en fin de bail, ainsi que de toutes autres sommes qui pourraient alors être dues par le preneur à titre de loyer, charges, impôts remboursables et tous accessoires, ou au paiement des indemnités d’occupation pouvant être dues par le preneur et jusqu’à la remise des clés. Il sera remboursé au preneur dans les trois mois de la fin du bail ou de la remise des clés si celle-ci est postérieure à la fin du bail, après déduction de toutes les sommes dont il est destiné à garantir le paiement. En aucun cas, le preneur ne sera en droit de compenser le dernier terme de loyer et charges avec le dépôt de garantie ».

La société Sephat ne pouvait en conséquence compenser elle-même l’indemnité d’occupation du 4ème trimestre 2020 avec le dépôt de garantie, de sorte que la somme de 23.000 euros est due sans contestation possible au titre de l’indemnité d’occupation du 4ème trimestre 2020.

En revanche, elle justifie du règlement, bien que tardif (en février 2022), de la taxe foncière de 20.697,60 euros et de la taxe sur les bureaux 2020 de 4.668 euros (ce que reconnaît l’intimée dans ses conclusions, p. 19), de sorte qu’elle n’est pas redevable de ces sommes au titre de l’année 2020 .

L’obligation non sérieusement contestable de la société Sephat s’élève donc à 115.000 euros TTC au titre de l’indemnité d’occupation du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021 et à 15.333,33 euros TTC au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2022 au 28 février 2022.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de provision au titre des taxes foncières et taxes sur les bureaux

Les taxes foncières et taxes sur les bureaux n’ayant pas été réglées par la société Sephat au titre de l’année 2021 et la SCI Baledor en justifiant en produisant les avis d’imposition afférents, l’obligation de la société Sephat n’est pas sérieusement contestable à hauteur des sommes de 20.532 et 4.699,20 euros, au paiement desquelles elle sera condamnée, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 (la mise en demeure du 9 novembre 2021 est préalable mais la date du 30 novembre 2021 est celle retenue par la SCI Baledor dans ses conclusions).

En revanche, il n’est pas justifié des sommes réclamées au titre des taxes foncières et taxes sur les bureaux 2022, les avis d’imposition afférents n’étant pas produits, la pièce n° 21 de la SCI Baledor intitulée « taxe foncière et taxe sur les bureaux 2022 » étant la facture n° 165 relative à la taxe foncière 2021.

La demande formée à ce titre sera donc rejetée et l’ordonnance entreprise sera infirmée uniquement en ce qu’elle a rejeté la demande de provision au titre des taxes 2021.

Sur la demande de provision au titre des charges de l’ASL et de l’ARIE

La SCI Baledor prétend que « la société Sephat refuse de payer les charges liées au fonctionnement de l’ASL du parc Burospace dont dépendent les locaux loués et de l’ARIE Burospace (restaurant d’entreprise) pour les années 2019 à 2022 ». Elle réclame à ce titre une somme globale de 26.210,06 euros.

Toutefois, elle ne fonde pas juridiquement sa demande et n’explique nullement à quel titre la société Sephat serait débitrice de ces sommes, alors que les appels de fonds lui sont adressés.

En outre, comme le relève cette dernière, les sommes réclamées sont dues à une société tierce, la société Cogeva, qui n’est pas partie à la procédure et dont les liens avec la SCI Baledor ne sont pas explicités. Ainsi, celle-ci est irrecevable à réclamer le paiement des sommes au nom de la société Cogeva et, en tout état de cause, ne justifie pas de l’obligation de paiement de la société Sephat.

La demande de provision sera en conséquence rejetée et l’ordonnance confirmée de ce chef.

Sur les demandes de majoration de 50% et 10% formées par la SCI Baledor

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes formées au titre de ces clauses pénales contractuelles manifestement excessives et susceptibles de modération par le juge du fond.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Baledor

La SCI Baledor réclame une provision à titre de dommages et intérêts au motif que la société Sephat aurait eu un comportement préjudiciable en refusant de verser les loyers dus, de restituer les clés du local et en se faisant passer pour elle lors de la mise en vente du local commercial.

Elle soutient que le dirigeant de la société Sephat a tenté d’obtenir une indemnité spécifique du futur acquéreur au titre de l’agencement « Kardex » des locaux, alors qu’il ne détient aucun titre sur le local et qu’un tel comportement visait à voir diminuer le prix de vente des murs à son préjudice.

Mais elle ne rapporte pas la preuve d’une perte lors de la vente du bien et, par suite, du préjudice qu’elle allègue. Pour le surplus, le maintien dans les lieux de l’occupante est indemnisé par l’indemnité d’occupation qui lui est allouée.

La demande de provision au titre du préjudice subi sera donc rejetée.

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie formée par la société Sephat

Il est constant que les clés ont été restituées le 28 février 2022 et, aux termes du bail, le dépôt de garantie de 23.000 euros devait être remboursé au preneur dans les trois mois de la remise des clés, après déduction éventuelle de toutes sommes dont il est destiné à garantir le paiement.

La société Sephat étant condamnée au paiement des indemnités d’occupation impayées et, pour le surplus, la SCI Baledor ne faisant état d’aucune réparation locative après le départ des lieux de la locataire, cette dernière sera condamnée au remboursement du dépôt de garantie, soit la somme de 23.000 euros.

A la demande de la société Sephat, la compensation sera ordonnée entre les créances réciproques des parties.

Sur les frais et dépens

La société Sephat, partie perdante, sera tenue aux dépens d’appel et condamnée, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à indemniser la SCI Baledor des frais qu’elle a de nouveau été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle rejette la demande de provision de la SCI Baledor au titre des taxes de l’année 2021 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société Sephat à payer à la SCI Baledor les sommes provisionnelles de 20.532 TTC et 4.699,20 euros TTC, au titre de la taxe foncière et de la taxe sur les bureaux de 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2021 ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Baledor à payer à la société Sephat une provision de 23.000 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie ;

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par les parties ;

Condamne la société Sephat aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la SCI Baledor la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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