AFFAIRE : N° RG 21/02317 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GZ6Q
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de [Localité 3]-EN-COTENTIN
en date du 30 Juin 2021 – RG n° 11-18-488
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 MARS 2023
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON
N° SIRET : 314 636 077
[Adresse 5]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Diane BESSON, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [J] [E]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 3] (50)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et assisté de Me Christophe LOISON, avocat au barreau de [Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022021009366 du 06/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)
DEBATS : A l’audience publique du 16 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Madame COURTADE, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 23 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte sous seing privé en date du 18 avril 2014, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON (ci-après désignée le CREDIT MUTUEL) a consenti à M. [J] [E] un crédit renouvelable d’un montant maximal de 20 000€ au taux d’intérêt contractuel variable selon les déblocages et utilisations.
Des échéances sont demeurées impayées conduisant la banque à prononcer la déchéance du terme du prêt et du solde débiteur du compte courant le 19 avril 2018, après une mise en demeure restée infructueuse.
Par jugement du 30 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de [Localité 3]-en-Cotentin, saisi par le CREDIT MUTUEL, a :
– Déclaré la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON irrecevable en son action ;
– En conséquence, débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON de sa demande de condamnation de Monsieur [J] [E] à lui payer la somme de 15.898,84 € avec intérêts au taux contractuel de 4,70 % l’an.
– Débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON de sa demande de condamnation de Monsieur [J] [E] à lui payer la somme de 131,52 € au titre des dépenses et frais engagés dans le cadre de la procédure en injonction de payer.
– Débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON de sa demande de condamnation de Monsieur [J] [E] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 1.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLÉON aux entiers dépens de l’instance.
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 2 août 2021, le CREDIT MUTUEL a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 octobre 2022, le CREDIT MUTUEL demande de :
– Infirmer le jugement dont appel.
Statuant à nouveau,
– le Déclarer recevable en son action et bien fondé en ses demandes.
En conséquence,
– Condamner Monsieur [J] [E] à lui payer au tire du crédit renouvelable du 18 avril 2014 et de l’utilisation du déblocage n°44480412 du 11 novembre 2016, la somme de 15.898,84 € portant intérêts de retard au taux de 4,70 % l’an à compter du 19 avril 2018 jusqu’à complet paiement.
– Condamner Monsieur [J] [E] à lui payer la somme de 131,52 € au titre des frais engagés dans le cadre de la procédure en injonction de payer.
– Condamner Monsieur [J] [E] à lui payer la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la présente procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées M. [E] demande de:
– Débouter le CREDIT MUTUEL [Localité 3] NAPOLEON de l’ensemble de ses demandes,
En conséquence
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire
– Dire et juger que l’indemnité forfaitaire de 8 % constitue une clause pénale et la réduire à un euro,
– Dire et juger que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] NAPOLEON sera déchue du droit aux intérêts,
– Autoriser à Monsieur [J] [E], à se libérer de sa dette auprès de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] NAPOLEON à hauteur de 150,00 € par mois, s’imputant en priorité sur le capital,
En tout état de cause,
– Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] NAPOLEON à une indemnité de 2 500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et les dépens de la présente instance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
1. Sur la forclusion
Aux termes de l’article L 311-52 ancien du code de la consommation (devenu R 312-35), dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat du 18 avril 2014, les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
– ou le premier incident de paiement non régularisé ;
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;
– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.
Le premier juge a prononcé l’irrecevabilité de la demande en paiement du CREDIT MUTUEL au motif que la banque n’a pas déféré à sa demande de communication de l’historique de compte complet depuis l’origine du crédit en date du 18 avril 2014, rendant ainsi impossible la vérification de la date du premier impayé non régularisé et donc la recevabilité de son action.
Il ressort des pièces produites que M. [E] a procédé aux opérations suivantes:
– 6 mai 2014 : déblocage de la somme de 14 500€ qu’il a totalement soldée le 30 mai 2015 par un paiement de 11 984,77€ (pièces 32 et 33 de l’appelante)
– 19 novembre 2016: déblocage de la somme de 16 500€
L’historique du compte depuis le second déblocage (pièce n°13 de l’appelante) montre que le premier impayé non régularisé se situe au 10 septembre 2017.
L’action engagée par assignation du 23 avril 2018 n’est donc pas forclose.
Il convient de la déclarer recevable et d’infirmer le jugement sur ce point.
2. Sur la déchéance du droit aux intérêts
Il résulte de l’article L 311-6 ancien du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, une fiche d’information sur support papier ou tout autre support durable doit être fournie à l’emprunteur. Elle comporte les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de ses engagements. La liste et le contenu de ces informations est prévue à l’article R. 311-3 ancien. En application de l’article L. 311-48 ancien, ces dispositions sont sanctionnées par la déchéance du prêteur du droit aux intérêts.
M. [E] fait justement remarquer que la fiche d’information précontractuelle européenne normalisée (FIPEN) n’est ni signée, ni datée ni paraphée par lui.
Il incombe au CREDIT MUTUEL de rapporter la preuve de la fourniture de cette fiche à l’emprunteur préalablement à la conclusion du contrat.
La banque fait valoir que M. [E] a daté et signé l’offre préalable sous la mention : ‘Je (nous) reconnaît(ssons) avoir reçu et pris connaissance des informations précontractuelles et bénéficié des explications sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé qui m’ont (nous ont) permis de déterminer son adéquation à mes (nos) besoins et à ma (notre) situation financière’.
Elle soutient qu’en apposant sa signature sous cette mention, l’intimé a reconnu expressément avoir eu connaissance des informations précontractuelles qui lui ont été communiquées.
Cependant, cette clause, en l’absence d’élément complémentaire, ne prouve ni le contenu des informations données à M. [E] ni la communication de la FIPEN.
Par suite, il convient de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués.
En vertu de l’article L 311-48 ancien susvisé, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Au vu de ces éléments, il convient de condamner M. [E] à payer au CREDIT MUTUEL la somme de 13 449,27€ se décomposant comme suit:16 500€ (montant débloqué) – 3050,73€ (total payé – pièce n° 13 de l’appelante)
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2018.
Aucune autre somme ne peut être exigée de sorte que la demande au titre de l’indemnité conventionnelle de 8% est rejetée.
4. Sur les délais de paiement
Le débiteur, qui a déjà de fait bénéficié des plus larges délais de paiement depuis avril 2018 sans avoir effectué le moindre versement, est débouté de sa demande de délai sur deux ans.
5. Sur les demandes accessoires
M. [E] succombant, est condamné aux dépens de première instance et d’appel, à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.
Il appartient à l’appelante de supporter les frais de sa requête en injonction de payer qui a été rejetée. Elle est donc déboutée de sa demande en paiement de 131,52€.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON recevable en son action ;
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts ;
CONDAMNE M. [J] [E] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON la somme de 13 449,27€ avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2018, au titre du crédit renouvelable du 18 avril 2014 ;
DEBOUTE M. [J] [E] de sa demande de délais de paiement ;
CONDAMNE M. [J] [E] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [J] [E] de sa demande formée à ce titre;
CONDAMNE M. [J] [E] aux dépens de première instance et d’appel;
DEBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3] NAPOLEON de sa demande en paiement au titre des frais engagés dans le cadre de la procédure d’injonction de payer.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY