COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 16 MAI 2023
N° 2023/177
Rôle N° RG 19/15951 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAVL
[U] [I]
[N] [F]
C/
[H] [C]
[R] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Anne hélène REDE-TORT
Me Céline MOURIC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 26 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00262.
APPELANTS
Monsieur [U] [I]
né le 02 Août 1980 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 6]
Monsieur [N] [F]
né le 16 Mai 1980 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 2]
tous deux représentés par Me Anne hélène REDE-TORT, avocat au barreau de MARSEILLE et ayant pour avocat plaidant Me M-Emmanuel JOUINI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Madame [H] [C]
née le 31 Mai 1977 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 3]
Monsieur [R] [P]
né le 02 Mai 1979 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
tous deux représentés par Me Céline MOURIC, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé du 28 janvier 2015, M. [R] [P] et Mme [H] [C] ont signé un compromis de vente relatif à une maison édifiée sur un terrain sise aux [Localité 8]( Bouches du Rhône) leur appartenant avec M.[U] [I] et M.[N] [F], moyennant le prix de 265’000 €.
L’acte authentique de vente n’a pas été régularisé dans le délai convenu entre les parties.
Vu les assignations des 3 et 20 février 2017, par lesquelles M. [R] [P] et Mme [H] [C] ont fait citer M.[U] [I] et M.[N] [F], devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence.
Vu le jugement rendu le 26 septembre 2019, par cette juridiction, ayant :
– rejeté la demande de M [P] et Mme [C] tendant à voir prononcer la nullité du compromis de vente du 28 janvier 2015,
– dit que M. [F] et M. [I] n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles telles qu’inscrites dans le compromis de vente signé le 28 janvier 2015,
– dit que la condition suspensive d’obtention d’un prêt, prévue dans ledit compromis de vente, doit être réputée accomplie,
– condamné M. [F] et M. [I] à verser à M. [P] et Mme [C] la somme de 26.500 € au titre de la clause pénale figurant dans le compromis de vente du 28 janvier 2015,
– débouté M. [P] et Mme [C] de leur demande en paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice,
– débouté M. [I] et M. [F] de l’ensemble de leurs demandes à titre reconventionnel ; – condamné M. [F] et M. [I] à verser à M. [P] et Mme [C] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné M. [F] et M.[I] aux entiers dépens de l’instance en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu la déclaration d’appel du 15 octobre 2019, par M.[U] [I] et M.[N] [F].
Vu les conclusions transmises le 7 mars 2023, par les appelants.
Ils font valoir que si les courriers types de refus de prêt adressés par les établissements bancaires ne précisent pas leurs caractéristiques, ils produisent une attestation de la Montepaschi Bank et du Crédit Mutuel démontrant qu’ils ont déposé des demandes de prêt conformes à celles mentionnées dans le compromis de vente et ajoutent que le fait que les demandes aient été formées au nom de la SCI 3R n’a pas d’incidence, dès lors qu’une clause de substitution était insérée dans le contrat.
M.[U] [I] et M.[N] [F] observent que celui-ci qui impose à l’acquéreur de justifier de ses démarches pour obtenir un prêt avant le 15 mars 2015 et prévoit que le dépôt de la demande dépôt doit intervenir avant le 28 juillet 2015 comporte une contradiction et que le calendrier a été fixé à titre purement indicatif, alors qu’ils ont rencontré des difficultés pour obtenir le permis de construire. Ils ajoutent avoir déposé les demandes de prêts dès le 12 décembre 2015 après l’avoir obtenu et que les vendeurs ne peuvent donc leur réclamer le montant de la clause pénale, alors que le financement leur a été accordé le 3 octobre 2016. Ils rappellent avoir fait connaitre, par lettre recommandée du même jour, leur volonté de poursuivre la vente et que l’absence de régularisation est due au comportement des vendeurs.
Ils soulignent que les mises en demeure adressées par ceux-ci ne contiennent pas de demande
d’avoir à s’expliquer sur l’évolution des démarches, ni d’avoir à régulariser la vente par acte authentique, mais sollicitent directement le paiement de la somme de 26.500 €.
Les appelants justifient leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale par les frais engagés dans le cadre de cette opération immobilière et subsidiairement à sa réduction, puisque les vendeurs ont attendu le mois d’avril 2016 pour adresser un courrier officiel.
Ils affirment que M. [R] [P] et Mme [H] [C] ne démontrent pas qu’ils avaient placé comme condition déterminante de la vente le fait qu’il ne s’agisse pas d’une opération immobilière, la réalité du préjudice qu’ils allèguent.
Vu les conclusions transmises le 7 mars 2023, par M. [R] [P] et Mme [H] [C].
À l’appui de leur demande d’annulation du compromis pour dol, ils soutiennent qu’ils n’auraient pas accepté un prix de vente tel que fixé s’ils avaient été informés du projet de promotion immobilière, consistant à construire non seulement deux maisons individuelles, mais également deux immeubles de six logements chacun, sachant que l’ampleur du projet ne pouvait que retarder la réalisation effective de la vente.
Ils estiment qu’en réponse à leur demande de justificatifs des démarches adressée par courrier du 3 mars 2016, les acquéreurs ne démontrent pas avoir déposé et transmis dans le délai requis des demandes de prêt conformes au stipulations du compromis de vente et rappellent que la clause de substitution précise que l’acquéreur restera solidairement obligé, avec la personne désignée, au paiement du prix et à l’exécution de toutes les conditions de vente. Ils en concluent que la promesse de vente est caduque.
M. [R] [P] et Mme [H] [C] indiquent avoir subi un préjudice financier important du fait du comportement des acquéreurs qui les ont privés de vendre leurs biens dans un délai raisonnable, engendrant des frais de relogement et de réaménagement du terrain. Ils considèrent que les appelants ne peuvent prétendre à aucune indemnisation, le retard pris dans l’opération relevant de leur unique faute.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 4 avril 2023.
SUR CE
Sur la nullité du compromis de vente
Il résulte des dispositions de l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige que le dol suppose l’existence de man’uvres antérieures à la conclusion du contrat, sans lesquelles l’autre partie n’aurait pas contracté.
Le compromis de vente du 28 janvier 2015 prévoit que l’acquéreur devra obtenir l’autorisation de division de la parcelle en deux terrains à bâtir, ainsi que l’obtention d’un permis de construire avant le 28 juillet 2015 pour la construction de deux maisons individuelles.
Le fait qu’une demande de prêt ait été déposée par la SCI 3 R ne suffit pas à démontrer l’existence d’un projet plus ample que celui indiqué dans le compromis, dès lors que les demandes de permis de construire ne visent que la construction de deux maisons, comme cela est prévu dans l’avant-contrat de vente, sans préciser l’existence de six logements, il en est de même pour les demandes de prêt.
Ces éléments ne constituent pas des man’uvres antérieures à la signature de la promesse synallagmatique de vente et d’achat, susceptibles d’avoir influencé les vendeurs dans leur décision, alors qu’aucune condition suspensive ne prévoit l’obtention d’un permis de construire pour six logements mais seulement pour deux maisons et que l’incidence, sur le prix de l’évolution du projet n’est pas démontrée;
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du compromis de vente pour dol.
Sur la réalisation des conditions suspensives.
Le compromis de vente signé par les parties le 28 janvier 2015 prévoit une condition suspensive d’obtention d’un prêt rédigé dans les termes suivants :
« Disposition des articles L 312-1 à L 312-36 – Chapitre II (Crédit immobilier) du livre III du code de la consommation relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier.
L’acquéreur déclare avoir été informé des dispositions de ces articles et avoir l’intention de recourir pour le paiement du prix de cette acquisition à un ou plusieurs prêts rentrant dans le champ d’application desdits articles et répondant aux caractéristiques suivantes :
– organisme prêteur : tous organismes bancaires ou financiers
– montant maximum de la somme empruntée : 700.000 €
– durée maximale de remboursement : 25 ans.
– taux nominal d’intérêts maximal : 2,8 % l’an.
– garanties offertes : privilèges de prêteur de deniers avec ou sans hypothèque conventionnelle complémentaire ou caution.
En conséquence, le compromis est soumis en faveur de l’acquéreur en dans son intérêt exclusif à la condition suspensive de l’obtention d’un crédit aux conditions sus énoncées.
Toute demande non conforme aux stipulations contractuelles quant au montant emprunté et à la durée de l’emprunt entraînera la réalisation fictive de la condition au sens de l’article 1178 du code civil.
Toute demande non conforme quant au taux n’entrainera pas automatiquement la réalisation fictive de la condition sauf à ce qu’elle soit inférieure de deux points au taux ci-dessus stipulé.
I. Obligations de l’acquéreur vis à vis du crédit sollicité
L’acquéreur s’oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l’obtention du prêt et à justifier de celles-ci au vendeur dans un délai d’un mois à compter des présentes.
A défaut d’avoir apporté la justification dans le délai imparti, le vendeur aura la faculté de demander à l’acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt.
Dans le cas où l’acquéreur n’aurait pas apporté la justification requise dans un délai de 8 jours de l’accusé de réception le vendeur pourra se prévaloir de la caducité des présentes.
L’acquéreur devra informer sans retard le vendeur de tout événement provoquant la réalisation ou la défaillance de la condition suspensive. (‘)
II. Réalisation de la condition suspensive
(‘) La réception de cette offre devra intervenir au plus tard à la date indiquée au
tableau en dernière page des présentes.
L’obtention ou la non obtention du prêt devra être notifiée par l’acquéreur au vendeur
par LRAR adressée dans les 3 jours suivants l’expiration du délai ci-dessus.
A défaut de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la faculté de mettre
l’acquéreur en demeure de justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance
de la condition.
Cette demande devra être faite par LRAR au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de 8 jours sans que l’acquéreur ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté’ »
Alors que le compromis de vente prévoit la pluralité d’acquéreurs mais pas de clause de substitution, il apparaît les courriers des banques répondent à des demandes de financement formées par la SCI 3 R et non par les acquéreurs nommément désignés étént précisé qu’aucune substitution au profit de cette dernière n’a été notifiée.
Si le courrier adressé par la Société Générale décembre 2015 évoque un montant de 877’288 €, largement supérieur au montant prévu par le compromis, celui-ci ne précise pas la durée ni le taux du prêt.
Les courriers de la société Monte Paschi Banque et de la société I Crédit Immobilier ne comportent aucune indication chiffrée.
La clause selon laquelle l’acquéreur s’oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l’obtention du prêt et à justifier celle-ci au vendeur dans un délai d’un mois n’est pas contradictoire avec le tableau prévoyant le dépôt de la demande de prêt avant le 28 juillet 2015.
En tout état de cause les pièces produites par les appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la réalisation des démarches nécessaires à l’obtention d’un prêt correspondant caractéristiques définies ci-dessus, dans les conditions et les délais contractuellement prévus.
Il en résulte que la condition suspensive liée au prêt est réputée avoir été accomplie, en appliacation de l’article 1178 code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige.
Il en est de même pour la condition suspensive liée à l’obtention d’un permis de construire, dès lors que la demande de permis de construire n’a pas été formée par l’une des acquéreurs désignés par l’acte sous seing privé de compromis mais par la SCI 3R qui n’était pas partie à ce contrat.
Il résulte des dispositions de l’article 1176 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige que lorsque les parties ont encadré la réalisation de la condition suspensive dans un délai et qu’elle n’est pas accomplie à la date prévue pour la régularisation de la vente par acte authentique, la promesse est caduque. Tel est le cas en l’espèce.
La délivrance d’un permis de construire le 4 décembre 2015 et la signature d’un contrat de prêt pour un montant de 736’500 € le 3 septembre 2016, doivent être considérés comme tardifs de ce chef et donc sans influence sur la survie du contrat.
Sur la clause pénale:
Il est stipulé au sein du compromis de vente la clause pénale suivante :
« Au cas où toute les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties, après avoir été mise en demeure ne régulariserait pas par acte authentique de vente et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie la somme de vingt six mille cinq cents euros (26.500 eur) à titre de clause pénale’ »
il est précisé et convenu entre les parties que cette clause pénale a également pour objet de sanctionner le comportement de l’une des parties dans la mesure où il n’a pas permis de remplir toutes les conditions d’exécution de la vente.»
Il n’est pas contesté que la réitération de l’acte n’est pas intervenue au plus tard le 15 novembre 2015 comme cela était prévu par le compromis de vente liant les parties, alors que les conditions suspensives sont réputées être accomplies.
Les vendeurs sont ainsi fondés à réclamer la condamnation des acquéreurs au paiement de la clause pénale, sans qu’aucun motif ne justifie que celle-ci soit réduite en raison de son caractère manifestement excessif.
Le préjudice financier lié à l’immobilisation du bien est déjà indemnisé par la clause pénale elle-même représentant 10 % du prix; les demandes en dommages et intérêts complémentaires formées par M.[R] [P] et Mme [H] [C] sont, en conséquence, rejetées.
Le jugement est confirmé.
Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les parties perdantes sont condamnées aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M.[U] [I] et M.[N] [F] à payer à M. [R] [P] et Mme [H] [C] , la somme de 3 000 €, en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M.[U] [I] et M.[N] [F] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT