AFFAIRE : N° RG 22/01711 – N° Portalis DBVC-V-B7G-HASE
ARRÊT N°
ORIGINE : Décision du Président du TJ de 22/00166 du 09 Juin 2022
RG n°
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 23 MAI 2023
APPELANTE :
La S.A.S. FRANCELOT
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 319 086 963
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG, et assistée de Me Thomas FERRANT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Madame [U] [O]
née le 30 Août 1968 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée et assistée de Me Jean-jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN
DÉBATS : A l’audience publique du 16 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 23 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte au rapport de Maître [V], notaire, en date du 4 septembre 2019, Madame [U] [O] a fait l’acquisition auprès de la société Francelot d’un logement situé à [Localité 5] (14), [Adresse 8], lot A02 au sein d’un groupe d’habitations formant le lot N°33 de la deuxième tranche du lotissement ‘[Adresse 7]’, dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement.
L’acte de vente prévoyait une livraison dans le délai de treize mois à compter de sa signature, ou de quinze mois suivant le démarrage du logement, le terme du délai étant la date au plus tard de l’alternative.
Une clause pénale était prévue en cas de retard de livraison imputable à une cause autre que celle définissant la prorogation de ce délai.
Le démarrage des travaux est intervenu le 11 juin 2019.
Madame [O] n’ayant pu obtenir la livraison de son logement, malgré l’envoi de lettres recommandées, dont la dernière date du 12 janvier 2022, et se trouvant confrontée à des difficultés financières du fait de ce retard, a assigné la société Francelot devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Caen au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile afin d’obtenir sous astreinte l’achèvement des travaux concernant le logement acquis par elle et sa livraison, outre une provision au titre des pénalités de retard.
Par ordonnance du 9 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Caen a :
– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles aviseront,
– condamné la société Francelot à exécuter son obligation attachée aux travaux et à la livraison du bien ayant fait l’objet de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement établi le 4 septembre 2019 sous astreinte de 300 € de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision,
– condamné la société Francelot à payer à Madame [O] une indemnité provisionnelle pour un montant de 21.000,00 € à valoir sur l’indemnité de retard contractuellement prévue avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
– condamné la société Francelot aux dépens,
– débouté la société Francelot de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,
– condamné la société Francelot à payer à Madame [O] la somme de 1.500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’ordonnance rendue est exécutoire par provision.
Par déclaration du 7 juillet 2022, la société Francelot a formé appel de la décision sans préciser qu’elle sollicitait la réformation ou l’infirmation des chefs qu’elle visait.
Par déclaration du 29 juillet 2022, elle a régularisé son appel.
Il y a lieu de joindre la procédure enrôlée sous le N°22-1711 avec celle enrôlée sous le N°22-1917, les conclusions prises par les parties dans les deux procédures étant identiques.
Aux termes de ses écritures en date du 8 septembre 2022, la SAS Francelot conclut au visa des articles 835 et 484 du code de procédure civile à l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à livrer le bien sous astreinte, à payer à Madame [O] une indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour :
Sur la demande de condamnation sous astreinte
– A titre principal, de débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes au motif qu’il existe des contestations sérieuses, et dire n’y avoir lieu à référé,
– A titre subsidiaire, de dire et juger qu’elle justifie d’un report légitime du délai de livraison, et débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes au motif qu’elles ne sont pas justifiées,
– A titre infiniment subsidiaire, réduire le montant de l’astreinte à de plus justes proportions,
Sur la demande de provision
– A titre principal, de débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes au motif qu’il existe des contestations sérieuses, et dire n’y avoir lieu à référé,
– A titre subsidiaire, de débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes au motif qu’elles ne sont pas justifiées,
En tout état de cause,
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires,
– condamner Madame [O] au paiement d’une somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, Madame [O], qui indique que la livraison du biens avec réserves, a eu lieu le 5 août 2022, conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise et vu l’évolution du litige en cause d’appel, demande à la cour de condamner la société Francelot
– au paiement d’une provision de 42.797,58 €,
– à lever les réserves dénoncées lors de la livraison, à savoir :
* remplacer une vitre rayée
* remplacer les végétaux extérieurs morts au nombre de 15 arbustes,
* reboucher l’ouverture de 15cmX15cm faite sur le plafond du garage,
* régler les verrous des portes intérieures (toilettes du bas et chambres à (l’étage),
sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– à communiquer le diagnostic de performance énergétique et le constat d’huissier établi lors de la remise des clefs sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– au paiement d’une somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens des deux appels.
En conséquence,
– condamner la société Francelot à exécuter son obligation attachée aux travaux et à la livraison du bien ayant fait l’objet de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement établi le 4 septembre 2019 sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance de référé,
– condamner la société Francelot au paiement d’une provision de 42.797,59 €,
– condamner la société Francelot à lever les réserves dénoncées lors de la livraison, à savoir :
* remplacer une vitre rayée
* remplacer les végétaux extérieurs morts au nombre de 15 arbustes,
* reboucher l’ouverture de 15cmX15cm faite sur le plafond du garage,
* régler les verrous des portes intérieures (toilettes du bas et chambres à (l’étage),
sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société Francelot à communiquer le diagnostic de performance énergétique et le constat d’huissier établi lors de la remise des clefs sous astreinte de 300 €,
– condamner la société Francelot au paiement d’une somme de 6.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et des deux appels.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction des procédures
Comme il a été dit ci-dessus les procédures enrôlées sous les numéros RG 22-1711 et 22-1917 étant identiques, la seconde régularisant la première, il convient des les joindre sous le N°22-1711.
Sur la demande de livraison sous astreinte
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ordonner l’exécution d’une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’acte de vente en l’état futur d’achèvement du 4 septembre 2019 liant les parties prévoyait de façon tout à fait claire, ne nécessitant donc pas d’interprétation du contrat, que le bien objet de la vente devait être livré dans le délai de treize mois à compter de sa signature, ou de quinze mois suivant le démarrage du logement, le terme du délai étant la date au plus tard de l’alternative.
Il aurait donc dû être livré en octobre 2020.
S’il n’est pas contesté que la crise sanitaire et le confinement généralisé du printemps 2020, constituent un cas de force majeure ayant nécessairement repoussé la date de la livraison, force est de constater comme l’a fait le juge des référés, qu’à la date de la mise en demeure adressée le 13 janvier 2022 par Madame [O], tout comme à celle de l’audience de référé qui s’est tenue le 5 mai 2022, le bien n’était toujours pas livré.
Il ne le sera finalement que le 5 août 2022.
Madame [O] démontre donc bien l’existence d’un retard de livraison sans que la société Francelot qui ne produit aucun justificatif des causes de suspension légitimes qu’elle invoque sans d’ailleurs les préciser, n’établisse le caractère sérieusement contestable de l’obligation dont l’intimée réclamait l’exécution.
C’est donc à juste titre que le juge des référés qui en l’espèce, n’a pas procédé à l’interprétation de clauses parfaitement claires, a fait droit à la demande d’exécution par la société Francelot de son obligation d’achèvement des travaux et de livraison , sous astreinte de 300 € par jour de retard, astreinte dont il n’y a pas lieu de réduire le montant.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point.
Sur la demande de provision
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Force est de constater que la demande de Madame [O] ne porte pas sur l’octroi de dommages-intérêts que le juge des référés n’est effectivement pas compétent pour allouer, mais sur une provision à valoir sur l’application de la clause pénale prévue au contrat de vente en l’état futur d’achèvement à laquelle elle ajoute une demande de provision complémentaire au titre des loyers qu’elle indique avoir dû régler faute d’avoir été prévenue dans un délai raisonnable de la date de la remise de la livraison.
Comme il a été vu ci-dessus, l’existence d’un retard dans la livraison du bien n’est pas sérieusement contestable, et hormis la période de pandémie, la société Francelot ne rapporte pas la preuve d’autres causes de suspension légitimes prévues au contrat de vente, se contentant d’en affirmer l’existence.
Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a accordé à Madame [O] une provision de 21.000,00 € au regard des éléments communiqués par elle.
Une contestation existant à tout le moins sur le point de départ de la date à partir de laquelle la société Francelot est redevable d’une indemnité au titre de la clause pénale, Madame [O] la faisant courir à partir du 6 octobre 2020, il n’y a pas lieu de lui allouer une provision plus importante au stade du référé y compris au titre de loyers.
L’ordonnance sera donc confirmée sur ce point.
Sur les autres demandes de Madame [O]
Madame [O] sollicite devant la cour, la condamnation de la société Francelot à lever les réserves dénoncées lors de la livraison et à lui communiquer sous astreinte le diagnostic de performance énergétique et le constat d’huissier établi lors de la remise des clefs.
La société Francelot n’a formulé aucune observation à ce titre.
Madame [O] justifie par l’envoi d’une lettre recommandée dont la société Francelot a accusé réception le 26 septembre 2022, qu’elle lui a demandé de lui indiquer par retour la date de levée des réserves et de lui communiquer les documents qu’elle réclame.
Cette dernière reste taisante sur ce point et ne justifie pas avoir fait le nécessaire.
Elle sera donc condamnée à lever les réserves et communiquer lesdites pièces, sans qu’il soit nécessaire d’accompagner cette condamnation d’une astreinte en l’état de la procédure.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Francelot au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de la condamner au paiement d’une somme de 2.500,00 € sur ce même fondement et de la débouter de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
PRONONCE la jonction des procédures ouvertes sous les N°22-1711 et 22-1917, sous le N°22-1711,
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Caen du 9 juin 2022,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Francelot à lever les réserves dénoncées lors de la livraison dans un délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt,
CONDAMNE la SAS Francelot à communiquer à Madame [U] [O], le diagnostic de performance énergétique ainsi que le constat d’huissier établi lors de la remise des clefs, dans un délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt,
CONDAMNE la SAS Francelot à payer à Madame [U] [O] la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS Francelot de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Francelot aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL G. GUIGUESSON