LC/AV
[P] [R]
[Z] [S] épouse [R]
C/
S.A.R.L. IMMO PASSION
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 02 MAI 2023
N° RG 21/01421 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FZ7W
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 septembre 2021,
rendu par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 19/380
APPELANTS :
Monsieur [P] [R]
né le 8 septembre 1980 à [Localité 4] (21)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [Z] [S] épouse [R]
née le 21 juillet 1988 à [Localité 7] (Pologne)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Mathilde GAUPILLAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 44
INTIMÉE :
S.A.R.L. IMMO PASSION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane CREUSVAUX, membre de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 17
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 18 octobre 2017, M. et Mme [R] ont donné mandat non exclusif à la SARL Immo Passion, sise à [Localité 4], de vendre leur appartement situé [Adresse 2] et [Adresse 6] à [Localité 8].
Le 14 novembre 2017, ils ont vendu le bien à M. [B] [X] sous conditions suspensives avec le concours de la SARL Immo Passion.
Le contrat prévoit en page 20 une clause pénale de 20 700 euros pour le cas où l’une des parties refuserait de signer l’acte authentique, la partie qui n’est pas en défaut pouvant, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution de plein droit du contrat aux torts de ce dernier, sans mise en demeure préalable ni constatation judiciaire et percevoir de l’autre partie à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale la somme précitée.
La convention devait être réitérée au plus tard le 31 janvier 2018 par acte authentique dressé par Me [V], notaire à [Localité 4].
M. [B] ne s’est pas présenté le jour de la signature dudit acte, fixé au 25 janvier 2018.
Une sommation lui a été faite le 12 février 2018 d’avoir à se présenter le 1er mars 2018 en l’étude de Me [V] pour signer l’acte d’acquisition.
M. [B] ne s’est pas davantage présenté et Me [V] a dressé un procès verbal de carence.
M. [R] a mis fin au mandat de la SARL Immo Passion par courrier du 8 mars 2018.
Par courrier recommandé en date du 18 mai 2018, M. et Mme [R] ont indiqué à M. [B] ‘ne pas poursuivre la vente résolue à ses torts exclusifs’ et l’ont mis en demeure de leur payer ‘la somme de 20 700 euros à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale.’
Sans réponse, par actes d’huissier du 6 février 2019, M. et Mme [R] ont assigné M. [B] et la SARL Immo Passion devant le tribunal judiciaire de Dijon afin d’obtenir la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 20 700 euros au titre de la clause pénale avec condamnation en garantie de la SARL Immo Passion de ce chef mais encore la condamnation in solidum de la SARL Immo Passion et de M. [B] au paiement de la somme de 8 340,11 euros en réparation du préjudice financier à raison de leurs comportements fautifs.
La SARL Immo a conclu au débouté des demandes des consorts [R] et à la condamnation en paiement de M. [B] à la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice financier.
M. [B] n’a pas constitué avocat.
Par jugement en date du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :
– condamné M. [B] [X] à payer à M et Mme [R] [Z] et [P] la somme de 20 700 euros à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale’,
– condamné M. [B] [X] à payer à l’agence Immo Passion la somme de 6 750 euros en réparation du préjudice subi,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné M. [B] aux dépens,
– dit que ceux-ci pourront être recouvrés par les avocats l’ayant demandé et pouvant y prétendre selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné M. [B] [X] à payer à M et Mme [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Les époux [R] ont relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 3 novembre 2021, appel exclusivement dirigé à l’encontre de la SARL Immo Passion.
Au terme de leurs conclusions d’appelants notifiées le 20 juin 2022, les époux [R] demandent à la cour de :
– les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
– réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 14 septembre 2021,
– dire et juger que l’agence immobilière Immo Passion a commis des fautes dans l’exécution du contrat de nature à engager sa responsabilité à leur égard, leur ouvrant droit à réparation intégrale du préjudice subi,
– en conséquence, condamner la SARL Immo Passion à leur payer la somme de 20 700 euros correspondant à l’indemnité forfaitaire de clause pénale restant impayée,
– condamner également la SARL Immo Passion à leur payer la somme de 8 340,11 euros en réparation du préjudice financier subi,
– condamner l’agence Immo Passion à verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés comme il est prescrit par l’article 699 du code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions d’intimée notifiées le 22 avril 2022, la société Immo Passion demande à la cour de :
– rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
– juger les époux [R] recevables, mais mal fondés en leur appel,
En conséquence,
– confirmer la décision entreprise.
