Clause pénale : 23 mars 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00303

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Clause pénale : 23 mars 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00303

SM/OC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– la SELARL AVELIA AVOCATS

– la SELARL ALEXIA AUGEREAU AVOCAT

LE : 23 MARS 2023

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 MARS 2023

N° – Pages

N° RG 22/00303 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DN7R

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 01 Février 2022

PARTIES EN CAUSE :

I – M. [W] [M]

né le 06 Octobre 1953 à [Localité 9]

[Adresse 10]

– Mme [J] [U] épouse [M]

née le 06 Avril 1956 à [Localité 4]

[Adresse 10]

– M. [F] [K]

né le 12 Mars 1957 à [Localité 9]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

APPELANTS suivant déclaration du 10/03/2022

II – M. [N] [K]

né le 06 Juillet 1990 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SELARL ALEXIA AUGEREAU AVOCAT, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

23 MARS 2023

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Président de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

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ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 14 avril 2004, Mmes [D] et [R] [K] ont donné à bail rural à long terme à M et Mme [M], pour une durée de 18 ans et 5 mois à compter du 1er avril 2004, des parcelles de terre sises à [Localité 4], cadastrées :

– lieudit [Localité 7], section [Cadastre 3] et [Cadastre 13] et [Cadastre 11] pour une superficie de 90ha 4a 4ca,

– lieudit [Localité 6], section [Cadastre 12] pour une superficie de 2ha 44a 11ca.

Mme [D] [K] est décédée le 18 mai 2013 et Mme [R] [K], sa soeur a hérité des parcelles précitées.

Par acte notarié du 15 avril 2015 reçu par Maître [X], notaire à [Localité 9], Mme [R] [K] a vendu à M et Mme [M] 7/12 des parcelles sises au lieudit [Localité 7] et la moitié de la parcelle située au lieudit [Localité 6] dont le bail a été résilié, au prix de 290.566,85 € avec intérêts au taux de 1,5 % l’an, payable en 20 annuités de 16.924 € à compter du 15 avril 2016.

Par acte du même jour, elle a conclu avec les époux [M] une promesse synallagmatique de vente portant sur le surplus des parcelles pour un prix de 209.433 € au taux de 1,5 % l’an, payable en 20 annuités de 16.924 € à compter du 15 avril 2019.

Il était stipulé que la promesse expirait au 31 juillet 2018 à 16h et que si à cette date, les documents nécessaires à la régularisation de l’acte n’étaient pas parvenus au notaire, le délai de réalisation serait automatiquement proprogé de 8 jours à compter de la réception de la dernière pièce par le notaire, sans que cette prorogation ne puisse excéder 30 jours.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 septembre 2018, les époux [M] ont mis en demeure Mme [R] [K] de signer l’acte authentique de vente. Cette dernière, sommée de comparaître en l’étude du notaire le 26 février 2019 n’a pas comparu et il a été dressé procès-verbal de carence.

Par jugement du 11 mars 2019, Mme [K] a été placée sous tutelle. Elle est décédée le 17 août 2019, laissant pour lui succéder [F] [K], son neveu et [N] [K] venant par représentation de son père, autre neveu. Mmes [V] et [Y] [K] (instituées légataires universelles par testament du 5 août 2016) ont renoncé à la succession.

Par actes des 17 et 19 août 2020, M. [N] [K], au visa des articles 414-1, 464 et 1674 du code civil, a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Châteauroux M. [F] [K] et M et Mme [M] aux fins de voir prononcer la nullité de la vente et de la promesse de vente et subsidiairement, en rescision pour lésion desdits actes.

