Clause pénale : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03480

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Clause pénale : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03480

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03480 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4L5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F17/01780

APPELANT

Monsieur [D] [G] dit ‘[E] [G]’

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Pierre-olivier LAMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0545

INTIMEE

S.A.S. FREMANTLEMEDIA FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [G] dit [E] [G] a été engagé à compter du 7 novembre 1988, par la Sas Fremantlemedia France, en qualité d’animateur de l’émission « Questions pour un champion », dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée verbal.

Le 23 juin 2014, la Sas Fremantlemedia France a proposé à M. [D] [G] dit [E] [G] un contrat de travail que ce dernier a accepté.

Il n’a pas signé le projet de contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel qui lui a été soumis courant 2009.

M. [D] [G] dit [E] [G] a été convoqué le 14 décembre 2015 pour le 22 décembre suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

La Sas Fremantlemedia France lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée, datée du 5 janvier 2016.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [D] [G] dit [E] [G] a, le 7 mars 2017, saisi le conseil de prud’hommes de Paris.

Par jugement rendu le 14 mai 2020, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :

– condamné la Sas Fremantlemedia France à payer à M. [D] [G] dit [E] [G] les sommes de :

‘ 798 146,40 euros à titre de rappel sur le solde de tout compte

‘ 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal conformément aux dispositions des articles L.1231-6 et 1231-7 du code civil et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article L.1343-2 du même code

– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 39 907,32 euros et rappelé les dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail

– débouté M. [D] [G] dit [E] [G] du surplus de ses demandes

– condamné la Sas Fremantlemedia France aux dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [D] [G] dit [E] [G] demande à la cour de :

– le juger monsieur recevable et bien fondé en son appel

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Sas Fremantlemedia France à lui verser [G] la somme de 798 146,40 euros au titre de l’indemnité contractuelle

– l’Infirmer pour le surplus

Et statuant de nouveau :

– constater l’illicéité de son licenciement fondé sur un motif discriminatoire

– constater à titre subsidiaire, l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

– constater le caractère brutal et vexatoire du licenciement de monsieur [G]

En conséquence,

– condamner la société Fremantlemedia à verser à monsieur [G] les sommes suivantes:

‘ 1 396 756,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, majorée du taux d’intérêt légal à compter de la saisine du conseil

‘ 478 887,84 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des conditions brutales et vexatoires dans lesquelles s’est déroulé son licenciement, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

‘ 233 443,92 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la mauvaise foi de la Sas Fremantlemedia France dans indemnité l’exécution du contrat de travail, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

‘ 500 000 euros au titre de son préjudice d’image, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

‘ 60 331,70 euros au titre du préjudice de perte de chance d’obtenir une majoration de sa pension de retraite au régime général, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

En tout état de cause,

– rejeter la demande d’infirmation du jugement formée par la Sas Fremantlemedia France

– débouter la Sas Fremantlemedia France de l’intégralité de ses demandes

– ordonner la capitalisation de l’ensemble des intérêts dus sur le fondement des dispositions de l’article 1343-2 du code civil

– condamner la Sas Fremantlemedia France au paiement de la somme de 12 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Sas Fremantlemedia France demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé bien fondé le licenciement de M. [D] [G] dit [E] [G]

En conséquence,

– le débouter de plus fort de sa demande, formée à titre principal, visant à voir constater l’illicéité du licenciement fondé sur un motif discriminatoire et condamner la société à la somme de 1 396 756,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

– le débouter de plus fort de sa demande, formée à titre subsidiaire, visant à voir constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et condamner la société à la somme de 1 396 756,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamner M. [D] [G] dit [E] [G] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que l’indemnité contractuelle fixée au contrat de travail constitue une clause pénale

Mais,

– l’infirmer en ce que les premiers juges se sont refusés, à tort, puisque par une contradiction de motifs, à la diminuer comme elle les y invitait

Et y ajoutant :

– constater qu’au jour du licenciement cette indemnité contractuelle est devenue manifestement excessive, et privée de son objet au regard de la situation objective de M. [D] [G] dit [E] [G] au jour du licenciement

En conséquence de quoi :

A titre principal, la rescinder en sa totalité

A titre subsidiaire, la limiter à 3 mois de salaire ou à la somme qu’il plaira à la cour de fixer en fonction de son pouvoir de rescision

En tout état de cause,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

‘ débouté M. [D] [G] dit [E] [G] de sa demande, formée à titre principal, visant à voir constater l’illicéité du licenciement fondé sur un motif discriminatoire, et condamner la société à la somme de 1 396 756,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

‘ débouté M. [D] [G] dit [E] [G] de sa demande visant à voir condamner la société à la somme de 478 887,84 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des conditions brutales et vexatoires dans lesquelles s’est déroulé son licenciement

‘ débouté M. [D] [G] dit [E] [G] de sa demande visant à voir condamner la société à 239 443,92 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la mauvaise foi de la société dans l’exécution du contrat de travail

‘ débouté M. [D] [G] dit [E] [G] de sa demande visant à voir condamner la société à 500 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice d’image

Y ajoutant :

– rejeter la demande nouvelle de M. [D] [G] dit [E] [G] tenant ‘à la perte de chance d’obtenir une majoration de sa pension de retraite au régime général’, au visa de l’article 564 du code de procédure civile

A titre subsidiaire,

– l’en débouter, le licenciement étant légitime,

Et en tout état de cause,

– l’en débouter également, cette nouvelle demande n’étant assortie d’aucun élément justificatif à son soutien.

MOTIFS

Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la mauvaise foi de Fremantlemedia dans l’exécution du contrat de travail :

M. [D] [G] dit [E] [G] invoque la mauvaise foi de la Sas Fremantlemedia France dans l’exécution du contrat de travail dès lors qu’il n’a perçu que la somme de 1316,38 euros au titre de son solde de tout compte alors que ce document aurait dû inclure, outre ses salaires normaux mensuels, l’indemnité contractuelle, que l’employeur ne lui a apporté aucun élément de nature à lui prouver la réalité d’un prétendu avis à tiers détenteur dont il aurait été rendu destinataire de la part de l’administration fiscale, que Madame [Z] a fait preuve d’animosité à son égard en dévoilant publiquement le montant de son salaire et en le décrivant comme étant ‘ingérable’.

Il y a lieu de constater que la Sas Fremantlemedia France verse aux débats l’avis à tiers détenteur dont elle a été destinataire le 4 février 2016 pour un montant de 552 369,10 euros dus par M. [D] [G] dit [E] [G] à l’administration fiscale.

Elle justifie avoir, en application des dispositions relatives à la quotité saisissable, opéré une retenue de 32 291,49 euros sur les échéances de janvier, février et mars 2016, correspondant aux trois mois de préavis et par ailleurs avoir retenu, après déduction de la somme de 96 874,47 (32 291,49 euros x 3), la somme de 278 396,18 euros au titre de l’indemnité de licenciement, laquelle est de nature salariale.

Aucun manquement fautif n’est imputable à la Sas Fremantlemedia France à ce titre.

Rien ne permet en outre de démontrer que Madame [Z] a fait preuve d’animosité à l’encontre du salarié dès lors que ce dernier a refusé le principe même d’une émission hommage ou d’un communiqué commun.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] [G] dit [E] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l’employeur.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, la demande à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi sera rejetée.

Sur le licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la Sas Fremantlemedia France invoque les motifs suivants :

– ‘[…]les audiences de l’émission se sont ainsi notablement et durablement étiolées, comme le confirment les données Médiamétrie ‘ […],

– A défaut de faire remonter les audiences de l’émission et en tout état de cause de revoir la ligne éditoriale et artistique de l’émission que vous incarnez, France Télévisions nous a d’ores et déjà avisés que c’est de l’arrêt de l’émission dont il serait question […]’