– débouter les époux [R] de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner solidairement M. [P] [R], et Mme [Z] [R] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes, sous les mêmes conditions aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Stéphane Creusvaux, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 janvier 2023.
Sur ce la cour,
Sur l’étendue de la saisine de la cour
La cour est saisie uniquement des rapports entre les consorts [R] et la SARL Immo Passion, à l’exclusion de ceux ayant existé entre les parties précitées et M. [B], l’appel étant exclusivement dirigé à l’encontre de la SARL Immo Passion.
Sur les fautes reprochées à la SARL Immo Passion et les préjudices allégués
Estimant que l’agence immobilière a commis des fautes dans l’exécution de son mandat de nature à engager sa responsabilité à leur égard, ouvrant droit à réparation intégrale de leurs préjudices, les consorts [R] demandent la condamnation de la SARL Immo Passion à leur payer la somme de 20 700 euros correspondant à l’indemnité de clause pénale restant impayée et celle de 8 340,11 euros en réparation de leurs préjudices financiers.
Les consorts [R] reprochent à la SARL Immo Passion deux fautes dans l’accomplissement de son mandat :
-d’avoir négligé son défaut de conseil en ce qu’elle n’a pas vérifié la solvabilité de l’acquéreur et ne les a pas mis en garde contre le risque d’insolvabilité d’un acquéreur sans financement bancaire ni ne leur a conseillé de prendre des garanties.
-de ne pas avoir exigé ou proposé voire organiser la consignation d’un dépôt de garantie au moment de la signature du compromis, notamment en rédigeant une clause peu protectrice.
Ils soutiennent que l’impossibilité d’obtenir le paiement de la clause pénale par feu M. [B] est la conséquence directe de la faute d’Immo Passion, qui n’a pas demandé le versement d’un dépôt de garantie à M. [B] alors que celui-ci prétendait disposer des fonds au moment de la signature du compromis.
L’agent immobilier, mandataire des parties, est tenu, au même titre que le notaire et en sa qualité de rédacteur d’actes, d’assurer l’efficacité juridique des actes passés par son entremise.
Il est tenu d’une obligation de renseignement et de conseil et doit s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique des actes auxquels il prête son concours, en vérifiant notamment la disponibilité des fonds nécessaires à la réalisation de l’opération mais également la solvabilité de l’acquéreur.
Il est constant que le compromis a été signé entre les époux [R] et M. [B] le 14 novembre 2017 avec une date de réitération prévue au 31 janvier 2018, la signature ayant été fixée au 25 janvier 2018.
Au terme du compromis, M. [B] déclarait acheter en totalité à l’aide d’un apport personnel.
Toutefois, aucune somme n’a été versée par l’acquéreur à titre de dépôt de garantie.
M. [B] ne s’étant pas présenté à la date de signature, la SARL Immo Passion l’a mis en demeure de l’informer du suivi de son acquisition, ce à quoi, M. [B], s’excusant de son absence, a répondu, par lettre du 1er février 2018, qu’il était hospitalisé à la suite d’un AVC puis, par nouveau courrier du 27 février 2018, qu’il était en rééducation à Font Romeu, ajoutant qu’il serait présent à la nouvelle réunion de signature quand il en connaîtrait la date.
Il est certain qu’en suite de la sommation d’avoir à comparaître le 1er mars 2018, M. [B] n’a donné aucune suite à l’acquisition litigieuse sans explication.
Or, si les époux [R] soutiennent que Mme [C] de l’étude de Me [V] leur aurait dit que M. [B] était sans emploi depuis plusieurs mois suite à son licenciement, ils n’en rapportent pas la preuve.
Ainsi, et comme l’ont relevé les premiers juges, les consorts [R] ne démontrent pas que l’inexécution du contrat résulte de l’insolvabilité de M. [B] de sorte que le lien entre la faute supposée et le préjudice allégué n’est pas établi. Le moyen doit être écarté.
En revanche, il est constant que M. [B] a déclaré, en signant le compromis, effectuer cette acquisition sans recourir à aucun prêt, ce dont il résulte qu’il disposait d’un apport personnel.
Par ailleurs, la société Immo Passion, qui n’avait certes pas capacité pour détenir des fonds, pouvait à tout le moins les faire séquestrer entre les mains du notaire chargé de la vente, tel que la clause de séquestre le rappelait au contrat.
Ainsi, en s’abstenant d’organiser le versement d’un dépôt de garantie à concurrence du montant de la clause pénale, la SARL Immo Passion a commis une faute en lien direct avec le préjudice subi par les consorts [R] qui n’ont pu obtenir le versement de l’indemnité contractuelle.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [R] de leur demande de condamnation en garantie non fondée mais y ajoutant, il convient de condamner la SARL Immo Passion à leur verser la somme de 20 700 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice, précision étant donnée que cette condamnation est prononcée in solidum avec celle d’ores et déjà prononcée à l’encontre de M. [B] au terme du jugement déféré.
M. et Mme [R] demandent encore la condamnation de la SARL Immo Passion à leur verser la somme de 8 340,11 euros en réparation de leurs préjudices financiers.
Il n’est pas contestable que l’absence de réitération de la vente leur a fait perdre plusieurs mois avant de trouver un nouvel acquéreur et que l’acquisition anticipée de leur nouveau domicile, M. [B] se montrant pressant pour acquérir leur bien, a suscité des charges d’emprunt supplémentaires.
Toutefois, ces préjudices ne sont pas en lien avec une des fautes reprochées à l’agent immobilier alors qu’il n’est nullement démontré que l’absence de réitération de la vente soit liée à l’insolvabilité de l’acquéreur.
Il en va de même concernant les charges de copropriété dont il est demandé le règlement alors au demeurant que, comme le soutient l’agence Immo Passion, celles relatives au premier trimestre auraient été en tout état de cause supportées par les époux [R], celles relatives au second trimestre l’ont été pour partie par le nouvel acquéreur et que celles relatives aux travaux votés avant le 16 avril 2018 devaient rester à la charge des vendeurs, selon acte authentique du 20 juin 2018, sans qu’il ne soit établi que des travaux votés dans l’intervalle aient pu être supportés par ces derniers.
Les frais de convocation devant le notaire et de procès verbal de carence ne sont pas davantage consécutifs à une faute de l’agent immobilier comme ne l’est pas davantage la perte subie par les vendeurs sur le prix de vente qui, au demeurant, peut résulter simplement de l’évolution du marché.
Enfin, la SARL Immo Passion relève, fort justement, que le préjudice dont se prévalent les appelants au titre du prêt de 15 000 euros souscrit par le père de M. [R] ne leur est pas personnel.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté les époux [R] de leurs demandes au titre des préjudices financiers invoqués.
Sur les demandes accessoires
La SARL Immo Passion, partie succombante, est condamnée aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La SARL Immo Passion, partie tenue aux dépens, est condamnée à verser aux époux [R] une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [R] de leur demande de condamnation en garantie à l’encontre de la SARL Immo Passion et de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices financiers,
Y ajoutant,
Condamne la SARL Immo Passion à payer à M. et Mme [R] la somme de 20 700 euros à titre de dommages-intérêts,
Dit que cette condamnation est prononcée in solidum avec celle d’ores et déjà prononcée à l’encontre de M. [B] par le jugement déféré,
Condamne la SARL Immo Passion aux dépens, qui pourront être recouvrés comme il est prescrit aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Immo Passion à verser à M. et Mme [R] une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président