République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/04/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/02210 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UIKY
Ordonnance de référé (N° 21/01235) rendue le 01 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
SARL WPNB, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Raffaele Mazzotta, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Arie Krawiec, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SCI Extension Villeneuve 2, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Antoine Pineau-Braudel, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 31 janvier 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 31 janvier 2023
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 26 septembre 2016, la SCI Extension Villeneuve 2 a consenti à la SARL Access & co, aux droits de laquelle vient la société WPNB, un bail commercial portant sur des locaux d’environ 20 m², situés à Villeneuve d’Ascq, centre commercial Villeneuve 2, local KC2-3, pour une durée de 10 ans à compter du 1er février 2017, moyennant le paiement d’un loyer de base de 56 000 euros hors taxes et hors charges, avec indexation, et d’un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre un pourcentage de 10 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués et le loyer de base annuel hors taxes, outre un droit d’entrée de 80 000 euros et le versement d’un dépôt de garantie de 33 600 euros.
Par acte d’huissier du 29 octobre 2021, la société Extension Villeneuve 2 a fait assigner la société WPNB aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’un arriéré de loyers.
Par ordonnance rendue le 1er mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :
« Déboutons la société WPNB S.A.R.L. de ses contestations ;
Déboutons la société WPNB S.A.R.L. de sa demande de désignation d’un médiateur ;
Condamnons la société WPNB SARL à payer à la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2, la somme provisionnelle de 81729,99 euros (quatre-vingt-un mille sept cent vingt-neuf euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes impayés et reconstitution de dépôt de garantie, selon décompte arrêté au 26 janvier 2022, terme du 1er trimestre 2022 inclus ;
Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de l’assignation ;
Déboutons la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2 de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire,
Rejetons la demande d’octroi de délais de paiement et de mensualisation du loyer ;
Déboutons la société WPNB S.A.R.L. de sa demande pour frais irrépétibles ;
Condamnons la société WPNB S.A.R.L. à payer à la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société WPNB S.A.R.L. aux dépens ;
Rappelons que l’exécution provisoire est de droit. ».
Par déclaration du 5 mai 2022, la société WPNB a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision à l’exception de celui ayant débouté la société Extension Villeneuve 2 de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire.
L’affaire a fait l’objet d’une fixation à bref délai en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 24 janvier 2023, la société WPNB demande à la cour de :
« À titre principal :
Vu les articles 834 et 835, alinéa 1 er du Code de procédure civile,
Vu l’article 1719 du Code civil,
Vu l’article 1231-5 du code civil
Vu le principe jurisprudentiel de l’exception d’inexécution et les articles 1219 et 1220 du Code civil,
Vu l’article 1222 du Code civil et la jurisprudence y afférente,
Vu l’ancien article 1134 du Code civil et l’article 1104 du Code civil,
Vu l’article 1347-1 du code civil,
Vu l’article 1343-5 du Code Civil,
– De DIRE ET JUGER que l’obligation de la société WPNB au règlement du au titre des loyers et accessoires pour la période allant du 15 mars 2020 au 19 mai 2020, puis pour la période allant du 31 janvier au 21 mai 2021 n’est pas fondée et se trouve à minima, sérieusement contestable ;
– De DIRE ET JUGER que la compensation du dépôt de garantie avec les loyers et accessoires pour la période allant du 15 mars 2020 au 19 mai 2020 puis du 30 janvier 2021 au 21 mai 2021 n’a pu intervenir, ces loyers et accessoires n’étant pas exigibles ;
– De DIRE ET JUGER que la société WPNB a réglé la somme de 16.872,20 € par virement en date du 20 mai 2020, et que cette somme doit être déduite de sa dette locative ;
Par conséquent,
– D’INFIRMER l’Ordonnance de référé rendue le 1er mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de LILLE en ce qu’elle a condamné la SARL WPNB à payer à la SCI EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme de 81.729,99 € au titre des loyers et charges impayées au 26 janvier 2022, terme du premier trimestre 2022 inclus ;
– D’INFIRMER l’Ordonnance de référé rendue le 1er mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de LILLE en ce qu’elle a dit que les sommes dues porteront intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;
– D’INFIRMER l’Ordonnance de référé rendue le 1er mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de LILLE en ce qu’elle a condamné la SARL WPNB à payer à la SCI EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux dépens ;
– DE CONFIRMER l’Ordonnance de référé rendue le 1er mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de LILLE en ce qu’elle a débouté la SCI EXTENSION VILLENEUVE 2 de sa demande de condamnation au titre de l’indemnité forfaitaire ;
– D’INFIRMER l’Ordonnance de référé rendue le 1er mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de LILLE en ce qu’elle a débouté la SARL WPNB de sa demande de délai de paiement ;
Par conséquent, statuant à nouveau
– D’AUTORISER la société WPNB à s’acquitter de la somme de 15.910,80 € en 24 mensualités égales et consécutives de 662,95 € chacune, le 15 de chaque mois au plus tard et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, en sus des appels trimestriels de loyers et charges courants ;
– si par extraordinaire la Cour ne retenait pas le caractère sérieusement contestable des sommes réclamées au titre des loyers covid, il lui est demandé d’autoriser la société WPNB à s’acquitter de sa dette locative de 51.158,83 € (15.910,80 € + 35.248,03 € en 24 mensualités égales et consécutives de 2 131,61 € chacune, le 15 de chaque mois au plus tard et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, en sus des appels trimestriels de loyers et charges courants ;
– De CONDAMNER la SCI EXTENSION VILLENEUVE 2 à payer à la société WPNB une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– De DÉBOUTER la SCI EXTENSION VILLENEUVE 2 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et de l’inviter à mieux se pourvoir au fond ; ».
La société WPNB expose qu’une partie de la dette locative alléguée par sa bailleresse correspond à diverses périodes de fermeture administrative des locaux, pour lesquelles son obligation du locataire au paiement n’est pas fondée ou se trouve a minima très sérieusement contestable, échappant ainsi à l’appréciation du juge des référés. Si ces périodes ne sont pas réclamées, c’est uniquement parce qu’elles ont été réglées via la compensation effectuée avec le dépôt de garantie dont la bailleresse réclame la reconstitution.
La société WPNB se prévaut en premier lieu de l’exception d’inexécution du fait du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance. Elle plaide que la cour de cassation n’a pas statué sur les cas ou le bailleur a interdit tout accès au local commercial à son locataire. Il est manifeste que sur une période de près de six mois, le bailleur n’a pas été en mesure de satisfaire ses obligations essentielles de délivrance et de jouissance paisible d’un local conforme à sa destination telles que prévues à l’article 1719 du code civil. Or le loyer n’est que la contrepartie périodique de la mise à disposition continue des locaux en vue de leur exploitation. La locataire rappelle que l’exception d’inexécution n’est pas subordonnée au caractère intentionnel de l’inexécution du cocontractant.
Par ailleurs, s’il est bien évident que l’interdiction d’accueil des clients ne relève nullement du fait du bailleur, mais bel et bien de la survenance d’un cas de force majeure que le bailleur peut à bon droit et de bonne foi invoquer, ce n’est absolument pas le cas de l’interdiction d’accès adressée aux locataires, décidée unilatéralement. Si par extraordinaire la cour devait retenir l’existence d’un cas de force majeure, cela devrait exonérer le débiteur empêché de l’exécution de ses obligations comme de tous dommages et intérêts.
La locataire se prévaut en deuxième lieu de la destruction partielle de la chose louée, puisque par l’effet du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021, les locaux loués doivent être considérés comme ayant été partiellement c’est-à-dire temporairement détruits durant la période considérée, en ce qu’ils sont devenus impropres à leur destination et n’ont plus procuré au preneur les avantages qu’il en escomptait, à savoir l’exploitation normale de son fonds de commerce. Elle affirme qu’il ne saurait être statué dans un sens contraire en référé.
Elle se prévaut en dernier lieu de la bonne foi contractuelle, sur la base de décisions rendues aux termes desquelles les circonstances exceptionnelles obligeaient le bailleur à donner suite à une demande d’adaptation du contrat, par exemple par une remise de loyer exceptionnelle, à défaut de quoi l’obligation au règlement des loyers litigieux s’avérait sérieusement contestable. En l’espèce, en interdisant tout accès au local, et en l’absence d’une quelconque obligation administrative ou légale en ce sens, la bailleresse n’a pas exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles. En outre, malgré plusieurs demandes, elle n’a pas accordé le moindre centime de franchise de loyer, contrairement à de nombreux autres bailleurs en pareilles circonstances.
L’appelante s’oppose à la demande de la société Extension Villeneuve 2 au titre de la reconstitution du dépôt de garantie. Contrairement à ce que plaide la bailleresse, le législateur n’a pas permis la compensation du dépôt de garantie, sauf pour les créances antérieures. Ledit dépôt de garantie a fait l’objet d’une compensation abusive et frauduleuse du fait de la non-exigibilité des loyers et charges compensés. Le juge des référés aurait donc dû retenir que la compensation évoquée par la bailleresse n’avait pu avoir lieu, et rejeter sa demande de paiements de la somme de 35 248,03 euros à ce titre.
Elle conclut que le juge des référés, juge de l’évidence, aurait dû débouter la bailleresse de sa demande de condamnation au paiement d’un arriéré locatif.
De plus, il ressort des pièces communiquées que la bailleresse a omis d’enregistrer un règlement significatif de 16 872,20 euros par virement en date du 25 mai 2020, qui doit venir en déduction de la dette locative. Ce n’est que le 3 juin 2022 qu’elle a accepté de comptabiliser ce paiement.
La bailleresse a encore, dès le 3 juin 2022, appelé le 3e trimestre 2022 afin d’augmenter artificiellement la dette locative, et indiqué par mail du 3 juin 2022 que le règlement de 16 872,20 euros serait affecté au 2e trimestre 2020 qu’elle affirme pourtant avoir déjà compensé avec le dépôt de garantie
L’indemnité forfaitaire réclamée repose sur des retards de paiements sérieusement contestables puisqu’elle est fondée sur des sommes prétendument dues au titre de loyers correspondant à des périodes de fermeture administrative. Si par extraordinaire la cour ne retenait pas cet argument, elle rejetterait les prétentions fondées sur ces clauses en raison du caractère manifestement excessif des montants réclamés.
La société WPNB a subi deux années successives catastrophiques en termes de chiffre d’affaires. Elle a, depuis l’ordonnance du 1er mars 2022, réglé l’intégralité du solde dû au titre du premier trimestre 2022, soit la somme de 13 698,96 euros, et s’est également acquittée du 2e trimestre 2022. Elle demande donc des délais de paiement sur 24 mois.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 30 juin 2022, la société Extension Villeneuve 2 demande à la cour de :
« Vu les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,
Vu les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction ancienne applicable aux parties,
Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les stipulations contractuelles liant les parties,
Vu les pièces,
(…)
JUGER la société EXTENSION VILLENEUVE 2 recevable et bien fondée en ses demandes ;
En conséquence,
CONFIRMER l’ordonnance de référé du 1er mars 2022, prononcée par le Président du Tribunal judiciaire de Lille, en ce qu’elle a ainsi jugé :
DEBOUTONS la société WPNB SARL de ses contestations ;
DEBOUTONS la société WPNB SARL de sa demande de désignation d’un médiateur ;
CONDAMNONS la société WPNB SARL à payer à la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme provisionnelle de 81729,99 euros (quatre-vingt-un mille sept cent vingt-neuf euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes impayés et reconstitution du dépôt de garantie, selon décompte arrêté au 26 janvier 2022, terme du premier trimestre 2022 inclus :
REJETONS la demande d’octroi de délais de paiement et de mensualisation du loyer ;
DEBOUTONS la société WPNB SARL de sa demande pour frais irrépétibles ;
CONDAMNONS la société WPNB SARL à payer à la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS la société WPNB SARL aux dépens ;
RAPPELONS que l’exécution provisoire est de droit.
INFIRMER l’ordonnance de référé du 1er mars 2022 pour le surplus, et donc en ce qu’elle a :
DISONS que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de l’assignation ;
DEBOUTONS la SCI de l’EXTENSION VILLENEUVE 2 de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire ;
Et statuant à nouveau ou y ajoutant :
-DIRE que les intérêts seront dus à compter de chaque échéance impayée et jusqu’à parfait paiement, au taux contractuel, conformément à la loi des parties ;
-CONDAMNER par provision la société WPNB à payer à la société EXTENSION VILLENEUVE 2 une indemnité contractuelle de 10 % ses sommes dues, suivant décompte au 26 janvier 2022, soit 8 173,00 euros, et sous réserve de l’actualisation de la dette locative :
-CONDAMNER la société WPNB à payer à la société EXTENSION VILLENEUVE 2 la somme de 3.600 € par application des dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction ancienne applicable aux parties et, très subsidiairement, des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
-CONDAMNER la société WPNB aux entiers dépens d’appel. ».
La société Extension Villeneuve 2 expose que la société WPNB ne procède plus au règlement régulier de ses loyers et charges depuis le début de l’année 2020, alors qu’elle lui a consenti de façon unilatérale et sans contrepartie des mesures exceptionnelles au regard de la situation sanitaire, lui octroyant :
-une mensualisation du paiement du loyer et des charges facturés au titre du 2ème trimestre 2020,
-un report du paiement du loyer et des charges d’avril 2020 au 1er septembre 2020,
-un paiement des charges de mai 2020 au 1er mai 2020,
-un report du paiement du loyer de mai 2020 au 1er novembre 2020,
-un paiement du loyer et des charges de juin 2020 au 1er juin 2020.
La société Extension Villeneuve 2 a également accordé à la société WPNB un report des loyers et charges des 1er, 2ème et 3ème trimestres 2021, qui n’ont été facturés que mensuellement au lieu de l’être trimestriellement et d’avance, ainsi qu’un avoir de loyer de 5 660,36 euros TTC imputable sur le mois de novembre 2020.
En dépit de ces mesures d’accompagnement, la dette locative n’a cessé de s’accroître, la société WPNB ne procédant qu’à quelques règlements partiels.
La société Extension Villeneuve 2 a dès lors été contrainte d’adresser à la société locataire plusieurs lettres de mise en demeure, aux termes desquelles elle lui a rappelé que faute de règlement des sommes restant dues, celles-ci seraient majorées de l’indemnité forfaitaire de 10 % et des intérêts de retard prévus au bail.
La société WPNB reproche à la bailleresse d’avoir procédé à l’imputation de son dépôt de garantie détenu au titre du bail commercial sur des « loyers covid ». Or rien n’interdisait au bailleur de procéder à une telle compensation. Au contraire, le législateur lui-même a expressément prévu cette possibilité dans le texte de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 instaurant un régime protecteur de suspension des voies d’exécution et pénalités à l’encontre de certains preneurs. Si une telle compensation a été expressément autorisée, en présence d’un locataire protégé, elle l’est a fortiori pour les locataires ne bénéficiant pas du régime de protection spécifique instauré par la loi, comme c’est le cas de la société WPNB. L’imputation par le bailleur et la reconstitution du dépôt de garantie par le preneur résultent au surplus des stipulations contractuelles, qui sont dépourvues de toute ambiguïté, et qui restent la loi des parties.
Il n’appartient au juge des référés ni de modifier cette loi des parties, ni de l’interpréter, pas plus que de statuer sur le caractère manifestement excessif ou pas de l’indemnité forfaitaire de 10 %, seul le juge du fond disposant de ce pouvoir d’appréciation. En revanche, non seulement le juge des référés dispose du pouvoir de statuer à titre provisionnel sur le montant non contestable d’une clause pénale, mais il est tenu d’y faire droit en totalité à titre provisionnel lorsque la rédaction de la clause est, comme en l’espèce, claire et précise.
La société WPNB ne verse pas le moindre élément probant qui permettrait d’établir la nécessité de lui accorder des délais de paiement et qu’elle serait en capacité de respecter lesdits délais pour apurer son arriéré en sus des loyers et charges courants. Elle n’est donc de toute évidence pas fondée à invoquer les dispositions des articles 1343-5 du code civil.
Il est en conséquence sollicité la confirmation de l’ordonnance querellée, y ajoutant toutefois l’indemnité forfaitaire, soit la condamnation par provision de la société WPNB au paiement, selon décompte du 26 janvier 2022, de 88 802,99 euros, somme ne tenant pas compte des loyers correspondant à des périodes d’interdiction de recevoir du public.
Aux termes de l’article 26.2.2 du bail commercial, le preneur s’est contractuellement obligé à payer les différents frais de procédure. Subsidiairement, si par extraordinaire la cour refusait de faire application des stipulations contractuelles, la société Extension Villeneuve 2 ayant été contrainte d’engager des frais irrépétibles dans le cadre de cette instance qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, la société WPNB sera condamnée à lui verser la somme de 3 600 euros ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mars 2023.
SUR CE
I ‘ Sur la demande en paiement
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
A ‘ Sur les contestations élevées par le locataire quant à son obligation au paiement
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir le juge du fond. La contestation doit être sérieuse et donc paraître susceptible de prospérer au fond.
En l’espèce, les contestations élevées par la locataire sont fondées sur l’indisponibilité du local pris à bail résultant de la fermeture au public imposée par le législateur dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19.
Il sera rappelé à cet égard qu’en application de l’article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.
En application de l’arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, puis en application des décrets n°2020-293 du 23 mars 2020, n°2020-344 du 27 mars 2020, n°2020-423 du 14 avril 2020 et n°2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les commerces non essentiels n’ont pu accueillir de public entre le 17 mars 2020 et le 11 mai 2020 non inclus, date à partir de laquelle une réouverture au public a été autorisée sous conditions.
En application de l’article 4, I, 2 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, cette mesure a été reconduite à compter du 30 octobre 2020 et s’est prolongée jusqu’au 28 novembre 2020, suivie d’un allégement progressif des mesures restrictives.
En application du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les centres commerciaux ayant une surface de plus de 20 000 mètres carrés ont été fermés à l’exception de leurs commerces alimentaires, à compter du 31 janvier 2021. Les centres commerciaux non alimentaires de plus de 10 000 mètres carrés ont également été fermés dans les départements sous surveillance renforcée. Cette mesure a été levée le 19 mai 2021.
Enfin, en application de l’article 2, 2° du décret n°2021-384 du 2 avril 2021, tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence a été interdit entre 6 heures et 19 heures à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de première nécessité, des retraits de commandes ou pour les besoins de prestations de services non interdites. Cette mesure a pris effet le 3 avril et s’est prolongée jusqu’au 3 mai 2021 non inclus.
1) Sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance
Aux termes de l’article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait point à son engagement.
Dans le prolongement de ce texte, il a été jugé que l’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne. L’exception d’inexécution ne saurait être invoquée qu’à propos d’obligations nées d’une même convention.
Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, tenu de délivrer au locataire la chose louée et, d’en faire jouir paisiblement le locataire pendant la durée du bail.
La délivrance implique que le bien loué puisse être exploité par le locataire conformément à la destination envisagée dans le contrat de bail, ce qui impose que le bien loué dispose des caractéristiques physiques et juridiques permettant d’exercer effectivement l’activité stipulée au bail.
Il a été jugé que l’obligation de délivrance du bailleur édictée par l’article 1719 du code civil se limite à mettre à disposition du locataire un local présentant les caractéristiques nécessaires pour exercer l’activité visée au bail, et qu’aucun manquement à l’obligation de délivrance ne peut être reproché aux bailleurs pendant les périodes de confinement, puisque l’impossibilité pour les locataires d’exploiter de manière effective et normale a résulté d’une mesure gouvernementale d’interdiction de recevoir du public, « sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué ».
Il n’en reste pas moins que la société WPNB indique sans être contredite qu’elle a été privée, par l’effet d’une décision unilatérale de son bailleur, sur la période du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 inclus, de tout accès à son local, ce qui lui a interdit d’en disposer et d’y exercer la moindre activité, alors que les mesures gouvernementales n’y avaient interdit que l’accueil du public.
Il s’en suit que la contestation à l’obligation en paiement de ses loyers, sur le fondement de l’exception d’inexécution, est sérieuse concernant cette période, et fait obstacle à l’exercice du pouvoir du juge des référés.
En revanche, ce sont bien les mesures gouvernementales qui ont imposé, entre le 31 janvier 2021 le le 18 mai 2021, que les bâtiments de plus de 20 000 m² cumulés reliés par des allées closes et couvertes soient totalement fermés, interdisant les activités de click and collect ainsi que les retraits en magasins, privant la contestation de caractère sérieux pendant cette période.
2) Sur la destruction partielle de la chose louée
Aux termes de l’article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.
La perte au sens de l’article 1722 du code civil peut s’entendre tant sur le plan matériel que sur le plan juridique.
Cet article vise cependant uniquement une situation de destruction totale ou partielle du bien loué. Or une interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne constitue pas pas une telle destruction.
Il a en conséquence été jugé que l’effet de la mesure gouvernementale d’interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.
Il s’en suit que la contestation n’est pas sérieuse.
3) Sur la bonne foi contractuelle
Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, devenu 1104 du même code, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
La société WPNB prétend, que les circonstances exceptionnelles obligeaient le bailleur à « donner suite à une demande d’adaptation du contrat » et lui reproche de l’avoir assignée en paiement sans accepter la moindre remise de loyers, après lui avoir interdit tout accès à son local.
Il lui sera cependant rappelé le principe de la force obligatoire des contrats, sous réserve d’un éventuel jeu de l’exception d’inexécution entre le 17 mars 2020 et le 10 mai 2020 inclus tel que précédemment jugé.
Il s’en suit que la contestation n’est pas sérieuse.
B ‘ Sur la somme due par le locataire
Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, devenu 1104 du même code, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
1) Sur le principal
Les stipulations générales du bail prévoient :
-en leur article 4.2.1, que « le loyer de base, actualisé et indexé, est divisé par quarts payable d’avance le 1er jour du trimestre soit tous les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année » ;
-en leur article 4.2.4, que « par dérogation expresse aux articles 1253, 1254 et 1256 du Code Civil, l’imputation des paiements effectués par le Preneur sera faite par le Bailleur dans l’ordre suivant :
– frais de recouvrement et de procédure,
– dommages et intérêts,
– intérêts,
– clause pénale,
– dépôt de garantie et réajustement du dépôt de garantie,
– créances de loyers ou indemnités d’occupation : concernant ce poste, l’imputation sera faite par priorité par le Bailleur sur les sommes n’ayant pas fait l’objet de contentieux,
– honoraires dus au titre de l’article 17 du Titre II,
– ajustements du fonds de roulement,
– provisions sur charges communes,
À l’intérieur de chacun de ces postes priorité sera donnée aux dettes les plus anciennes et aux locaux accessoires ou annexes par préférence au local principal » ;
-en leur article 5.4, que « le Preneur autorise le Bailleur à compenser sans formalité le dépôt de garantie et le montant des loyers échus et non réglés ainsi que toute autre somme exigible à un titre quelconque en vertu du Bail
(…)
En cas de compensation, le Preneur et le cas échéant l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire, seront tenus de compléter ou de reconstituer à première demande du Bailleur le dépôt de garantie pour le maintenir toujours égal au nombre de termes de loyer convenus dans le Bail.
Par ailleurs, d’un commun accord entre les Parties, le Bailleur exercera sur le dépôt de garantie toutes les prérogatives prévues à l’article 2333 et suivants du Code civil. ».
Il en résulte qu’il était parfaitement loisible à la bailleresse de compenser le dépôt de garantie et le montant des loyers échus et non réglés.
Il reste que le décompte produit par la bailleresse est parfaitement incompréhensible, et qu’il existe une contestation sérieuse portant sur l’obligation à paiement de la locataire entre le 17 mars 2020 et le 10 mai 2020 inclus, soit sur le 2e trimestre de l’année 2020, payable au 1er avril 2020, d’un montant de 20 758,40 euros, que la bailleresse aurait compensé avec le dépôt de garantie à hauteur de 7 893,63 euros.
Au regard des éléments produits, il peut être reconstitué que l’obligation à paiement de la locataire n’est pas sérieusement contestable et peut donner lieu à sa condamnation provisionnelle pour les sommes suivantes :
Sommes dues :
-1er trimestre 2020 : 20 077,94 euros ;
-3e trimestre 2020 : 20 758,40 euros ;
-4e trimestre 2020 : 20 699,12 euros ;
-1er trimestre 2021 : 20 549,60 euros ;
-2e trimestre 2021 : 20 607,17 euros ;
-3e trimestre 2021 : 20 551,80 euros ;
-4e trimestre 2021 : 20 548,44 euros ;
-1er trimestre 2022 : 20 580,84 euros ;
-taxe foncière 2019 : 108,65 euros ;
-taxe foncière 2021 : 992,15 euros ;
soit un total de 165 574,11 euros ;
A déduire :
-« reddition 2019 » : 25,36 euros ;
-« baisse trx Covid 2020 » : 238,74 euros ;
-« avoir partiel loyer nov » : 5 660,36 euros ;
-« rappel charges 1T et 2T » : 38,40 euros ;
-« liquidation 2020 » : 709,55 euros ;
-« solde Redev 2020 » : 771,13 euros ;
-« Ajust 2021 Redevance » : 255,60 ;
soit un total de 7 699,14 euros ;
Sommes payées par la locataire :
-98 941,26 euros entre le 8 juillet 2020 et le 14 janvier 2022.
Par ailleurs, il s’impose de constater que si la somme de 16 872,20 euros virée le 22 mai 2022 n’a été prise en compte que le 3 juin 2022, c’est à la suite d’une erreur de compte imputable à la locataire, qui a demandé son imputation sur le « 2T 2022 de V2 », lequel n’est pas compris dans les demandes des parties qui ont arrêté leurs comptes au 26 janvier 2022.
Ces éléments justifient de faire droit à la demande de condamnation provisionnelle de la société WPNB à hauteur de 58 933,71 euros seulement. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur les intérêts
L’article 8 du titre II du bail stipule :
« À défaut de paiement d’une somme exigible (loyers, charges, accessoires, dépôt de garantie, compléments au dépôt de garantie, Charges de Fonds Marketing, honoraires, etc.) à sa date d’échéance, celle-ci sera productive d’un intérêt :
– soit au taux moyen mensuel de l’EONIA tel que calculé au jour le jour sous la supervision du Réseau Européen des Banques Centrales soit au taux d’intérêt légal, le plus haut des deux étant retenu, majoré de 500 points de base (soit 5,00 %) l’an (à titre d’exemple, si le taux est de 1,00%, le taux appliqué sera de 1 % + 5,00 %, soit 6 %),
– et ce sous réserve de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée au Preneur et restée infructueuse de ce dernier en tout ou partie. (‘).
Les intérêts seront dus à compter de la date d’exigibilité de chaque somme concernée, prévue ci-dessus, conformément à l’article 1155 du Code civil et, s’ils sont dus au moins pour une année entière, ils porteront eux-mêmes intérêt conformément à l’article 1154 du Code civil. »
Il reste que la demande de la bailleresse, qui demande à la cour de dire que les intérêts seront dus « à compter de chaque échéance impayée et jusqu’à parfait paiement, au taux contractuel, conformément à la loi des parties », sans fournir de décompte faisant apparaître précisément les sommes impayées à chaque échéance, et qui ne justifie pas du taux devant être retenu, est trop imprécise pour qu’il y soit fait droit sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.
La société Extension Villeneuve 2 sera donc déboutée de sa demande en ce sens et la décision entreprise confirmée en ce qu’elle a dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de l’assignation.
3) Sur l’indemnité forfaitaire
Les stipulations générales du bail prévoient en leur article 26.2.1, qu’à « défaut de paiement de toutes sommes dues par le Preneur en vertu du présent bail, et notamment des loyers et accessoires à leur échéance, et du seul fait de l’envoi par le Bailleur d’une lettre consécutive à cette défaillance, restée infructueuse quarante-huit heures après sa première présentation comme en toute hypothèse en cas de notification d’un commandement ou d’une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10 % à titre d’indemnité forfaitaire et irrévocable.
Cette pénalité sera due indépendamment des intérêts de retard dont le règlement est prévu par l’article 8 du Titre II. »
Il sera rappelé que le pouvoir de modérer une indemnité conventionnelle manifestement excessive est réservé au juge du fond.
Par ailleurs, il n’est élevé aucune contestation sérieuse par la locataire.
La société WPNB sera donc condamnée à payer à la société Extension Villeneuve 2 la somme de 5 893,37 euros à titre provisionnel (10% de 58 933,71 euros).
La décision entreprise sera réformée de ce chef.
C ‘ Sur la demande de délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
En l’espèce, la société WPNB ne produisant aucun élément comptable de nature à justifier de sa situation et de sa capacité à honorer sa dette de loyer sur une durée de 24 mois, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande de délais de paiement.
La décision entreprise sera confirmée de ce chef.
II ‘ Sur les demandes accessoires
A – Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’issue du litige justifie de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société WPNB aux dépens de première instance.
B – Sur les frais de procédure
1) Sur le fondement du bail
Aux termes de l’article 26.2.2 du bail commercial, tous honoraires ou frais de recouvrement ou de procédure (mise en demeure, commandements, sommations, frais de poursuites ou mesures conservatoires…), ou tous autres frais de poursuite engagés par le bailleur pour faire respecter les présentes, en ce inclus les honoraires d’avocat quelque soit leur montant, ainsi que tous les frais de levée d’état et de notification nécessaires par application des articles L145-5 à L143-23 du code de commerce sont à la charge du preneur qui s’y oblige ; étant précisé que si une décision de justice a été rendue entre les parties sur la prise en charge des honoraires, celle-ci prévaudra.
Si cette clause fait la loi des parties, il reste que la bailleresse ne produit absolument aucun décompte à l’appui de la somme qu’elle réclame de ce chef. Elle ne peut donc qu’être déboutée de sa demande.
2) Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société WPNB à payer à la société Extension Villeneuve 2 la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le sens de la présente décision sur les dépens d’appel justifie en revanche de débouter chacune des parties de ses demandes au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de la dévolution,
Infirme l’ordonnance rendue le 1er mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en ce qu’elle a :
-débouté la société WPNB de ses contestations ;
-condamné la société WPNB à payer à la SCI Extension Villeneuve 2, la somme provisionnelle de 81 729,99 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes impayés et reconstitution de dépôt de garantie, selon décompte arrêté au 26 janvier 2022, terme du 1er trimestre 2022 inclus ;
-débouté la SCI Extension Villeneuve 2 de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société WPNB à payer à la société Extension Villeneuve 2 la somme provisionnelle de 58 933,71 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes impayés, selon décompte arrêté au 26 janvier 2022, terme du 1er trimestre 2022 inclus ;
Condamne la société WPNB à payer à la société Extension Villeneuve 2 la somme provisionnelle de 5 893,37 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue au bail ;
Et y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais de procédure et frais irrépétibles d’appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
[P] [R]