Par jugement du 1er février 2022, le tribunal judiciaire de Châteauroux a :

– Débouté M. [N] [K] de ses demandes en nullité ;

– Dit que la promesse synallagmatique de vente conclue le 15 avril 2015 est caduque depuis le 30 août 2018 à 16h ;

– Débouté M et Mme [M] de leurs demandes au titre de ladite promesse ;

– Rejeté la fin de non recevoir soulevée par M et Mme [M] au titre de l’article 789 du code de procédure civile ;

– Débouté M. [N] [K] de sa demande d’expertise fondée sur le caractère lésionnaire de la vente ;

– Condamné M. [N] [K] aux dépens ;

– Rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration d’appel du 10 mars 2022, M et Mme [M] et M. [F] [K] ont interjeté appel de cette décision des chefs suivants :

– Dit que la promesse synallagmatique de vente est caduque depuis le 30 août 2018 à 16h ;

– Déboute M et Mme [M] et M. [K] de leurs demandes au titre de ladite promesse ;

– Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d’appel du 14 avril 2022, M. [N] [K] a formé également appel du jugement en ce qu’il l’a :

– Débouté de ses demandes en nullité

– Débouté de sa demande d’expertise fondée sur le caractère lésionnaire de la vente ;

– Condamné aux dépens ;

– Rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La jonction des procédures a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 juillet 2022.

Dans leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 29 août 2022 à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M et Mme [M] et M. [F] [K] demandent à la cour de :

– Réformer le jugement en ses chefs critiqués dans la déclaration d’appel,

Statuant à nouveau,

-Juger qu’à la date du 30 août 2018, le notaire rédacteur de l’acte authentique avait à sa disposition l’ensemble des pièces nécessaires et que les conditions suspensives étaient levées,

– Dire que la promesse n’ était pas frappée de caducité et qu’elle ne l’est toujours pas, celle-ci valant vente entre les parties pour les parcelles désignées expressément aux conclusions,

– Dire que le montant du prix de vente sera conforme à la promesse de vente, soit la somme de 209.433,15 €, payable à terme suivant les conditions prévues,

– Dire et juger la vente parfaite entre les époux [M] et MM. [F] et [N] [K] en leur qualité d’héritiers de Mme [R] [K],

– Dire que la constatation de la vente entraînera automatiquement la résiliation amiable anticipée du bail à long terme, avec toutes conséquences de droit,

– Juger que M. [F] [K] acquiesce à cette vente,

– Débouter M. [N] [K] de ses demandes plus amples et contraires et le condamner au paiement d’une somme de 4 500 € au profit de chacun des appelants au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 13 juillet 2022 à la lecture desquelles il est également renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [N] [K] demande à la cour de :

Vu les articles 414-1 et suivants, 464,1674 du Code civil,

INFIRMER le jugement entrepris sur les chefs indiqués indiqués dans la déclaration d’appel,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que la promesse synallagmatique de vente conclue le 15 avril 2015 entre Mme [R] [K] d’une part, M [W] [M] et Mme [J] [U] d’autre part, est caduque depuis le 30 août 2018 à 16 heures ;

– débouté M [W] [M], Mme [J] [U] et M [F] [K] de leurs demandes au titre de ladite promesse ;

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M et Mme [M] et M [F] [K] ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal, CONCERNANT LA VENTE ET LA PROMESSE DE VENTE EN DATE DU 15 AVRIL 2015,

– JUGER que Mme [R] [K] était atteinte d’un trouble mental au moment où les actes de vente et la promesse de vente en date du 15 avril 2015 ont été conclues avec les époux [M],

-ANNULER la vente,

-ORDONNER en conséquence la restitution des annuités et des immeubles objets de la vente,

-ANNULER la promesse de vente signée entre Mme [R] [K] et les époux [M] le 15 avril 2015,

Subsidiairement, si la Cour devait considérer que la preuve de l’altération des facultés mentales de Madame [R] [K] n’est pas rapportée,

ORDONNER avant-dire droit une expertise sur pièces et voir désigner tel Expert qu’il plaira désigner à la Cour avec mission de, conformément aux dispositions de l’article 1219 du Code de procédure civile, répondre aux questions suivantes :

– Se faire communiquer l’intégralité du dossier médical de Mme [R] [K] ;

– Convoquer et entendre les parties assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

– Décrire avec précision l’altération des facultés de la majeure à protéger ou protégée, en particulier depuis 2012 ;

– Donner au juge tout élément d’information sur l’évolution de cette altération, en se replaçant à cette date ;

– Préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation de Mme [R] [K] dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu’à caractère personnel ;

– Dire si cette assistance ou cette représentation s’imposait de manière continue ou non ;

