Clause pénale : 18 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00559

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Clause pénale : 18 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00559
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ARRET N°

N° RG 21/00559

N°Portalis DBWA-V-B7F-CITN

Mme [M], [K] [Z] épouse [U]

C/

LA CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 18 AVRIL 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, en date du 08 Juin 2021, enregistré sous le n° 19/02117 ;

APPELANTE :

Madame [M], [K] [Z] épouse [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Miguélita GASPARDO de la SELARL THEMYS, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL D E LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain PREVOT, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE

Me CERATO Pierre-Yves, de la SPE IMPLID AVOCATS, avocat plaidant, au Barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 18 Avril 2023 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 21 janvier 2014, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane a consenti à la S.A.R.L. M2R un prêt professionnel d’un montant de 36.000 euros, d’une durée de 60 mois, au taux de 5,90% l’an.

Par acte du 28 janvier 2014, Mme [M], [K] [Z] épouse [U] s’est portée caution des sommes dues par la S.A.R.L. M2R dans la limite de 46.800 euros.

La S.A.R.L. M2R ayant cessé de procéder au règlement régulier des échéances, la banque a, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 02 décembre 2017, mis en demeure Mme [Z] épouse [U] de régler les sommes dues.

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France en date du 15 mai 2018, la S.A.R.L. M2R a fait 1’objet d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée.

La banque a déclaré sa créance d’un montant de 19.173,94 euros par lettre datée du 18 octobre 2018 auprès du mandataire liquidateur.

Par acte d’huissier en date du 8 octobre 2019, elle a assigné Mme [Z] épouse [U] devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins d’obtenir sa condamnation en qualité de caution au paiement des sommes réclamées.

Par jugement contradictoire du 08 juin 2021, le tribunal a :

– débouté Mme [M], [K] [Z] épouse [U] de sa demande de nullité de son engagement de caution,

– condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane :

*la somme de 17 753,69 € avec intérêts au taux de 8,90% à compter du 17 mars 2018 sur la somme de 16 533,06€,

*la somme de 1242,76 euros au taux légal à compter du jugement, le tout dans la limite de son engagement de caution de 46.800 euros,

– dit que les intérêts échus pour une année entière depuis le 8 octobre 2019 seraient capitalisés,

– débouté Mme [M], [K] [Z] épouse [U] de sa demande de dommages- intérêts,

– condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 1 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] aux dépens,

– rejeté les autres demandes.

Par déclaration reçue le 05 novembre 2021, Mme [Z] épouse [U] a interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

Elle a communiqué ses premières conclusions le 02 février 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions du 30 décembre 2022, l’appelante demande de :

– constater que :

*le Crédit agricole ne démontre pas que sa déclaration ait été inscrite au passif de la société M2R,

*le courrier du 18 mars 2018 a été adressé à la caution, il n’a donc pas entraîné la déchéance du terme,

*la majoration des intérêts de 3 % revêt le caractère d’une clause pénale,

*le Crédit agricole était irrecevable à déclarer, dans sa créance, l’indemnité de recouvrement de 7%,

– réformer le jugement du 8 juin 2021 (en toutes ses dispositions) et statuant de nouveau ;

À titre principal, le Crédit agricole ne démontrant pas que sa créance ait été admise à la liquidation,

– décharger Mme [U] de son engagement de caution,

À titre subsidiaire, faute de mise en demeure adressée à la société M2R,

– dire qu’il n’y pas eu de déchéance du terme et que seules les échéances échues sont dues, soit la somme de 8.461,71 euros,

À titre très subsidiaire,

– dire que la majoration de 3 % n’est pas due par la caution car cette majoration a le caractère d’une clause pénale,

– dire que le Crédit agricole est irrecevable à solliciter l’indemnité de recouvrement 7 % car, lorsqu’il a déclaré sa créance, il n’avait eu recours à aucun mandataire et n’avait exercé aucune poursuite ;

En toute hypothèse,

– condamner le Crédit agricole à 2.500 euros, au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimée a constitué avocat le 17 novembre suivant.

Par ses dernières conclusions du 17 janvier 2023, elle demande de :

– recevoir comme régulière et bien fondée sa demande,

– constater que les conclusions d’appelant de Mme [U] ne saisissent pas la cour d’appel d’une demande d’infirmation en ce que les demandes de celle-ci ont été rejetées, notamment concernant la disproportion alléguée,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :

*condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 17 753,69 € avec intérêts au taux de 8,90%à compter du 17 mars 2018 sur la somme de 16 533,06€,

*dit que les intérêts échus pour une année entière depuis le 8 octobre 2019 seraient capitalisés,

*débouté Mme [M], [K] [Z] épouse [U] de sa demande de dommages- intérêts ,

*condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 1 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ,

*condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] aux dépens,

*rejeté les autres demandes,

– réformer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné Mme [U] à payer au Crédit agricole Martinique des intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 1242,76 € ;

En conséquence, et statuant à nouveau sur ce chef de jugement :

– condamner Mme [U] à payer au Crédit agricole Martinique la somme de 1242,76 € au taux de 8,90 % à compter du 8 octobre 2019, date d’assignation ;

En tout état de cause,

– débouter Mme [M] [K] [U] née [Z] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

– condamner Mme [M] [K] [U] née [Z] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du CPC,

– condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Romain Prevot, avocat, sur son affirmation de droit.

La clôture de l’instruction est intervenue le 19 janvier 2023.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 17 février 2023 et la décision a été mise en délibéré au 18 avril suivant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les décisions de donner acte et de constat sont dépourvues de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de conférer un droit à la partie qui l’a requis et obtenu, raison pour laquelle il ne sera pas répondu aux demandes formées à ce titre par les parties.

1/ Sur la validité de la déclaration de créance :

L’appelante ne soulève plus la nullité de son engagement de caution mais fait grief au jugement « de ne pas s’être interrogé sur la validité de la déclaration de créance » de l’intimée, alors même que ce moyen, à la lecture du jugement, n’avait pas été invoqué par elle devant le tribunal.

Elle relève que la déclaration de créance a été effectuée par courrier du 18 octobre 2018 et doute de sa validité en ce qu’elle est intervenue 5 mois après le jugement de liquidation du 15 mai 2018.

Elle considère qu’il serait important que l’intimée démontre que sa créance a été admise au passif de la liquidation en ce que, dans l’hypothèse d’une déclaration irrégulière, elle se trouverait privée d’exercer sa subrogation telle que prévue à l’article 2314 du code civil.

L’intimée ne réplique pas sur ce moyen.

L’appelante, qui supporte la charge de la preuve des faits qu’elle allègue, doit donc démontrer qu’elle a été privée de l’exercice de son droit de subrogation par suite de l’absence de validité de la déclaration de créance. Il lui appartient en conséquence de verser aux débats un extrait du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) démontrant que la publication du jugement de liquidation judiciaire est antérieure de plus de deux mois à la déclaration de créance de la banque et que dès lors, conformément aux dispositions de l’article L 622-24 du code de commerce, la dite créance était inopposable à la procédure collective, sauf à être relevée de la forclusion par le juge-commissaire.

En l’absence de toute pièce justificative de cette publication, ce moyen doit être écarté.

2/ Sur la déchéance du terme

L’appelante fait valoir que l’intimée ne démontre, ni même n’allègue, avoir adressé une mise en demeure à l’emprunteur. Elle en déduit l’absence de déchéance du terme.

L’intimée ne répond pas plus à ce moyen qu’au précédent mais produit en pièce n° 3 bis une LRAR adressée le 23 novembre 2017 à la SARL M2R la mettant en demeure de payer la somme principale de 7 614,22€ au titre des échéances impayés dans le délai de huit jours à compter de la réception du courrier.

En l’absence, non contestée, de régularisation dans le délai imposé, la déchéance du terme pouvait intervenir conformément aux conditions générales du contrat de prêt.

3/ Sur le montant de la créance de la banque

A l’examen de l’offre de prêt, du tableau d’amortissement, de la lettre de déchéance du terme et d’un décompte de créance arrêtée au 1er septembre 2019, le tribunal a fixé la créance de la banque à la somme de  8 071,35€ au titre du capital restant dû + 8 461,71€ au titre des échéances impayées + 1 220,63€ au titre des intérêts échus impayés, représentant un total de 17 753,69€ portant intérêts au taux contractuel majoré de trois points à compter de la mise en demeure adressée à l’appelante :17 mars 2018, et auquel il a ajouté l’indemnité de recouvrement de 7% , soit 1242,76€, portant quant à elle intérêts au taux légal.

L’appelante expose que la majoration des intérêts contractuels a le caractère d’une clause pénale visant à inciter l’emprunteur à régler ses mensualités dès l’échéance ; qu’ il ne peut être reproché à la caution de ne pas avoir réglé les mensualités à l’échéance.

Elle fait par ailleurs valoir que l’indemnité de 7% n’est due, aux termes du contrat, que si le prêteur a eu recours à un mandataire ou a exercé des poursuites ; que lors de la déclaration de créance, la banque n’avait exercé aucune poursuite et était donc irrecevable à solliciter l’indemnité de 7% ; qu’au surplus, l’indemnité est une clause pénale dont il est d’usage de décharger la caution.

L’intimée, appelante incidente sur ce point, sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a appliqué le taux légal aux sommes dues au titre de l’indemnité de 7% alors que le contrat n’exclut pas l’application à cette indemnité d’intérêts au taux contractuel majoré.

Elle considère également que les intérêts doivent commencer à courir à la date de l’assignation, qui vaut mise ne demeure, soit le 08 octobre 2019.

Elle indique qu’elle produit en pièce n° 9 un décompte de créance actualisé après paiement par chèque de l’appelante d’une somme de 7 000€.

La cour ne dispose, dans le dossier de plaidoirie du conseil de l’intimée, que des pièces n° 1 à 7, à l’exclusion d’un décompte de créance actualisé.

La clause majorant le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance de l’emprunteur s’analyse en une clause pénale que le juge peut donc réduire conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, tel est le cas au regard du taux d’intérêt de 5,90% pratiqué, lequel apparaît, à la date de l’offre de prêt, important.

La majoration des intérêts sera donc réduite à 1%.

L’intimée ayant désormais engagé des poursuites, l’argument de l’appelante sur la recevabilité de la demande relative à l’indemnité de recouvrement est vaine.

La dite indemnité est toutefois également soumise au pouvoir d’appréciation du juge qui peut la réduire, sans la supprimer puisqu’elle a été librement convenue entre les parties, si elle apparaît manifestement excessive. Stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée de son obligation et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par la banque prêteuse contrainte d’engager une procédure judiciaire aux fins de recouvrement forcé, elle paraît en l’espèce surévaluée au regard du préjudice subi par la banque tel qu’elle en justifie.

Elle sera en conséquence réduite à 1% des sommes dues.

L’indemnité étant une clause pénale, elle ne peut être assortie que d’intérêts au taux légal et ce, à compter de la décision qui l’octroie.

La somme de 17 753,69€, retenue à juste titre par le tribunal, qui devra être payée en deniers ou quittances par l’appelante au regard du chèque émis par elle à l’ordre de la banque le 13 septembre 2022, d’un montant de 7 000€ dont la copie est produite en pièce n° 5, portera donc intérêts au taux contractuel majoré de 6,90% l’an  à compter du 17 mars 2018, date de la mise en demeure, et jusqu’à parfait règlement.

La capitalisation annuelle des intérêts échus n’est pas discutée.

A cette somme s’ajoutera celle de 177, 53€ au titre de l’indemnité de recouvrement, portant intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.

4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’appelante aux dépens et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane la somme de 1 000€ au titre des frais irrépétibles.

L’appelante, qui succombe au principal en son recours, supportera la charge des dépens d’appel.

Le sens de la décision et l’équité justifient qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Fort de France du 08 juin 2021 sauf en ce qu’il a condamné Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane :

*la somme de 17 753,69 € avec intérêts au taux de 8,90% à compter du 17 mars 2018 sur la somme de 16 533,06€,

*la somme de 1242,76 euros au taux légal à compter du jugement ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE Mme [M], [K] [Z] épouse [U] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane, en deniers ou quittances :

*la somme de 17 753,69€ (dix-sept mille sept cent cinquante-trois euros et soixante-neuf centimes )portant intérêts au taux de 6,90% à compter du 17 mars 2018 sur la somme de 16 533,06€ (seize mille cinq cent trente-trois euros et six centimes),

*la somme de 177,53€ (cent soixante-dix sept euros et cinquante trois centimes) portant au taux légal à compter du jugement du 08 juin 2021 ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [M], [K] [Z] épouse [U] aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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