Référés Commerciaux
ORDONNANCE N°14/2023
N° RG 23/01685 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TTKF
M. [N] [R] [I] [M]
C/
S.A.S.U. DISTRIBUTION INDUSTRIELLE DE VÉHICULES
S.A.S. GARAGE MODERNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 13 AVRIL 2023
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 avril 2023
ORDONNANCE :
réputée contradictoire, prononcée publiquement le 13 avril 2023, par mise à disposition date indiquée à l’issue des débats
****
Vu l’assignation en référé délivrée le 15 mars 2023
ENTRE :
Monsieur [N] [R] [I] [M]
né le 10 Février 1961 à [Localité 6] (44)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Cédric BERNE de LA CALLE de la SELARL CABINET DE LA CALLE, avocat au barreau de VANNES
ET :
La société DISTRIBUTION INDUSTRIELLE DE VÉHICULES, SAS immatriculée au RCS de Nantes sous le n°451.231.229, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, avocate au barreau de NANTES substituée par Me Alice BRIAND de la SELARL RACINE, avocate au barreau de NANTES
La société GARAGE MODERNE, SAS inscrite au RCS d’Angers sous le n°063.201.404, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Régulièrement assignée par acte d’huissier délivré le 15 mars 2023 à personne habilitée, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter
EXPOSÉ DU LITIGE’:
Le 31 août 2015, M. [N] [M] a acquis de la société SAPJ Vannes Utilitaires un véhicule utilitaire d’occasion de marque Volkswagen dont le kilométrage parcouru était de 92’783’km.
Il a confié, le 6 juillet 2018, ce véhicule (qui avait alors parcouru 185’496’km) à la société Distribution Industrielle de Véhicules (ci-après DIV) afin qu’elle procède au remplacement de certaines pièces (pneus, amortisseurs et rotules de direction).
Le 9 août 2018, M. [M] a constaté une consommation anormale de liquide de refroidissement ainsi que le passage en mode dégradé du moteur. Le 21 août 2018, le véhicule est tombé en panne et la société Garage Moderne a procédé au remplacement du turbocompresseur et de la vanne EGR, moyennant un coût de 3’110,62 euros TTC.
Le 6 septembre 2018, le véhicule est à nouveau tombé en panne et la société DIV a procédé au remplacement d’un injecteur et au recalage de la distribution pour un montant de 1’157,50’euros TTC.
Une nouvelle panne est survenue le 18 septembre 2018. Le véhicule est, depuis le 14 janvier 2019, entreposé sur le parc de la société DIV.
Le 30 janvier 2019, un devis pour remplacement du moteur a été établi pour un montant estimatif de 12’420,61’euros TTC. Par courrier de la même date, le garage a indiqué à M. [M] qu’à défaut d’obtenir son accord sous huit semaines pour la réparation, elle se réservait le droit de lui facturer les frais de parc à hauteur de 10 euros HT par jour.
M. [M] a alors diligenté une expertise amiable réalisée par le cabinet d’expertise SC Expertises qui a déposé son rapport le 24 juin 2019, lequel a retenu que l’origine des désordres était «’l’absorption d’un corps étranger à l’intérieur des cylindres’» probablement liée aux interventions de l’un ou de l’autre des garagistes.
Par exploit du 27 mai 2021, M. [M] a saisi le tribunal de commerce de Nantes, qui, par jugement du 30 janvier 2023, a notamment :
– condamné M. [M] à payer à la société DIV la somme de 11’424 euros TTC au titre des frais de gardiennage,
– condamné M. [M] à payer à la société Garage Moderne la somme de 795, 54 euros en principal outre 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,
– condamné M. [M] à payer à la société Garage Moderne la somme de 258, 22 euros au titre des intérêts de retard arrêtés au 31 août 2021 et à parfaire jusqu’au paiement intégral de la somme principale,
– condamné M. [M] à payer à la société Garage Moderne la somme de 119, 33 euros au titre de la clause pénale.
Par déclaration du 28 février 2023, M. [M] a interjeté appel de cette décision.
Par exploits des 15 et 17 mars 2023, il a fait assigner, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, les sociétés DIV et Garage Moderne en arrêt de l’exécution provisoire et en payement d’une somme de 2’565 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient, d’une part, qu’il existe des moyens sérieux de réformation puisqu’en l’absence de contrat, le dépôt doit être présumé avoir été conclu à titre gratuit, présomption qui n’est pas renversée par la société DIV. Il reproche donc au jugement de l’avoir condamné à payer des frais de gardiennage injustifiés.
Il fait, d’autre part, valoir que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation financière qui ne lui permet pas de faire face au montant des condamnations.
La société Distribution Industrielle de Véhicules conclut au rejet de la demande et réclame une somme de 2’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient, en premier lieu, que la demande est irrecevable, M. [M] ne s’étant pas opposé, devant le premier juge, dans le dispositif de ses écritures, à l’exécution provisoire (quand bien même l’a-t-il évoqué dans le corps de ses conclusions).
Elle conteste, en tout état de cause, tout moyen sérieux de réformation, c’est à dire, à l’évidence pertinent. Or, elle rappelle qu’elle a informé dès le mois de janvier 2019 qu’à défaut d’ordre de réparation du véhicule, elle facturerait des frais de gardiennage à raison de 10 euros HT/jour ce que M. [M] n’a pas contesté même à réception des factures. Elle précise que le véhicule lui a été apporté en panne en vue d’une éventuelle réparation dont l’ordre n’a jamais été signé et que, dans ces conditions, le dépôt ne peut être présumé gratuit.
Elle soutient qu’il n’existe aucune conséquence manifestement excessive, M. [M] s’abstenant de produire aux débats des éléments récents justifiant de sa situation financière et patrimoniale.
Elle ajoute qu’elle serait, en revanche, parfaitement en mesure de rembourser une somme de 11’424 euros en cas d’infirmation du jugement.
La société Garage Moderne, bien que régulièrement assignée à personne morale, ne s’est ni présentée ni fait représenter.
SUR CE :
Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile :
«’En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance’».
Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de ces dispositions de rapporter la preuve que les conditions cumulatives qu’elles prévoient sont satisfaites. Si l’une fait défaut, la demande doit être suivant les hypothèses déclarée irrecevable ou rejetée.
Dans ses écritures devant le premier juge, M. [M] a formulé des observations sur l’exécution provisoire (page 25/28) pour indiquer qu’elle entraînerait des conséquences manifestement excessives au regard de ses revenus, de sa situation professionnelle et de son état de surendettement. Si la société DIV fait valoir, à juste titre, que ces développements n’ont donné lieu à aucune prétention dans le dispositif, cette circonstance est indifférente, seule l’existence d’observations étant requise. Dès lors, le moyen d’irrecevabilité tiré de l’alinéa 2 du texte précité sera écarté.
Se fondant sur les dispositions de l’article 1917 du code civil («’le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit’»), M. [M] prétend qu’il existe un moyen sérieux de réformation puisque le tribunal a écarté la présomption de gratuité du dépôt. Ce raisonnement ne peut être suivi dès lors que la société DIV exerçant une activité commerciale de distributeur réparateur de véhicules industriels a accepté de recevoir ledit véhicule, en panne, dans la seule perspective de le remettre en l’état (à titre onéreux) et non de le stocker gratuitement pour une durée illimitée ce que ne pouvait ignorer le requérant qui était alors lui même commerçant.
En l’espèce, la société DIV rappelle qu’elle a, dès le 30 janvier 2019, attiré l’attention de M.'[M] sur la situation lui rappelant par lettre recommandée du 30 janvier 2019′:
– qu’elle avait accepté le 19 décembre 2018, de rapatrier le véhicule sur le site de Theix afin de pouvoir démonter la culasse avec son accord et ainsi pouvoir établir un diagnostic précis,
– qu’il était établi que des corps étrangers étaient passés dans les chambres de combustion des quatre cylindres,
– que la présence de ces corps était sans lien avec ses interventions,
– qu’elle ne participera pas financièrement à la remise en état du véhicule dont une estimation avait toutefois été effectuée (12 400 euros TTC environ),
– que le constructeur pourrait envisager d’étudier une demande à condition de justifier des entretiens des 110’000, 150’000 et 190’000 km,
– qu’enfin faute d’accord sous huit semaines sur la réparation, elle se réservait le droit de facturer des frais de parc, à hauteur de 10 euros HT par jour de présence calendaire.
Il est constant que M. [M] a fait procéder dans les jours qui ont suivi à une expertise contradictoire (réunions les 26 février et 4 mars 2019) par un expert d’assurances, M. [S], lequel a déposé son rapport le 24 juin 2019, mettant en cause la responsabilité de l’un ou de l’autre des garagistes, que toutefois dès la réunion du 4 mars, la société DIV a confirmé qu’elle contestait toute responsabilité. M. [M] a attendu près de deux ans pour assigner, en avril 2021, en responsabilité les deux garagistes.
Entre temps, le 24 mai 2019, la société DIV a pris acte de ce que M. [M] n’avait pas pris position sur la réparation de son véhicule et lui a adressé une première facture de 1’130 euros HT soit 1’356 euros TTC, correspondant à 113 jours de gardiennage de son véhicule. Plusieurs factures ont suivi pour les périodes écoulées jusqu’au 8 septembre 2021, pour un montant total de 11’424 euros TTC (952 jours) que le tribunal a retenu.
Le contexte commercial de ce dossier et la position connue de la société DIV dès le mois de janvier 2021 excluaient le remisage gratuit et illimité du véhicule. Le moyen de réformation allégué n’apparaît dès lors pas sérieux. La demande d’arrêt de l’exécution provisoire ne peut dès lors qu’être rejetée.
Il convient cependant de cantonner l’exécution provisoire à la somme de 10’000 euros étant relevé que la société DIV avait laissé huit semaines à M. [M] pour se positionner (laissant entendre qu’elle ferait grâce de ces huit semaines) et avait indiqué de manière ambiguë qu’elle se réservait le droit de facturer ce qui ne signifie pas qu’elle facturerait immédiatement. La facturation paraît donc justifiée seulement à compter de la fin mai 2019.
Partie succombante, M. [M] supportera la charge des dépens.
Les circonstances de l’espèce ne justifient pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant par ordonnance rendue réputée contradictoirement :
Vu l’article 514-3 du code de procédure civile’:
Déclarons recevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par M. [N] [M].
Rejetons cette demande.
Cantonnons les effets de l’exécution provisoire s’agissant des frais de gardiennage à la somme de 10’000 euros TTC.
Condamnons M. [N] [M] aux dépens.
Rejetons les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT