TP/DD
Numéro 23/1688
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 17/05/2023
Dossier : N° RG 21/02362 – N��Portalis DBVV-V-B7F-H5V3
Nature affaire :
Demande présentée par un employeur liée à la rupture du contrat de travail ou à des créances salariales
Affaire :
[V] [D]
C/
S.A.S. DISTRIBUTION AMENAGEMENT ET ISOLATION
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Mars 2023, devant :
Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [V] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
S.A.S. DISTRIBUTION AMENAGEMENT ET ISOLATION
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, et Maître BELJEAN de l’AARPI AERYS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
sur appel de la décision
en date du 28 JUIN 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : 19/00306
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [D] a été embauché par la société par actions simplifié (SAS) Distribution Aménagement et Isolation (DAI) le 14 janvier 1998.
L’établissement principal de la société, enseigne SFIC, a pour activité : « industries et commerce du liège et de toutes matières isolantes et de tous produits à l’usage de la construction et de l’industrie ».
En vertu d’un avenant à son contrat de travail en date du 18 février 2013, il a été, de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2013 :
nommé au poste d’Attaché Technico-commercial (ATC) au sein de la société, pour le compte de l’enseigne SFIC [Localité 9], située à [Localité 11],
soumis à une clause de non-concurrence.
Le 1er avril 2017, M. [V] [D] est devenu ATC confirmé.
Par courrier daté du 20 août 2018, M. [V] [D] a notifié sa démission à la société Distribution Aménagement et Isolation.
Suivant un courrier en date du 21 août 2018, la société Distribution Aménagement et Isolation a accusé réception de la démission de M. [V] [D] et l’a informé qu’elle maintenait la clause de non-concurrence prévue par son contrat de travail.
M. [V] [D] a quitté l’entreprise le 19 septembre 2018.
M. [V] [D] a ensuite été embauché en tant que « responsable achats PPI, agence de [Localité 3] », selon contrat à durée indéterminée à temps complet, par la société Société M + Matériaux, société de « négoce de matériaux de construction, fabrication de matériaux en métal, bois, gestion de portefeuilles de titres, parts et actions des sociétés filiales du réseau M+ », laquelle se situe à [Localité 8].
Par courriers du 12 octobre 2018, la société Distribution Aménagement et Isolation a dénoncé auprès de M. [V] [D] et de la société M + Matériaux la violation de la clause de non concurrence et sollicité en conséquence le remboursement de la contrepartie financière versée à M. [D] depuis le départ de l’entreprise ainsi que le paiement de la somme de 36 724,54 euros au titre de la clause pénale.
S’en sont suivis différents échanges.
Le 28 juin 2019, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance de Bayonne du 4 juin 2019 à la demande de la société Distribution Aménagement et Isolation, un huissier s’est rendu dans les locaux de l’agence M+ Matériaux [Localité 8]-[Localité 3], aux fins de constatations.
Par requête déposée le 13 novembre 2019, la société Distribution Aménagement et Isolation a saisi le conseil de prud’hommes de Pau aux fins d’obtenir des dommages et intérêts en considération de la violation de la clause de non-concurrence.
