ME/SB
Numéro 23/1692
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 17/05/2023
Dossier : N° RG 21/03148 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H7SI
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[O] [F]
C/
S.A.S. COMPAGNIE DE L’ARC ATLANTIQUE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 08 Mars 2023, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [O] [F]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Fabienne BAUCOU, avocat au barreau de PAU et Maître BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMEE :
S.A.S. COMPAGNIE DE L’ARC ATLANTIQUE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU et Maître TARTAS loco Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE,
sur appel de la décision
en date du 26 AOUT 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE
RG numéro : F19/00044
M.[O] [F] a été embauché par la société compagnie de l’arc atlantique (C2A) le 11 juillet 2011 en qualité de directeur exécutif et opérationnel, statut cadre dirigeant . Par ailleurs, il était nommé directeur général .
Il a été licencié le 24 janvier 2017 pour faute grave .Le 9 février 2017, M. [F] saisissait le Conseil de prud’hommes de Bayonne puis les parties se rapprochaient et cette juridiction homologuait un protocole d’accord le 20 Octobre 2017.
Les parties s’accordaient toutefois sur le fait que la clause de non-concurrence figurant au contrat continuait de recevoir application .
Le 15 février 2019,M [F] qui ne percevait plus l’indemnité contractuelle à compter du mois d’octobre 2018 saisissait le Conseil de Prud’hommes de Bayonne en paiement du solde de cette indemnité , et en dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par jugement de départage du 26 août 2021, le Conseil de prud’hommes a statué en ces termes :
-Constate la violation par M.[O] [F] de son obligation post-contractuelle de non-concurrence
-Dit qu’aucune indemnité compensatrice de non-concurrence ne lui est due
-Rejette les demandes de M.[O] [F] en paiement du solde de l’indemnité de clause de non-concurrence et de dommages et intérêts pour résistance abusive
-Condamne à titre reconventionnel M. [O] [F] à payer à la SAS compagnie de l’arc atlantique les sommes suivantes:
-27468,40 euros montant des sommes brutes réglées à titre d’indemnité compensatrice de l’obligation de non-concurrence
-119861,76 euros au titre de la clause pénale
-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire
-Condamne M. [O] [F] aux dépens
– Condamne M. [O] [F] à payer à la SAS compagnie de l’arc atlantique une indemnité de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .
M. [F] a régulièrement relevé appel de cette décision le 21 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 février 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M.[F] demande à la cour de :
– REFORMER la décision dans son intégralité
-Y faisant droit,
-A titre principal
-CONDAMNER la société C2A COMPAGNIE DE L’ARC ATLANTIQUE à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :
– 5.493,66 € bruts au titre du solde de l’indemnité de la clause de non
concurrence ( 4 x 1248,56) outre 549,366 € au titre des congés payés y afférents
-DIRE que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
-3.000 € à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
-DEBOUTER la société ARC ATLANTIQUE de ses demandes reconventionnelles
-A titre subsidiaire
-Débouter la société ARC ATLANTIQUE de sa demande de remboursement des indemnités de non concurrence versées
-Ramener le montant de la clause pénale à la somme symbolique d’un euro.
De son côté , par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 3 mars 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SAS compagnie de l’arc atlantique ,demande à la cour de :
-CONFIRMER le Jugement du Conseil de prud’hommes de BAYONNE en ce
qu’il a :
– Constaté la violation par Monsieur [O] [F] de son obligation post-contractuelle de non-concurrence ;
– Dit qu’aucune indemnité compensatrice de non-concurrence ne lui est due ;
– Rejeté les demandes de Monsieur [O] [F] en paiement du solde de l’indemnité de clause de non-concurrence et de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– Condamné, à titre reconventionnel, Monsieur [O] [F] à payer à la SAS COMPAGNIE DE L’ARC ATLANTIQUE, les sommes suivantes :
-27 468,40 euros, montant des sommes brutes réglées à titre d’indemnité
compensatrice de l’obligation de non-concurrence,
-119 861,76 euros au titre de la clause pénale.
– Condamné Monsieur [O] [F] aux dépens ;
– Condamné Monsieur [O] [F] à payer à la société SAS COMPAGNIE. DE L’ARC ATLANTIQUE une indemnité de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Dit que les sommes allouées sont assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la date de leur exigibilité.
Et, partant, de :
– DEBOUTER Monsieur [O] [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– CONDAMNER, à titre reconventionnel, Monsieur [O] [F] à payer à la SAS COMPAGNIE DE L’ARC ATLANTIQUE, les sommes suivantes :
-27 468,40 euros, montant des sommes brutes réglées à titre d’indemnité
compensatrice de l’obligation de non-concurrence,
-119 861,76 euros au titre de la clause pénale.
– CONDAMNER Monsieur [O] [F] au paiement d’une somme de 3 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance dont distraction au bénéfice de la SELARL DLB AVOCATS conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC;
– ASSORTIR ses condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la date d’exigibilité des sommes.
L’ordonnance de clôture est du 8 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la clause de non-concurrence et le paiement de l’indemnité compensatrice:
La clause litigieuse figure à l’article 14 du contrat de travail de M. [F] ; il n’est pas discuté que cette clause a continué de recevoir application après l’homologation du protocole d’acord du 20 octobre 2017, lequel énonce dans son article 2 ‘que M.[F] reste tenu comme la SAS compagnie de l’arc atlantique aux dispositions contractuelles concernant la clause de non concurrence.’
Elle est ainsi libellée, relativement aux points qui sont en débat:
‘A la cessation du présent contrat, [O] [F] s’interdit de façon directe ou indirecte sous quelque forme que ce soit, pour son propre compte ou pour le compte d’une entreprise, en étant salarié ou non salarié, associé ou commanditaire, pendant une durée de vingt-quatre mois suivant la date de la rupture, toute activité susceptible de concurrencer directement la SAS C2A et ce sur le territoire de l’Union Européenne.
De même et dans les mêmes conditions, [O] [F] s’interdit de participer à toute activité au sein d’une entreprise, d’un groupe de sociétés ou de l’une quelconque de ses filiales ou d’un quelconque groupement de quelque nature que ce soit, exerçant une activité pouvant concurrencer la SAS C2A.
Durant l’exécution de l’obligation post-contractuelle de non-concurrence, la SAS C2A versera à [O] [F] une indemnité mensuelle d’un montant brut égal à vingt-cinq pour cent de la moyenne mensuelle des rémunérations perçues durant les douze derniers mois effectifs précédant la notification de la rupture. (‘.)
L’indemnité précitée cessera d’être due en cas de violation par [O] [F] de son obligation de non-concurrence ainsi que dans l’hypothèse où il serait délivré de cette dernière par la SAS C2A. (‘)
Dans le cas où [O] [F] enfreindrait son obligation de non-concurrence, il devrait verser à la SAS C2A à titre de dommages et intérêts, une indemnité minimale égale à deux fois le montant des rémunérations perçues par lui au cours des douze derniers mois effectifs de travail précédant la rupture ou à vingt-quatre fois la moyenne mensuelle des rémunérations de sa période de travail effectif si cette dernière est inférieure à douze mois.
La SAS C2A se réserve en outre de demander en justice la cessation de l’infraction et la réparation de l’entier préjudice qu’elle subirait (‘). »
Compte tenu de la durée figurant à cet article , la clause de non-concurrence devait recevoir application du 25 janvier 2017 au 24 janvier 2019. Ce point n’est pas davantage discuté.
Il est constant que c’est à C2A de prouver que [O] [F] a enfreint la clause .
A cet égard, c’est sans inverser la charge de la preuve, sans procéder par affirmation et sans qu’il soit besoin de recourir à une quelconque mesure d’instruction que le premier juge a exactement relevé que la société C2A établissait en produisant les pièces utiles que :
– en mars 2017 M [F] s’est inscrit au répertoire SIRENE afin d’exercer une activité professionnelle en profession libérale
-le 20 octobre 2017 ainsi qu’en fait foi l’extrait du registre du commerce et les statuts de la société rédigés par M [F] ,ce dernier a constitué une société Redcat Consulting ayant pour activité ‘toutes prestations de conseils et de services auprès de toutes entreprises quel que soit leur domaine d’action des particuliers et de tout organisme public ou para-public quelle qu’en soit la structure .Le conseil d’assistance opérationnelle , la formation apportée à des entreprises et autres organisations sur des questions de tous types.’