– Dire si cette assistance ou cette représentation s’imposait pour tous les actes ou seulement pour les actes de disposition ou les actes d’administration ;

– Dire si Mme [R] [K] s’est trouvée hors d’état de manifester sa volonté en référence aux dispositions de l’article 219 du Code civil, et si oui depuis quand ou à quelle période ;

– Dire si Mme [R] [K] était en mesure de gérer seule ses affaires ;

– Donner tous éléments permettant de dire si l’altération des facultés dont souffrait Mme [R] [K] était de nature à affecter son discernement ;

– Rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;

– Mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexés au rapport ;

A titre subsidiaire, SUR LA VENTE :

– JUGER que la vente réalisée le 15 avril 2015 entre Mme [R] [K] et les époux [M] doit être rescindée pour lésion.

-ORDONNER en conséquence la restitution des annuités et des immeubles objets de la vente.

-ORDONNER, en tant que de besoin, avant-dire droit, une expertise confiée à tel Expert qu’il plaira désigner au Tribunal, afin d’évaluer la valeur de biens immobiliers sus-désignés, ayant fait l’objet de la vente, et dépendant de la succession de Mme [R] [K] , avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :

– Se faire remettre par les parties tous documents et pièces utiles et notamment les titres de propriété, ainsi que les baux et conventions en vigueur sur les biens immobiliers ;

– Convoquer les parties et se rendre sur les lieux, parcelles de terre et lande sises à [Localité 4], lieudits [Localité 7] et [Localité 6], pour évaluer les biens ;

– Déterminer l’état des immeubles et meubles dépendant de la succession sise sur les parcelles précitées ;

– Evaluer tout frais susceptibles de s’avérer nécessaires à la conservation des biens ou à leur bonne administration (par exemple les frais de raccordement à l’eau potable de chaque immeuble) ;

– Chiffrer la valeur des immeubles à la date de la vente et de la promesse de vente ;

– Décrire pour ce faire l’étendue de chaque parcelle, en préciser la nature et l’usage actuel ;

– Dire si certaines parcelles ou immeubles sont qualifiées de site protégé ou monument classé ou si elles ont fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ou encore font partie d’un périmètre protégé par la dénomination Bâtiments de France ;

– Dire si les parcelles sont ou non constructibles ;

– Dire si les immeubles sont aujourd’hui occupés ou exploités et préciser le type de convention applicable ;

– Distinguer s’il y a lieu entre la valeur des biens loués ou libres de tout occupation ;

– Donner les éléments permettant d’évaluer le rapport de chaque bien ;

– Evaluer les indemnités susceptibles d’être dus aux exploitants ou occupants actuels ;

– Se faire remettre tous les documents concernant le bail longue durée encore en cours sur ladite parcelle et faire état de toutes conséquences liées à l’existence de ce bail sur la valeur du marché ;

– S’adjoindre tout sapiteur de son choix dans telle spécialité qu’il estimera utile.

A titre subsidiaire, CONCERNANT LA PROMESSE DE VENTE EN DATE DU 15 AVRIL 2015, si la Cour devait considérer qu’elle a été valablement conclue,

CONSTATER la caducité de la promesse de vente signée entre Mme [R] [K] et les époux [M] le 15 avril 2015,

DEBOUTER en conséquence les défendeurs de leurs demandes tendant à voir dire et juger que la promesse de vente vaut vente,

Très Subsidiairement, CONCERNANT LA PROMESSE DE VENTE EN DATE DU 15 AVRIL 2015, si le Tribunal devait considérer que la promesse de vente vaut vente,

JUGER que doit être rescindée pour lésion, la vente en date du 15 avril 2015 intervenue entre Mme [R] [K] et les époux [M]

ORDONNER, en tant que de besoin, avant-dire droit, une expertise, avec la même mission que ce-dessus énoncée,

A titre infiniment subsidiaire, Si la Cour devait considérer la vente comme valablement formée et la promesse de vente comme valant vente,

SE DECLARER incompétent pour statuer sur la résiliation du bail rural,

En tout état de cause,

CONDAMNER M et Mme [M] à verser la somme de 4.000 € à M [N] [K] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Alexia AUGEREAU Avocat.