‘En dépit des efforts que vous avez déployés, un clivage s’est installé entre votre incarnation de la conduite artistique et éditoriale de l’émission, que vous n’avez pas suffisamment su faire évoluer, et l’état des attentes du public. La nette érosion de l’audience attachée à l’émission témoigne du relief de ce clivage et de l’impossibilité qu’il y a désormais à concilier votre approche avec les attentes du public et, partant, du télédifuseur’

– sur la nullité du licenciement

Selon l’article L1132-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-96 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est motivée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forge sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce M. [D] [G] dit [E] [G] invoque les faits suivants :

– il était âgé de 66 ans au moment du licenciement,

– Madame [R], présidente de la société France Télévisions, a tenu le 23 septembre 2015, sur la chaîne de radiodiffusion Europe 1 : ‘ On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans, et ça, il va falloir que ça change’,

– ses propos ont été réitérés lors de son discours de voeux au personnel du Groupe France Télévisions,

– la concomitance de son licenciement et de ces propos,

– le fait que le processus de recrutement d’un animateur plus jeune ait été entrepris dès l’automne, avant même l’annonce de son licenciement,

– l’imbrication des décisions entre France Télévision et la Sas Fremantlemedia France qui engendre une confusion sur le processus décisionnaire, soulignant que c’est France 3 qui a annoncé son engagement à son successeur.

Pour étayer ses affirmations, M. [D] [G] dit [E] [G] produit notamment plusieurs extraits d’article de presse reprenant les paroles de Madame [R].

La teneur des propos de la présidente de France Télévisons le 25 septembre 2015, peu de temps après sa prise de fonction, ne permet pas à elle seule d’établir l’existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l’existence de discrimination de la part de la Sas Fremantlemedia France à l’encontre de M. [D] [G] dit [E] [G], même s’il existe une relation de droit entre France 3 et l’employeur.

Les demandes relatives à la discrimination et au licenciement ont été, à juste titre, rejetées par le conseil de prud’hommes.

– Sur la cause réelle et sérieuse :

Tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, à défaut d’accord convenu entre les parties lors de la conciliation, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

M. [D] [G] dit [E] [G] fait valoir que l’employeur fait état de reproches imprécis et injustifiés dont la nature est indéterminée, qu’il n’était astreint à aucun objectif chiffré, que la baisse d’audience doit être contextualisée, le paysage audiovisuel ayant connu un profond bouleversement depuis son engagement (arrivée de la TNT et de nouveaux médias), que n’étant pas en charge de la conduite éditoriale ou artistique de l’émission, aucun reproche ne peut lui être fait à ce titre, et qu’en réalité la Sas Fremantlemedia France n’a fait qu’appliquer la décision de France Télévisions.

Il estime non fondé son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Pour la Sas Fremantlemedia France, le licenciement est la conséquence exclusive d’une érosion marquée de l’audience de l’émission présentée et animée par M. [D] [G] dit [E] [G] dont le constat objectif de la performance (ligne éditoriale et artistique) n’est plus en phase avec les attentes du public, mise en évidence par des rapports d’analyse établis fin 2014 et 2015 désignant la personnalité de l’animateur de l’émission comme l’obstacle au bon maintien du jeu.

S’il est exact que la lettre du 23 juin 2004 valant contrat de travail conclu entre la Sas Fremantlemedia France et M. [D] [G] dit [E] [G] en sa qualité d’animateur de l’émission « Questions pour un champion » diffusée sur France 3, ne fixe pas d’objectifs précis à ce dernier, force est de constater que le critère d’audience est néanmoins déterminant.

En effet il est prévu, outre la rémunération nette par épisodes ou par émissions spéciales convenue, et pour un montant significatif, un ‘bonus A’ assis sur le taux moyen d’audience de la population des 4 ans et + (source Mediamétrie) et ‘un bonus B’ tenant compte également de l’audience moyenne de l’émission, lorsqu’elle est supérieure de 2% à l’audience moyenne de l’émission au cours de l’année précédente ou, si l’évolution moyenne de l’émission est 2 % supérieure à l’évolution de l’audience moyenne de France 3.

La Sas Fremantlemedia France communique la lettre que lui a adressée le 6 novembre 2015 la directrice exécutive de France 3 l’informant du fait qu’elle n’excluait pas la mise en oeuvre de la ‘clause d’audience’ figurant dans la lettre d’engagement du 1er juillet 2015 liant les deux entreprises, relative à la série d’émissions « Questions pour un champion ».

Elle verse en outre aux débats :

– un rapport qualitatif «Analyse du bloc jeux» établi en octobre 2014 par la société Think out dressant un bilan négatif de l’animation, une ‘personnalité qui génère une vraie lassitude et peu conduire à une prise de distance à l’égard de l’émission’ et concluant à la ‘nécessité d’une évolution franche de l’animation’, avec soit un maintien de l’animateur, conditionné par sa capacité à changer radicalement de posture en plateau, soit son remplacement,

– un rapport concernant l’évolution des performances de l’émission et de ses éléments qualitatifs, établi au dernier trimestre 2015 qui montre que le ‘jeu décroche depuis plusieurs saisons’, son rédacteur précisant : ‘Tous les indicateurs sont au rouge’ et si ‘le jeu a encore du potentiel » la personnalité de l’animateur agace de plus en plus et est un frein à l’écoute du jeu’.

Il souligne le fait que, bien que l’animateur ait été avisé des résultats entre octobre 2014 et novembre 2015, il n’a pas changé de comportement.

Il résulte de ces deux rapports précis et circonstanciés établis en 2014 et 2015 que l’audience de l’émission s’est sérieusement infléchie dans l’année qui a précédé la rupture du contrat de travail et que la désaffection des téléspectateurs n’avait pas de lien avec la formule même de l’émission.

Ces rapports ont mis en évidence la lassitude, voire l’exaspération des habitués de l’émission en raison de la personnalité de l’animateur, qui ne s’est pas renouvelé, malgré les alertes, et n’a pas modifié son attitude notamment à l’égard des candidats, ce qui a contribué à la baisse d’audience dont il est fait état dans la lettre de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [D] [G] dit [E] [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté ce dernier de sa demande d’indemnité formée à ce titre.

Sur l’indemnité contractuelle :

Aux termes du contrat de travail les parties sont convenues qu’en cas de cessation du contrat de travail (sauf faute lourde ou grave, ou démission) qu’il serait versé au salarié :

– 3 mois de préavis (payé et exécuté)

– Indemnités légales de licenciement

– Une indemnité contractuelle correspondant à 12 mois de salaire (calculé sur votre dernier salaire annuel) en cas d’arrêt de l’émission par le diffuseur France 3

– ou d’une indemnité contractuelle correspondant à 20 mois de salaire si France 3 nous impose un nouvel animateur’.

En vertu des articles 1134 et 1152 du code civil, cette indemnité prévue par le contrat de travail, a le caractère d’une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif.

La Sas Fremantlemedia France demande à la cour, à titre reconventionnel, de rescinder cette clause et à tout le moins de la limiter à trois mois de salaire, en raison de son caractère excessif.

Elle fait observer que cette clause a été intégrée dans le contrat de travail le 23 juin 2005, alors que M. [D] [G] dit [E] [G] était âgé de 55 ans, à une période où l’émission faisait suite à une érosion significative des parts d’audience, à la demande de l’intéressé qui souhaitait légitimement s’assurer d’une éventuelle rupture de son contrat de travail, qu’il était éligible à la retraite pleine et entière à l’âge de 60 ans et qu’il avait près de 67 ans au moment du licenciement de sorte que cette indemnité contractuelle se trouve donc privée de son objet premier au regard de sa situation objective.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge après avoir pris notamment en considération l’ancienneté de M. [D] [G] dit [E] [G], a estimé que le montant contractuellement n’était pas excessif et il n’y avait pas lieu de le diminuer et dit que, conformément à ce qu’avaient prévu les parties dans le contrat de travail, cette clause devait se cumuler avec l’indemnité de licenciement.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture dans des conditions brutales et vexatoires :

M. [D] [G] dit [E] [G] fait grief à la Sas Fremantlemedia France de ne pas avoir tenté une discussion avant de le licencier et d’avoir au contraire planifié son licenciement en organisant une session d’enregistrement intense, lui permettant de disposer de plus de deux mois d’émissions à l’avance.

Il expose que c’est au lendemain de cette session inhabituelle par sa durée de tournage qu’il a abruptement appris en décembre 2015 que la chaîne France 3 souhaitait procéder à son remplacement, que les castings du nouvel animateur ont eu lieu dès l’automne 2015, qu’il n’a pas eu l’occasion d’exprimer ses adieux à son public ou au moins de donner les raisons de son départ, que son éviction a été annoncée à son équipe, alors qu’il n’en était pas lui-même informé et qu’il n’avait même pas fait l’objet d’un entretien préalable.

Il indique que le versement de son solde de tout compte n’est pas intervenu sans que lui en soient données les raisons, les sommes dues ayant été remises à l’administration en vertu d’un avis à tiers détenteur dont il n’avait pas eu connaissance.

Selon lui, la Sas Fremantlemedia France a mis en pratique les directives données par la présidente de France Télévisions, rappelées ci-dessus.

La Sas Fremantlemedia France fait valoir qu’il a été proposé au salarié de faire ses adieux au public, lors d’une émission spéciale, ce qu’il a refusé et que sa demande de dommages-intérêts repose de plus sur des griefs portés à l’encontre de France Télévisions et non d’elle-même.

Il ne peut se déduire de la seule circonstance selon laquelle la Sas Fremantlemedia France a mis en oeuvre la procédure de licenciement à l’issue d’une longue séance d’enregistrements, qu’elle a agi de manière brutale, alors même que depuis plusieurs mois, le niveau de l’audience ne cessait d’être à la baisse et qu’était remise en cause la manière dont M. [D] [G] dit [E] [G] animait l’émission.

À cet égard, la cour relève que ce dernier ne produit aucun témoignage de personnes susceptibles d’avoir assisté à l’annonce de la fin de sa collaboration ou recueilli ses réactions immédiates, et qu’il ne verse pas plus d’élément concernant la manière dont cette annonce a été effectuée auprès des autres salariés participant à l’émission.

Il n’est pas plus démontré que le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires, l’appelant ayant lui-même déclaré à la presse avoir refusé de participer aussi bien à la rédaction d’un communiqué commun annonçant son départ qu’à une émission-hommage ainsi que l’employeur le lui a proposé.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour rupture dans des conditions brutales et vexatoires.

Sur le préjudice d’image :

M. [D] [G] dit [E] [G] soutient qu’eu égard à sa qualité de personne publique, le licenciement a entraîné une dévalorisation publique en raison notamment de plusieurs articles, titres, dans les magazines de la presse people, et que son préjudice est caractérisé en ce qu’il a été systématiquement traité de manière négative et péjorative.

Force est de constater que M. [D] [G] dit [E] [G] n’établit pas la réalité du préjudice d’image qu’il invoque, alors que lui-même a multiplié les déclarations, parfois en des termes discourtois, à l’encontre de son employeur et de son successeur.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice d’image.

Sur le préjudice pour perte de chance :

M. [D] [G] dit [E] [G] expose qu’il était âgé de 66 ans au moment du licenciement alors qu’il n’envisageait pas de faire valoir ses droits à la retraite, que la privation de ces quatre années supplémentaires de travail lui a occasionné un préjudice en le privant du bénéfice d’une surcote de 1,25 % x 16 trimestres = 0,2, soit un coefficient de 20 %, soit une perte de revenu brut de 4 640,90 euros par an.

Si cette demande est formée pour la première fois en cause d’appel, elle est, contrairement à ce que soutient la Sas Fremantlemedia France recevable en application de l’article 566 du code de procédure civile comme étant la conséquence de sa contestation du licenciement dont il a fait l’objet.

M. [D] [G] dit [E] [G] ne versant aucun justificatif au soutien de ses prétentions, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

CONDAMNE M. [D] [G] dit [E] [G] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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