Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 24 MAI 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08011 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5U2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bobigny – RG n° 19/04425
APPELANTE
S.A.S. ANFA, , agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 820 507 473
Représentée par Me David PINET de l’ASSOCIATION LEBRAY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R189
Substitué par Me Marie-Pauline CHEMIN, avocat au barreau de PARIS, du cabinet Lebray et Associés, toque: R189
INTIMEE
S.C.I. DU BASSIN NORD Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 422 733 402
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Substitué par Me Ariane CLÉMENT, avocat au barreau de PARIS, du cabinet Veil Jourde, toque: T06
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Nathalie RECOULES, Présidente de chambre, rapporteur
Douglas BERTHE, Conseiller chambre
Marie GIROUSSE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Madame Laurène BLANCO, greffier présent lors de la mise à disposition.
Faits et procédure
Selon un acte sous seing privé en date du l7 février 2016 et son avenant du 07 août 2017, la SCI du Bassin Nord a donné à bail commercial à la SAS Anfa des locaux commerciaux au sein du centre commercial [Adresse 6], à [Localité 4] (93).
Le bail a été consenti pour une durée de dix ans à compter du 9 août 2016, moyennant un loyer variable équivalent à 8 % hors taxes sur le chiffre d’affaires annuel hors taxe, ce loyer ne pouvant être inférieur à la somme annuelle de 25.000 euros, hors taxes et charges, et devant être versé à compter du 15 février 2017.
Les 16 novembre 2017 et 20 novembre 2018, le bailleur a fait délivrer au preneur deux commandements de payer visant la clause résolutoire lui faisant sommation, dans un délai d’un mois, de payer, pour le premier, la somme de 65.646,04 euros et, pour le second, celle de 117.187,54 euros correspondant aux loyers et charges dus au 1er octobre 2017, terme du 4ème trimestre 2017 inclus puis au 1er octobre 2018, terme du 4ème trimestre 2018 inclus.
Par acte du 3 avril 2019, la SCI du Bassin Nord a assigné la SAS Anfa devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins essentielles de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, prononcer la résiliation du bail à l’effet au 16 décembre 2017, ordonner l’expulsion du locataire des lieux louées, de le condamner au paiement de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.
Par jugement en date du 20 mai 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– débouté la SAS Anfa de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture en date du 5 février 2020 ;
– déclaré forclose la demande de la SAS Anfa tendant au renvoi de l’affaire devant le tribunal statuant en formation collégiale ;
– déclaré la SAS Anfa irrecevable à soulever devant le tribunal une exception de nullité concernant l’assignation délivrée le 3 avril 2019 ;
– déclaré recevables les conclusions de la SAS Anfa notifiées le 22 octobre 2019 ;
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire, avec effet au 16 novembre 2017, ainsi que la résiliation du bail à cette même date ;
– en conséquence, ordonné à la SAS Anfa et à tout occupant de son chef de libérer les lieux et, à défaut, ordonné son expulsion ;
– condamné la SAS Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 65.646,04 euros au titre du dépôt de garantie, des loyers et charges dus pour la période allant du 24 octobre 2016 au 16 décembre 2017, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2017 ;
– fixé l’indemnité d’occupation due par la SAS Anfa à la SCI du Bassin Nord jusqu’à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés à une somme équivalente au montant du dernier loyer trimestriel minimum garanti, augmenté des charges exigibles ;
– condamné la SAS Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 96.046,32 euros au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période allant du 17 décembre 2017 au 31 décembre 2019, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– condamné la SAS Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 25 juin 2020, la SAS Anfa a interjeté appel total du jugement du 20 mai 2020.
Moyens et prétentions
Dans ses conclusions déposées le 6 mars 2023, la SAS Anfa, appelante, demande à la cour de :
A titre principal :
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
– de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de cent mille (100.000) euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte éprouvée sur la période 2016 / 2022, sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir et soixante-quinze mille (75.000) euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– d’ordonner la compensation entre la créance de loyer et charges du bailleur et la créance indemnitaire de la concluante ;
Très subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à rejeter les demandes principales de la concluante :
– d’accorder rétroactivement des délais de paiement à la concluante ;
– de suspendre rétroactivement les effets de la clause résolutoire ;
Si par extraordinaire la Cour venait à constater la résiliation du bail,
– de fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur à hauteur du loyer minimum garanti indexé convenu à l’article 22.1.3 des conditions particulières du bail ;
En tout état de cause,
– de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SAS Anfa fait valoir que :
– à titre principal que le bailleur a manqué à ses obligations contractuelles, engageant de ce fait sa responsabilité sur le terrain de l’ancien article 1134 du code civil applicable au bail litigieux, qu’il s’agisse du changement de la nature du centre commercial dont, conformément aux articles 13.3, 13.6 et 14 du bail, le caractère « haut de gamme » a été contractualisé et que le bailleur a unilatéralement décidé d’altérer la nature même du centre commercial en le transformant au fil des mois en « centre commercial discout » conduisant à une perte de clientèle disposant d’un pouvoir d’achat plus conséquent pour la SAS Anfala clientèle, de l’abandon de la commercialisation du 1er étage dont le taux de vacance commerciale a causé la disparition de nombreux commerces et accéléré la désertification du centre ou de la diminution de l’effort promotionnel et de l’absence d’entretien du centre alors que les commerçant ont abondé à un « fonds d’animation et de promotion du centre commercial » et que le bailleur n’a fourni aucune justification de l’engagement des dépenses d’animation ;
– à titre subsidiaire, qu’en vertu des articles 1103, 1104, ainsi que l’ancien article 1134 du code civil et au sens de la jurisprudence qui abandonne la théorie de la relativité de la faute délictuelle, permettant à tout tiers à un contrat d’engager la responsabilité délictuelle de la partie ayant méconnu ses obligations contractuelles si ce manquement lui a causé un préjudice, le bailleur a toléré que de nombreux commerçant s’affranchissent des obligations communes à chacun d’entre eux et, notamment, celles leur faisant interdiction de changer d’enseigne (art. 3) ou d’activité en cours de bail ou de politique tarifaire (art.13.3), les obligeant à justifier d’un aménagement haut de gamme (art.14), ce qui constitue une faute de nature délictuelle du bailleur envers la concluante autorisant cette dernière à mettre en cause la responsabilité du bailleur au visa de l’article 1382 du code civil ;
– en toute hypothèse, la société Anfa a droit à l’indemnisation de son préjudice, correspondant à la perte éprouvée et au gain manqué au sens de l’article 1231-2 du code civil, à hauteur de 100.000 euros sur la période entre 2016 et 2020 et au préjudice moral subi justifiant une indemnisation à hauteur de 75.000 euros, dont la compensation sera ordonnée avec la créance de loyers et charges du bailleur ;
– très subsidiairement, le preneur a rencontré des difficultés financières induites par le défaut de fréquentation du centre commercial, circonstances indépendantes de sa volonté, de nature à l’empêcher de payer les sommes dues au bailleur, ce qui justifie que lui soit accordé rétroactivement des délais de paiement à hauteur de 24 mensualités et la suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire ;
– en tout état de cause, le bailleur a sollicité le paiement des arriérés de loyers mais aussi des sommes échues postérieurement et d’une indemnité d’occupation majorée, ce qui, en application de l’article 31 du bail, l’amènerait à devoir s’acquitter d’une indemnité correspondant à 147 % de la totalité des sommes restées impayés, montant totalement excessif.
Dans ses conclusions déposées 10 mars 2023, la SCI Du Bassin Nord, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ constaté l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail litigieux à la date du 16 décembre 2017 ;
‘ ordonné l’expulsion de la société Anfa ainsi que de tout occupant de son chef des lieux donnés à bail, centre [Adresse 5] ;
‘ dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
‘ condamné Anfa à payer à la société Du Bassin Nord la somme de 65.646,04 euros au titre du dépôt de garantie, des loyers et charges dus pour la période allant du 24 octobre 2016 au 16 décembre 2017 ;
‘ fixé l’indemnité d’occupation due par la société Anfa à la société Du Bassin Du Nord jusqu’à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés à une somme équivalente au montant du dernier loyer trimestriel minimum garanti, augmenté des charges exigibles, soit la somme de 145.838,33 euros au 15 décembre 2020, à parfaire ;
‘ rejeté les griefs soulevés par la société Anfa et ses demandes indemnitaires.
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’article 29 du bail ;
Sur les demandes du preneur,
A titre principal :
‘ débouter en conséquence la société Anfa de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire :
‘ débouter la société Anfa de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
‘ condamner la société Anfa à verser à la SCI du Bassin Nord une somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner la société Anfa en tous les dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Du Bassin Nord fait valoir que :
– contrairement à ce que le preneur soutient, le bailleur n’est tenu, sur le fondement de l’article 1719 du code civil, que d’assurer la délivrance de la chose louée ainsi que son entretien et sa jouissance paisible, or, d’une part, les griefs formulés par le preneur sont sans lien avec ces obligations et, d’autre part, le bailleur n’a aucune obligation prétendue de standing du centre ;
– le bailleur n’a commis aucune faute contractuelle en l’absence de clause mettant à sa charge une obligation de commercialité ou une obligation de résultat découlant des actions d’animations, de promotion, de communication et de publicité, qu’il n’existe ni n’est démontrée aucune causalité entre le montant du loyer et la commercialité du centre, que le preneur n’apporte aucune preuve quant à la responsabilité du bailleur sur l’abandon du 1er étage dont les diligences se traduisent par l’arrivée de nouveaux commerce ;
– le bailleur n’a manqué à aucune de ses obligations contractuelles, en absence de dégradation du centre, de suppression des services communs ou d’entretien des locaux, en faisant le choix d’accueillir des enseignes de magasin « outlet » ou « d’usine » en ciblant une clientèle moins argentée alors que le centre Millénaire est situé à la frontière de quartiers déshérités de la Seine Saint-Denis et de quartiers parisiens modestes, en ayant organisé des actions d’animation et de promotion du centre relevant d’une obligation de moyens ;
– le bailleur n’a pas davantage commis de faute délictuelle au sens de la jurisprudence citée par l’appelante, qui ne permet pas d’engager la responsabilité du bailleur pour des manquements contractuels imputables à des tiers au surplus irréels ;
– à titre subsidiaire, sur le préjudice et le lien de causalité, d’une part, le preneur a formulé la demande de dommages et intérêts sans apportant la preuve du lien de causalité et du préjudice, les pièces communiquées établissant que le preneur a été victime d’une situation générale qui touche tous les centres en France et que la perte d’exploitation subie résulte de ses mauvais choix commerciaux et, d’autre part, le préjudice allégué, qui correspondrait au « différentiel entre le loyer contractuel et la valeur locative réelle », équivaut au montant total des loyers « non chargés » et à une occupation gratuite du local pendant 4 ans ;
– en toute hypothèse, les causes des commandements délivrées n’ayant pas été éteintes dans le délai d’un mois de leur délivrance, faute pour le preneur d’avoir procédé à une quelconque paiement depuis son entrée dans les lieux, la clause résolutoire est acquise et ce dernier ne peut ni bénéficier de la présomption de bonne foi, ni de délais de grâce qui, en vertu du protocole additionnel n°1 à la CEDH et de l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et compte-tenu de l’ancienneté de la créance, ne sont pas nécessaires à l’intérêt général ;
– sur le montant des sommes dues par le preneur à titre principal, le preneur est redevable des loyers et charges impayés jusqu’à la date d’acquisition de la clause résolutoire, la cour confirmera le jugement en ce qu’il a condamné le preneur à régler la somme de 65.646,04 euros pour la période allant du 24 octobre 2016 au 16 décembre 2017 au titre du dépôt de garantie, des loyers et des charges et au paiement d’une indemnité d’occupation de 145.838,33 euros pour la période du 17 décembre 2017 au 15 décembre 2020 ;
– sur l’appel incident du bailleur s’agissant des dommages et intérêts moratoires, c’est à tort que le tribunal a vu dans l’article 29.2 du bail une clause pénale et l’estimant excessive l’a réduite alors qu’au sens de l’article 1231-5 du code civil, la clause d’intérêt n’est pas une clause pénale mais la rémunération de l’indisponibilité des sommes dont le bailleur aurait dû disposer et qu’elle a déjà été appliquée par le tribunal judiciaire de Bobigny et par la cour de céans dans d’autres instances relatives au Millénaire.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Décision :
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions mais rappelle que les demandes de « constater ou de « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles peuvent se borner à des affirmations, des moyens ou des commentaires.
Sur les obligations contractuelles de la bailleresse :
En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et de l’article 1719 du même code, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à son usage, en ce incluses les parties communes accessoires et nécessaires de la chose louée dans un centre commercial, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail et d’exécuter de bonne foi ses obligations.
À défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre. Toutefois, s’il manque à des obligations résultant de stipulations contractuelles particulières, il peut engager sa responsabilité.
Sur le défaut de délivrance d’un centre commercial haut de gamme :
Il ressort des dispositions des articles 3.4 et 3.5 des conditions générales du bail litigieux que lorsque les activités sont exercées sous une enseigne, « les parties conviennent qu'(elle) constitue un élément contractuel non dissociable de l’activité exercée et que, dans l’hypothèse où le preneur serait contraint de poursuivre son activité sous une autre enseigne, cela ne pourrait se faire qu’après « l’agrément exprès, préalable et écrit du bailleur, dans la même activité, (sous) une enseigne de notoriété et de niveau de gamme et qualités équivalentes ».
L’article 13.3 dispose que « toute formules de vente ayant … pour objet de permettre au preneur d’attirer la clientèle en lui proposant des prix inférieurs, soit à ses prix habituels, soit à des prix de référence, constitue une image de marque particulièrement dommageable au centre tout entier si elles ne sont pas, soit organisées de façon concertée par l’Association des Commerçants, soit justifiées par des circonstances exceptionnelles et, dans ce cas, expressément autorisées par le représentant du Bailleur…. ».
Contrairement à ce que soutient le preneur, ces dispositions ne créent aucune obligation à la charge du bailleur de n’accueillir que des enseignes prestigieuses ou haut de gamme mais bien à la charge du seul preneur afin qu’il garantisse, en cas de changement d’enseigne, son remplacement par une enseigne de notoriété et de niveau de gamme et qualité équivalentes à celle précédemment exploitée.
Par ailleurs, ces dispositions n’ont pas pour objet d’interdire les soldes, opérations prévues dans certaines circonstances sous réserve de l’autorisation préalable du bailleur, lequel s’assure que ces opérations restent compatibles avec le fonctionnement et l’image du centre dans le respect d’un équilibre global.
Enfin, il ne peut être tiré de la référence à la démarche «HQE», haute qualité environnemental, aucun lien avec une référence « haut de gamme » du centre commercial, la démarche « HQE » visant des objectifs de développements durables, lors de la phase de construction de l’immeuble et lors de son exploitation ultérieure notamment dans le soin apporté à la réalisation de ses aménagements destinés à « l’intégrer de façon durable et (harmonieuse) dans son environnement ».
Sur l’abandon de commercialisation du 1er étage :
Comme l’a justement relevé le juge du fond, seul le contrat constitue la loi des parties et les documents publicitaires préalables à sa conclusion, dont l’objectif évident est de vanter le bien pour les besoins de sa commercialisation, ne créent aucune obligation spécifique à la charge du bailleur.
L’article 3.6 reconnaît au bailleur la possibilité de « librement exploiter et/ou donner à bail les autres locaux du centre à tous tiers de son choix … », ce qui exclut tout grief concernant l’implantation d’activité tertiaire au 1er étage ou ne crée aucune obligation contractuelle de maintenir une niveau d’occupation.
Contrairement à ce que soutient la société Anfa, le bailleur justifie avoir adressé plusieurs centaines d’offres commerciales à plus d’une centaine d’enseignes et, s’il ne peut lui être fait grief que ces propositions commerciales n’aboutissent pas, elles démontrent son implication dans la commercialisation du centre.
Du rappel des dispositions de l’article 3.7 du bail auquel il est renvoyé, le premier juge a justement retenu qu’aucune obligation précise n’était faite au bailleur quant à la fréquentation du centre, le preneur déclarant « même accepter les aléas économiques pouvant résulter d’une évolution de la zone d’implantation du centre ‘ sans pouvoir rechercher le bailleur à cet égard ».
Ainsi, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté le grief relatif au défaut de commercialité et considéré qu’il n’y avait aucune obligation précise dans le bail quant à la fréquentation du centre et quant à la présence de certains commerces et sociétés.
Sur la gestion du fonds d’animation et de promotion :
L’article 12 des conditions générales du bail, consacré au « fonds d’animation et de promotion du centre commercial » rappelle en son point 12.3.1 les diligences attendues du bailleur au titre des actions de promotions, en termes de définition des plans d’actions à mener, de leur fréquence tout au long de l’année, de la nature des opérations et prestations à mettre en ‘uvre.
Le preneur ne conteste d’ailleurs pas aux termes de ses écritures que le bailleur a mené de telles opérations, lequel, en toute hypothèse, au regard des dispositions de la clause 12-4 de renonciation à recours ‘ … n’est tenu à aucune obligation de résultat dans le cadre de ses actions d’animation, de promotion, de communication et de publicité. »
En outre, contrairement à ce que soutient le preneur, la SCI du Bassin Nord, d’une part, verse aux débats la reddition des comptes des opérations menées de 2016 à 2018, sans qu’aucun document à ce titre ne soit contractuellement attendu du commissaire aux comptes, d’autre part, justifie avoir organisé entre 2012 et juillet 2020 de nombreuses actions d’animation, à propos desquelles sa responsabilité ne peut être recherchée en termes de résultat escompté et, enfin, avoir réuni les commerçants du centre annuellement, réunions auxquelles le preneur a parfois été absent, et présenté le bilan marketing annuel.
Enfin, l’article 12.3.3 relatif aux « modalités de détermination des contributions annuelles » détermine la part contributive du preneur aux actions d’animation et de promotion mais ne fait pas obligation au bailleur de contribuer personnellement au fonds en cas de carence du preneur ou de vacance de locaux.
Sur la suppression des services communs du centre et l’absence d’entretien :
La cour constate que le preneur n’apporte aucun élément de preuve au soutien de son allégation relative à la fréquence des navettes fluviales, dont le bailleur verse aux débats la fiche des horaires journaliers, qui établit la régularité et la fréquence des passages des navettes.
De même, le preneur ne produit aucun élément attestant d’une défaillance durable des équipements commun de nature à obérer l’exploitation du centre. La simple constatation de la défaillance de l’un de ces équipements à un moment donné ou dans un contexte particulier ne témoigne pas de leur dysfonctionnement permanent, qu’il s’agisse des escalators, du chauffage dans une année de rudesse hivernale particulière ou de l’éclairage dont la dimension HQE du bâtiment amène à une gestion éco-responsable. En outre, le bailleur justifie des travaux de réparation menés sur les sanitaires qui sont des équipements fréquemment dégradés dans des lieux publics, verse plusieurs contrats relatifs à l’entretien du centre ou la sécurité incendie et la sûreté, un audit relatif à la qualité du nettoyage qui démontre d’un suivi attentif de ce sujet, un avenant au contrat d’entretien de la climatisation et un bon d’intervention concernant la diffusion sonore de musique.
Le grief avancé de ce chef n’est donc pas démontré.
Sur la responsabilité délictuelle du bailleur :
L’article 1382 du code civil, dans sa version applicable au litige, rappelle que tout fait de l’homme, qui cause un dommage à autrui, l’oblige à réparation.
Il résulte de la jurisprudence invoquée par le preneur que la Cour de cassation a reconnu la possibilité à un tiers au contrat d’invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, susceptible de constituer un fait illicite, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Toutefois, cette action ne peut être engagée qu’à l’encontre du débiteur de l’obligation auquel le reproche est adressé, sous réserve que le lien de causalité entre le fait illicite et le préjudice subi par le tiers au contrat soit caractérisé.
Comme cela a été démontré, il ne pèse sur le bailleur aucune obligation résultant de la faute contractuelle éventuellement commise par un preneur à bail, si tant est que cette faute soit expressément caractérisée ce qui n’est pas le cas en l’espèce s’agissant notamment des enseignes de vente « outlet ».
Le grief invoqué sera donc rejeté sans que la demande formulée au titre de l’indemnisation du préjudice allégué ait à être examinée.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la demande de délais
Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, d’user de la chose louée raisonnablement suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus.