-l’extrait du site internet www.manageo.fr lequel présente cette société Redcat Consulting comme plus particulièrement spécialisée dans le secteur des paiements et de la monétique. L’édition de la copie d’écran est certes de décembre 2019 mais la lecture attentive de cette copie d’écran montre qu’il est fait expréssement référence à une création de l’entreprise en octobre 2017.
De même ,c’est à bon droit ,par des motifs exacts que la cour fait siens que le premier juge a relevé que sur le site Linkedln ,site ouvert au public et qui a expressement pour but de permettre aux professionnels de prospecter la clientèle, M.[F] a rédigé une présentation de sa societé de laquelle il ressort que dans le cadre de Redcat Consulting ‘ il accompagne les entreprises et les Fintech sur la gestion de projets , veille réglementaire ,mise en oeuvre et maîtrise d’ouvrage ,accompagnement des équipes , formation et suvi sur quatre axes principaux :
-la recherche de partenaires et investisseurs en capital
-l’accompagnement des dirigeants dans leur stratégie de croissance
-les Fintechs et moyens de paiement
-la création d’institution financière clé en mains (EP/EME).’
Il sera ajouté que M. [F] termine cette présentation par la formule ‘rencontrons-nous!’qui manifeste son intention de prospecter la clientèle.
Ainsi, après avoir indiqué que la société C2A était précisément un établissement de paiement spécialisé dans la gestion des frais liés à la mobilité professionnelle, le premier juge en a exactement déduit d’abord que l’activité mise en place par M. [F] était suceptible de faire concurrence à la SAS C2A selon les termes de la clause laquelle n’exige pas que la prestation ait été effectivement commercialisée et ensuite que la violation de la clause de non concurrence était établie.
Il sera seulement ajouté que si l’examen comparé des codes Naf des deux sociétés montrent que la sphère d’activité de la société de M. [F] est plus large que celle de C2A, il est patent que le coeur de métier de Redcat consulting, tel qu’anoncé à destination des prospects (‘ les fintechs et moyens de paiement ,la création d’institution financière clé en main’) entre directement en concurrence avec la SAS C2A.
M.[F] n’a pas respecté l’engagement contractuel et n’a pas ,en conséquence droit à indemnité.
Par suite la Cour confirmera ces chefs du jugement.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement de sommes :
C’est à bon droit par des motifs et des calculs que la cour adopte que le premier juge en a déduit que M. [F] qui avait dès octobre 2017, soit au moment de la conclusion du protocole d’accord qui rappelait le maintien de la clause de non concurrence, entrepris une activité concurrentielle et devait par suite rembourser les indemnités perçues.
Ce chef du jugement sera confirmé.
Sur la clause pénale:
Cette clause est conventionnellement prévue ,elle est claire et non équivoque; elle a pu être valablement mise en oeuvre par C2A sans mise en demeure préalable dès lors que l’obligation pesant sur M. [F] n’était pas, depuis le début, exécutée.
La cour confirmera par motifs adoptés le montant de cette clause , aucune considération particulière ne justifiant que le juge use de son pouvoir modérateur pour en diminuer l’ampleur, dès lors que M. [F] n’apporte aucun élément sur sa situation .
Sur les intérêts :
Les intérêts courront au taux légal du jour du présent arrêt.
Sur l’indemnité procédurale et les dépens de première instance :
La cour confirmera par motifs adoptés ces chefs de jugement
Sur l’indemnité procédurale et les dépens d’appel :
Aucune considération d’équité ne justifie l’application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Les dépens d’appel seront supportés par M. [F] qui échoue dans son recours.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
y ajoutant
Dit que les intérêts sur les sommes de 27 468,40 euros, montant des sommes brutes réglées à titre d’indemnité compensatrice de l’obligation de non-concurrence et de 119 861,76 euros au titre de la clause pénale courront du jour du présent arrêt
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par les parties en appel
Condamne M. [F] aux dépens d’appel avec distraction au profit de la SELARL DLB avocats
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,