L’ordonnance de clôtue a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la demande en nullité de la vente et de la promesse de vente du 15 avril 2015

Aux termes de l’article 414-1 du code civil, ‘Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte’.

Par application de l’article 414-2 du code civil, les héritiers sont recevables à agir en nullité dans des cas définis par ce texte dont l’introduction d’une mesure de curatelle ou de tutelle. Tel est le cas en l’espèce, Mme [K] veuve [Z] ayant fait l’objet d’une mesure de tutelle prononcée par jugement du 11 mars 2019.

Enfin, en vertu de l’article 464 du code civil, ‘les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l’altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés.’

Au cas d’espèce, les actes litigieux ont été passés le 15 avril 2015, 4 ans, soit plus de deux ans, avant la mise sous protection de Mme [R] [K] veuve [Z].

Il appartient donc à M. [N] [K] de rapporter la preuve d’un trouble mental au moment des actes en date du 15 avril 2015.

Le certificat médical du médecin traitant en date du 20 mars 2012 selon lequel ‘l’état de santé de Mme [K] nécessite la présence d’une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie courante’ ne caractérise pas l’existence d’un trouble mental ainsi que l’a justement dit le premier juge, et se trouve contredit par l’expertise aux fins d’ouverture de la mesure de protection, effectuée le 18 octobre 2018, soit plus de 3 ans après les actes contestés, aux termes de laquelle Mme [K] présentait ‘des signes d’involution cognitive’. Elle était bien orientée dans le temps et dans l’espace. Elle méconnaissait toutefois le contexte économique général, ne lui permettant plus de connaître le montant exact de sa retraite et le prix de l’hectare. L’expertise concluait ainsi seulement à une mesure de curatelle renforcée. Il convient donc de souligner qu’à la date de cette expertise, l’état de santé de Mme [K], alors âgée de 92 ans, ne requérait pas, selon le médecin expert inscrit sur la liste du Procureur de la République, une mesure de tutelle.

La cour ajoute qu’il ressort de l’acte de notoriété du 22 mai 2020, établi après le décès de Mme [R] [K] que le notaire a donné connaissance des dispositions testamentaires de cette dernière, résultant d’un testament olographe en date du 5 août 2016, instituant légataires universelles ses deux nièces, nommément désignées avec leur date de naissance, et à défaut leurs enfants, à défaut la survivante de ses nièces, à charge pour elles de délivrer des legs particuliers, précisément détaillés.

Il s’en déduit par conséquent que Mme [R] [K], qui disposait de toutes ses facultés mentales lors de l’établissement de son testament le 5 août 2016, n’était pas davantage affectée d’un trouble mental lors de la conclusion des actes en date du 15 avril 2015, soit plus d’un an auparavant.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] [K] de sa demande en nullité de la vente consentie par Mme [K] à M et Mme [M] le 15 avril 2015, la demande d’expertise médicale sur pièces étant sans utilité au regard des motifs qui précèdent.

Sur la demande tendant à voir constater la caducité de la promesse de vente

La promesse de vente du 15 avril 2015 contient les stipulations suivantes :

‘ – Délai

La promesse est consentie pour un délai expirant le 31 juillet 2018 à 16h.

Toutefois, si, à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l’acte n’étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables, sans que cette prorogation puisse excéder 30 jours.’

– Exécution :

En cas de réalisation des conditions suspensives entraînant la perfection du contrat de vente au sens de l’article 1589 du code civil, les parties s’obligent à constater par acte authentique la réalisation définitive de la vente.

[…]

L’acte sera reçu par Maître [X], notaire soussigné.

Le délai ci-dessus indiqué est constitutif du point de départ de la période à partir de laquelle l’une des parties pourra obliger l’autre à s’exécuter. Par suite, alors que la ou les conditions suspensives seraient réalisées et les documents nécessaires à la perfection de l’acte obtenus, et que l’acte authentique de vente ne soit pas signé dans le délai convenu, la partie la plus diligente procèdera par acte d’huissier au domicile élu au présent à une mise en demeure de signer l’acte authentique en l’office notarial du notaire susnommé.’

