COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 02 MAI 2023
N° 2023/ 146
Rôle N° RG 22/10717 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZ55
S.C.I. PALMED IMMO
C/
[Y] [N] [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Florian GONTARD
Me Thibault POMARES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de Tarascon en date du 20 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/01335.
APPELANTE
S.C.I. PALMED IMMO
Immatriculée au RCS de Tarascon n°891 117 772
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Florian GONTARD, avocat au barreau de MARSEILLE, et ayant pour avocat plaidant Me Patrick GONTARD, avocat au barreau d’AVIGNON substitué par Me Guilaine MICHEL, avocat au barreau d’AVIGNON
INTIME
Monsieur [Y] [N] [C]
né le 26 Juillet 1941 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Thibault POMARES de la SAS ABP AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de TARASCON substituée par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 13 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme DEMONT, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 26 octobre 2020, M. [J] [E] a signé une promesse d’achat d’un bien immobilier appartenant à M. [Y] [N] [C], sis [Adresse 3] ( Bouches du Rhône ).
La date de réitération par acte authentique était fixée au 31 janvier 2021.
Le notaire a dressé un procès-verbal de carence le 1er septembre 2021, constatant la réalisation des conditions suspensives de la vente et la carence du vendeur pour venir signer l’acte authentique.
Par exploit du 15 septembre 2021, la SCI Palmed Immo a assigné M. [Y] [N] [C] en vente forcée à son profit et aux fins d’obtenir le versement de dommages-intérêts.
Le vendeur a élevé un incident en lui opposant l’irrégularité de la substitution et l’irrecevabilité en conséquence des demandes formées par la SCI Palmed Immo.
Par ordonnance en date du 20 juillet 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Tarascon a déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI Palmed Immo, rappelé que la décision met fin à l’instance, et condamné la SCI Palmed Immo à verser à M. [Y] [N] [C] la somme de 1500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 22 juillet 2022, la SCI Palmed Immo a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 10 août 2022, elle demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de dire que la mise en ‘uvre de la clause de substitution est valable, qu’elle est partie au compromis de vente depuis le 20 novembre 2020, qu’elle a donc qualité à agir en réalisation de la vente de l’immeuble sis aux [Localité 5], de dire que la condition suspensive à la réalisation de la vente est remplie, et de condamner M. [Y] [N] [C] à lui payer la somme de 3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions du 19 octobre 2022, M. [Y] [N] [C] demande à la cour, à titre liminaire de déclarer irrecevables dans le présent cadre les demandes tendant à ce qu’il soit reconnu le caractère parfait de la vente, sur la confirmation de l’ordonnance déférée, de confirmer l’ordonnance entreprise, subsidiairement, de rejeter toutes les prétentions de la SCI Palmed Immo, et en tout état de cause, de condamner l’appelante à lui payer la somme de 5000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu que M. [Y] [N] [C] fait valoir exactement que la demande de l’appelante défenderesse à l’incident de dire et juger que la condition suspensive à la réalisation de la vente est remplie excède la compétence du juge de la mise en état, et dès lors, de la cour statuant sur l’appel des décisions de ce dernier, d’où il suit l’irrecevabilité de cette prétention ;
Attendu que la SCI Palmed Immo fait valoir au soutien de son recours :
‘ que la substitution est valable ; que le formalisme de la mise en ‘uvre de la substitution ne fait pas obstacle à la volonté des parties ; qu’il ressort de la clause de substitution figurant à la promesse de vente que celle-ci doit être exercée avant le 31 décembre 2020 et qu’elle doit être adressée au notaire ; que le vendeur ne souffrirait d’un préjudice que si le notaire n’est pas averti par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu’il est de jurisprudence constante que rien n’oblige le bénéficiaire d’une promesse qui a usé de son droit de substitution à notifier au promettant l’identité du nouveau bénéficiaire dans les formes prévues par l’article 1690 du code civil, puisqu’il ne s’agit pas d’une cession de créance ; que le formalisme imposé par la clause de substitution insérée au compromis, à savoir l’envoi au notaire d’une lettre recommandée avec accusé de réception, ne répond à aucun impératif légal ; que le notaire a bien été informé et qu’il a pris acte de la substitution puisque la constitution de la société la SCI Palmed Immo a été publiée et que M. [E] a adressé au notaire le K-bis et les statuts ;
‘ qu’en application des articles 1364 et suivants, notamment de l’article 1366 du code civil : « l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. » ;
‘ que la commune intention des parties a été respectée ; que la clause de substitution rédigée par le notaire vise à garantir sa parfaite information dans le cas d’une substitution de l’acquéreur avant la vente afin d’en tirer toutes les conséquences de droit et de fait ; et que le formalisme imposé par la clause a un but probatoire, de sorte que le non-respect de ce formalisme ne nuit à aucune de ces finalités ;
‘ que la Cour de cassation a validé ce raisonnement dans un arrêt en date du 21 juin 2018 :
« Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que la faculté de substitution prévue à la promesse ne pourrait être exercée que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au notaire chargé de rédiger l’acte de vente et, en toute hypothèse, avant la réalisation des conditions suspensives, d’autre part, que le vendeur avait la faculté de demander à l’acquéreur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de justifier du dépôt du dossier de prêt et qu’à défaut de réponse dans le délai de huit jours il pourrait se prévaloir de la caducité de l’acte de vente, et constaté qu’à la suite de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception de M. et Mme [R] … du 30 juillet 2015 adressée à M. [U] … , la SCI avait justifié de l’obtention du prêt consenti par la Lyonnaise de banque par lettre du 3 août 2015 adressée au notaire de l’acquéreur et à celui des vendeurs, la cour d’appel, devant laquelle il n ‘était pas soutenu que la substitution dans le bénéfice de la promesse constituait une cession de contrat et qui a retenu, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, exclusive de dénaturation, que la formalité prévue pour l’exercice de la substitution, n’était pas sanctionnée dans l’acte, avait un but exclusivement probatoire et que la justification de l’obtention du prêt et la faculté de substitution étaient intervenues avant la réalisation de la condition suspensive, en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la promesse n’était pas caduque et que la demande en paiement de la clause pénale devait être accueillie (‘),
Rejette le pourvoi » ;
Mais attendu que M. [Y] [N] [C] répond exactement que l’arrêt qui est cité diffère en ce qu’il avait été établi devant la Cour de cassation que la faculté de substitution avait bien été mise en ‘uvre, alors que tel n’est pas le cas d’espèce, au vu du mail laconique de M. [E] en date du 20 novembre 2020 qui parle de la constitution de la SCI Palmed Immo pour l’achat des murs ; que ce mail d’une part ne s’assimile pas à une lettre recommandée avec accusé de réception ; qu’il ne mentionne pas qu’il est relatif à la mise en ‘uvre de la faculté de substitution ; et qu’il permettait seulement au notaire de noter le nom de la SCI et les éléments de sa désignation, en vue de la rédaction de l’acte authentique ;
Attendu qu’en effet pour justifier sa substitution dans les droits de l’acquéreur, et de sa qualité à agir, la SCI Palmed Immo se borne à verser un mail du 20 novembre 2020 adressé à :
« [Courriel 6]
objet : statuts la SCI PALMED IMMO
Cher Maître
Ci-joint constitution de la SCI Palmed Immo (K-bis + statuts) pour achat murs hôtel Méditerranée.
Cordialement
[J] [E] »
Attendu que par ce courriel, M. [E] a communiqué au notaire les statuts de la SCI qu’il venait de créer, sans indiquer que celle-ci bénéficierait d’une quelconque substitution dans ses droits, le mail ne faisant mention d’aucune substitution ;
Qu’il s’agit d’un envoi de documents préparatoires qui ne peut équivaloir à l’exercice régulier d’une faculté de substitution dont le formalisme de lettre recommandée avec accusé de réception prévue à l’avant-contrat, de surcroît n’est pas observé ;
Attendu qu’il s’ensuit la confirmation de l’ordonnance déférée qui a retenu que la SCI Palmed Immo ne justifiait pas de sa qualité à agir en lieu et place de M. [E] en vente forcée du bien immobilier litigieux ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de la SCI Palmed Immo de voir dire et juger que la condition suspensive à la réalisation de la vente immobilière est réalisée,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Condamne la SCI Palmed Immo à payer à M. [Y] [N] [C] la somme de 2 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT