COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 AVRIL 2023
N° RG 21/03035
N° Portalis DBV3-V-B7F-UP3X
AFFAIRE :
[H] [V] [A]
…
C/
[U] [M] [I]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2021 par le TJ de PONTOISE
N° Chambre : 2
N° RG : 18/06528
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Virginie VOLLARD
Me Antonin PIBAULT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
1/ Monsieur [H] [V] [A]
né le 03 Juin 1985 à [Localité 6] ([Localité 6])
[Adresse 1]
[Localité 3]
2/ Madame [E] [C]
née le 24 Septembre 1987 à [Localité 7] (PAKISTAN)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Virginie VOLLARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 521
Représentant : Me Olivier BOHBOT, Plaidant, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 342
APPELANTS
****************
1/ Monsieur [U] [M] [I]
né le 31 Mai 1968 à [Localité 5] (CAMEROUN)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
2/ Madame [P] [K] [L] [O] épouse [M] [I]
née le 29 Octobre 1973 à [Localité 4] (BENIN)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Antonin PIBAULT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Postulant et Plaidant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 13 – N° du dossier 2100109
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT
FAITS ET PROCEDURE :
M. [U] [M] [I] et Mme [P] [O] épouse [M] [I] sont propriétaires d’un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 3].
Un compromis de vente sous condition suspensive d’obtention d’un financement a été signé avec M. [H] [A] et Mme [E] [C].
Le prêt n’a pas été obtenu et la vente n’a pas été réitérée devant notaire.
Par acte du 20 juin 2018, M. et Mme [M] [I] ont fait assigner M. [A] et Mme [C] devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin d’obtenir le paiement de la clause pénale prévue dans le compromis.
Par jugement du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
– condamné M. [A] et Mme [C] à verser à M. et Mme [M] [I] la somme de 10 000 euros au titre de la clause pénale, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2018,
– dit que la société [S] et [N], notaires, devra remettre le séquestre de 1 000 euros à M. et Mme [M] [I] à titre d’acompte sur le versement de la clause pénale,
– débouté M. et Mme [M] [I] de leur demande de dommages-intérêts,
– condamné M. [A] et Mme [C] à verser à M. et Mme [M] [I] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné M. [A] et Mme [C] aux entiers dépens, avec recouvrement direct, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par acte du 11 mai 2021, M. [A] et Mme [C] ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 29 juillet 2021, de :
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– débouter M. et Mme [M] [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner in solidum M. et Mme [M] [I] à régler à M. [A] et à Mme [C], la somme de 1 000 euros en restitution de l’indemnité d’immobilisation séquestrée suite à la promesse de vente du 13 novembre 2017 et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 12 février 2018,
– condamner in solidum M. et Mme [M] [I] à régler à M. [A] et à Mme [E] [C] la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. et Mme [M] [I] aux entiers dépens avec recouvrement direct, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 18 octobre 2021, M. et Mme [M] [I] prient la cour de:
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner M. [A] et Mme [C] à verser aux consorts [M] [I] une somme de 4 000 euros due au titre des dispositions de l’articles 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [A] et Mme [C] en tous les dépens, avec recouvrement direct dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Le tribunal, après avoir rappelé la condition suspensive insérée à la promesse, a jugé qu’il appartenait aux acquéreurs de justifier des démarches réalisées pour l’obtention d’un crédit immobilier conforme aux conditions stipulées dans le compromis avant la date du 12 janvier 2018, et que les justificatifs produits étaient insuffisamment probants. Il a déduit de cette situation que la condition suspensive était réputée réalisée et que les vendeurs étaient fondés à se prévaloir de la clause pénale.
Le tribunal a considéré que la non-réalisation de la vente avait occasionné un préjudice certain aux vendeurs, le bien ayant été inutilement immobilisé de novembre 2017 à février 2018, mais que le montant de la clause pénale était élevé au regard des circonstances de la cause et du préjudice réellement subi, compte tenu de la durée d’immobilisation du bien et de la valeur de ce bien, justifiant qu’elle soit ramenée à la somme de 10 000 euros.
Les appelants affirment avoir sollicité plusieurs demandes de prêt, exposant n’avoir pas sollicité la société LCL avec qui ils n’étaient en relations que depuis peu, et disent avoir présenté des demandes de financement conformes aux caractéristiques de l’acte liant les parties, qu’il ne peut leur être reproché le taux légèrement inférieur alors que la promesse prévoyait un taux maximum de 2% hors assurance. Ils disent ne pas avoir empêché la réalisation de la condition, qui ne pouvait pas se réaliser, eu égard aux trois refus opposés par les banques. Ils arguent que la seule hypothèse réservée par la promesse autorisant le vendeur à engager une action à leur encontre pour obtenir des dommages-intérêts doit procéder d’une carence liée exclusivement au défaut d’obtention du financement, et que tel n’est pas le cas dans la présente situation. Ils indiquent que des précisions complémentaires ont été apportées quant aux conditions des prêts sollicités. Ils affirment que la promesse est devenue caduque et qu’ils sont fondés à solliciter la restitution de l’indemnité d’immobilisation versée.
En réponse, les intimés affirment que les refus ne sont pas conformes aux conditions de la promesse, que l’un d’entre eux est postérieur à la date prévue à la promesse et que dans tous les cas, ils ne justifient pas que la condition suspensive soit considérée comme réalisée. Ils relèvent qu’il importe peu de savoir si les appelants n’avaient que peu de chance d’obtenir le financement, les conditions prévues à la clause n’étant pas respectées. Ils supposent que le refus tardif communiqué en cause d’appel est peut-être complaisant et constatent que le refus de leur banque LCL n’a jamais été communiqué.
Sur ce,
Selon l’article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
L’article 1304-3 du code civil énonce que « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. (…) »
Il est de principe que le bénéficiaire de la promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt doit établir qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse, notamment quant au taux du prêt sollicité.
Le compromis de vente était conclu sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt ainsi rédigée :
« L’acquéreur déclare qu’il paiera le prix de la vente avec l’aide d’un ou plusieurs prêts présentant les caractéristiques suivantes :
établissement financier sollicité : LCL
montant du prêt : 250 000 euros
taux d’intérêt maximum : 2% hors assurances
durée maximale du prêt : 25 ans
l’acquéreur s’oblige à déposer ses demandes de prêt d’ici dans les plus brefs délais et à en justifier aussitôt au notaire désigné pour la rédaction de l’acte en lui adressant le double.
Par suite et conformément aux dispositions des articles L313-1 et suivants du code de la consommation, la présente convention est soumise à la condition suspensive d’obtention de ces prêts, aux conditions ci-dessus, d’ici le 12 janvier 2018 et selon les modalités ci-après définies, faute de quoi la condition suspensive sera considérée comme non réalisée.
Le ou les prêts seront considérés comme obtenus par la réception par l’acquéreur des offres de prêts établies conformément aux dispositions des articles L313-24 et suivants du code de la consommation et répondant aux conditions ci-dessus, et l’agrément par l’assureur du ou des emprunteurs aux contrats obligatoires d’assurances collectives liées à ces prêts.
Il s’oblige également à notifier audit notaire, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé, au plus tard le 12 janvier 2018, les offres à lui faites ou le refus opposé aux demandes de prêt.
Passé ce délai sans que le notaire ait reçu cette notification, la condition suspensive sera réputée non réalisée à l’égard du vendeur et celui-ci délié de tout engagement si bon lui semble.
Toutefois, pour pouvoir se prévaloir du défaut de réalisation de la présente condition suspensive, l’acquéreur s’engage à solliciter un autre établissement bancaire ou financier, en cas de refus d’octroi de prêt par celui auquel il se sera adressé en premier lieu, afin de pouvoir fournir au notaire chargé de la régularisation de l’acte de vente, dans le délai visé ci-dessus deux attestations bancaires de refus de prêt.
Chacune des parties reprendra alors sa pleine et entière liberté, sans indemnité de part et d’autre, et les sommes versées par le souscripteur lui seront immédiatement restituées sans qu’il puisse prétendre à des intérêts.
(…)
L’acquéreur déclare être spécialement informé qu’en application des dispositions de l’article 1304-3 alinéa 1 du code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition suspensive sera réputée réalisée si le défaut d’obtention du ou des prêts lui était imputable, et notamment s’il a négligé d’en faire la demande ou de donner les justifications utiles. »
M. [A] et Mme [C] n’ont pas présenté de demande auprès de la société LCL sans fournir d’explication particulière à ce sujet, se contentant d’exposer qu’il s’agissait d’une banque auprès de laquelle la relation contractuelle n’était que récente, de sorte qu’ils pensaient ne pas obtenir satisfaction.
Ils ont justifié, par ailleurs, avoir déposé plusieurs demandes de prêt.
Il est ainsi établi qu’ils ont sollicité la Banque Postale, qui leur a fait connaître le 29 décembre 2017, le refus d’accéder à leur demande. Aucune précision n’est donnée quant aux conditions du prêt qui a été sollicité.
Le crédit Foncier a fait connaître son refus de prêt le 10 janvier 2018, pour un prêt de 250 000 euros sollicité pour 300 mois, soit la durée envisagée à la promesse, pour un taux de 1,95 %, légèrement inférieur au taux stipulé à la clause contractuelle.
La caisse d’épargne n’a pas non plus donné une suite favorable à leur demande, ce qui résulte d’un courrier rédigé après le délai prévu à l’acte, le 20 janvier 2018, sans précision de la durée et du taux sollicités. Un courrier complémentaire a, le 8 février 2018, confirmé ce refus, précisant qu’il s’agissait d’une demande pour un prêt de 250 000 euros, pour une durée de 300 mois et un taux de 1,85 %.
Il est démontré par les pièces versées aux débats que les demandes de prêt ont été faites à un taux ne correspondant pas au taux prévu à la promesse.
Il appartenait pourtant aux bénéficiaires de la promesse de solliciter un prêt au taux tel que stipulé à la condition, soit 2% maximum , qui est un élément essentiel des caractéristiques du prêt défini dans cette clause.
C’est donc à raison que le tribunal a estimé que la condition suspensive était défaillie du fait de M. [A] et Mme [C].
Les arguments invoqués par M. [A] et Mme [C] sont inopérants, la demande de prêt devant porter sur le taux maximum, sans interdire à la banque d’accorder un prêt à de meilleures conditions pour l’emprunteur. Ils ne démontrent pas par ailleurs que le prêt aurait tout autant été refusé à un taux de 2%, pas plus qu’ils n’établissent que le LCL aurait également et nécessairement opposé le même refus.
Le jugement est confirmé de ce chef, au motif que M. [A] et Mme [C] n’ont pas sollicité deux prêts selon les modalités définies à celle-ci.
Cette seule non-conformité de la demande de prêts concernant le taux d’intérêt, suffit à dire que la condition suspensive est défaillie du fait de l’acquéreur.
Il était par ailleurs prévu à la promesse une clause pénale ainsi rédigée : « au cas où l’une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l’acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie à titre de pénalité conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil une somme de 25 000 euros. Le tout sans que cette stipulation puisse nuire en aucune façon au droit de la partie non défaillante de poursuivre judiciairement la réalisation de la vente et de réclamer tous autres dommages-intérêts auxquels elle pourrait prétendre. »
Le tribunal a estimé à raison que le montant de cette clause devait être réduit à une somme de
10 000 euros en raison de la durée d’immobilisation du bien et de sa valeur et ce chef du jugement, qui n’est pas sérieusement contesté, sera confirmé.
Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure.
M. [A] et Mme [C], qui échouent en leur appel, sont condamnés à payer à M. [A] et Mme [C] une somme de 2 500 euros d’indemnité de procédure, outre les dépens, qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par Me [F] qui en a fait la demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [A] et Mme [C] à payer à M. [A] et Mme [C] une somme de 2 500 euros d’indemnité de procédure,
Condamne M. [A] et Mme [C] aux dépens, qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par Me Pibault qui en a fait la demande.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame PERRET, Président, et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,