Clause pénale : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06977

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Clause pénale : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06977
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 21/06977

N° Portalis DBV3-V-B7F-U3HZ

AFFAIRE :

S.C.I. LUTHOLI

C/

S.C.I. DU VAL DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Octobre 2021 par le TJ de PONTOISE

N° Chambre : 2

N° RG : 20/05692

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Emmanuelle BOQUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.C.I. LUTHOLI

N° SIRET : 824 059 190

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Raphaël RICHEMOND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G.400

APPELANTE

****************

S.C.I. DU VAL DE SEINE

RCS 427 830 583

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître Philippe BLERIOT de la SELARL BLERIOT & Associés, agissant en sa qualité d’administrateur provisoire

Représentant : Me Emmanuelle BOQUET de la SCP BOQUET-NICLET-LAGEAT, Postulant et Plaidant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 155 – N° du dossier 20.00921

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte du 24 décembre 2016, la société du Val de Seine et la société Lutholi ont conclu un compromis de vente portant sur une maison d’habitation située à [Localité 6] (95) , propriété de la première.

La société Lutholi a remis entre les mains de M. [H] [M], gérant de la société du Val de Seine, un chèque d’acompte d’un montant de 20 000 euros.

La vente n’ayant pas été réitérée par acte authentique, la société Lutholi a, par acte du 6 novembre 2020, fait assigner la société du Val de Seine, représentée par Me [Y] [E] ès-qualités d’administrateur provisoire, devant le tribunal judiciaire de Pontoise en remboursement de l’acompte versé et en paiement de la clause pénale.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

– débouté la société Lutholi de sa demande de condamnation de la société du Val de Seine au remboursement de la somme de 20 000 euros et au paiement de la clause pénale,

– débouté la société du Val de Seine de sa demande de condamnation de la société Lutholi au paiement de la clause pénale,

– débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Lutholi aux dépens.

La société Lutholi sollicitait le remboursement de l’acompte versé en exécution du compromis ainsi que la mise en ‘uvre de la clause pénale prévue à l’acte, exposant avoir remis un chèque d’un montant de 20 000 euros entre les mains du gérant de la société venderesse, lequel avait finalement indiqué ne plus souhaiter vendre.

La société du Val de Seine s’opposait à la demande de remboursement, soutenant n’avoir jamais bénéficié de la somme litigieuse et sollicitait la condamnation de la demanderesse au montant de la clause pénale, faisant valoir que la non réalisation de la vente était imputable à l’absence de diligences de la société Lutholi dans ses démarches auprès des banques pour obtenir un financement.

Le tribunal a écarté la demande en remboursement, dès lors que le chèque était établi à l’ordre d’une société tierce et que le reçu émanait de M. [J] [M], sans aucune mention de sa qualité de gérant de la société du Val de Seine et sans qu’il ne soit établi qu’il avait engagé la société venderesse en acceptant le chèque d’acompte libellé à un autre ordre que la société Val de Seine.

Le tribunal a écarté la demande de condamnation de la société du Val de Seine au paiement du montant de la clause pénale, estimant que la société Lutholi, qui n’avait pas pu lever la condition suspensive tenant à l’obtention d’un prêt, ne justifiait pas de ses démarches auprès des banques pour obtenir un financement aux conditions et taux prévus au compromis.

Le tribunal a également écarté la demande de condamnation de la société Lutholi au paiement du montant de la clause pénale, retenant qu’il ressortait des pièces versées aux débats qu’un administrateur provisoire à la société du Val de Seine avait été désigné, son gérant ayant disparu sans laisser d’adresse, s’étant désintéressé de la vente et s’étant abstenu de faire délivrer sommation à la société Lutholi de réaliser la vente ou de faire constater la caducité des engagements.

Par acte du 23 novembre 2021, la société Lutholi a interjeté appel et prie la cour, par acte du 20 janvier 2022, de :

– infirmer dans sa totalité le jugement déféré,

Et, statuant de nouveau,

– condamner la société du Val de Seine à lui payer la somme de 20 000 euros au titre du remboursement de l’acompte versé en exécution du compromis de vente ainsi que la somme de 28 000 euros au titre de la clause pénale,

– condamner la société du Val de Seine à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société du Val de Seine aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières écritures du 14 avril 2022, la société du Val de Seine prie la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– débouter la société Lutholi de toutes ses demandes,

– condamner la société Lutholi à payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Lutholi aux entiers dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

SUR QUOI :

L’article 1353 du code civil dispose que “Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”

Sur la somme de 20 000 euros :

La SCI Lutholi revendique le remboursement de la somme de 20 000 euros dont la nature et la destination ressortent selon elle clairement des circonstances dans lesquelles le chèque a été établi et du reçu qu’en a donné M. [M], nonobstant le fait qu’il est libellé à l’ordre d’une autre société.

Elle assure que si la vente ne s’est pas faite, c’est parce que le gérant de la société Val de Seine a fait connaître son intention de ne plus vendre alors qu’elle-même continuait de poursuivre ses recherches d’un financement. Elle relate avoir accepté la renonciation de la société Val de Seine à l’opération à condition de recevoir en retour la somme de 20 000 euros dont elle s’était acquittée au moment de la signature du compromis. Malgré les promesses de remboursement du gérant, elle n’a jamais rien reçu ce qui lui donnerait droit, sur le fondement des articles1303 et 1304 du code civil, non seulement au remboursement de cette somme, mais aussi au bénéfice de la clause pénale.

En réponse, la SCI Val de Seine avance qu’elle ne peut restituer une somme qu’elle n’a pas perçue et rappelle que le tribunal a jugé qu’il n’était pas établi que la SCI Val de Seine était engagée par la mention figurant sur le reçu de paiement établi au seul nom de M. [J] [M].

En effet, M. [M] a signé en son nom personnel et non au nom de la SCI Val de Seine ce qui ne permettrait pas de considérer que ce faisant, il a engagé la SCI .

Celle-ci ajoute qu’il n’est pas non plus justifié de l’encaissement de ce chèque ni de son affectation à une dette de la SCI Val de Seine.

Enfin, l’intimée considère que la vente n’a pu se faire de la faute de la Sté Lutholi qui n’a pas justifié de ses demandes de prêt dans plusieurs établissements bancaires dans les délais et aux conditions spécifiées dans la promesse de vente. En ce qui concerne le mail du 06 juillet 2017 par lequel elle sollicite un prêt auprès du Crédit mutuel, elle souligne que la date en est postérieure à l’expiration du délai de 180 jours à compter du compromis pour fournir les justificatifs de refus ou acceptation des banques et que cette démarche tardive ne permet donc pas de justifier des diligences de l’acquéreur en application du contrat.

Selon elle, les conditions suspensives ont donc défailli du fait de l’absence ou du manque de diligence de la SCI Lutholi ce qui la prive de toute somme en retour.

Sur ce,

Le chèque portant sur la somme litigieuse a été tiré sur M. [C] [D] à l’ordre de la société ‘3 R Bâtiment’ et il est en date du 27 décembre 2016.

En vertu des dispositions de l’article 1304 du code civil, “la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui “.

Le libellé du chèque à l’ordre d’une société envers laquelle le créancier avait une dette comme le prouve l’action ultérieure en paiement de la société 3 R Bâtiment contre la SCI Val de Seine , n’est donc pas un obstacle au remboursement de cette même somme au bénéfice de la SCI Lutholi.

Cet acompte fait indiscutablement écho, par son montant et sa date, à la clause du compromis de vente dénommé ‘Conditions particulières’ à la page 9 : ‘L’acquéreur verse ce jour au vendeur qui le reconnaît en acompte sur le prix de vente la somme de 20 000 euros. Le vendeur restituera cette somme à l’acquéreur si la vente n’avait pas lieu.’

C’est à tort que le tribunal a considéré qu’il n’était nullement établi que M. [M] avait engagé la SCI venderesse en acceptant le chèque d’acompte libellé à un autre ordre que la SCI Val de Seine, alors qu’il avait la qualité de gérant dont le pouvoir de consentir à l’acte à l’occasion duquel cet acompte était remis, est non contesté par l’intimée.

Dans tous les cas, en vertu de la théorie de l’apparence consacrée par l’article 1156 du code civil, un prétendu mandant peut être effectivement engagé dès lors que la croyance du tiers aux pouvoirs du mandataire apparent est légitime et qu’il a pu raisonnablement croire, lors de la passation de l’acte, que le mandant était habilité à représenter la société (Cass. ass.plen.,13 dec.1962, n° 57-11.569 et Cass.civ, 3e, 19 mars 2020,n° 19-11.771). La régularité du mandat de vente conféré à l’agence immobilière sous l’égide de laquelle le compromis a été signé n’est pas contestée, ni à l’époque de l’acte et de la remise du chèque ni même dans la présente instance ce qui ne pouvait laisser aucun doute à la SCI Lutholi sur les pouvoirs de M. [M] .

Dès lors, il doit être considéré que la SCI Val de Seine a régulièrement reçu la somme de 20 000 euros en acompte sur l’acquisition d’une maison à usage d’habitation située [Adresse 3].

Les pièces versées au dossier démontrent certes qu’en mai 2018, M. [M] en tant que gérant, propriétaire de 99% des parts de la SCI Val de Seine, a fait connaître à son mandataire, l’agence immobilière la Sarl Cappeville Immobilier à [Localité 6] (95), sa volonté de ne plus vendre ce dont a accusé immédiatement réception la SCI Lutholi à condition d’être remboursée des 20000 euros.

Mais à cette date, le délai prorogé par les parties pour la signature de l’acte authentique (30 septembre 2017) était dépassé.

La condition suspensive d’obtention de prêt prévoyait un prêt d’un montant maximum de 300.000 € pour une durée maximum de 20 ans au taux maximum hors assurance de 3 %.

Le compromis prévoyait également une clause pénale selon laquelle ” la partie qui n’est pas en défaut, pourra, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat aux torts de ce dernier. Elle percevra de l’autre partie à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale la somme de 28.000 € “.

La société Lutholi s’était vu refuser une première demande de financement par la Société générale le 27 janvier 2017 et une deuxième demande de financement par la Caisse d’Epargne le 24 février 2017 – donc postérieurement à l’avenant du 17 février 2017 prorogeant le délai de signature de l’acte authentique- mais ces deux refus ne permettent pas de s’assurer que le montant du prêt réclamé et son taux étaient conformes au compromis. La 3e demande adressée au Crédit mutuel était clairement non conforme aux conditions stipulées dans le promesse de vente du fait de son montant de 200 000 euros notamment.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 17 avril 2018, le notaire chargé de la réitération de l’acte authentique a interrogé le gérant de la SCI Lutholi sur ses intentions quant à l’acquisition et sur le sort de sa demande de financement. Cette dernière n’a pas répondu, de sorte qu’à cette époque, elle avait apparemment renoncé à acquérir après trois échecs dans ses demandes de financement.

Dès lors, la vente a échoué de la faute de l’acquéreur comme visé par l’article 1304-3 du code civil ce qui confère au vendeur le droit de conserver l’acompte versé lors du compromis.

Peu importe le fait -postérieur- du changement d’avis de l’intimée sur le sort à réserver à l’opération même si elle aurait eu intérêt à faire sommation de réaliser ou à défaut de constater la caducité de l’acte comme l’a souligné le notaire dans sa lettre du 17 avril 2018.

Le jugement déféré sera confirmé sur le rejet de la demande en remboursement de la somme de 20 000 euros.

Sur la clause pénale :

Le compromis de vente mentionne que ” si le défaut de réalisation de l’une quelconque des conditions suspensives était imputable à l’acquéreur en raison, notamment, de la faute, la négligence, la mauvaise foi, d’un abus de droit de ce dernier, le vendeur pourra demander le bénéfice des dispositions de l’article 1178 du Code civil et faire déclarer la ou les conditions suspensives réalisées et ce, sans préjudice de l’attribution de dommages-intérêts “.

Il indique également que ” La partie qui n’est pas en défaut, pourra, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat aux torts de ce dernier. Elle percevra de l’autre partie à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale la somme de 28 000€.”

La SCI Lutholi étant en faute, elle ne peut se prévaloir du bénéfice de cette clause.

Quant à la demande en paiement de la SCI Val de Seine du même chef, force est de constater que le gérant s’est manifestement abstenu de faire délivrer sommation à la SCI Lutholi de réaliser la vente ou de faire constater la caducité des engagements. Les termes de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance Pontoise en date du 22 novembre 2019 démontrent qu’il avait disparu “sans laisser d’adresse’ et qu’il ne s’occupait plus du tout de la gestion de la SCI , très endettée, depuis très longtemps.

Enfin, le 14 mai 2018 le gérant de l’agence immobilière a écrit à la SCI Lutholi pour dire que le gérant de la SCI Val de Seine ne souhaitait plus vendre et que le gérant de la SCI Lutholi en a pris acte et a accepté de rompre le compromis à la condition du remboursement du dépôt de 20.000 euros, courriel dont l’agence accusait réception le 15 mai 2018.

Dans ces conditions, aucune des deux parties ne peut prétendre au paiement de la clause pénale.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres dispositions :

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la SCI Lutholi est tenue aux dépens.

Par ailleurs, les circonstances de la cause commandent de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Condamne la SCI Lutholi aux entiers dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame F. PERRET, Président, et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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