Il était prévu la possibilité pour ‘l’auteur de la convocation’ en l’office notarial, en cas de procès-verbal de carence, de ‘ soit poursuivre judiciairement la réalisation de la vente, soit reprendre purement et simplement sa liberté’;

Une clause pénale était également prévue en cas de défaut de l’un ou l’autre du promettant ou du bénéficiaire.

La promesse de vente stipulait en outre en page 12 que ‘ Dans le cadre de cette succession (NDR celle de sa soeur), Mme [Z] déclare avoir pris l’engagement de conserver la propriété des droits indivis recueillis dans la succession de sa soeur pendant une durée de 5 ans à compter du décès, afin de bénéficier d’une exonération partielle des droits de succession.

Il est ici précisé que cette condition de conservation pendant une durée de 5 ans sera remplie au moment de la vente définitive, qui ne devra être régularisée qu’à compter du 18 mai 2018 seulement afin de respecter ce délai.’ ( caractères gras et soulignés dans l’acte).

M et Mme [M] considèrent que le premier juge a retenu une motivation erronée en ce qu’il a dit qu’à la date du 30 août 2018, il n’était pas démontré que le notaire disposait de l’ensemble des pièces nécessaires à la rédaction de l’acte, alors que ce point n’était pas dans les débats. Ils soutiennent que le notaire disposait bien de tous les documents nécessaires au 30 août 2018 et que les quatre conditions suspensives étaient levées au 30 août 2018, étant précisé que le projet d’acte n’était pas soumis à préemption de la SAFER.

Ils ajoutent que le raisonnement de M. [N] [K] selon lequel le fait qu’ils n’aient pas pris l’initiative d’agir en justice impliquerait qu’ils n’entendaient pas obtenir la réalisation de la vente est vain en ce qu’il ne repose sur aucun argument de droit.

Il est constant que le 18 septembre 2018, M et Mme [M] ont adressé à Mme [K] veuve [Z] une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception rédigée par leur conseil, soit quelques jours après l’expiration du délai de la promesse, mentionnant que le notaire leur avait indiqué qu’elle refusait de régulariser l’acte authentique ( ce qui contredit l’argument de M. [N] [K] selon lequel Mme [K] n’aurait reçu aucune information du notaire concernant la levée ou non des conditions suspensives) et la mettant en demeure de préciser ses intentions dans le mois et qu’à défaut, ils agiraient en justice aux fins que soit judiciairement constatée la vente. Contrairement aux allégations de M. [N] [K] sur le désintérêt des époux [M] à donner suite à la promesse, ce courrier démontre leur pleine volonté de voir régulariser l’acte de vente.

C’est ensuite par erreur que le courrier adressé en réponse par le conseil de Mme [K], opposait l’expiration du délai pour régulariser la vente, alors qu’au contraire, il ressort des dispositions sus-énoncées que le délai d’expiration de la promesse constituait également le point de départ de la période pendant laquelle une partie pourrait obliger l’autre à s’exécuter.

C’est ainsi que le 24 janvier 2019, les époux [M] ont pu faire délivrer à Mme [K] une sommation d’avoir à comparaître devant le notaire aux fins de régularisation de la vente. Il est précisé à cet égard à M. [N] [K] qui souligne que ladite sommation n’a pas été produite et qu’au surplus, elle aurait dû être délivrée au tuteur de Mme [R] [K] veuve [Z], que la sommation par acte d’huissier figure en annexe du procès-verbal de carence du 29 février 2019 et qu’à la date du 24 janvier 2019, Mme [R] [K] veuve [Z] n’était pas placée sous tutelle de sorte que la sommation est régulière.

En jugeant que la preuve n’était pas rapportée que le notaire fût en possession de l’ensemble des documents nécessaires à la vente au 30 août 2019, le tribunal a inversé la charge de la preuve en imposant au bénéficiaire de la promesse d’établir que le notaire disposait de tous les documents nécessaires à la date d’expiration de la promesse, avant de délivrer une sommation par huissier, condition non prévue à la promesse, laquelle a entendu faciliter la réalisation de la vente en prévoyant le point de départ d’un nouveau délai de réitération de la vente, par sommation, et ce, sans délai maximum.

Les époux [M] se sont attachés en cause d’appel à établir que le notaire avait fait toutes les demandes d’actes et de documents utiles dès le mois de mars 2018 et que l’acte était prêt à être régularisé à la date d’expiration de la promesse, ce qui est corroboré par l’envoi de la mise en demeure le 18 septembre 2018. Les époux [M] ajoutent sans être contredits que les conditions suspensives étaient levées, la première relative au droit de préemption éventuel puisque la vente n’était pas soumise au droit de préemption de la SAFER . Quant aux trois autres, seuls les bénéficiaires de la promesse pouvaient s’en prévaloir, ce qui n’a pas été le cas.

Dès lors, les conditions nécessaires à la réalisation de l’acte de vente étaient réunies à la date du 30 juillet 2018, ce que ne conteste pas utilement M. [N] [K].

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement et de dire que la promesse de vente vaut vente aux conditions prévues à l’acte.

Ainsi que le stipule la promesse de vente ( page 6), la vente entraîne de plein droit la résiliation amiable du bail rural dans la mesure où les preneurs deviennent propriétaires des parcelles qu’ils louaient, sans qu’il soit nécessaire de renvoyer les parties devant la juridiction paritaire des baux ruraux ainsi que le soulève M. [N] [K].

Sur la demande subsidiaire en rescision pour lésion

Aux termes de l’article 1674 du code civil, si le vendeur a été lésé de plus des 7 /12èmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente […]

Il appartient à celui qui entend se prévaloir de la lésion d’apporter des éléments chiffrés suffisants, soit à établir cette lésion sans expertise, soit afin d’appuyer une demande d’expertise.

Le prix de vente total pour l’ensemble des parcelles était de 500.000 €, soit 5.400 € l’hectare, tenant compte d’un abattement en raison de l’existence d’un bail rural.

Le premier juge a relevé que M. [N] [K] se fondait sur le prix de l’hectare en 2018 et non en 2015 et a dit exactement qu’en outre, même en se basant sur un prix de 12 820 € l’hectare, le prix de vente (5 400 €) n’était pas inférieur aux 5/12ème de cette valeur. Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en rescision pour lésion. Aucun élément ne permet au surplus d’ordonner une expertise, laquelle n’a pas pour objet de palier la carence d’une partie à apporter la preuve qui lui incombe.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [N] [K], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et versera à M et Mme [M] une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions du jugement sont confirmées sur les dépens.

Il sera en outre alloué une somme de 1 500 € à M et Mme [M] au titre des frais irrépétibles qu’ils ont exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu’il a déclaré caduque la promesse de vente consentie par Mme [R] [K] veuve [Z] à M et Mme [M] le 15 avril 2015 et en ce qu’il a rejeté la demande de M et Mme [M] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

DIT que la promesse de vente du 15 avril 2015 vaut vente entre les héritiers de Mme [R] [K] veuve [Z] et M et Mme [M] au prix convenu à la promesse, soit la somme de 209 433,15 €, payable selon les modalités prévues par celle-ci, et portant sur les biens immobiliers suivants :

– commune de [Localité 4], lieu-dit « [Localité 7] », diverses parcelles de terre et

landes, cadastrées :

-section [Cadastre 3], lieu-dit « [Localité 7] », pour une superficie de 21ha 85a 30ca ;

-section [Cadastre 11], lieu-dit « [Localité 8] », pour une contenance de 26ha 81a 80ca ;

– section [Cadastre 13], lieu-dit « [Localité 7] », pour une superficie de 41ha 36a 94ca,

Soit une surface totale de 90ha 4a 4ca, et ce à concurrence des 5/12 ème indivis ;

– commune de [Localité 4], lieu-dit « [Localité 6] », une parcelle de terre cadastrée section [Cadastre 12], pour une superficie de 2ha 44a 11ca.

Et ce à concurrence de la moitié indivise dudit bien ;

CONSTATE que la vente emporte de plein droit résiliation du bail rural ayant lié les parties;

CONDAMNE M. [N] [K] à verser à M et Mme [M] une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [N] [K] à verser à M et Mme [M] une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE M. [N] [K] aux dépens d’appel.

L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S. MAGIS O. CLEMENT

 


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