Par jugement du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Pau, statuant en formation de départage, a :
– Jugé valable la clause de non-concurrence ;
– Jugé valable la cessation du versement de la contrepartie financière ;
– Jugé établie la violation de la clause de non-concurrence par M. [V] [D] ;
– Jugé valable l’application de la clause pénale ;
– Condamné M. [V] [D] au titre de la violation de la clause de non-concurrence de son contrat de travail à verser à la société Distribution Aménagement et Isolation la somme de 325,64 euros bruts correspondant à la contrepartie financière versée ;
– Condamné M. [V] [D] au titre de la violation de la clause de non-concurrence de son contrat de travail à verser à la société Distribution Aménagement et Isolation la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale ;
– Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour celles qui ont une nature indemnitaire
– Débouté les parties pour le surplus
– Condamné M. [V] [D] aux entiers dépens de l’instance et à payer à la société Distribution Aménagement et Isolation la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Par acte en date du 13 juillet 2021, M. [V] [D] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 1er avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [V] [D] demande à la cour de :
> A titre principal, infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Pau du 28 juin 2021 dans toutes ses dispositions ;
– Statuant à nouveau, juger que la clause de non-concurrence le liant est nulle ;
– En conséquence, débouter la société Distribution Aménagement et Isolation de l’ensemble de ses demandes ;
> A titre subsidiaire :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le montant de la clause pénale réclamé par l’employeur est manifestement excessif ;
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le montant de la clause pénale à la somme de 20 000 euros ;
– En conséquence, réduire la clause pénale contractuellement fixée à de plus justes proportions ;
> En tout état de cause :
– Condamner la SAS Distribution Aménagement et Isolation à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, outre 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
– Condamner la SAS Distribution Aménagement et Isolation, prise en la personne de son représentant légal en exercice, aux dépens de la première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 11 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SAS Distribution Aménagement et Isolation demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
Jugé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de M. [V] [D] licite ;
Constaté la violation de la clause de non-concurrence par M. [V] [D] ;
Jugé la cessation du versement de la contrepartie financière de M. [V] [D] licite ;
Condamné M. [V] [D] à lui rembourser la somme de 325,64 euros bruts correspondant la contrepartie financière qui a été versée ;
Condamné M. [V] [D] au paiement de l’indemnité forfaitaire au titre de la clause pénale prévue contractuellement ;
Condamné M. [V] [D] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure « pénale » ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a limité le montant alloué au titre de la clause pénale à la somme de 20 000 euros ;
Statuant de nouveau :
Dire et juger que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail est licite ;
Dire et juger que M. [V] [D] a violé la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail ;
En conséquence :
Condamner M. [V] [D] à lui rembourser la somme de 325,64 euros perçue au titre de la contrepartie à l’engagement de non-concurrence ;
Condamner M. [V] [D] à lui payer la somme de 54 343,07 euros au titre de la clause pénale ;
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
En tout état de cause :
Débouter M. [V] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner M. [V] [D] au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [V] [D] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la licéité de la clause de non concurrence
Le droit français reposant sur un principe de liberté contractuelle, employeurs et salariés sont a priori libres de faire figurer dans le contrat de travail individuel toutes clauses sur lesquelles ils sont parvenus à un accord, mais l’article L. 1121-1 du code du travail prévoit que les restrictions apportées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
L’objet d’une clause de non-concurrence est d’interdire au salarié, après la rupture de son contrat de travail, d’entrer au service d’une entreprise concurrente ou d’exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de son ancien employeur. Il est ainsi admis lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie, qu’il puisse être apportée une restriction à la liberté du travail de certains salariés par une clause de non-concurrence.
Tout contrat de travail peut, dès lors, contenir une clause de non-concurrence laquelle peut valablement figurer dans un écrit distinct du contrat de travail.
La clause de non-concurrence doit, pour être valable, obéir cumulativement aux conditions suivantes :
– être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise ;
– être limitée dans le temps et l’espace ;
– tenir compte des spécificités de l’emploi ;
– comporter une contrepartie pécuniaire.
Lorsque au moins une condition de validité fait défaut, s’il est trop gravement porté atteinte à la liberté du travail ou si les stipulations du contrat ne sont pas conformes à la convention collective applicable, le salarié, et lui seul, peut réclamer la nullité de la clause de non-concurrence.
L’article 2.6.4 de la convention collective du négoce de matériaux applicable prévoit qu’une clause de non-concurrence figure aux contrats de travail relevant de son application. Elle dispose plus particulièrement que :
« Clause de non-concurrence
Une clause de non-concurrence peut être prévue au contrat des salariés dont l’emploi justifie le recours.
La clause de non-concurrence doit, pour être licite, obligatoirement être écrite dans le contrat de travail ou dans un avenant à celui-ci.
Cette clause n’est licite que dans la mesure où elle est stipulée dans le but de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise.
Compte tenu des fonctions exercées par le salarié qui l’amènent, entre autres, à avoir une connaissance globale de la clientèle, des fournisseurs, des politiques de la société et, globalement, des savoir-faire collectifs, et compte tenu des risques de concurrence déloyale que représenterait son départ chez un concurrent pour ses collègues et pour l’agence, les parties peuvent convenir qu’en cas de résiliation du contrat, et quelle que soit la partie à l’origine de la rupture, le salarié s’interdit de s’intéresser directement ou indirectement, pour son compte ou pour celui d’un tiers, par lui-même ou par personne physique ou morale interposée, à toute affaire concurrente dans le domaine d’activités de l’entreprise (qui devra être précisé par le contrat de travail).
La clause de non-concurrence, pour être valide, doit respecter les critères cumulatifs suivants, fixés par le contrat de travail :
– être limitée dans le temps : 1 an ;
– être limitée dans l’espace : les zones dans lesquelles le salarié a travaillé dans les 2 années précédentes ;
– être limitée à des activités précises et déterminées (les chauffeurs et les magasiniers qui n’exercent pas de fonction commerciale sont exclus) ;
– être assortie d’une contrepartie pécuniaire, intégrant l’indemnité de congés payés, au moins égale à 25 % de la rémunération brute des 12 derniers mois, versée soit au départ du salarié, soit à une période à définir dans la clause, durant l’application de la clause de non-concurrence.
Dans l’hypothèse d’une clause de non-concurrence signée antérieurement à la date de validité de cet accord collectif et fixant des critères moins favorables pour le salarié, il appartiendra aux parties de signer un avenant substituant ces nouveaux critères minimum aux anciens. À défaut de signature, la clause antérieure de non-concurrence est réputée non écrite.
Par ailleurs, l’employeur aura la faculté de délier, totalement ou partiellement, son collaborateur de la clause de non-concurrence dans les conditions suivantes :
– rupture à l’initiative de l’employeur : il doit en faire part au salarié de manière expresse à la date de notification de la rupture ;
– rupture à l’initiative du salarié : l’employeur doit en faire part au salarié de manière expresse dans les 3 semaines suivant la réception de la notification de la – rupture ou au plus tard, le cas échéant, dans la lettre de dispense de préavis ;
– rupture conventionnelle : il doit en faire part au salarié au moment de la signature de la convention de rupture (Cerfa).
Dans l’hypothèse où l’employeur aura délié totalement le salarié, l’entreprise sera également déliée de son obligation d’indemnisation.
Les parties peuvent prévoir que toute violation de l’interdiction de concurrence par le salarié interrompra immédiatement le versement de l’indemnité et le rendra redevable d’une pénalité dont le montant, fixé par le contrat de travail, correspondra au minimum au montant total de l’indemnité de non-concurrence majoré du remboursement des indemnités déjà perçues. L’indemnisation d’un préjudice complémentaire éventuellement causé pourra être réclamée par voie de justice.
S’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.»
M. [V] [D] fait valoir au soutien de l’infirmation du jugement déféré que la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail est nulle dès lors que trois conditions font défaut :
– la limitation dans l’espace,
– la sauvegarde des intérêts de la société,
– le versement régulier de la contrepartie financière.
A titre liminaire, la cour observe que si M. [V] [D] se prévaut de l’arrêt de la contrepartie financière, il n’en conteste pas le quantum fixé par l’employeur. Ce moyen qu’il ne développe pas est en tout état de cause un moyen lié à l’exécution de l’obligation et non à sa licéité.
De même, M. [V] [D] ne se prévaut pas d’une méconnaissance des spécificités de l’emploi.
Sur ce,
Selon avenant du 18 février 2013, la clause de non concurrence est motivée en ces termes :
« Vous vous interdisez, en cas de rupture du contrat de travail, quel qu’en soit le motif ou l’auteur de la rupture, y compris en cas de rupture de période d’essai, de faire concurrence directement ou indirectement à l’entreprise :
‘ cette interdiction est d’une durée de 1 année ;
‘ elle se limite aux départements suivants : [Localité 10], [Localité 6], [Localité 4], [Localité 5],
‘ et aux activités de commercialisation des matériaux pour le bâtiment (aménagement, isolation, plafond, thermique industrielle, cloison, étanchéité).
Cette clause interdit au salarié de travailler à quelque titre que ce soit, salarié, conseil ou mandataire d’une entreprise ayant une telle activité.
Durant l’interdiction de concurrence, vous recevrez mensuellement une contrepartie financière d’un montant de 30 % de la moyenne mensuelle des salaires perçus au cours des douze derniers mois de présence, la première mensualité état versée avec le solde de tout compte.
En cas de violation de cette interdiction, le salarié devra verser à la société Distribution Aménagement et Isolation une indemnité correspondant à votre dernier salaire annuel brut ».
Cette clause fait suite à l’évolution de M. [V] [D] dans ses fonctions d’attaché technico commercial.
En lecture de cette clause, elle respecte la durée fixée dans la convention collective applicable.
Sur la limitation dans l’espace, notion retrouvée dans la convention collective applicable et la jurisprudence, plusieurs départements sont visés dans la clause.
M. [V] [D] soutient qu’il exerçait sur les secteurs de [Localité 9], [Localité 12] et [Localité 7] et non à [Localité 3], laquelle se situe à 115 km de distance.
Il résulte des pièces par l’ancien employeur, notamment des notes de frais mais également d’un listing des entreprises visitées au cours des deux dernières années, que le champ d’intervention de M. [V] [D] est plus large que le seul secteur de [Localité 9], [Localité 12] et [Localité 7] et qu’il s’est rendu à plusieurs reprises dans le secteur de [Localité 3], voire à [Localité 3], à des fins professionnelles, étant observé que [Localité 3] se situe dans le département 64.
De même, le document budget commerciaux 2018 que la société Distribution Aménagement et Isolation produit, document concernant M. [V] [D] et son binôme M. [E], confirme l’engagement de ces derniers dans le développement de l’agence de [Localité 3], évoquant dans la partie « nos réussites » le chiffre d’affaires de l’agence de [Localité 3], fixé à 200 Keuros.
[V] [D] fait ensuite valoir que l’agence de [Localité 3], dont il ne dépendait pas, avait été affectée à l’un de ses collègues M. [U], qu’elle a été fermée, que le contrat de travail de ce dernier a alors été rompu, qu’il a été délié de sa clause de non concurrence et qu’il travaille désormais avec lui au sein de la société M+ Matériaux, à [Localité 8].
Or, il importe de relever que l’agence de [Localité 3] n’a été fermée que le 31 décembre 2018, soit postérieurement à la démission de M. [D]. Les développements précédents montrent que M. [D] a travaillé sur le ressort de cette agence. Enfin, la situation de M. [U] ne peut être transposée à celle de M. [D].
Au regard de ces éléments, la condition relative à la limitation de la clause de non concurrence dans l’espace est remplie.
Concernant la légitimité de la clause pour la sauvegarde des intérêts de la société, M. [V] [D] se prévaut de la fermeture de l’agence SFIC de [Localité 3] ne justifiant plus selon lui son maintien.
Au regard des précédentes constatations, bien que rattaché à l’agence de [Localité 11] près de [Localité 9], M. [V] [D] avait une activité d’attaché technico-commercial sur le secteur de [Localité 3].
En outre, la cour observe que :
– le contrat qui liait M. [D] à la société DAI et celle qui le lie désormais à la société M+ Matériaux sont soumis à la même convention collective,
– les secteurs d’activités des deux sociétés sont sensiblement identiques : commerce, négoce de tous produits de construction,
– les deux contrats possèdent des clauses de non concurrence, la société M + Matériaux, retenant une exclusion géographique de 100 km,
– dans les budgets commerciaux 2018, M. [V] [D] et son binôme ont pour objectif de « prendre deux clients à chausson et point p », témoignant, quand bien même il ne s’agit pas de la même société, d’un milieu très concurrentiel.
Il s’ensuit que la clause de non concurrence est justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise Distribution Aménagement et Isolation.
La clause de non concurrence étant licite, M. [V] [D] sera débouté de sa demande de nullité.
Le jugement querellé doit donc être confirmé de ce chef.
II. Sur la violation de la clause de non concurrence
L’ancien salarié viole son obligation de non-concurrence s’il exerce une activité sans respecter les limites fixées par la clause.
Ceci suppose, postérieurement à la rupture du contrat, l’accomplissement d’actes de concurrence, c’est-à-dire la sollicitation de clientèle sans nécessairement réaliser une vente ou fournir un service, étant relevé que postuler à un emploi similaire ne caractérise pas la violation de la clause.
Il incombe à l’employeur, qui se prétend délivré de l’obligation de payer la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié. À défaut, la contrepartie est due par l’employeur.
La société Distribution Aménagement et Isolation se prévaut de la violation de la clause de non concurrence par M. [V] [D].
La clause de non concurrence litigieuse revient à interdire à M. [V] [D] d’exercer un travail, pendant un an et dans les départements 64, 40, 32 et 65, au sein d’une entreprise qui aurait pour activités : la commercialisation des matériaux pour le bâtiment, de type aménagement, isolation, plafond, thermique industrielle, cloison, étanchéité.
La clause de non concurrence se justifie dans la convention collective en considération des « fonctions exercées par le salarié qui l’amènent, entre autres, à avoir une connaissance globale de la clientèle, des fournisseurs, des politiques de la société et, globalement, des savoir-faire collectifs, et compte tenu des risques de concurrence déloyale que représenterait son départ chez un concurrent pour ses collègues et pour l’agence ». En lecture de ces dispositions, si la convention reconnaît différents secteurs d’activités ou fonctions, elle aborde la notion de concurrence dans une approche globale.
Si M. [V] [D] relève qu’il gère, dans sa nouvelle entreprise, l’activité fournisseur, laquelle est une fonction principalement administrative, distincte, selon lui, des fonctions de l’ancienne entreprise, il résulte des précédents développements et du nouveau contrat de travail produit par l’employeur que les activités des deux entreprises sont très proches et par suite concurrentielles, les attestations de M. [U], collègue de M. [D] au sein de la société M. Matériaux confirmant qu’il y intervient dans le domaine des plaques de plâtre et isolation, secteurs qui sont aussi la spécialité de la société DAI exerçant à [Localité 9] sous l’enseigne SFIC.
Surabondamment, si la société Distribution Aménagement et Isolation ne produit pas la dernière fiche de fonction signée de M. [V] [D], avant son départ, force est de constater que dans les fonctions du nouveau contrat de travail, M. [V] [D] n’a pas pour objectif la seule gestion fournisseurs, en doit, de manière plus large, contribuer à la réalisation des objectifs définis par la direction générale en chiffres d’affaires et marge de l’activité PPI, devant en outre animer l’activité PPI.
Il s’ensuit que la clause de non-concurrence a bien été méconnue par M. [V] [D].
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef.
III. Sur les conséquences
1) Sur le sort de l’indemnité compensatrice
Le salarié qui viole même temporairement l’obligation contractuelle de non-concurrence perd le droit à l’indemnité compensatrice.
Il doit rembourser les sommes versées à ce titre, sauf celles correspondant au temps où il a respecté la clause, l’indemnité prenant naissance mois par mois.
L’employeur se prévaut de la confirmation du jugement qui a condamné M. [V] [D] à lui rembourser la somme de 325,64 euros bruts correspondant à la contrepartie qui a été versée.
Il résulte des précédents développements que la violation de la clause de non concurrence, laquelle a été soulevée par l’ancien employeur, par courrier du 12 octobre 2018, court à compter de la prise de fonction de M. [V] [D] dans l’entreprise concurrentielle, date à laquelle il s’est mis en situation concurrentielle.
Si le contrat produit par le salarié fait courir la relation contractuelle à compter du 1er octobre 2018, contrat signé dès le 26 juillet 2018, soit pendant la relation contractuelle avec la société Distribution Aménagement et Isolation, le contrat finalement transmis à l’huissier saisi par ordonnance sur requête, fait état d’un commencement de la relation contractuelle avec le nouvel employeur dès le 21 septembre 2018, soit deux jours suivant la fin d’exécution du contrat avec la société Distribution Aménagement et Isolation. Il y a lieu de retenir la date figurant dans le contrat transmis à l’huissier.
Il s’ensuit que l’employeur est bien fondé à solliciter la restitution auprès de M. [V] [D] des sommes versées, dont il justifie le montant, à savoir 325,64 euros.
Le jugement sera confirmé à ce titre.
2) Sur le sort de la clause pénale
La clause du contrat prévoyant une indemnité en cas de non-respect de la clause de non-concurrence étant une clause pénale, cette indemnité est susceptible d’être réduite par le juge, si elle est manifestement excessive, en application de l’article 1231-5 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
En cas de réduction, le juge doit préciser en quoi la clause est manifestement excessive.
L’employeur sollicite la réformation du jugement qui lui a alloué la somme de 20 000 euros et demande à titre incident la somme de 54 343,07 euros.
Le salarié sollicite dans un subsidiaire la réduction de ladite clause.
La lecture des pièces du dossier met en évidence que le 12 octobre 2018, la société Distribution Aménagement et Isolation a évalué le montant de la clause pénale à la somme de 36.724,54 euros.
La société Distribution Aménagement et Isolation, contrairement à ce qu’elle indique dans ses conclusions, relève dans ce même courrier du 12 octobre 2018 qu’elle a eu connaissance du départ du salarié dans une entreprise concurrente avant son départ définitif de l’entreprise. Si elle indique, dans cette lettre du 12 octobre 2018, que M. [V] [D] a démarché certains de ses clients, elle ne l’établit pas.
De plus, la société Distribution Aménagement et Isolation a, malgré tout, versé l’indemnité compensatrice à M. [D], certes en un seul versement, avant de soulever la violation de la clause.
La somme réclamée, représentant un an de salaire, soit le maximum de la clause pénale, apparaît dès lors excessive.
Il convient de la réduire à la somme de 16 000 euros, soit une somme équivalente au montant de l’indemnité compensatrice qu’aurait versée la société DAI si M. [D] avait respecté la clause de non concurrence.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
IV. Sur les intérêts
La somme accordée à titre de restitution de la contrepartie financière, de même que la clause pénale qui, bien que réduite par le juge, a le caractère d’indemnité forfaitaire contractuellement prévue pour le cas d’inexécution par une partie de ses obligations, porteront intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2019, date de réception de la lettre de convocation devant le bureau de jugement valant mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil.
Il y a lieu en outre d’ordonner la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière, dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera infirmé et complété sur ce point.
V. Sur les autres demandes
M. [V] [D] succombe de sorte que le jugement sera confirmé s’agissant des dépens de première instance et des frais irrépétibles.
M. [V] [D] sera condamné aux dépens d’appel et au paiement d’une indemnité complémentaire en cause d’appel de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes de Pau du 28 juin 2021, sauf en ce qui concerne le montant de la clause pénale, le point de départ des intérêts légaux et leur capitalisation ;
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne M. [V] [D] à payer à la SAS Distribution Aménagement et Isolation la somme de 16 000 euros à titre de clause pénale pour non respect de la clause de non concurrence ;
Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2019 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Condamne M. [V] [D] aux dépens d’appel,
Condamne M. [V] [D] à payer à la SAS Distribution Aménagement et Isolation la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,