Clause pénale : 24 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04483

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Clause pénale : 24 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04483

N° RG 21/04483 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I57E

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/00280

Tribunal judiciaire de Dieppe du 22 septembre 2021

APPELANTE :

Sas LOCAM – Location automobiles et matériels

RCS de Saint Etienne 310 880 315

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

INTIMEES :

Sci SAINT AUBIN GOURNAY EN BRAY

RCS de Dieppe 419 387 683

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Arnaud DE LA BRUNIERE de la SELARL ARMA CONSEIL, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me BOMBARD

Sarl DURIEU & FILS anciennement dénommée Holding Durieu & Fils

RCS de Rouen 431 782 556

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Victor AVERLANT de la SCP AVERLANT VALLOIS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me VALLOIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 8 mars 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 8 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 9 octobre 2014, la Sas Passman et la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ont conclu un contrat de location longue durée relatif à du matériel identifié comme ‘solution IPTV Light’, n° de série 43140080. Le contrat prévoyait un loyer mensuel de 408 euros TTC pendant la durée de 72 mois, irrévocable, de la location, soit du 1er janvier 2015 au 30 décembre 2020.

Le 31 décembre 2014, la Sas Locam a informé la Sci Saint Aubin Gournay en Bray, être cessionnaire du contrat de location et réclamé le paiement du loyer.

Par acte notarié reçu le 30 septembre 2015, Mme [L] [U], Mme [J] [Y] et Mme [G] [Y], venant aux droits de la Sarl Hôtel le Saint Aubin, ont cédé à la Sarl Durieu & Fils le fonds de commerce dans lequel était utilisé le matériel loué, ainsi que le bail conclu avec la Sci Saint Aubin Gournay sur l’immeuble.

Par lettre recommandée avec avis de réception distribuée le 29 août 2016, la Sas Locam a mis en demeure la Sci Saint Aubin Gournay en Bray de payer la somme de 2 817,17 euros correspondant au montant de cinq loyers impayés, la clause pénale, des intérêts de retards et de la provision sur le loyer du mois en cours.

Par acte du 23 février 2017, la Sarl Durieu & Fils a cédé le fonds de commerce à la Sarl Sai, qui s’est engagée à faire son affaire du contrat de location longue durée ci-dessus.

Par acte d’huissier de justice du 31 mars 2017, la Sas Locam a fait assigner en paiement la Sci Saint Aubin Gournay en Bray devant le tribunal de grande instance de Dieppe, pour un montant total des sommes dues, comprenant les arriérés de loyers et l’indemnité de résiliation, qu’elle chiffrait à 27 124,53 euros TTC.

Par acte d’huissier de justice du 6 septembre 2017, la Sci Saint Aubin Gournay en Bray a fait assigner en intervention forcée la Sarl Holding Durieu & Fils en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par jugement du 22 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

– déclaré la société Locam irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

– déclaré la société Sci Saint Aubin Gournay en Bray irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

– déclaré la Sarl Durieu & Fils anciennement dénommée société Holding Durieu & Fils irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

– condamné la société Locam à payer à la Sci Saint Aubin Gournay en Bray et à la Sarl Durieu & Fils anciennement dénommée société Holding Durieu & Fils une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Locam aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 23 novembre 2021, la Sas Locam a interjeté appel de la décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 1er août 2022, la Sas Locam demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants et 1149 anciens du code civil, de réformer le jugement en ce que le tribunal a :

– déclaré la société Locam irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

– condamné la société Locam à payer à la Sci Saint Aubin Gournay en Bray et à la Sarl Durieu & Fils anciennement dénommée Holding Durieu & Fils une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Locam aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

– la juger recevable et fondée en ses demandes ;

– condamner la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ou qui mieux le devra à lui régler la somme principale de 27 124,53 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 février 2017 ;

– débouter la Sci Saint Aubin Gournay en Bray comme la Sarl Durieu & Fils de toutes leurs demandes, au moins en ce qu’elles sont dirigées contre elle ;

– condamner la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ou qui mieux le devra à lui régler une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la même ou qui mieux le devra en tous les dépens d’instance et d’appel.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– elle a intérêt à agir en sa qualité de cessionnaire, la cession étant intervenue conformément à l’article 15 du contrat ;

– la Sci a réglé 14 échéances de loyers par prélèvements ;

– la Sarl Durieu & Fils a été attraite dans la cause par la Sci Saint Aubin Gournay en Bray, dès lors la Sas Locam ne devrait pas avoir à lui régler des indemnités, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2022, la Sci Saint Aubin Gournay en Bray demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien et 1303 nouveau du code civil, 31, 32 et 138 du code de procédure civile de :

à titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. déclaré la société Locam irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

. condamné la société Locam à payer à la Sci Saint Aubin et à la Sarl Durieu & Fils anciennement dénommée société Durieu & Fils, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

. déclaré la société Saint Aubin Gournay en Bray irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

statuant à nouveau,

– déclarer la société Saint Aubin Gournay en Bray recevable et bien fondé en ses demandes ;

y faisant droit,

à titre principal,

– dire et juger qu’aux termes de l’acte de cession du fonds de commerce du 30 septembre 2015, la société Durieu & Fils s’était engagée à reprendre le contrat de location du matériel IPTV Light ;

– condamner la société Durieu & Fils à garantir la Sci Saint Aubin Gournay en Bray de toutes condamnations prononcées éventuellement à son encontre relativement à la location du matériel IPTV Light ;

à titre subsidiaire,

– dire et juger que la société Durieu & Fils a bénéficié d’un enrichissement injustifié en refusant de payer les loyers du matériel IPTV Light qu’elle a continué à utiliser ;

– condamner la société Durieu & Fils à garantir la société Saint Aubin Gournay en Bray de toutes condamnations prononcées éventuellement à son encontre relativement à la location du matériel IPTV Light en ce compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

en toute hypothèse,

– condamner la même à payer à la société Locam au paiement de la somme de

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner subsidiairement la société Durieu & Fils au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– la Sas Locam n’a pas d’intérêt à agir à son encontre car elle ne démontre pas sa qualité de partie au contrat de location longue durée, les pièces n’étant pas probantes ;

– la Sci Saint Aubin Gournay en Bray justifie de son intérêt à agir à l’encontre de la Sarl Durieu & Fils, repreneur du fonds ;

– lors de la cession de fonds de commerce, le contrat de location longue durée a été transféré au fonds exploité par la Sarl Durieu & Fils qui en a joui ;

– depuis la cession du fonds auquel était attaché le matériel, la Sci Saint Aubin Gournay en Bray est subrogée dans ses droits et obligations par la Sarl Durieu & Fils ;

– la responsabilité contractuelle de la Sarl Durieu & Fils est engagée dès lors qu’elle ne s’est pas acquittée des loyers réclamés par la Sas Locam ;

– subsidiairement, la Sarl Durieu & Fils a utilisé le matériel dont s’agit gratuitement, tandis qu’il était réclamé à la Sci Saint Aubin Gournay en Bray le paiement des loyers dudit matériel. La Sarl Durieu & Fils a bénéficié d’un enrichissement injustifié.

Par dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2022, la Sarl Durieu & Fils demande à la cour de :

– déclarer la Sas Locam mal fondée en son appel, l’en débouter et confirmer le jugement entrepris en ce qu’elle a été déclarée irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

– déclarer la Sci Saint Aubin Gournay en Bray mal fondée en son appel incident et,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’elle a été déclarée irrecevable en son action dirigée à l’encontre de la Sarl Durieu & Fils ;

– subsidiairement, au fond, et statuant alors également sur l’appel incident précédemment formé par la Sarl Durieu & Fils, juger que l’action de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray n’est pas fondée et la débouter de toutes ses demandes formées à l’encontre de la Sarl Durieu & Fils ;

– infirmer le jugement entrepris en ce que la Sarl Durieu & Fils, anciennement dénommée ‘société Holding Durieu & Fils’, a été déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir en sa demande en paiement de dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ;

– la déclarer recevable et bien fondée en cette demande et, au visa de l’article 1240 du code civil, condamner la Sci Saint Aubin Gournay en Bray à lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 2 000 euros ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la Sarl Durieu & Fils, anciennement dénommée ‘société Holding Durieu & Fils’, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité d’un montant de 1 000  euros ;

– condamner conjointement ou solidairement ou l’une à défaut de l’autre la Sci Saint Aubin Gournay en Bray et la Sas Locam à payer à la Sarl Durieu & Fils, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et en remboursement des frais non répétibles exposés devant la cour, une indemnité d’un montant de 4 000 euros ;

– condamner conjointement ou solidairement ou l’une à défaut de l’autre la Sas Locam et la Sci Saint Aubin Gournay en Bray aux entiers dépens d’appel.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– la Sas Locam n’a pas d’intérêt à agir dès lors qu’elle ne parvient pas à démontrer être titulaire du contrat de location longue durée ;

– la Sci Saint Aubin Gournay en Bray n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre de la Sarl Durieu & Fils en l’absence de lien contractuel entre les deux sociétés ;

– le recours formé par la Sci Saint Aubin Gournay en Bray à l’encontre de la Sarl Durieu & Fils est sans fondement en l’absence de reprise du contrat de location longue durée lors de la cession du fonds de commerce ;

– le notaire rédacteur de l’acte de cession a expressément reconnu avoir omis de mentionner ce contrat parmi les éléments cédés ;

– la Sarl Durieu & Fils a bien eu connaissance de l’existence du contrat mais elle ignorait l’objet et la nature. Jusqu’en procédure d’appel elle le confondait avec un autre contrat de location de téléviseurs. Elle n’avait pas connaissance de cette solution exclusivement numérique ;

– elle a elle-même cédé le fonds de commerce le 23 février 2023, et la mention du contrat à l’acte était une erreur matérielle ;

– la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ne démontre pas son appauvrissement au préjudice de la Sarl Durieu & Fils censée s’être enrichie ;

– la Sci Saint Aubin Gournay en Bray n’a pas payé de loyer à la Sas Locam, de sorte qu’elle ne peut soutenir s’être appauvrie ;

– le notaire ayant sans équivoque reconnu sa responsabilité, des pourparlers auraient dû être engagés avec lui.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action de la Sas Locam

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 1134 ancien du code civil, en sa version applicable à l’espèce dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

S’agissant de la cession du contrat, il convient de se référer aux dispositions des articles 1690 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

Il résulte de l’article 15 du contrat de location longue durée passé entre la Sas Passman et la Sci Saint Aubin Gournay en Bray que :

‘Le bailleur se réserve expressément la faculté de céder le matériel objet du contrat au cessionnaire de son choix (le ‘cessionnaire’), celui-ci étant alors substitué au bailleur d’origine dans le présent contrat.

Le locataire sera informé d’une telle cession par tout moyen et notamment par l’envoi de la facture unique de loyer’.

Il ressort des stipulations contractuelles précitées que la Sci Saint Aubin Gournay en Bray a expressément donné son accord anticipé à la cession de contrat en apposant sa signature sur l’acte conclu entre elle et la Sas Passman le 9 octobre 2014.

Par ailleurs, la Sas Locam produit une facture justifiant du prix de cession à son profit du contrat portant sur la ‘Solution IPTV’, n° de série 43140080, par la Sas Passman.

Il apparaît de plus que le cessionnaire, la Sas Locam, outre le consentement effectif du cédé, lui a envoyé à l’adresse figurant au contrat, une facture unique de loyer en date du 31 décembre 2014 pour l’informer de la cession, et ce conformément aux dispositions dudit contrat.

La facture unique de loyer reprend exactement les termes du contrat initial. Elle comprend :

– le prix, soit des mensualités de 408 euros TTC ;

– la chose, à savoir la ‘Solution IPTV’ identifiée par le même numéro de série 43140080 ;

– la durée de la location de soixante-douze loyers mensuels.

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray se prévaut des dispositions du contrat selon lesquelles il doit être ‘soumis par le bailleur à l’acceptation et à la signature du cessionnaire’ et soutient qu’il serait nul à défaut de signature par la Sas Locam sur l’exemplaire du contrat versé.

Bien que cette dernière ne réplique pas, ce moyen ne peut être retenu : les dispositions contractuelles concernées ne sont pas sanctionnées par une nullité du contrat, mais ont pour seul objet de conditionner les obligations financières du cessionnaire vis-à-vis de son cédant.

Le cédé a donné son accord par anticipation à la cession et doit, conformément à l’article 15, ‘reconnaître comme bailleur le cessionnaire … Et lui verser directement ou à son ordre la totalité des loyers’.

Il est d’ailleurs constant que la Sci a réglé les mensualités à la Sas Locam du mois de janvier 2015 jusqu’au mois de février 2016 inclus, soit quatorze mensualités, étant précisé que le fonds a été cédé le 15 septembre 2015. Elle avait donc acquiescé à la cession, qui lui est de plus fort opposable.

Enfin, par lettre recommandée avec avis de réception du 26 août 2016, la Sas Locam a mis en demeure la Sci Saint Aubin Gournay en Bray de s’acquitter de cinq loyers impayés, et d’une provision sur le loyer en cours, outre l’activation de la clause résolutoire de plein droit du contrat pour défaut de paiement.

Le moyen d’irrecevabilité pour défaut de qualité ou d’intérêt à agir ne peut donc qu’être rejeté.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point, et l’action de la Sas Locam sera déclarée recevable.

Sur la demande en condamnation formée par la Sas Locam à l’égard de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray

La Sas Locam ne verse pas de décompte de créance, mais verse copie du contrat et de la mise en demeure adressée le 29 août 2016 à la Sci Saint Aubin Gournay en Bray dans laquelle elle réclame, en application de la déchéance du terme, la somme totale de 27 135,19 euros en ce compris les 5 loyers échus au 30 août 2016, outre 52 loyers à échoir jusqu’au 30 décembre 2020, outre le montant de la clause pénale.

Les parties ne débattent pas de l’efficacité de cette mise en demeure délivrée à la Sci Saint Aubin après la cession du contrat à la Sarl Durieu & Fils.

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray ne conteste pas le montant demandé ni le montant de la clause pénale.

Elle sera condamnée à payer la somme demandée dans le dispositif de ses conclusions soit la somme de 27 124,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2017.

Sur l’appel en garantie de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray contre son cessionnaire la Sarl Durieu & Fils

– Sur la recevabilité de l’appel en garantie

Il résulte de l’article 31 du code de procédure civile :

‘L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé’ .

Pour déclarer irrecevables les demandes de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray, le jugement de première instance énonce que les pièces de la procédure ne permettent pas d’établir l’existence d’un lien contractuel entre celle-ci et la Sarl Durieu & Fils portant sur le contrat de location en litige.

Or, l’intérêt à agir, notion qui diffère du défaut de qualité, n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Il n’est pas contesté que le matériel a été loué dans le cadre de l’exploitation du fonds qui a été transmis à la Sarl Durieu & Fils selon contrat de cession : l’interprétation du champ de la cession quant aux contrats cédés est une question de fond.

Il sera enfin relevé que la Sci Saint Aubin Gournay en Bray agit subsidiairement sur le fondement de l’enrichissement sans cause et que, dans son courriel du 29 avril 2017, le gérant de la Sarl Durieu & Fils a reconnu que cette société jouissait ‘de IPTV light comme tout le matériel comprenant les éléments incorporels et corporels de ce fonds sans rajout hors de l’acte’.

Le jugement de première instance sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré la Sci Saint Aubin Gournay en Bray irrecevable pour défaut d’intérêt.

– Sur le bien fondé de l’appel en garantie

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray soutient que le contrat litigieux a été transmis à la Sarl Durieu & Fils avec le fonds, dès lors que cette dernière a continué d’utiliser le matériel, ce qu’il reconnaît. Elle remarque la Sarl Durieu & Fils, lorsqu’elle a revendu le fonds le 23 février 2017 à la Sarl Sai, a précisé que le sous-cessionnaire devrait faire son affaire de ce contrat.

La Sarl Durieu & fils réplique que le contrat ne lui a pas été transmis car l’acte authentique dressé le 30 septembre 2015 n’en fait pas mention expressément, et qu’elle a continué d’utiliser ce matériel sans savoir qu’il correspondait à un contrat distinct du contrat de téléphonie dont il devait, aux termes de cet acte, faire son affaire.

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray n’établit ni n’allègue aucun fondement en application duquel le contrat qu’elle a conclu, et dont elle était seule titulaire, aurait pu être transmis à l’intimée. La Sci Saint Aubin Gournay en Bray n’apparaît pas à l’acte de cession, si ce n’est comme bailleur du cédant sur l’immeuble. Seuls Mme [L] [U], Mme [J] [Y] et Mme [G] [Y] ont signé la cession, comme venant aux droits de la Sarl Hotel le Saint Aubin, personne morale distincte de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray, et qui n’était pas titulaire du contrat litigieux. Le contrat litigieux n’est d’ailleurs pas lui-même mentionné dans l’acte de cession. Il n’est pas allégué que cette dernière aurait transmis le contrat à la Sarl Durieu & Fils avant la cession du fonds.

L’acte de cession du fonds n’a pas emporté cession du contrat litigieux.

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray fait plaider, en second lieu, au soutien de son appel en garantie, un enrichissement injustifié au sens de l’article 1303 du code civil.

L’enrichissement peut être caractérisé par l’accroissement du patrimoine du débiteur ou par l’évitement d’une dépense.

Le rejet de la demande principale fondée sur l’existence d’un contrat ne fait pas obstacle à l’action subsidiaire sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Il n’est pas contesté que la Sarl Durieu & fils a joui, durant tout le temps de son exploitation du fonds, des effets du contrat litigieux et des équipements qu’il concernait, sans payer le coût de l’abonnement. En page 19 de l’acte de revente du fond au profit de la Sarl Sai, elle mentionne ce contrat parmi ceux dont le cessionnaire devra ‘faire son affaire’, ce qui indique qu’elle le considérait comme un élément intrinsèque au fonds, qui a été pris en compte dans sa valorisation.

Son enrichissement est établi, à raison de l’évitement de la dépense considérée et de l’accroissement de son patrimoine. L’appauvrissement de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray est corrélé au montant des échéances échues pendant la période d’exploitation par la Sarl Durieu & Fils, et au titre desquels une condamnation est prononcée en principal à son égard.

La Sarl Durieu & fils devra donc garantie à son cédant, mais dans la limite des échéances exigibles pendant la période où elle a bénéficié de l’équipement, soit du 30 septembre 2015 au 23 février 2017, soit dans la limite de 7 121,09 euros

(425,14 × 16,75).

Sur les demandes accessoires

La Sarl Durieu & fils, condamnée à garantie, est recevable en ses demandes mais ne caractérise pas un abus du droit d’agir de la part de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray.

La demande de dommages et intérêts de la Sarl Durieu & Fils sera donc rejetée.

Au regard de l’issue du litige, les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être infirmées.

La Sci Saint Aubin Gournay en Bray et la Sarl Durieu & fils succombent et seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, outre, pour la Sci Saint Aubin Gournay en Bray seule, le versement d’une somme pour frais irrépétibles qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros à la Sas Locam.

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice d’autres parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déclare recevable la Sas Locam en sa demande en paiement à l’encontre de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ;

Condamne la Sci Saint Aubin Gournay en Bray à payer à la Sas Locam la somme de 27 124,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2017 ;

Déclare recevable la Sci Saint Aubin Gournay en Bray en sa demande en garantie à l’encontre de la Sarl Durieu & fils ;

Condamne la Sarl Durieu & fils à garantir la Sci Saint Aubin Gournay en Bray à hauteur de 7 121,09 euros ;

Déclare recevable la Sarl Durieu & Fils en ses demandes à l’encontre de la Sci Saint Aubin Gournay en Bray ;

Déboute la Sarl Durieu & Fils de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la Sci Saint Aubin Gournay en Bray à payer à la Sas Locam la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute les parties du surplus des demandes ;

Condamne la Sci Saint Aubin Gournay en Bray aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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