L’article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
L’article L145-41 du code de commerce dispose quant à lui que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux et que le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre les effets de la clause de résiliation du bail, si la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision ayant acquis autorité de la chose jugée, laquelle ne produira pas effet si le débiteur se libère dans les conditions fixées de son obligation de paiement.
En l’espèce, deux commandements de payer ont été délivrés à la société Anfa conformément aux dispositions de l’article 30 du bail, les 16 novembre 2017 puis 20 novembre 2018, le preneur ne contestant pas qu’il ne s’est pas acquitté de leurs causes dans le mois de leur délivrance.
Au soutien de sa prétention, le preneur allègue des difficultés financières résultant de la baisse de fréquentation du centre, dont il est établi qu’elle ne pourrait fonder une exception d’inexécution contractuelle le bailleur n’étant tenu d’aucune obligation de maintien du nombre de chaland et a fortiori de clients potentiels à une enseigne.
La cour relève par ailleurs, ce qui n’est pas contesté, que le preneur n’a jamais réglé aucun loyer, ni indemnité d’occupation depuis son entrée dans les lieux, au mépris de toute bonne foi dans l’exécution du contrat. En conséquence, outre l’absence de justificatif sur la réalité de sa situation financière, le preneur ne saurait bénéficier de plus de délais qu’il ne s’est déjà lui-même accordés.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, fixé la dette locative à la somme de 65.046,04 euros arrêtée au 16 décembre 2017 et ordonné l’expulsion du preneur.
La condamnation au titre de l’indemnité d’occupation sera actualisée à la somme de 145.838,33 euros arrêtée au 15 décembre 2020 et la demande nouvelle formée en cause d’appel de délais de paiement sera rejetée.
Sur les frais, intérêts et pénalités
L’article 1235-1 du code civil dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »
L’article L.313-3 du code monétaire et financier prévoit quant à lui qu’en « cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. »
L’article 29.1 du contrat de bail prévoit que « Toute somme non réglée par le preneur à sa date d’exigibilité portera intérêt [si bon semble au Bailleur] un mois à compter de cette date jusqu’au jour du paiement effectif, sans qu’il soit besoin d’effectuer une mise en demeure. Cet intérêt sera égal au taux de l’intérêt légal applicable à l’année considérée majoré de cinq cents points de base (c’est-à-dire si par exemple le taux d’intérêt légal est de 4 %, le taux majoré sera de 9 %). »
Contrairement à ce que soutient le bailleur, quelle que soit la forme prise par la sanction contractuellement prévue de l’inexécution par le preneur de son obligation de paiement, en l’espèce par le calcul d’intérêt de retard supérieur au taux légal, la clause discutée a bien pour objet d’octroyer au bailleur des dommages et intérêts résultant de la faute du preneur à son obligation contractuelle et légale tirée de l’article 1728 du code civil et non la rémunération des sommes indisponibles pour le bailleur.
En conséquence, cette clause doit s’analyser en clause pénale, laquelle peut être réductible si ses effets sont manifestement excessifs. Mais, comme le souligne le bailleur, la présente clause, dont la majoration des intérêts au taux légal correspond à celle visée à l’article L.313-3 du code monétaire et financier ne présente pas de caractère excessif.
Le jugement sera donc réformé en ce qu’il a réduit les intérêts sur la dette locative au taux légal.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Anfa à supporter la charge des dépens et à payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant en ses prétentions, la société Anfa sera condamnée à supporter les dépens d’appel et à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a assorti d’un intérêt au taux légal les condamnations pécuniaires prononcées au titre de la dette locative et des indemnités d’occupation dues en lieu et place du taux d’intérêt conventionnel convenu entre les parties et en ce qu’il a condamné la société Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 96.046,32 euros au titre de indemnité d’occupation due pour la période du 17 décembre 2017 au 31 décembre 2019 ;
Statuant de nouveau,
Condamne la société Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 145.838,33 euros au titre de indemnité d’occupation due pour la période du 17 décembre 2017 au 31 décembre 2020 ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de délais de paiement ;
Condamne la SAS Anfa à supporter la charge des dépens d’appel ;
Condamne la société Anfa à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE