Clause pénale : 20 avril 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01215

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Clause pénale : 20 avril 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01215

ARRÊT N°

BM/LZ

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Audience publique du 23 Février 2023

N° RG 21/01215 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMUY

S/appel d’une décision du tribunal judiciaire de VESOUL en date du 27 avril 2021 [RG N° 20/00516]

Code affaire : 50G -Demande relative à l’exécution d’une promesse unilatérale de vente ou d’un pacte de préférence ou d’un compromis de vente

[H] [V] épouse [D] C/ [E] [N], S.A.R.L. IMMOBILIER DU CHENE [F] [D], [C] [D], [R] [D]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [H] [V] épouse [D]

née le 09 Mars 1944 à ALGERIE

de nationalité française

Profession : Sans profession, demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

APPELANTE

ET :

Monsieur [E] [N]

né le 02 Mars 1970 à [Localité 8]

de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

N’ayant pas constitué avocat

S.A.R.L. IMMOBILIER DU CHENE

RCS de Vesoul n°440 06 596

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Pierre-henri BARRAIL de la SCP LVL BONNOT- BARRAIL – POIROT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Représentée par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉS

Monsieur [F] [D]

venant aux droits de Monsieur [Y] [O]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Madame [C] [D]

venant aux droits de Monsieur [Y] [O]

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Madame [R] [D]

venant aux droits de Monsieur [Y] [O]

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTERVENANTS VOLONTAIRES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.

Lors du délibéré :

Madame B. MANTEAUX, conseiller, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur J.F. LEVEQUE, conseiller

L’affaire, plaidée à l’audience du 23 février 2023 a été mise en délibéré au 20 avril 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé des faits et de la procédure

Suivant mandats de vente sans exclusivité en date des 3 août 2015 et 2 octobre 2017, M. [Y] [D] et Mme [H] [V], son épouse, ont confié à la SARL Immobilier du Chêne la vente de leur maison d’habitation située à [Localité 7] (70).

Un compromis de vente a été signé le 6 octobre 2017 entre les époux [O] et M. [E] [N] ; la vente n’est pas intervenue, faute pour M. [N] de s’être présenté à la réunion organisée le 15 décembre 2017 par le notaire en vue de la signature de l’acte authentique.

Par acte en date des 24 février et 14 mai 2020, les époux [O] ont fait assigner M. [N] et la société Immobilier du Chêne devant le tribunal judiciaire de Vesoul pour obtenir la condamnation à leur verser :

– contre M. [N], la somme de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts en exécution de la clause pénale,

– contre la SARL Immobilier du Chêne, la somme de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles,

– contre chacun des deux, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal judiciaire de Vesoul a, par jugement réputé contradictoire rendu le 27 avril 2021 :

– condamné M. [N] à payer aux époux [O] :

. la somme de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts,

. celle de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné M. [N] aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que M. [N] ayant refusé de signer l’acte authentique, il doit être condamné à verser aux vendeurs la somme de 20 500 euros prévue au contrat à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale. Concernant la demande à l’égard de la société Immobilier du Chêne, le tribunal a retenu sa responsabilité au regard de ses manquements dans la vérification de la solvabilité de M. [N] et des conditions de règlement du prix, mais, faute d’éléments communiqués par les époux [O] sur leur préjudice, il a rejeté leur demande d’indemnisation.

Par déclaration parvenue au greffe le 3 juillet 2021, les époux [O] ont régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Suite au décès d'[Y] [D] le 14 juillet 2020, ses enfants héritiers, [F], [C] et [R] [D] sont intervenus volontairement aux côtés de leur mère.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 février 2023 et mise en délibéré au 20 avril 2023.

M. [N] n’ayant pas constitué avocat et la déclaration d’appel lui ayant été signifiée par acte d’huissier transformé en procès-verbal de recherches infructueuses le 29 juillet 2021, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l’article 474, alinéa 2, du code de procédure civile.

 

Exposé des prétentions et moyens des parties

Selon dernières conclusions transmises le 28 juin 2022, les consorts [O] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

– condamner M. [N] à leur payer une somme de 20 500 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner également la société Immobilier du Chêne à leur payer une somme de 20 500 euros à titre de dommages et intérêts, pour manquements à ses obligations contractuelles et à son devoir de renseignement et de conseil,

– condamner M. [N] et la société Immobilier du Chêne à leur payer une somme de 3 500 euros chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au remboursement de l’intégralité des dépens.

Ils font valoir que :

– en n’honorant pas son engagement de réitérer l’acte de vente, M. [N] leur a causé un préjudice qu’il doit leur indemniser par le versement, à titre de dommages-intérêts, du montant de la clause pénale soit 20 500 euros ;

– la société Immobilier du Chêne a commis une faute contractuelle en ne jugeant pas utile de séquestrer, lors de la signature du compromis de vente, une quelconque somme et notamment cette somme de 20 500 euros ;

– elle a également manqué à ses obligations légales de renseignement et de conseil en ne vérifiant pas la solvabilité de M. [N] avant la signature du compromis de vente ;

– leur préjudice est constitué par l’impossibilité pour eux de recouvrer auprès de M. [N], qui a disparu sans laisser d’adresse, la somme de 20 500 euros qu’ils auraient dû recevoir, par les frais qu’ils ont exposés en déménageant leur mobilier en 2017 et en mettant en carton leurs affaires, et par l’immobilisation du bien et l’interruption des négociations avec d’autres acheteurs potentiels.

La société Immobilier du Chêne a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 3 juin 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et :

– en conséquence, débouter les époux [D] de leur demandes tendant à la condamner à leur verser la somme de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts, sans preuve d’une faute ou d’un manquement à ses obligations ;

– à titre subsidiaire, les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts et au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, sans preuve de la réalité de leur préjudice et d’un lien de causalité entre leur préjudice et un manquement de sa part ;

– à titre infiniment subsidiaire, réduire à de plus justes proportions leur demande de dommages et intérêts,

– en tout état de cause, les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– le choix de ne prévoir de séquestre ne peut lui être reproché puisque, en signant le compromis sans séquestre, les époux [D] ont librement choisi de ne pas consigner une somme avant la réitération de la vente par acte authentique, alors qu’à ce stade des pourparlers, elle n’avait aucun élément inquiétant sur l’acquéreur qui aurait dû l’inviter à le proposer ;

– elle n’a pas manqué à ses obligations contractuelles liées à son mandat puisque la situation professionnelle de M. [N], gérant d’un fonds artisanal, plaidait pour sa solvabilité apparente, et dès qu’elle a soupçonné une difficulté à ce sujet lors de la non réception par M. [N] de ses courriers recommandés, elle a immédiatement réagi de manière appropriée ;

– les époux [D] ne justifient pas d’un préjudice puisque leur maison était en vente depuis deux ans, qu’ils lui ont immédiatement renouvelé leur confiance en lui confiant un nouveau mandat de vente en novembre 2017, avant même la réunion devant le notaire pour signer l’acte définitif, qu’ils ne justifient pas des frais qu’ils auraient engagés pour quitter la maison lors du compromis, et que Mme [H] [D] n’a toujours pas déménagé de cette maison ;

-il ne saurait lui être demandé le montant de la clause pénale alors qu’elle n’a pas été mise en demeure préalablement de l’exécuter et qu’elle n’est pas partie à ce contrat.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

– Sur la demande à l’égard de M. [N] :

Si les consorts [O] ont relevé appel intégral du jugement entrepris et notamment de ses dispositions qui concernent M. [N], défaillant en première instance comme en appel, force est de constater qu’ils ne critiquent par la décision du juge de première instance qui a reconnu les manquements de l’acheteur à son engagement contractuel et l’a condamné à régler la somme de 20 500 euros prévue au compromis en cas de non réitération de la vente par acte authentique. Aucune demande contraire au jugement n’est formulée à ce titre dans le dispositif de leurs conclusions.

L’appel n’est donc pas soutenu concernant les dispositions à l’égard de M. [N] et la cour ne peut donc que les confirmer.

– Sur la demande de dommages-intérêts dirigée contre la société Immobilier du Chêne :

Par de justes motifs toujours d’actualité que la cour reprend à son compte, le tribunal a retenu que la société Immobilier du Chêne était tenue d’une obligation de moyen, c’est-à-dire de mettre en oeuvre tous les moyens permettant la réalisation de la vente dont elle avait la charge et que, en ne s’assurant pas de la solvabilité de l’acquéreur au prétexte qu’il était âgé de 46 ans et se présentait comme gérant d’une société artisanale alors qu’il indiquait ne pas avoir à recourir à un emprunt immobilier, elle avait manqué à son obligation de renseignement et de conseil en ne les mettant pas en garde contre le risque d’insolvabilité et en omettant de leur conseiller d’exiger un séquestre.

C’est avec la même pertinence que le premier juge a relevé que les démarches que la société Immobilier du Chêne a entreprises postérieurement à la signature du compromis lorsque les courriers qu’elle lui envoyait lui étaient retournés, n’étaient pas de nature à combler son manquement initial et à permettre d’exiger sinon la remise du prix de vente, à tout le moins celle d’un séquestre.

Concernant le préjudice, si la société Immobilier du Chêne avait correctement rempli ses obligations de mandataire, et vu la situation de M. [N] que les parties ont découverte après la signature du compromis, celui-ci n’aurait pas été signé et les pourparlers entre les vendeurs et le candidat acquéreur se seraient immédiatement arrêtés. Il ne saurait donc être imputé à la société Immobilier du Chêne un préjudice tenant à la perte de chance de pouvoir obtenir versement d’un séquestre.

Par ailleurs, les consorts [O] ne justifient pas des frais ou démarches qu’ils auraient exposés pour la préparation du déménagement à l’automne 2017.

Finalement, les seuls préjudices subis et établis par les époux [O] imputables à la société Immobilier du Chêne, sont donc la perte de temps et les soucis causés par cette vente ratée, et la perte de chance de pouvoir vendre ce bien durant un mois et demi (entre le 6 octobre et le 17 novembre 2017, date de la réunion chez le notaire où les époux [O] ont eu connaissance de la probable insolvabilité de M. [N] et date à laquelle ils pouvaient reprendre les démarches pour rechercher de nouveaux acquéreurs). La cour relève, dans les pièces versées aux débats, que la maison était en vente depuis deux ans, qu’elle ne l’a pas été par la suite et que les consorts [O] ne justifient pas de pourparlers avec d’autres acquéreurs qui auraient été interrompus du fait de la signature du compromis ; leur préjudice est donc très limité.

Au vu de ces éléments, la cour condamne à ce titre la société Immobilier du Chêne à verser aux consorts [O] la somme de 1 500 euros.

Dispositif :

Par ces motifs,

La cour, statuant par arrêt par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement rendu entre les parties le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Vesoul sauf en qu’il a débouté les époux [O] de leurs demandes à l’égard de la SARL Immobilier du Chêne ;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SARL Immobilier du Chêne à payer à Mme [H] [V] veuve [O], à M. [F] [D] et Mmes [C] et [R] [O], ensemble, la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

La condamne aux dépens d’appel ;

Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la SARL Immobilier du Chêne de sa demande et la condamne à payer à Mme [H] [V] veuve [O], à M. [F] [D] et Mmes [C] et [R] [O], ensemble, la somme de 1 500 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,

 


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