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COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– SCP ROUAUD & ASSOCIES
– SCP SOREL & ASSOCIES
LE : 20 AVRIL 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 AVRIL 2023
N° – Pages
N° RG 22/00078 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DNOB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 10 Novembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
I – S.A. CREATIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 6]
[Localité 5]
N° SIRET : 419 446 034
Représentée par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 18/01/2022
INCIDEMMENT INTIMÉE
II – Mme [T] [W]
née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2022/000580 du 01/03/2022
INTIMÉE
INCIDEMMENT APPELANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE
Suivant acte sous seing privé en date du 16 décembre 2011, M. [N] [W] et Mme [T] [K] épouse [W] ont contracté auprès de la SA Créatis un prêt personnel, dans le cadre d’un regroupement de crédits d’un montant de 66.300 euros, remboursable en 144 mensualités moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,08 %.
M. [W] est décédé le [Date décès 4] 2012.
Mme [W] a bénéficié d’un plan définitif de redressement à compter du 12 août 2015, prévoyant un gel de 24 mois pour la créance de la SA Créatis, puis d’un second plan définitif de redressement à compter du 31 octobre 2018 prévoyant le gel de la même créance pendant 12 mois.
Invoquant des échéances impayées non régularisées en dépit de deux courriers de mise en demeure reçus par Mme [W] les 14 février et 2 avril 2020, la SA Créatis a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée du 15 juillet 2020, reçue par sa destinataire du 17 juillet suivant.
Suivant acte d’huissier en date du 25 septembre 2020, la SA Créatis a fait assigner Mme [W] devant le Tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir :
– condamner Mme [W] à lui payer une somme de 68.478,70 euros, dont la somme de 4.789,53 euros d’indemnité de clause pénale, outre intérêts au taux contractuel de 7,08 % l’an à compter de la mise en demeure jusqu’à parfait paiement,
Subsidiairement,
– si la déchéance du droit aux intérêts devait être prononcée, limiter cette sanction aux seuls intérêts contractuels échus et non payés
– assortir toute condamnation à paiement des intérêts au taux légal avec majoration de 5 points en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier,
– ordonner, en tout état de cause, la capitalisation des intérêts échus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du Code civil,
– condamner Mme [W] à lui payer une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, en ce compris les frais d’exécution,
– dire qu’à défaut de règlement spontané par le débiteur, l’exécution forcée serait réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice et que le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 22 mai 2008 devrait être supporté par la débitrice, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
En réplique, Mme [W] a demandé au Tribunal de :
– rejeter l’ensemble des prétentions adverses et,
Subsidiairement,
– rejeter la demande subsidiaire de la SA Créatis au paiement d’intérêts au taux légal et a fortiori au taux légal majoré,
– rejeter la demande de capitalisation des intérêts,
– réduire à un euro l’indemnité conventionnelle,
– dire que les sommes dues ne seraient pas productives d’intérêts,
– lui accorder des délais de paiement de 24 mois avec imputation des sommes versées par priorité sur le capital, outre condamnation de la SA Créatis aux entiers dépens,
– rejeté la demande au titre de l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
Par jugement contradictoire du 10 novembre 2021, le Tribunal judiciaire de Bourges a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis au titre du prêt n°000100000121905 souscrit solidairement par feu M. [N] [W] et Mme [T] [K] épouse [W] le 16 décembre 2011, à compter de cette date,
– condamné Mme [W] à payer à la SA Créatis la somme de 40.803,64 euros au titre de ce contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2020,
– débouté la SA Créatis de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale,
– rejeté la demande de délais de paiement,
– rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
– rappelé que l’exécution provisoire de sa décision était de droit,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [W] aux entiers dépens, exception faite de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution,
– dit que les dépens seraient recouvrés conformément aux règles régissant l’aide juridictionnelle.
Le Tribunal a notamment retenu que la SA Créatis se bornait à renvoyer à la clause pré-imprimée figurant sur l’offre de crédit signée par les époux [W] pour démontrer leur avoir fourni un contrat conforme aux dispositions légales applicables comportant notamment un bordereau de rétractation, qu’estimer qu’il revenait à l’emprunteur de produire son propre exemplaire de l’offre de crédit reviendrait à renverser la charge de la preuve au détriment du consommateur que le code de la consommation était censé protéger, que la preuve de l’exécution par le prêteur de son obligation de fournir des explications pertinentes et personnalisées ne pouvait davantage résulter d’une simple mention pré ‘ imprimée sur le contrat, que le devoir d’explication s’avérait d’autant plus important que l’offre de crédit portait en l’espèce sur le regroupement de 11 crédits et d’un solde débiteur de compte bancaire dont il était nécessaire de s’assurer qu’il était plus adapté à la situation des débiteurs que l’addition des mensualités de crédits préexistants, que la SA Créatis devait dans ces conditions être déchue de son droit aux intérêts contractuels, et qu’aucun élément n’établissait que Mme [W] puisse être en mesure de régler sa dette dans le délai légal de deux ans, ce qui s’opposait à l’octroi de délais de paiement.
La SA Créatis a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 18 janvier 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 juillet 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la SA Créatis demande à la Cour de :
‘ déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté,
Y faisant droit,
‘ réformer le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de BOURGES en ce que le premier juge a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis au motif que l’offre de crédit était dépourvue de bordereau de rétractation et que le prêteur ne rapportait pas la preuve du respect de son devoir d’explication,
– condamné Mme [W] à payer à la SA Créatis la somme de 40.803,64 euros au titre de ce contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2020,
– débouté la SA Créatis de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale, de sa demande de capitalisation des intérêts, et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Bourges en ce que le premier juge a :
– débouté Mme [T] [W] de sa demande tendant à voir limiter le capital emprunté à la somme de 57.520,97 euros,
– débouté Mme [T] [W] de sa demande de délais de paiement,
– condamné Mme [T] [W] au paiement des intérêts au taux légal,
En conséquence, statuant à nouveau,
‘ condamner Mme [T] [W] née [K] à payer et porter à la société Créatis les sommes suivantes, arrêtées au 31 août 2020 :
Capital restant dû 59.869,16 euros
Intérêts échus 3.820,01 euros
Indemnité conventionnelle 4.789,53 euros
—————
Total 68.478,70 euros
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 7,08 % à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement.
‘ Ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343- 2 du Code civil,
‘ la condamner à payer à la société Créatis la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ la condamner aux entiers dépens,
‘ dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R444 ‘ 55 du code de commerce et son tableau 3 ‘1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L111 ‘8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, Mme [W] demande à la Cour de :
– Déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé l’appel de la société Créatis,
– Confirmer en conséquence, le jugement rendu par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Bourges en date du 10 novembre 2022 en ce qu’il a:
– Prononcé la déchéance du droit aux intérêts
– Débouté la société Créatis de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale,
– Rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Infirmer le jugement rendu par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Bourges en date du 10 novembre 2022 en ce qu’il a :
– Débouté Mme [W] de sa demande tendant à voir limiter le capital emprunté à la somme de 57.520,97 €,
– Débouté Mme [W] de sa demande de délais de paiement,
– Condamner Mme [W] au paiement des intérêts au taux légal,
Statuant de nouveau,
– Limiter les sommes dues par Mme [T] [W] à la somme globale de 32.024,61€,
– Déclarer que les sommes dues par Mme [W] ne seront pas productives d’intérêts,
– Accorder à Mme [T] [W] des délais de paiement de 24 mois, avec imputation des sommes versées par priorité sur le capital,
– Statuer ce que de droit sur les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Sur la demande principale en paiement présentée par la SA Créatis :
Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L’article 1353 du même code impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.
Sur le bordereau de rétractation :
L’article L311-48 ancien du Code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 311-10, ou sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.
Aux termes de l’article L311-12 ancien du même code, en sa rédaction applicable au présent litige, l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.
En cas d’exercice de son droit de rétractation, l’emprunteur n’est plus tenu par le contrat de service accessoire au contrat de crédit.
Il est constant qu’il appartient au prêteur prétendant obtenir paiement des intérêts au taux conventionnel d’établir qu’il a satisfait aux formalités d’ordre public prescrites par le code de la consommation.
Dans un arrêt CA Consumer Finance c/ Bakkaus (18 décembre 2014, affaire C-443/13), la Cour de justice de l’Union européenne, dont les décisions s’imposent aux juridictions nationales, a notamment dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent, d’une part, à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 (informations précontractuelles délivrées à l’emprunteur) et 8 (obligation du prêteur d’évaluer la solvabilité du consommateur) de cette directive repose sur le consommateur et, d’autre part, à ce qu’en raison d’une clause-type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
La même juridiction a précisé qu’une telle clause-type constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Le prêteur ne peut ainsi établir la preuve du respect de ses obligations par la seule présence d’une clause contractuelle emportant reconnaissance par l’emprunteur de l’accomplissement de celles-ci sans produire les justificatifs correspondants.
Il est depuis admis en droit interne français qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ere, 21 octobre 2020, n°19-18.971).
En l’espèce, la SA Créatis produit, au soutien de ses demandes, un exemplaire du contrat de regroupement de crédits signé par M. et Mme [W] et daté du 16 décembre 2011, mentionnant que ceux-ci reconnaissent « rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation ». Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, cette mention ne vaut nullement aveu extrajudiciaire mais constitue simplement un indice qu’il revient à la SA Créatis de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Elle verse à cette fin aux débats une liasse contractuelle éditée le 14 décembre 2021, qu’elle décrit comme « un exemplaire vierge de l’offre signée par les emprunteurs qui démontre sans contestation possible la présence d’un bordereau de rétractation sur l’exemplaire emprunteur ». Toutefois, cette pièce n’établit nullement qu’un contrat exactement semblable ait été remis à M. et Mme [W] mais simplement que la SA Créatis est capable d’en éditer un.
Contrairement là encore à l’argumentation développée par l’appelante, il n’appartient pas à Mme [W] de démontrer, en le versant aux débats, que l’exemplaire de l’offre de crédit qui lui a été remis n’était pas conforme à la réglementation alors en vigueur. La charge de la preuve du respect de ses propres obligations contractuelles incombe en effet à la seule SA Créatis, qui était notamment débitrice d’une obligation d’émettre un contrat conforme aux dispositions d’ordre public du code de la consommation.
S’il n’est pas contestable que le législateur n’ait exigé la présence d’un bordereau détachable de rétractation que sur le seul exemplaire emprunteur de l’offre de crédit, il doit être rappelé, d’une part, que cette exigence constitue une condition de validité du contrat au regard des dispositions d’ordre public du code de la consommation et non un moyen probatoire en soi, et d’autre part, qu’aucun texte législatif n’interdit au prêteur de conserver une copie signée par les parties de l’exemplaire du contrat remis aux emprunteurs. Il est ainsi faux d’affirmer qu’il serait attendu du prêteur qu’il verse aux débats un élément de preuve qu’il n’est pas censé détenir et qui serait impossible à établir, l’exigence probatoire qui pèse sur lui n’excédant aucunement les capacités normales d’un organisme de crédit professionnel et dépendant de ses seuls choix en la matière.
Faute pour la SA Créatis de démontrer la remise aux emprunteurs d’un contrat pourvu d’un bordereau de rétractation détachable conformément aux dispositions du code de la consommation, elle encourt la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels à compter de la date de la conclusion du contrat.
Sur le devoir d’explication :
Aux termes de l’article L311-8 ancien du code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L311-6. Il attire l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l’emprunteur.
Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l’emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.
Les personnes chargées de fournir à l’emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l’établissement de la fiche prévue à l’article L311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L’employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l’attestation de formation mentionnée à l’article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Un décret définit les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation.
Ainsi que l’a à juste titre relevé le premier juge, l’obligation définie par ce texte de fournir à l’emprunteur des explications pertinentes et personnalisées est indépendante de la remise de la fiche d’informations précontractuelles (prévue par l’article L311-6 ancien) et du document distinct comportant toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaiterait donner à son cocontractant (mentionné à l’article L311-7 ancien).
Il sera tout d’abord rappelé, en réponse à l’argumentation développée sur ce point par la SA Créatis, que s’il n’est nullement attendu du prêteur qu’il formalise cette obligation d’explication, il lui appartient incontestablement de démontrer qu’il s’en est acquitté. La remise aux emprunteurs de la FIPEN prévue par l’article L311-6 ancien, à la supposer établie en l’espèce dans la mesure où l’exemplaire produit par la SA Créatis n’est pas signé par les emprunteurs et où la preuve de sa remise n’est pas autrement démontrée que par l’insertion d’une mention-type au contrat dont la faible valeur probante a été précédemment étudiée au sujet du bordereau de rétractation, est insuffisante à cet égard.
Il doit également être observé que le fait qu’un crédit ait pour objet le regroupement de crédits anciens déjà contractés n’empêche nullement que sa souscription puisse aggraver in fine la situation des emprunteurs, notamment du fait du coût global réel d’une telle opération. Le devoir d’explication litigieux ne pèse ainsi pas moins sur le prêteur qui entend proposer un crédit aux fins de regroupement de crédits anciens du seul fait que les emprunteurs auraient, par définition, déjà eu l’occasion de contracter des prêts.
Il peut en outre être rappelé que la CJUE, par la décision précitée, a souligné qu’un prêteur diligent devait avoir conscience de la nécessité de collecter et de conserver des preuves de l’exécution des obligations d’information et d’explication lui incombant.
La SA Créatis n’établit pas avoir fourni à M. et Mme [W] d’explications de nature à leur permettre de déterminer si le contrat qu’elle leur proposait était adapté à leurs besoins et à leur situation financière, explications dont le contenu et la pertinence auraient dû pouvoir être vérifiés par les juridictions saisies.
Il ne saurait en conséquence être estimé que la SA Créatis se soit acquittée du devoir légal d’explication lui incombait dans ses rapports contractuels avec M. et Mme [W]. Cette défaillance lui fait encourir derechef la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.
Il sera enfin mentionné qu’au vu des pièces produites aux débats, la SA Créatis justifie de l’accomplissement de son obligation d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs.
En considération de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la SA Créatis.
Sur le montant de la créance :
L’article L311-24 ancien du code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, permet au prêteur d’exiger, en cas de défaillance de l’emprunteur, le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article L311-48 ancien du même code prévoit, en ses alinéas 2 et 3, que lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La même peine est applicable au prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 311-21 et aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 311-44 ou lorsque les modalités d’utilisation du crédit fixées au premier alinéa de l’article L. 311-17 et au premier alinéa de l’article L. 311-17-1 n’ont pas été respectées.
L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l’espèce, M. et Mme [W] ont emprunté auprès de la SA Créatis, dans le cadre du contrat litigieux, un capital d’un montant de 66.300 euros. L’historique de compte versé aux débats démontre la réalité de la mise à disposition des fonds correspondant au prêt Cofidis (1.216,72 euros) et au découvert en compte Crédit agricole (1.110,60 euros), dont Mme [W] conteste le versement.
Eu égard à la déchéance du droit aux intérêts précédemment prononcée, les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
La SA Créatis justifie avoir perçu de M. et Mme [W] une somme globale de 25.496,36 euros.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement de la SA Créatis à hauteur de la somme de 40.803,64 euros au titre du capital restant dû, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2020.
Sur l’indemnité conventionnelle et la capitalisation des intérêts :
Aux termes de l’article L311-24 ancien du code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D311-6 ancien du même code énonce que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
La SA Créatis sollicite à ce titre la condamnation de Mme [W] au paiement d’une indemnité conventionnelle d’un montant de 4.789,53 euros, ainsi que la capitalisation des intérêts échus pour une année en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Toutefois, les dispositions de l’article L311-48 ancien précité prévoient qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Ce texte interdit donc de faire droit à la demande indemnitaire présentée par la SA Créatis ainsi qu’à sa demande de capitalisation des intérêts. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce sens.
Sur la demande de délais de paiement présentée par Mme [W] :
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
En l’espèce, Mme [W], dont la bonne foi n’est pas contestable, perçoit un revenu annuel d’un montant de 9.742 euros et bénéficie de l’aide juridictionnelle totale. Ces éléments justifient qu’il soit décidé que les paiements qu’elle effectuera s’imputeront d’abord sur le capital.
Au regard du montant de la créance de la SA Créatis envers elle, il ne peut en revanche être estimé que Mme [W] puisse se libérer de sa dette dans le délai légal de deux ans. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à l’octroi de délais de paiement.
Sur l’article 700 et les dépens :
L’équité et la prise en considération de la situation économique respective des parties, ainsi que l’issue donnée au litige par la présente décision, ne commandent pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La SA Créatis, partie succombante, conservera en conséquence la charge des sommes sollicitées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. En l’espèce, la SA Créatis, partie succombante en toutes ses prétentions développées en appel, devra supporter la charge des dépens de l’instance d’appel.
Il n’y a enfin pas lieu de dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le Jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, ni que le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par la débitrice. En effet cette demande, s’inscrivant dans l’hypothèse où l’emprunteur ne réglerait pas spontanément les sommes dues et où la SA Créatis serait contrainte de recourir à des procédures d’exécution forcée, ne procède pas d’un intérêt né et actuel qui la rendrait recevable et relèvera, le cas échéant, du juge de l’exécution susceptible d’être saisi de telles difficultés. Elle sera donc écartée par application des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile et jugée irrecevable.
La décision entreprise, qui a jugé cette demande recevable mais en a débouté la SA Créatis, sera ainsi infirmée sur ce seul point.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [W] aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– Infirme partiellement le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourges en ce qu’il a débouté la SA Créatis de sa demande tendant à voir condamner Mme [T] [K] veuve [W] à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé ;
– Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions frappées d’appel ;
Et statuant de nouveau du seul chef infirmé,
– Déclare irrecevable la demande de la SA Créatis tendant à voir condamner Mme [T] [K] veuve [W] à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé
Et y ajoutant,
– Dit que les paiements effectués par Mme [T] [K] veuve [W] au bénéfice de la SA Créatis s’imputeront en priorité sur le capital ;
– Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la SA Créatis aux entiers dépens en cause d’appel.
L’arrêt a été signé par Mme CLEMENT, Président, et par Mme SERGEANT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
V. SERGEANT O. CLEMENT