COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MARS 2023
N° RG 22/04515 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VJXL
AFFAIRE :
S.A.R.L. BHM
C/
[H] [G]
[B] [G]
S.A.R.L. CLEMIUM B
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2022 par le juge de l’exécution Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° RG : 22/04168
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.03.2023
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. BHM
N° Siret : 520 221 904 (RCS Nanterre)
[Adresse 8]
[Localité 9]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Chantal TEBOUL ASTRUC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0235 – Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20220230
APPELANTE
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Monsieur [H] [G]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 11] ([Localité 11])
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [B] [G]
de nationalité française
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 12] ([Localité 12])
[Adresse 6]
[Localité 10]
S.A.R.L. CLEMIUM B
N° Siret : 901 423 582 (RCS Paris)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2269457 – Représentant : Me Vandrille SPIRE de l’AARPI 186 Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0538
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Saisi par M. [G] et Mme [G], propriétaire indivis de locaux commerciaux sis [Adresse 8], occupés par la société BHM qui y exploite un commerce de boulangerie, en vertu d’un bail commercial en date du 8 juin 2006 renouvelé le 22 avril 2015, et en suite de la délivrance, le 21 janvier 2020, d’un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au dit bail, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre, par ordonnance réputée contradictoire en l’absence de la société BHM, assignée en personne par remise de l’acte à son gérant, rendue le 9 juillet 2020, a :
constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies au 22 février 2020 ;
condamné la société BHM à payer à M. [G] et à Mme [G] la somme provisionnelle de 1 903,10 euros correspondant aux loyers impayés au 12 juin 2020 ;
suspendu les effets de cette clause résolutoire ;
autorisé la société BHM à s’acquitter de sa dette par un versement mensuel de 1 000 euros plus un deuxième versement représentant le solde, en plus du loyer courant et des charges ;
dit que ces sommes devront être réglées avant le 5 de chaque mois et pour la première fois le mois suivant la signification de sa décision ;
dit qu’après règlement de la somme de 1 903,10 euros dans les conditions ci-dessus rappelées, la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué ;
dit qu’à défaut de règlement d’un seul acompte ou d’un seul des loyers courants à leur échéance :
l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible ;
les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre ;
la clause résolutoire produira son plein et entier effet ;
il pourra être procédé à l’expulsion de la société BHM et de tous occupants de son chef hors des lieux loués ;
la société BHM devra payer mensuellement à M. [G] et à Mme [G], à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d’effet de la clause résolutoire, indemnité révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance ;
condamné la société BHM à payer à M. [G] et à Mme [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société BHM aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.
Cette ordonnance a été signifiée le 22 juillet 2020, à la personne de la société BHM, par remise de l’acte à son gérant.
Par exploits du 30 novembre 2021, M. [G] et Mme [G] ont fait délivrer à la société BHM un acte de signification de la déchéance du terme, en raison du non respect des délais accordés par l’ordonnance du 9 juillet 2020 susvisée, et, en vertu de la dite ordonnance, un commandement de quitter les lieux sis [Adresse 8], ainsi qu’un commandement aux fins de saisie vente, pour avoir paiement de la somme de 17 616,26 euros en principal, intérêts et frais.
Le 7 décembre 2021, M. [G] et Mme [G] ont cédé l’immeuble loué à la société BHM à la société Clemium B.
Le 16 décembre 2021, la société Clemium B a requis le concours de la force publique pour qu’il soit procédé à l’expulsion de la société BHM.
Par acte du 4 mai 2022, la société BHM, autorisée à assigner à bref délai, a fait citer M. [G], Mme [G] et la société Clemium B devant le juge de l’exécution de Nanterre en contestation des mesures d’exécution mises en oeuvre.
Par jugement contradictoire rendu le 24 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
déclaré la société BHM recevable en son action ;
débouté la société Clemium B, M. [G] et Mme [G] de leur fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la société BHM ;
débouté la société BHM de sa demande d’annulation des actes de signification de la déchéance du terme du 30 novembre 2021, du commandement de quitter les lieux du 30 novembre 2021, du commandement aux fins de saisie-vente signifié du [lire le] 30 novembre 2021, du procès-verbal préalable à la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021 et de la réquisition du concours de la force publique du 16 décembre 2021 ;
débouté la société BHM de sa demande de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des mesures d’exécution forcée et de l’expulsion ;
débouté la société BHM de sa demande de délais de paiement ;
octroyé à la société BHM un délai d’expulsion des lieux situés [Adresse 8] jusqu’au 24 septembre 2022 inclus ;
condamné la société BHM à payer in solidum à la société Clemium B, M. [G] et Mme [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
condamné la société BHM aux dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Le 8 juillet 2022, la société BHM a interjeté appel de cette décision.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 10 janvier 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 9 février 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société BHM, appelante, demande à la cour, la recevant en ses demandes, fins et conclusions, y faisant droit, tous droits et actions, réservés au fond par la société BHM devant le tribunal judiciaire de Nanterre, de :
débouter les intimés de leur appel incident tendant à voir : infirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 en ce qu’il a déclaré recevables ses demandes // et statuant de nouveau, prononcer l’irrecevabilité de l’intégralité des moyens et prétentions par elle formulés, motif pris du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution et donc, de la présente juridiction ;
En conséquence,
confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevables ses demandes ;
infirmer le jugement déféré à la cour en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’annulation des actes de signification de la déchéance du terme du 30 novembre 2021 du commandement de quitter les lieux du 30 novembre 2021, du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 30 novembre 2021, du procès-verbal préalable à la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021 et de la réquisition du concours de la force publique du 16 décembre 2021 // l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des mesures d’exécution forcées et de l’expulsion // l’a déboutée de sa demande de délai de paiement // lui a octroyé un délai d’expulsion des lieux situés [Adresse 8] jusqu’au 24 septembre 2022 inclus // l’a condamnée à payer in solidum à la société Clemium B, M. [G] et Mme [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile // l’a condamnée aux dépens, et tous autres chefs non compris dans le dispositif lui faisant grief ;
Statuant à nouveau et déboutant les intimés de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
juger la preuve rapportée aux débats de ce que l’arriéré à juin 2020 visé à l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 a été réglé par l’effet d’un règlement du 23 juin 2020 d’une part, et d’un règlement antérieur du 9 décembre 2019, à l’époque non crédité au compte locatif de la société BHM, régularisé en sa faveur à la date du 22 décembre 2021 ;
juger qu’à tout le moins, en tout état de cause, l’arriéré à juin 2020 inclus, objet de l’ordonnance du 9 juillet 2020, était réglé, par l’effet d’un règlement du 23 juin 2020 d’une part, et d’un règlement identique du 27 juillet 2020 d’autre part, avant les échéances prescrites par l’ordonnance de référé, dont la première était au 5 août 2020, en suite de la signification du 22 juillet 2020 ;
En conséquence,
juger que la déchéance du terme dont était assortie l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 n’a pas joué et qu’en raison du paiement de l’arriéré objet de cette ordonnance antérieurement au délai alors prescrit, la clause résolutoire est réputée n’avoir jamais joué ;
En conséquence, et déboutant les intimés de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
juger nuls et de nul effet les actes d’exécution forcée successifs ci-après : la signification de déchéance du terme du 30 novembre 2021 ; le commandement de quitter les lieux du 30 novembre 2021 ; le commandement afin de saisie-vente du 30 novembre 2021 ; la signification du procès-verbal préalable à la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021 ; la réquisition du concours de la force publique à même date du 16 décembre 2021 ;
juger n’y avoir lieu de remettre en cause rétroactivement les règlements portés au crédit du compte locatif de la société BHM, même ceux recrédités tardivement le 22 décembre 2021 ;
condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
les condamner in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonner à due concurrence la compensation de cette somme avec celle de 1 500 euros fixée à l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 ;
les condamner in solidum en tous les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais des actes annulés dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire la présente juridiction ne ferait pas droit aux contestations ci-avant,
lui accorder les plus larges délais, tant afin de s’acquitter des sommes dont elle serait jugée en l’état redevable en vertu de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 que pour quitter les lieux.
Au soutien de ses demandes, la société BHM fait valoir :
que ses moyens et demandes ne tendant pas à modifier l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020, la décision déférée, qui les a jugés recevables, doit être confirmée sur ce point, et les intimés déboutés de leur appel incident,
que la déchéance du terme prévue dans l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 n’est pas acquise aux bailleurs, les échéances prescrites par le juge des référés, soit 1 000 euros avant le 5 août 2020 et 903,10 euros avant le 5 septembre 2020 ayant été apurées dès avant le prononcé de l’ordonnance, et en tout état de cause, avant les échéances fixées par cette décision ; que le terme du mois d’août 2020 invoqué par les intimés est arrivé à échéance alors que les effets de l’ordonnance du 9 juillet 2020 étaient déjà épuisés ; que dès lors, les bailleurs ne possèdent aucun titre exécutoire leur permettant de poursuivre son expulsion,
que dès lors que la déchéance du terme n’est pas acquise, les bailleurs ne possèdent aucun titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible leur permettant de poursuivre le recouvrement de sommes facturées postérieurement à l’ordonnance du 9 juillet 2020 ; que le commandement aux fins de saisie vente du 30 novembre 2021, délivré d’une part pour une somme de 1 903,10 euros de loyer impayé, déjà réglée, et d’autre part pour des indemnités d’occupation qui ne sont pas dues, faute de déchéance du terme, et pour un montant erroné, doit être jugé nul et de nul effet,
que les bailleurs ont porté atteinte à la jouissance paisible de la locataire en lui faisant signifier des actes d’huissier successifs tendant à son expulsion, outre en invoquant une créance inexistante, alors que l’exploitation du commerce était déjà extrêmement difficile en raison de la crise sanitaire d’une part, et de l’état de santé du gérant, d’autre part ; que le préjudice qui en résulte pour elle, exposée à une situation précaire et à un risque d’expulsion, justifie l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros,
que c’est sans fondement que le premier juge l’a déboutée de sa demande de délai de paiement, sans au demeurant avoir précisé de quel chef et de quel montant elle serait redevable en vertu de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 ;
que c’est également sans fondement que le premier juge a limité le délai de libération des lieux à trois mois, alors qu’une expulsion sans qu’elle ait retrouvé d’autres locaux, compromettrait gravement l’avenir de l’entreprise et risquerait d’aboutir à l’ouverture d’une procédure collective, qu’une procédure au fond a été engagée par ses soins, pour contester non seulement les loyers et charges facturés, mais également la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire, et que les bailleurs ne se sont inquiétés de procéder à son expulsion que près de 18 mois après la signification de l’ordonnance de référé, et uniquement parce que les locaux allaient être vendus.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 2 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [G], Mme [G] et la Sarl Clemium B, intimés, appelants incidents, demandent à la cour de :
recevoir l’intégralité de leurs moyens et prétentions,
En conséquence,
A titre principal,
infirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la société BHM ;
Et statuant de nouveau,
prononcer l’irrecevabilité de l’intégralité des moyens et prétentions formulés par la société BHM, motif pris du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution et donc, de la présente juridiction ;
Subsidiairement, si la cour considère les demandes de la société BHM recevables,
confirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail ;
confirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 en ce qu’il a débouté la société BHM de ses demandes : d’annulation des actes de signification de la déchéance du terme du 30 novembre 2021, du commandement de quitter les lieux du 30 novembre 2021, du commandement aux fins de saisie-vente du 30 novembre 2021, du procès-verbal préalable à la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021 et de la réquisition du concours de la force publique du 16 décembre 2021 // de délais de paiement // de dommages et intérêts ;
infirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 en ce qu’il a octroyé à la société BHM des délais pour quitter les lieux ;
Et statuant de nouveau,
débouter la société BHM de sa demande de délais pour quitter les locaux ;
En tout état de cause,
confirmer le jugement n°22/04168 du 24 juin 2022 du juge de l’exécution en ce qu’il a condamné la société BHM à payer in solidum la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance ;
condamner la société BHM à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
condamner la société BHM aux entiers dépens d’appel.
Les intimés soutiennent :
que les demandes formulées par la société BHM sont irrecevables en ce qu’elles tendent à modifier le dispositif de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020, fondement des poursuites par eux initiées, qui a jugé qu’à la date du 12 juin 2020, la dette locative de la société BHM était de 1 903,10 euros ; que l’intégralité des demandes formulées par l’appelante revenant à contester les termes de l’ordonnance du 9 juillet 2020, celles-ci sont irrecevables, motif pris du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution et de la cour en appel de ses décisions,
que contrairement à ce que soutient l’appelante, le paiement de charges est expressément prévu dans le bail ; qu’il en est de même de la révision des loyers,
que contrairement à ce qu’elle soutient, la société BHM n’a pas respecté les termes de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 ; qu’en effet, la dette au 1er août s’élevait à 1 933,10 euros, et aucun règlement n’a été réalisé ensuite, et ce pendant plusieurs mois ; qu’en conséquence, la clause résolutoire du bail est définitivement acquise, et les actes d’exécution contestés valides, y compris le commandement aux fins de saisie vente du 30 novembre 2021, dans la mesure où les sommes réclamées correspondent, rétroactivement, à des indemnités d’occupation ;
qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de délais de paiement, la société BHM ne produisant aucun élément à cet égard,
qu’il n’y a pas lieu de lui accorder un délai pour quitter les lieux, la société BHM ayant disposé de suffisamment de temps pour préparer son départ des locaux loués,
que la société BHM n’a pas subi le moindre préjudice du fait de la procédure d’expulsion, puisque seuls des actes lui ont été signifiés, et qu’elle dispose toujours des locaux et exploite son fonds de commerce.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour
La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Elle rappelle également que les « dire et juger » et les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.
Sur la recevabilité des demandes de la société BHM
En vertu de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
En vertu de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l’acte de saisie, il a compétence pour accorder un délai de grâce.
Le présent litige a trait à la contestation, par la société BHM de mesures d’exécution forcée – expulsion et saisie-vente – d’une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre. Il relève, et à titre exclusif, de la compétence du juge de l’exécution, et, en appel, de la cour statuant avec les mêmes pouvoirs.
La circonstance que, à l’occasion de la contestation de l’exécution forcée d’une décision, un débiteur remette en cause, le cas échéant, le dispositif de cette décision, n’a pas pour effet de rendre ses demandes irrecevables ; il appartient en effet simplement au juge de l’exécution, lorsqu’il tranche les contestations qui lui sont soumises, de le faire dans le respect du principe de l’intangibilité du titre exécutoire, ci-dessus rappelé.
Les demandes de la société BHM ne sont donc pas irrecevables, et le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclarée recevable en son action.
Sur la contestation des mesures d’expulsion
Le juge des référés de Nanterre a retenu qu’à la date du 12 juin 2020, la société BHM était débitrice, à l’égard de ses bailleurs, d’une somme de 1 903,10 euros, correspondant à un arriéré de loyer.
Cette décision, exécutoire de plein droit à titre provisoire, dûment notifiée à la débitrice, à qui elle a été signifiée le 22 juillet 2020 en la personne de son gérant, s’impose au juge de l’exécution tant qu’elle conserve sa force exécutoire, et, en particulier, tant qu’il n’a pas été autrement statué par le juge du fond, que la société BHM justifie avoir saisie par assignation délivrée à ses adversaires le 4 mai 2022.
Les développements de la société BHM concernant les augmentations, qu’elle prétend irrégulières, du montant du loyer ou des provisions pour charges, de même que sur l’imputation tardive, postérieurement à l’ordonnance de référé, d’un règlement effectué le 9 décembre 2019, sont inopérants, en conséquence, devant la cour statuant en appel d’une décision du juge de l’exécution.
Aux termes de la décision du juge des référés, et compte tenu de la date de signification de l’ordonnance, le, 22 juillet 2020, la société BHM, pour faire obstacle à l’acquisition de la clause résolutoire, devait :
payer, avant le 5 août 2020, une somme de 1 000 euros sur la dette locative, et le loyer courant, soit celui du mois d’août 2020,
payer, avant le 5 septembre 2020, le solde de 903,10 euros sur la dette locative, et le loyer courant, soit celui du mois de septembre 2020.
Pour soutenir que les échéances d’arriérés locatifs ont été réglées dans les délais prescrits, et avant que le loyer du mois d’août 2020 ne devienne exigible, de sorte que le défaut de paiement de celui-ci ne peut entraîner la déchéance des délais octroyés, la société BHM se prévaut :
d’un règlement de 1 689,21 euros, intervenu entre le 15 juin 2020, date de l’audience de référés, et le 9 juillet 2020, date de la décision,
d’un règlement de 1 689,21 euros intervenu le 27 juillet 2020,
qui, selon elle, par application de l’article 1340-2 ( en réalité 1342-10 ) du code civil, doivent s’imputer, par priorité, sur la somme qu’elle avait le plus intérêt à acquitter, soit l’arriéré locatif, puis le terme de juillet 2020,
d’un règlement de 1 689,21 euros, intervenu le 9 décembre 2019, qui n’a été régularisé au crédit de son compte que le 22 décembre 2021, et qui doit s’imputer rétroactivement, à tout le moins, sur le solde du terme de juillet 2020.
Il résulte des relevés et extraits de compte produits par les parties, tous concordants sur ce point, et en particulier de l’extrait de compte annexé à la signification de déchéance du terme du 30 novembre 2021, qui émane des intimés, lesquels sont dès lors mal fondés à opposer à l’appelante le fait qu’elle ne prouverait pas les paiements dont elle se prévaut, et dont d’ailleurs ils reconnaissent eux-mêmes la réalité ( cf page 13 de leurs conclusions), que, entre le 12 juin 2020, date de l’arrêté du compte par le juge des référés, et le 5 août 2020, date à partir de laquelle s’appliquait l’ordonnance de référé, et à partir de laquelle le non respect des obligations fixées par cette ordonnance était sanctionnée par la déchéance des délais suspensifs accordés, ont été réglées :
le 23 juin 2020, une somme de 1 689,21 euros,
le 27 juillet 2020, une somme de 1 689,21 euros.
Le règlement de 1 689,21 euros effectué le 23 juin 2020, avant que le loyer du mois de juillet 2020 ne devienne exigible, s’impute nécessairement sur la dette locative de 1 903,10 euros pour laquelle les délais suspensifs ont été accordés, et qui correspond, à la lecture de l’ordonnance de référé et des extraits et relevés de compte produits par les parties, au loyer du mois de juin 2020, appelé pour 1 903,10 euros, et qui seul restait dû à la date de l’audience ( le 15 juin 2020), compte tenu des règlements effectués dans les jours précédents par la société BHM.
A la date de la signification de l’ordonnance, il ne restait donc à apurer, sur la somme de 1 903,10 euros bénéficiant de délais, que la somme de 213,89 euros, laquelle, en application du dispositif de l’ordonnance de référé, devait être payée avant le 5 août 2020.
Le paiement de 1 689,21 euros intervenu le 27 juillet 2020, postérieurement à la signification de l’ordonnance de référé, s’impute, à défaut de preuve par les intimés qu’il avait été affecté au règlement exclusif du loyer du mois de juillet 2020, ou que l’appelante avait intérêt à régler d’abord, dans son intégralité, le loyer du mois de juillet 2020 plutôt que l’arriéré du mois de juin 2020 :
à hauteur de 213,89 euros sur la dette constituée du solde du loyer du mois de juin 2020, qui est la dette la plus ancienne,
à hauteur du solde, sur le loyer du mois de juillet 2020, devenu exigible, et appelé le 1er juillet 2020 pour 1 704,21 euros.
La dette locative de 1 903,10 euros retenue par le juge des référés était donc apurée dans son intégralité le 27 juillet 2020, soit avant le 5 août 2020.
Dès lors, en application du dispositif de l’ordonnance, qui prévoyait qu’après le règlement de la somme de 1 903,10 euros dans les conditions fixées, la clause de résiliation de plein droit serait réputée ne pas avoir joué, le non paiement à son échéance du loyer du mois d’août 2020, pas plus que le non paiement, à son échéance, du loyer du mois de septembre 2020, ne pouvait plus entraîner la déchéance des délais octroyés par le juge des référés.
C’est donc à tort que les bailleurs ont signifié à la société BHM la déchéance du terme, et à tort qu’ils ont entrepris de mettre à exécution la mesure d’expulsion ordonnée par le juge des référés, alors qu’ils ne disposaient pas de titre pour le faire, la clause résolutoire du bail étant réputée ne jamais avoir joué.
En conséquence, la signification de la déchéance du terme, et les actes d’exécution forcée afférents à l’expulsion du locataire sont annulés.
Sur la contestation du commandement aux fins de saisie vente :
Le commandement aux fins de saisie vente du 30 novembre 2021 a été signifié ( après rectification par la cour des mentions erronées y figurant : ‘dommages intérêts’ à déduire pour 16 892,10 euros, alors qu’il s’agit de l’imputation des paiements effectués par la société BHM // ‘clause pénale’ pour 30 546,58 euros alors qu’il s’agit d’indemnités d’occupation) pour les sommes suivantes :
– loyers impayés au 12 juin 2020 1 903,10 euros
– indemnités d’occupation des mois de juillet 2020 à novembre 2021 30 546,58 euros
– article 700 du code de procédure civile 1 500 euros
– intérêts ( sur la somme de 1 500 euros à compter du 9 juillet 2020) 105,55 euros
– frais 453,13 euros
Il a été jugé ci-dessus que la somme de 1 903,10 euros était intégralement réglée le 27 juillet 2020, de sorte que cette somme, qui n’est plus due, ne peut donner lieu à une mesure d’exécution forcée postérieurement à cette date.
La cour ayant également retenu que le bail de la société BHM n’avait pas été résilié, les bailleurs ne disposent d’aucun titre exécutoire permettant le recouvrement forcé de la dette locative, l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 ne permettant l’exécution forcée que pour des indemnités d’occupation, et non pas pour des loyers, fussent-ils impayés. En conséquence, le commandement aux fins de saisie vente n’est pas valable en ce qu’il porte sur une dette d’indemnité d’occupation, quel que soit son montant, et sans qu’il soit besoin d’entrer dans la discussion des parties quant au montant réellement dû au titre de la dette locative, résultant, notamment, de l’imputation – ou de la non imputation – de paiements effectués à partir du mois de septembre 2020 par une société O Coin Chaud distincte de la locataire.
Les bailleurs disposent toutefois d’un titre exécutoire pour procéder au recouvrement :
– de la somme de 1 500 euros allouée par le juge des référés, et des intérêts de cette somme à compter du 9 juillet 2020,
– des dépens de la procédure de référé, que la société BHM a été condamnée à payer,
et la société BHM ne justifie pas qu’elle s’est acquittée du paiement de ces sommes. Elle reconnaît même qu’elle n’a pas réglé l’indemnité de 1 500 euros mentionnée au commandement, puisqu’elle en demande la compensation avec la somme qu’elle réclame au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure.
Le commandement aux fins de saisie vente, bien que fait pour une somme supérieure au montant réel de la dette, restant valable à concurrence de ce montant, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’annulation de cet acte, dont les effets seront simplement cantonnés.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Comme rappelé ci-dessus, le juge de l’exécution est compétent pour connaître des demandes de réparation fondées sur l’exécution dommageable des mesures d’exécution forcée.
Il résulte de ce qui précède que les bailleurs n’étaient pas fondés à engager l’expulsion de la société BHM des lieux loués en exécution de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020, la clause résolutoire du bail étant réputée n’avoir jamais été acquise, et aucun titre ne leur permettant de le faire.
Cependant, si elle affirme qu’il a été porté atteinte à sa jouissance paisible des lieux par la signification des actes tendant à son expulsion, la société BHM n’apporte aucun élément venant objectiver le préjudice qu’elle dit avoir subi du fait notamment de la précarité de sa situation et du risque d’expulsion auquel elle s’est trouvée exposée, et a fortiori à justifier de l’évaluation qu’elle en fait, à hauteur de 10 000 euros.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de délais de paiement
Les seules sommes dont la société BHM est débitrice, au titre de l’ordonnance de référé du 9 juillet 2020 sont d’une part l’indemnité de 1 500 euros allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’autre part les dépens.
Aucun délai de paiement ne se justifie, en l’absence de production, par la société BHM, d’un quelconque élément la concernant dont il résulterait qu’elle n’est actuellement pas en mesure de s’en acquitter.
En conséquence, la demande de délais est rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Parties perdantes, M. [G], Mme [G] et la société Clemium B devront supporter, in solidum, les dépens de première instance et d’appel, tels qu’énumérés par l’article 695 du code de procédure civile, sans qu’il y ait lieu de prononcer à leur encontre une condamnation à prendre en charge le coût des actes d’exécution annulés, dont la société BHM ne justifie pas qu’ils auraient été imputés à sa charge, et dont le sort est réglé par le code des procédures civiles d’exécution.
La condamnation de la société BHM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile prononcée par le juge de l’exécution est infirmée, et l’équité commande de condamner M. [G], Mme [G] et la société Clemium B, in solidum, à lui régler une somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamnation prononcée par le juge des référés à l’encontre de la société BHM étant au profit de M. [G] et Mme [G] seuls, tandis que celle prononcée à son bénéfice l’est à l’encontre de M. [G], Mme [G] et la société Clemium B in solidum, il n’y pas lieu d’ordonner la compensation entre ces obligations, qui ne concernent pas les mêmes personnes.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 24 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a :
déclaré la société BHM recevable en son action,
débouté la société Clemium B, M. [G] et Mme [G] de leur fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la société BHM,
débouté la société BHM de sa demande d’annulation du commandement aux fins de saisie-vente du 30 novembre 2021,
débouté la société BHM de sa demande de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des mesures d’exécution forcée et de l’expulsion,
débouté la société BHM de sa demande de délais de paiement ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit nuls et de nul effet les actes suivants : la signification de la déchéance du terme du 30 novembre 2021, le commandement de quitter les lieux du 30 novembre 2021, la signification du procès-verbal préalable à la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021, la réquisition du concours de la force publique en date du 16 décembre 2021 ;
Dit que le commandement aux fins de saisie vente du 30 novembre 2021 est valable dans la limite des sommes suivantes :
– principal 1 500 euros
– intérêts 105,55 euros
– frais 453,13 euros
Condamne M. [G], Mme [G] et la société Clemium B, in solidum, à régler à la société BHM une somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société BHM de sa demande de compensation entre cette somme de 5 000 euros et la somme de 1 500 euros qu’elle a été condamnée à régler à M. [G] et Mme [G] par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre du 9 juillet 2020 ;
Condamne M. [G], Mme [G] et la société Clemium B, in solidum, aux dépens, et autorise Maître [N] à recouvrer ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision préalable dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,