RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00710 –
N° Portalis DBVH-V-B7G-ILJG
MPF -AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON
13 décembre 2021
RG:17/03544
[Y]
[L] ÉPOUSE [Y]
[Y]
S.C.I. LES TILLEULS
C/
[A]
[A]
[A]
S.E.L.A.R.L. [A]
Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Grosse délivrée
le 13/04/2023
à Me Emmanuelle VAJOU
à Me Jean-michel DIVISIA
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Avignon en date du 13 Décembre 2021, N°17/03544
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [H] [Y]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 18]
[Adresse 13]
[Localité 9]
Madame [I] [L] épouse [Y]
née le [Date naissance 8] 1954 à [Localité 17]
[Adresse 13]
[Localité 9]
Madame [E] [Y]
née le [Date naissance 7] 1975 à [Localité 17]
[Adresse 15]
[Localité 4]
S.C.I. LES TILLEULS
Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 13]
[Localité 9]
Représentés par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentés par Me Michèle PARRACONE de la SELARL PARRACONE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS :
Monsieur [R] [A]
en qualité d’ayant droit de Me [V] [A]
[Adresse 11]
[Localité 2]
Madame [P] [A]
en qualité d’ayant droit de Me [V] [A]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Madame [R] [A]
en qualité d’ayant droit de Me [V] [A]
[Adresse 10]
[Localité 3]
S.E.L.A.R.L. [A]
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 14]
[Localité 5]
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentés par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentés par Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
[H] [Y], [I] [L] épouse [Y] et [E] [Y] sont associés au sein de la SCI Les Tilleuls.
Par acte authentique du 24 novembre 2011, la sarl IP a vendu à la SCI Les Tilleuls en l’état de futur achèvement une villa au prix de 257 000 euros située dans un lotissement à [Localité 16]. Par acte du même jour, les époux [Y] et leur fille [E] ont acheté en indivision dans ce même lotissement et au même vendeur une deuxième villa en l’état futur d’achèvement au prix de 257 000 euros.
Les deux actes de vente ont prévu un paiement de 89 950 euros à la signature puis le solde par échéances en fonction de l’état d’avancement des travaux et précisé qu’en cas de défaillance des acquéreurs à leur obligation de payer le prix, le vendeur pourrait se prévaloir de la clause résolutoire, un mois après sommation par lettre recommandée.
Les villas n’ayant pas été livrées le 30 avril 2012, date prévue dans les actes de vente, les acquéreurs ont suspendu le règlement des échéances du solde du prix de vente.
Par actes d’huissier du 11 octobre 2013, la sarl IP a assigné la SCI Les Tilleuls et les consorts [Y] devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins de résolution des ventes.
Par jugement du 21 avril 2015, confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence des 9 et 24 novembre 2016, le tribunal a prononcé la résolution de chaque vente et condamné les acquéreurs à payer la somme de 25 700 euros au titre de la clause pénale.
Reprochant à leur avocat d’avoir manqué à son devoir de conseil en ne les alertant pas sur le risque de mise en oeuvre par le vendeur de la clause résolutoire, par actes des 21 juin et 3 août 2017, la SCI Les Tilleuls et les consorts [Y] ont assigné Maître [A], la SELARL [A] ainsi que leur assureur Allianz devant le tribunal de grande instance de Nîmes en réparation de leur préjudice.
Par acte du 8 mars 2019, la SCI Les Tilleuls et les consorts [Y] ont assigné en intervention forcée la société MMA Assurances.
A la suite du décès de Maître [A], les demandeurs ont assigné par actes des 27 mai et 2 juin 2020 en intervention forcée ses ayant droits en la personne de Mme [R] [A], Mme [P] [A] et M.[R] [A] (ci-après les consorts [A]), constitués dans le cadre de la présente procédure.
Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le tribunal judiciaire d’Avignon a :
– prononcé la mise hors de cause de la société d’assurances Allianz Iard;
– condamné la SELARL [A], la société MMA Iard Assurances Mutuelles, Mme [R] [A], Mme [P] [A] et M. [R] [A], in solidum, à payer en réparation de leur préjudice à la SCI Les Tilleuls la somme de 14 360,02 euros et à M. [H] [Y], Mme [I] [L] épouse [Y] et Mme [E] [Y] la somme de 925,30 euros à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 400 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu que Maître [A] a manqué à son devoir de conseil en faisant abstraction du risque d’activation de la clause résolutoire, risque qui s’est réalisé. Il a cependant débouté les époux [Y] de leur demande visant à obtenir le paiement d’indemnités de retard pour la villa n°4 dès lors que le dépassement du délai d’achevèment est indifférent dans le cadre du présent litige puisque la résolution de la vente était acquise avant même l’achèvement des travaux.
Par déclaration du 21 février 2022, la SCI Les Tilleuls, M. [H] [Y], Mme [I] [L] épouse [Y] et Mme [E] [Y] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 31 janvier 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 14 février 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS :
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, les consorts [Y] et la SCI Les Tilleuls demandent à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a reconnu le principe de la faute de la SELARL [A] et de Maître [A], et, statuant à nouveau sur le quantum des sommes allouées:
– condamner solidairement la SELARL [A], la société MMA Assurances Iard et les consorts [A] à payer à l’indivision [Y] les sommes suivantes avec intérêts à compter de la signification de la décision à intervenir, sauf à parfaire :
’25 700 euros au titre de la clause pénale,
‘3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile,
’14 160 euros au titre des pénalités de retard du 30 avril 2012 au 19 avril 2013 soit 354 jours x 40 euros,
’22 300 euros en réparation du préjudice de perte de chance de percevoir des loyers,
‘974 euros au titre du préjudice lié aux frais d’assurance,
‘188 475,27 euros au titre du préjudice lié au montant des sommes investies et non restituées par la société IP,
‘1 560 euros au titre des frais d’inscription d’hypothèque
‘1 800 euros au titre des frais de mainlevée d’hypothèque,
– condamner solidairement la SELARL [A], la société MMA Assurances Iard et les consorts [A] à payer à la SCI Les Tilleuls (sous réserve de la perception de la somme de la somme de 225.964,46 euros) les sommes suivantes avec intérêts à compter de la signification de la décision à intervenir, sauf à parfaire :
’25 700 euros au titre de la clause pénale,
‘2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
’14 160 euros au titre des pénalités de retard du 30 avril 2012 au 19 avril 2013 soit 354 jours x 40 euros,
’48 300 euros en réparation du préjudice né de la perte de chance de louer les biens (du 19 avril 2013 au 8 novembre 2016),
‘956 euros au titre des frais d’assurance engagés,
‘1 560 euros au titre des frais d’inscription d’hypothèque,
‘1 800 euros au titre des frais de mainlevée d’hypothèque,
‘188 475,27 euros au titre du préjudice lié au montant des sommes investies et non restituées par la société IP,
– condamner la SA MMA Iard, la SELARL [A] et les consorts [A] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font grief à leur avocat d’avoir manqué à son devoir de conseil en stoppant les règlements en dépit du risque d’activation de la clause résolutoire des contrats, cette faute leur ayant causé un préjudice réparable à hauteur de 100 % de sorte qu’il convient de les replacer dans la situation exacte où ils se seraient trouvés si Me [A] n’avait pas commis de faute, sans limitation de leur droit à réparation intégrale.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juillet 2022, la SELARL [A], la MMA Iard et les consorts [A] demandent à la cour de :
A titre principal,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions et débouter la société SCI Les Tilleuls et les consorts [Y] de l’ensemble de leurs demandes,
A titre subsidiaire,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il les a condamnés in solidum à payer la somme de 14 360,02 euros à la SCI Les Tilleuls et la somme de 925, 30 euros aux consorts [Y],
En tout état de cause,
– condamner la SCI Les Tilleuls et les consorts [Y] à payer à la SELARL et aux consorts [A] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Les intimés estiment que les appelants ne rapportent pas la preuve que Maître [A] aurait commis une faute en ne leur conseillant pas de payer le vendeur alors même que les clauses résolutoires étaient acquises avant même que ses clients ne lui confient la défense de leurs intérêts. Ils font valoir qu’il a parfaitement exécuté son obligation de moyen dès lors que la résolution judiciaire des ventes était imprévisible, la cour d’appel l’ayant prononcée alors que la procédure de constatation de l’achèvement des travaux n’avait pas été respectée par le vendeur. Les intimés contestent l’existence d’un lien de causalité entre la prétendue faute et les préjudices allégués et soutiennent que les acquéreurs ont eux-même causé leur préjudice en omettant de solliciter des délais de paiement pour suspendre le jeu de la clause résolutoire. A titre subsidiaire, les intimés considèrent que la perte de chance n’est pas démontrée et que les préjudices allégués ne sont pas établis. A titre très subsidiaire, ils contestent le préjudice découlant du fait que la SCI Les Tilleuls n’a pas pu obtenir des pénalités de retard ainsi que le préjudice au titre des frais d’assurance habitation.
MOTIFS:
Sur la faute:
Les consorts [Y] et la Sci Les Tilleuls ont suspendu le règlement des échéances du solde du prix de vente .
Les premiers juges ont considéré que Maître [A], saisi le 8 juillet 2012 par ses clients lesquels étaient des profanes, était tenu à leur égard d’une obligation de conseil et aurait dû attirer leur attention sur le risque considérable découlant du défaut de règlement des échéances et leur conseiller de saisir la juridiction compétente aux fins de suspension de la clause résolutoire. Le tribunal a relevé que le risque d’activation par le vendeur des clauses résolutoires s’était pleinement réalisé puisque la résolution judiciaire des ventes avait été prononcée.
Les appelants sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que leur conseil avait commis une faute dans l’exécution de son mandat.
Les intimés ont formé appel incident et demandent à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu que l’avocat avait manqué à son obligation de conseil.
Ils font observer en premier lieu à la cour que la clause résolutoire était déjà acquise le 17 juillet 2012, date à laquelle les consorts [Y] ont donné mandat à Maître [A] de défendre leurs intérêts de sorte qu’il n’a pas envisagé d’en demander la suspension. Les intimés soutiennent que l’objet de son mandat était uniquement d’obtenir les pénalités de retard contractuellement stipulées en cas de retard de livraison des villas et qu’à la date à laquelle son mandat a commencé, il n’était plus possible de faire échec au jeu de la clause résolutoire.
La clause résolutoire insérée en page 7 dans les deux actes de vente concernés est rédigée ainsi: « Au cas où l’acquéreur serait défaillant à son obligation de payer la partie du prix stipulée payable à terme, le vendeur aurait la faculté……, un mois après une sommation par LRAR de se prévaloir d’office et sans formalité de la résolution des présentes ».
Les intimés n’établissent pas que le 17 juillet 2012, date à laquelle Maître [A] a reçu mandat de défendre les intérêts de ses clients, il n’était plus possible de faire échec à la clause résolutoire parce qu’elle était déjà acquise.
En effet, la clause résolutoire n’emporte pas automatiquement l’anéantissement du contrat en cas d’inexécution et suppose la manifestation de volonté de son bénéficiaire de la mettre en oeuvre.
Selon les pièces versées aux débats par les parties, le vendeur n’a manifesté son intention de se prévaloir de la clause résolutoire à l’égard de la Sci Les Tilleuls que par LRAR du 14 mai 2013, dans laquelle, après avoir sommé sa cocontractante de s’acquitter de sa dette, il a précisé: « passé un délai d’un mois sans régularisation de paiement, je serai dans l’obligation d’appliquer la clause résolutoire de l’acte qui signifie la résiliation de la vente… ».
Ce n’est donc qu’à l’expiration du délai d’un mois, soit le 14 juin 2013, que la résolution de la vente passée entre la Sci Les tilleuls et la société IP a été définitivement acquise.
Quant à la clause résolutoire insérée dans la vente conclue entre les consorts [Y] et la sarl IP, les appelants produisent une LRAR du 29 mai 2012 aux termes de laquelle la sarl IP a réclamé le règlement des échéances correspondant à 80 % des travaux , cette correspondance ne se référant pas à la clause résolutoire. Ils produisent aussi une LRAR du 6 septembre 2012 ( Pièce n°10), adressée au conseil des consorts [Y], rédigée en ces termes: « Je vous informe que je n’ai pas pu respecter mon engagement de finir les travaux de la villa au 31 juillet 2012 car je suis toujours dans l’attente du versement du palier de la VEFA correspondant à la pose carrelage. Votre cliente me doit à ce jour la somme de 27 700 euros depuis le 29 mai 2012. Vous pouvez l’informer que si sous 8 jours elle ne m’a pas payé, je serai dans l’obligation de faire jouer la clause résolutoire… ».
Même si les pièces versées ne permettent pas de déterminer précisément la date à laquelle la clause résolutoire a été mise en oeuvre selon les conditions précisément définies dans le contrat de vente, il est établi avec certitude que la résolution de la vente n’était pas acquise le 17 juillet 2012, date à laquelle les consorts [Y] ont saisi Maître [A].
L’argument selon lequel ce dernier n’a pas été saisi en temps utile pour faire échec à la clause résolutoire est donc inopérant.
Les ayant-droits de Maître [A] et son assureur relèvent en second lieu que les consorts [Y] étaient parfaitement renseignés sur l’existence de la clause résolutoire et sur ses effets et font valoir qu’un avocat n’est pas tenu de renseigner son client sur des éléments dont ce dernier a nécessairement déjà connaissance: il ne saurait donc selon eux être reproché à Maître [A] de ne pas avoir informé les appelants sur leur obligation de paiement du prix de la vente.
Enfin, les intimés rappellent qu’en matière de vente à construire, l’achèvement des travaux est précisément défini par les dispositions de l’article R. 226-1 du code de la construction et de l’habitation et qu’en ayant largement dépassé le délai contractuel d’achèvement de chacune des villas, l’inexécution fautive des contrats par le constructeur faisait obstacle à l’acquisition de la clause résolutoire : l’analyse juridique de la situation par le conseil, conforme aux dispositions légales et à la jurisprudence de la cour de cassation, ne pouvait donc engager sa responsabilité professionnelle même si elle n’a pas été retenue par la cour d’appel qui a prononcé la résolution judiciaire.
La cour relève cependant que les consorts [Y], profanes, ne maîtrisaient pas le mécanisme de la clause résolutoire insérée dans les contrats de vente conclus avec la sarl IP et qu’à la date de la saisine de leur conseil, le 17 juillet 2012, le vendeur avait seulement réclamé le règlement des échéances impayées sans les menacer de mettre en oeuvre la clause résolutoire. Maître [A] était dès lors tenu de les informer précisément des graves conséquences du défaut de règlement des échéances réclamées et de les conseiller utilement pour éviter la mise en oeuvre de la clause résolutoire, ce qu’il s’est abstenu de faire.
Tout au contraire, il leur a donné des conseils inadaptés et lourds de conséquence. En effet, il les a incités à verser les sommes dues sur son compte Carpa au lieu de les verser au vendeur: or, le tribunal de Tarascon dans le jugement du 21 avril 2015 confirmé par arrêt du 24 novembre 2016 a jugé que la résolution de la vente était acquise, la consignation des sommes n’étant pas assimilée à un paiement défini par les termes du contrat relevé car était claire et précise la clause stipulant: « tout autre paiement ne sera pas libératoire ». Il les a en outre persuadés de soulever l’inexécution du contrat sans toutefois leur recommander de saisir simultanément le juge d’une demande de suspension de la clause résolutoire, l’exception d’inexécution n’étant pas à même, à elle seule, de faire échec à la clause résolutoire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que Maître [A] avait failli à son devoir d’information et de conseil à l’égard tant de la SCI Les Tilleuls qu’à l’égard des consorts [Y], ses clients.
Sur le préjudice:
Sur le préjudice subi par les consorts [Y], acquéreurs de la villa n°3:
Le tribunal a estimé que les consorts [Y], acquéreurs de la villa n°4, ne rapportaient pas la preuve que la faute de leur conseil leur avait fait perdre une chance de faire obstacle à la clause pénale en se voyant octroyer des délais de paiement, d’une part, et celle d’obtenir des pénalités de retard à raison du retard dans l’achèvement des travaux, d’autre part, la villa n’ayant pas pu être achevée à la suite du défaut de règlement des échéances.
Les appelants rappellent qu’ils ont été condamnés à la suite de la résolution de la vente à payer au vendeur une indemnité de 27 500 euros au titre de la clause pénale prévue dans l’acte de vente et estiment que ce préjudice financier est directement imputable à la faute de leur avocat et qu’ils n’avaient pas besoin de solliciter des délais de paiement pour faire échec à la clause résolutoire. De fait, les acquéreurs disposaient des fonds nécessaires pour régler les échéances du prix de vente mais ont suspendu leur règlement car la villa ne leur avait pas été livrée à la date prévue par le contrat et, selon le conseil de leur avocat, ont consigné les fonds sur son compte Carpa.
Leur perte de chance de ne pas régler l’indemnité de 27 500 euros à titre de sanction de l’inexécution de leur obligation de paiement est donc imputable à la faute de leur conseil, lequel ne les a pas mis en garde contre les conséquences de la suspension de leurs paiements, leur a conseillé de verser les fonds sur son compte Carpa et s’est abstenu de saisir le juge d’une demande de suspension de la clause résolutoire.
La probabilité de cette perte de chance sera évaluée au taux de 95 %: il sera donc alloué aux consorts [Y] la somme de 26 125 euros.
Les appelants font aussi valoir qu’ils ont perdu une chance d’obtenir des pénalités de retard sanctionnant le dépassement du délai d’achèvement des travaux. Ils soutiennent que la villa n°4 a bien été achevée contrairement à ce qu’a indiqué le tribunal.
La clause mettant à la charge du vendeur des pénalités de 40 euros par jour de retard en cas d’achèvement des travaux postérieur à la date prévue dans l’acte de vente n’a pas pu être appliquée en raison de l’anéantissement rétroactif de la vente à la suite de sa résolution. La villa ayant été achevée le 19 avril 2013 comme en atteste la lettre adressée aux acquéreurs à cette date par le vendeur, et la date d’achèvement des travaux prévue par le contrat étant le 30 avril 2012, il sera alloué aux appelants la somme de 13 452 euros ( 354 joursX 40X 95%). En effet, la réparation de la perte de chance doit se mesurer à la chance perdue et ne saurait être égale à l’intégralité de l’avantage obtenu si cette chance s’était réalisée. La cour estime que le manquement de l’avocat à son devoir d’information et de conseil a fait perdre à ses clients une chance d’obtenir du vendeur le règlement de pénalités de retard, chance dont le taux de probabilité est estimé à 95 %.
Les appelants considèrent que [E] [Y] a perdu une chance de s’installer dans la villa et que l’achèvement tardif des travaux l’a contrainte à exposer des dépenses pour se loger ailleurs. Elle produit une attestation selon laquelle elle a loué un appartement à compter du 1er juin 2012.
Si la vente n’avait pas été résolue à la suite du défaut de règlement des échéances dues au vendeur, [E] [Y] aurait pu obtenir réparation du préjudice résultant de l’achèvement tardif des travaux. En effet, l’acte de vente stipule en page 20, dans la clause intitulée « clause pénale », laquelle met à la charge du vendeur des pénalités de retard en cas de non-respect du délai d’achèvement des travaux prévu par le contrat: « la présente clause n’est pas exclusive des dommages-intérêts ou toute autre indemnisation qui seraient éventuellement dus par le vendeur pour l’inexécution d’une obligation… ».
Cependant, la période d’indemnisation de son préjudice correspond au délai de retard dans l’exécution des travaux lesquels ont été achevés aux dires des acquéreurs eux-mêmes le 19 avril 2013. Elle a perdu une chance dont le taux de probabilité est de 95 % d’obtenir réparation du paiement d’un loyer mensuel de 700 euros ( 8400 :12) du 1er juin 2012 au 19 avril 2013, soit durant onze mois. Il lui sera alloué la somme de (700X11X95%) 7315 euros.
La demande tendant à l’indemnisation de la perte de loyers entre le 19 avril 2013, date de l’ achèvement de la villa, et le 8 novembre 2016, date de l’arrêt de la cour d’appel confirmant la résolution de l’acte de vente, sera rejetée, ce préjudice n’ayant aucun lien de causalité direct avec la perte de chance d’obtenir réparation des dommages découlant de l’achèvement tardif des travaux.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les intimés à rembourser aux consorts [Y] les dépenses qu’ils ont exposées pour assurer la villa.
A la suite de la résolution de l’acte de vente, les consorts [Y] ont été condamnés à restituer la villa et la sarl IP à leur restituer le prix de vente. Les appelants sollicitent réparation du dommage financier causé par le défaut de restitution de la somme de 188 475,27 euros par la sarl IP.
Le tribunal les a déboutés de leur demande au motif que le dommage découlant du défaut de restitution du prix par la sarl TP n’était pas imputable à la faute de leur avocat mais s’analysait en une difficulté d’exécution de la décision judiciaire prononçant la résolution de la vente.
Les appelants considèrent qu’en l’absence de la faute de leur avocat, la résolution de la vente n’aurait pas été prononcée et aucune difficulté d’exécution d’une décision judiciaire ne serait survenue. Ils expliquent que la villa n°4 a été revendue mais que la totalité du prix de vente a été absorbé par le règlement de la créance de la Banque à l’égard de la société IP.
Les intimés concluent à l’absence de lien de causalité entre la faute de l’avocat et l’impossible exécution de l’arrêt de la cour.
Les premiers juges ont à juste titre considéré que le défaut de restitution du prix par le vendeur à la suite de la résolution de la vente n’a pas pour cause directe le manquement de Maître [A] à son devoir de conseil et d’information. En effet, si la restitution du prix de vente est bien une conséquence de la résolution de la vente laquelle a été prononcée parce que les acquéreurs n’ont pas été informés et conseillés utilement par leur avocat, le défaut de restitution est quant à lui exclusivement imputable à l’impécuniosité de la sarl IP de sorte qu’il n’est pas un dommage directement rattachable aux manquements de leur avocat. Le tribunal a donc à juste titre écarté la demande tendant au remboursement des fonds investis dans l’achat de la villa et des frais d’hypothèque et sa décision sera confirmée.
Sur le préjudice subi par la SCI Les Tilleuls, acquéreur de la villa n°4:
La Sci Les tilleuls fait valoir qu’elle a été condamnée à la suite de la résolution de la vente à payer au vendeur une indemnité de 27 500 euros au titre de la clause pénale prévue dans l’acte de vente et estime que ce préjudice financier est directement imputable à la faute de son avocat.
Le tribunal l’a déboutée de sa demande au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve qu’elle aurait pu faire obstacle à la réalisation de la clause résolutoire.
L’appelante fait observer à la cour qu’elle disposait des fonds pour régler les échéances réclamées par le vendeur mais que son avocat lui a conseillé de consigner les sommes dues sur son compte Carpa.
L’appelante justifie que le règlement de l’indemnité de 27 500 euros au vendeur à titre de clause pénale laquelle sanctionne le défaut de paiement est directement imputable aux manquements de son avocat à son devoir d’information et de conseil: si ce dernier l’avait éclairée sur les risques de résolution de la vente et l’avait conseillée utilement pour éviter la mise en oeuvre de la clause résolutoire, elle n’aurait pas subi ce préjudice financier.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et les intimés condamnés à payer à la Sci Les Tilleuls la somme de 26 125 euros, le taux de probabilité de la perte de chance étant estimé à 95%.
La Sci Les Tilleuls fait aussi grief au tribunal de ne pas avoir estimé son préjudice de perte de chance au montant de l’intégralité des pénalités de retard qu’elle aurait pu obtenir si la vente n’avait pas été résolue. Cette critique n’est toutefois pas pertinente dès lors que la réparation de la perte de chance doit se mesurer à la chance perdue et ne saurait être égale à l’intégralité de l’avantage obtenu si cette chance s’était réalisée. La cour confirmera le jugement qui a arbitré à 95 % le taux de probabilité de la perte de chance consécutive au manquement de l’avocat à son devoir d’information et de conseil. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 13 452 euros à la SCI Les Tilleuls en réparation de ce chef de préjudice.
L’appelante estime par ailleurs que les premiers juges l’ont déboutée à tort de sa demande de perte de loyers à la période comprise entre le 19 avril 2013, date de l’achèvement des travaux, et le 8 novembre 2016, date de l’arrêt de la cour d’appel confirmant la résolution de la vente. Elle fait valoir qu’elle ne disposait pas des clés de la villa.
Les intimés répliquent que la Sci Les Tilleuls ne démontre pas en quoi elle a été empêchée de louer la villa au cours de la période considérée.
La sarl IP a attesté de l’achèvement des travaux le 19 avril 2013, soit près d’un an après le 30 avril 2012, date d’achèvement des travaux prévue par le contrat. L’appelante, au soutien de sa demande, fait valoir que le retard pris par le vendeur dans l’achèvement des travaux est sanctionné par des pénalités de retard et peut donner lieu aussi à l’indemnisation de tous les dommages qu’il a pu causer à l’acquéreur. La perte de loyers alléguée concernant une période postérieure à la date effective d’achèvement des travaux, la Sci Les Tilleuls sera déboutée de sa demande car elle ne démontre pas que, sans la faute de son avocat, elle aurait pu obtenir réparation du dommage allégué.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les intimés à rembourser à la SCI Les Tilleuls les dépenses qu’elle a exposées pour assurer la villa.
Sur l’article 700 du code de procédure civile:
Il est équitable de condamner [R], [R] et [P] [A], la SA MMA Iard et la selarl [A] à payer à [H], [I], [E] [Y] et la Sci Les Tilleuls la somme de 1000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
LA COUR,
Infirme le jugement en ce qu’il a débouté [H], [I] et [E] [Y] de leurs demandes au titre de la clause pénale et des pénalités de retard et en ce qu’il a débouté la Sci Les Tilleuls de la demande au titre des pénalités de retard,
Statuant à nouveau,
Condamne [R], [R] et [P] [A], la SA MMA Iard et la selarl [A] à payer à [H], [I], [E] [Y] la somme de 26 125 euros au titre de la clause pénale et celle de 13 452 euros au titre des pénalités de retard,
Les condamne à payer à la Sci Les tilleuls la somme de 26 125 euros au titre de la clause pénale,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne [R], [R] et [P] [A], la SA MMA Iard et la selarl [A] à payer à [H], [I], [E] [Y] et la Sci Les Tilleuls la somme de 1000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,