République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/04/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/00450 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TM2F
Jugement (RG 18/02615) rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
Ordonnance n° 22/118 rendue le 7 avril 2022 par la deuxième chambre section 2 de la cour d’appel de Douai
Arrêt n° 22/586 rendu le 1er décembre 2022 par la deuxième chambre section 1 de la cour d’appel de Douai
APPELANTE
SAS Valpaco France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Catherine Camus-Demailly, substitué par Me Lucas Dallongeville,avocats au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Gilles de Poix, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SCI Les Ormes
ayant son siège social, [Adresse 4]
représentée par Me Grégory Dubocquet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 31 janvier 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 janvier 2023
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FAITS ET PROCEDURE
Selon bail notarié du 24 février 2016, la SCI Les Ormes a donné à bail à la SAS Rotalys, ayant pour activité principale la gestion de matériel d’impression, une surface de 13 790 m² hall roto, partie gravure et stock, partie encre chaudière absorbeur et partie absorbeur bis), outre « le parking disponibilité comprise », dans un immeuble affecté à un usage industriel et commercial situé à [Localité 2], [Adresse 3], à compter du 17 février 2016 et jusqu’au 16 février 2025. Le preneur a versé au bailleur un dépôt de garantie de 180 000 euros. Le loyer a été fixé à 40 000 euros hors charges par mois, après une période de franchise pour permettre l’installation du preneur jusqu’au 31 janvier 2018. Par avenant en date du 26 décembre 2017, les parties ont ensuite convenu de réduire ce loyer à 36 000 euros par mois.
La société Valpaco France s’est engagée en qualité de caution solidaire du preneur envers le bailleur, en précisant : « pour la validité du présent cautionnement, Monsieur [J] [N] précise que la société Rotalys est une filiale de la société Valpaco ».
A l’époque de la signature du bail, la société Valpaco France détenait 100% du capital de la société Rotalys, qui détenait elle-même 100% du capital de la société Valrotalys, imprimerie, à laquelle les lieux ont été sous-loués.
A compter du 1er juillet 2017, la société Valpaco France a loué à la société Valrotalys une rotative Helio 388, pour un loyer mensuel de 30 000 euros HT. Ladite machine a été entreposée dans une partie des locaux appartenant à la société Les Ormes non visée par le bail notarié. A compter du 21 septembre 2018, le loyer mensuel de ce matériel et de matériels loués en complément a été fixé à 35 000 euros HT.
La société Rotalys ayant suspendu le règlement des loyers dus à la société Les Ormes à compter du mois d’août 2018, la bailleresse lui a fait délivrer un commandement de payer visant clause résolutoire et un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 2 octobre 2018.
La société Rotalys a saisi le tribunal de grande instance de Dunkerque en opposition au commandement de payer aux fins de saisie-vente par acte d’huissier en date du 12 octobre 2018, et en opposition au commandement de payer visant clause résolutoire par acte d’huissier en date du du 16 novembre 2018.
Parallèlement, la société Les Ormes a procédé à des saisies-attributions dénoncées à la société Valpaco France les 15 novembre 2018, 27 novembre 2018 et 10 décembre 2018, laquelle a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir ordonner leur mainlevée.
La société Valpaco France a en outre saisi le tribunal de grande instance de Dunkerque en opposition aux commandements du 2 octobre 2018 par acte d’huissier en date du 3 décembre 2018, faisant notamment valoir qu’elle avait cédé, le 27 septembre 2018, la totalité du capital et droits de vote de la société Rotalys dont le statut de filiale constituait une condition de validité de son engagement de caution.
Les trois instances portant sur les commandements ont été jointes par ordonnance du 1er avril 2019.
Par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 8 janvier 2019, la société Valrotalys a été placée en liquidation judiciaire. Nommé en qualité de liquidateur judiciaire, Maître [D] a accepté, le 22 janvier 2019, la revendication de la société Valpaco France sur les matériels donnés à bail à la société Valrotalys, lui faisant injonction de les reprendre.
Par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 9 janvier 2019, la société Rotalys a été placée en liquidation judiciaire. La SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [X] [R], a été nommée en qualité de liquidateur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 février 2019, la société Les Ormes a déclaré sa créance, à titre privilégié, à hauteur de :
-274 973,78 euros à titre d’arriérés de loyers et charges ;
-27 497,38 euros à titre de clause pénale ;
en vertu du bail commercial notarié du 24 février 2016 ;
-156 000 euros en vertu d’un bail oral portant sur deux locaux de stockage.
Dans l’intervalle, la société Valpaco France a assigné la bailleresse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque par acte d’huissier du 31 janvier 2019, afin qu’elle soit contrainte, sous astreinte, à lui donner accès aux locaux loués à son ancienne filiale pour récupérer le matériel dont elle est propriétaire. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 28 mars 2019.
Cependant, la société Les Ormes a, les 25 février et 8 mars 2019, saisi les biens entreposés par la société Valpaco France dans les locaux loués à la société Rotalys. La propriétaire a donc soldé la créance par un versement de 277 509,87 euros, afin de pouvoir réaliser leur vente aux enchères prévue le 26 mars 2019, ce qui a entraîné la mainlevée des mesures de saisies-attributions précédemment réalisées et le désistement de la contestation de la saisie-vente.
Par acte d’huissier en date du 15 juillet 2019, la société Valpaco France a assigné la société Les Ormes devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins, notamment, d’obtenir le remboursement des sommes réglées, outre l’allocation de dommages et intérêts. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de RG 18/2615.
Par ordonnance du 3 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Dunkerque a constaté l’interruption des instances introduites par la société Rotalys, faute d’intervention de son liquidateur judiciaire.
L’instance opposant la société Valpaco France et la société les Ormes enregistrée sous le numéro de RG 18/2615 s’est en revanche poursuivie.
La SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [X] [R], a résilié le bail commercial liant la société Les Ormes à la société Rotalys par lettre du 9 janvier 2020.
Avisée par la conseil de la société Les Ormes de l’existence d’un « bail oral conclu en son temps par Rotalys pour l’exploitation de Valrotalys », elle a également procédé à la résiliation « dudit bail oral » par lettre du 4 février 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 juillet 2020, le liquidateur a avisé la société Les Ormes que le dirigeant de la société Rotalys contestait la créance déclarée au titre du bail commercial notarié, et qu’il entendait proposer au juge-commissaire le renvoi devant la juridiction compétente, pour les motifs suivants :
« -d’abord le mauvais état locatif a justifié le non-paiement des loyers. Les locaux loués présentaient en effet de graves troubles de jouissance qui nécessitaient la réalisation de travaux urgents qui n’ont jamais été réalisés. Et les travaux dont la réalisation était prévue dans le bail n’ont jamais été effectués ;
-ensuite, vous avez conservé un dépôt de garantie de 180.000 euros et il vous appartient de le déduire de la créance déclarée ;
-enfin, il est établi que le bailleur a obtenu de la société Valpaco, en sa qualité de caution, le versement d’une somme de 277.509,87 euros laquelle fait l’objet d’une demande en répétition de l’indu actuellement pendante devant le Tribunal de Grande Instance de Dunkerque.
Par ailleurs, il y a lieu de faire observer que votre déclaration de créance comprend une somme de 27.497,38 euros, à titre de « clause pénale » sans que cette somme ne soit justifiée ni dans son quantum ni dans son fondement. Et s’il s’agit d’une clause pénale, elle est soumise à modération du juge et il vous appartient alors de démontrer un préjudice qui justifierait une telle somme. ».
Par courrier en date du 26 juillet 2021, le liquidateur de la société Rotalys a demandé au juge-commissaire le renvoi de cette créance devant la juridiction du fond en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.
Par ordonnance en date du 8 décembre 2021, le juge-commissaire a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et a invité le débiteur, pris en la personne de son dirigeant, Monsieur [U] [M], à saisir, au titre de ses droits propres, la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de sa décision.
Par acte d’huissier en date du 29 décembre 2021, la société Rotalys a attrait la société Les Ormes devant le tribunal judiciaire de Dunkerque, afin de faire juger que sa créance déclarée à hauteur de 302 471,16 euros est dénuée de fondement et en tout état de cause a déjà fait l’objet d’un remboursement au-delà de son montant.
Parallèlement, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 juillet 2020, le liquidateur a avisé la société Les Ormes que le dirigeant de la société Rotalys contestait la créance déclarée au titre du bail oral, et qu’il entendait proposer au juge-commissaire le renvoi devant la juridiction compétente, pour les motifs suivants :
« Tout d’abord celle-ci repose sur un contrat de bail bail verbal dont l’existence n’est pas établie. Si un bail peut, en théorie, être conclu verbalement son contenu, par exemple un échange de lettre doit être suffisamment précis sur les éléments essentiels et permettent d’en déduire la formation d’un contrat, ce qui n’est pas caractérisé en l’espèce.
Ensuite, si la société Les Ormes a émis de manière unilatérale des factures, la société Rotalys ne s’étant pas exécuté, elle n’est tenue d’aucune obligation.
Enfin, il est fait observer qu’un avoir a été émis le 15 décembre 2017 d’un montant de 144.000 TTC euros dont vous ne faites d’ailleurs pas référence dans votre déclaration. ».
Par courrier en date du 26 juillet 2021, le liquidateur de la société Rotalys a demandé au juge-commissaire le renvoi de cette créance devant la juridiction du fond en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.
Par ordonnance en date du 8 décembre 2021, le juge-commissaire a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et a invité le créancier à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de sa décision.
Par acte d’huissier du 27 décembre 2021, la société Les Ormes a attrait la SELARL S21Y, ès qualités de liquidateur de la société Rotalys, devant le tribunal judiciaire de Dunkerque, aux fins de voir ordonner l’inscription de sa créance au passif. Par acte d’huissier en date du 10 novembre 2022, elle a ensuite attrait la société Rotalys en intervention forcée à ladite procédure.
Par jugement rendu le 22 décembre 2020 dans l’affaire portant le numéro de RG 18/2615, le tribunal judiciaire de Dunkerque a statué en ces termes :
« CONDAMNE la SAS Valpaco France à titre de caution de la SAS Rotalys, à payer à la SCI Les Ormes, la somme de 245.820,11 euros au titre des loyers et charges impayés;
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement;
DIT que la SCI Les Ormes établira des factures acquittées libellées au nom de la SAS Valpaco France, dans les mêmes termes que celles délivrées à Valrotalys;
CONDAMNE la SAS Valpaco France à payer à la SCI Les Ormes une somme de 3.000 euros pour résistance abusive;
REJETTE la demande de répétition de la somme de 205.509.87 euros;
REJETTE la demande de condamnation à des indemnités d’occupation;
REJETTE la demande d’octroi de dommage-intérêts formée par la SAS Valpaco France pour manque de loyauté;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires;
CONDAMNE la SAS Valpaco France à payer à la SCI Les Ormes la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS Valpaco France aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le commandement de payer/clause résolutoire signifié le 2 octobre 2018, le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 2 octobre 2018, la dénonciation des commandements signifiée 15 octobre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée 15 novembre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée le 27 novembre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée le 10 décembre 2018 le procès-verbal de saisie-vente signifié le 25 février 2019, le procès-verbal de saisie-vente signifié le 8 mars 2019 et mainlevée de saisie vente du 27 mars 2019. ».
Par déclaration du 20 janvier 2021, la société Valpaco France a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision à l’exception de celui ayant rejeté la demande de condamnation à des indemnités d’occupation.
Une demande de sursis à statuer a été présentée par la société Valpaco France dans l’attente de l’issue des procédures devant le juge du fond.
Par ordonnance en date du 7 avril 2022, le conseiller de la mise en état l’a déclarée irrecevable.
Par arrêt en date du 1er décembre 2022, la cour a confirmé cette ordonnance qui lui avait été déférée.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 3 janvier 2023, la société Valpaco France demande à la cour de :
« Vu les présentes conclusions,
Vu les pièces produites
Vu les articles 1156, 1157,1162 anciens et 1302, 1190 et 2292 du Code civil,
Vu les articles 9 et 700 du Code de procédure civile,
Avant dire droit, (…)
-Juger, qu’en l’état, la créance de la SCI LES ORMES a été contestée et n’a pas été admise au passif de la liquidation de la société ROTALYS et que des procédures doivent être diligentées devant les juges du fond aux fins de fixer ladite créance,
– Juger que le rejet total de la créance entraînerait son inexistence et que par voie d’accessoire, cette inexistence entraînerait l’extinction du cautionnement,
– Juger que l’admission partielle de la créance entrainerait l’extinction du cautionnement à due concurrence,
– Constater que la société ROTALYS fournit la copie d’une assignation devant le Tribunal Judiciaire de Dunkerque visant notamment à fixer à zéro euro la créance de 302.471,16 euros produite par la SCI LES ORMES,
– Constater qu’à défaut d’avoir engagé une action devant le juge du fond dans le délai imparti la créance de la SCI LES ORMES de 156.000 euros sera inévitablement considérée comme définitivement rejetée,
En conséquence,
– Ordonner d’office le sursis à statuer dans l’attente de l’issue des procédures intentées par la société ROTALYS d’une part et par la SCI LES ORMES d’autre part devant le Tribunal Judiciaire de Dunkerque (enrôlées sous le numéro RG n°22/00025) en application des ordonnances rendues le 8 décembre 2021 par le juge commissaire de la liquidation de la société ROTALYS ;
– Si, par extraordinaire, la Cour de céans devait dire qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer :
– Déclarer la SAS VALPACO recevable en son appel à l’encontre du jugement du Tribunal Judiciaire de DUNKERQUE en date du 22 décembre 2020,
– L’en dire bien fondé,
– Réformer le jugement rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu’il a :
o CONDAMNE la SAS Valpaco France à titre de caution de la SAS Rotalys, à payer à la SCI Les Ormes, la somme de 245.820,11 euros au titre des loyers et charges impayés ;
o DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
o CONDAMNE la SAS Valpaco France à payer à la SCI Les Ormes une somme de 3.000 euros pour résistance abusive ;
o REJETE la demande de répétition de la somme de 205.509.87 euros ;
o REJETE la demande d’octroi de dommage-intérêts formée par la SAS Valpaco France pour manque de loyauté ;
o DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
o CONDAMNE la SAS VALPACO France à payer à la SCI LES ORMES la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
o CONDAMNE la SAS VALPACO France aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le commandement de payer/clause résolutoire signifié le 2 octobre 2018, le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 2 octobre 2018, la dénonciation des commandements signifiée le 15 octobre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée le 15 novembre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée le 27 novembre 2018, la dénonciation de saisie-attribution signifiée le 10 décembre 2018, le procès-verbal de saisie-vente signifié le 25 février 2019, le procès-verbal de saisie vente signifié le 8 mars 2019 et mainlevée de saisie vente du 27 mars 2019.
STATUANT A NOUVEAU
– A titre principal,
– Juger, qu’en l’état, la créance de la SCI LES ORMES a été contestée et n’a pas été admise au passif de la liquidation de la société ROTALYS de sorte que la caution ne peut être tenue d’une dette qui n’est pas établie ; en conséquence elle devra être libérée de son engagement.
En conséquence,
– Ordonner le remboursement par la SCI LES ORMES à la société VALPACO de la somme de 277.509,87 euros, somme qui a été reçue sans être due et est, par conséquent, sujette à restitution et
– Débouter la SCI LES ORMES de toutes ses demandes visant à faire condamner la société VALPACO sur le fondement de sa qualité de caution.
– Subsidiairement,
– Juger que la société VALPACO France a été libérée de son engagement de caution souscrit par le dirigeant de la SAS VALPACO aux termes de l’acte notarié du 24 février 2016, à la suite de la perte de sa qualité essentielle de société mère de la société ROTALYS, société garantie, intervenue le 27 septembre 2018,
– Juger que la société VALPACO n’a souscrit aucun engagement au titre d’un prétendu « bail verbal » ou « bail précaire »,
En conséquence,
– Constater que le solde des loyers dus au 30 septembre 2018 s’élève à 104.204,72€TTC duquel il faut diminuer les sommes payées par VALPACO et/ou saisies à VALPACO à hauteur de 277.509,87€ et 10.779,17€, soit un solde dû par la SCI à VALPACO le 30.09.18 de 184.084,32
– Ordonner le remboursement par la SCI LES ORMES à la société VALPACO de la somme de 184.084,32 euros, somme qui a été reçue sans être dû et est, par conséquent, sujette à restitution,
– Ordonner au bailleur d’émettre les factures adéquates au nom de la caution afin que celle-ci puisse récupérer la TVA afférente aux loyers impayés au 30 septembre 2018, soit 104.204,72€ TTC (ou 86.837,26€ HT),
– Très Subsidiairement,
– A supposer que l’engagement de caution de la société VALPACO ait été prolongé jusqu’au 9 janvier 2020, date à laquelle le bail a été résilié par le liquidateur de la société ROTALYS, dire que le montant dû au titre des loyers impayés ne saurait dépasser la somme de 203.574 euros,
– Ordonner, dans ce cas, au bailleur d’émettre les factures adéquates au nom de la caution afin que celle-ci puisse récupérer la TVA afférente aux dits loyers, à savoir les factures afférentes aux loyers des mois d’octobre 2018 à décembre 2019 soit à hauteur de 540.000€ TTC ;
– En tout état de cause,
– Constater le comportement manifestement déloyal de la SCI LES ORMES vis-à-vis de la société VALPACO,
– Condamner à ce titre la SCI LES ORMES à verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 72.000 euros à la société VALPACO,
– Déclarer la SCI LES ORMES aussi irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions ; l’en débouter purement et simplement,
– Condamner la SCI LES ORMES à payer à la SAS VALPACO la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel. ».
La société Valpaco France plaide qu’il apparaît nécessaire que la cour sursoit à statuer d’office dans l’attente de l’issue des procédures engagées devant le juge du fond sur le bien-fondé des créances déclarées par la société Les Ormes. En effet, si le juge du fond constate que la créance n’est pas fondée, elle sera purement et simplement rejetée par le juge-commissaire et sera donc considérée comme non existante. Il en résultera que la caution devra être entièrement libérée. Par ailleurs, si le juge du fond fixe la créance à un montant égal à tout ou partie du montant déclaré au passif de la liquidation, l’engagement de la caution sera limité à due concurrence.
Sur le fond, la société Valpaco France argue, à titre principal, que la société Les Ormes n’est pas en mesure de démontrer l’existence et le quantum de sa créance, qui n’a pas été admise. La caution ne peut être tenue d’une dette qui n’est pas établie. En conséquence, elle doit être libérée de son engagement.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la jurisprudence consacre l’efficacité d’une clause du cautionnement ayant pour effet de libérer la caution de son engagement pour l’avenir, en cas de disparition du lien l’unissant au débiteur principal, cette perte de qualité de la caution pouvant être érigée au rang de condition de validité ou de terme explicite de son engagement. Or en l’espèce, la clause de l’engagement de caution de la société Valpaco France au profit de la société Rotalys stipule notamment que cet engagement est conditionné au fait que la société Rotalys demeure une filiale de la société Valpaco. En signant le bail, les parties ont accepté cette condition de validité du cautionnement, par ailleurs rédigé par le notaire du bailleur.
Or la société Valpaco France a procédé, par acte du 27 septembre 2018, à la cession de la totalité du capital et des droits de vote de la société Rotalys à la société Talmine. Il en résulte qu’elle n’était pas tenue de garantir le paiement des loyers éventuellement dus à compter du 1er octobre 2018 et que le règlement de 277 509,87 euros qu’elle a effectué le 25 mars 2018 pour obtenir la mainlevée de la saisie-vente et procéder à la vente aux enchères qu’elle avait prévue doit lui être remboursé
Subsidiairement, elle affirme que le montant des impayés de loyers et charges au 30 septembre 2018 n’était que de 104 204,72 euros, alors qu’elle a payé la somme de 277 509,87 euros et s’est vue saisir la somme de 10 779,17 euros par la société Les Ormes. En conséquence, elle a nécessairement droit au remboursement de la somme de 184 084,32 euros qu’elle a trop payée.
Il incombe en outre au bailleur, comme l’a justement ordonné le premier juge, que la SCI Les Ormes émette les factures adéquates au nom de la caution afin que celle-ci puisse récupérer la TVA afférente aux dits loyers, à hauteur de 104 204,72 euros TTC (ou 86 837,26 euros HT).
Par ailleurs, les locaux dans lesquels était entreposée la rotative Helio ne rentrent pas dans le champ d’application du bail notarié et n’ont fait l’objet d’aucun engagement contractuel de la part de la société Valpaco France.
Très subsidiairement, à supposer que son engagement de caution ait été prolongé jusqu’au 9 janvier 2020, date à laquelle le bail a été résilié par le liquidateur de la société Rotalys, le montant dû au titre des loyers impayés ne saurait dépasser la somme de 131 574 euros. En effet, au solde qui lui est dû par la société Les Ormes qu’elle estime à 184 084,32 euros, il convient d’ajouter :
-les loyers du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2019 : 540 000 euros ;
-la taxe foncière d’octobre à décembre 2018 : 5 658,25 euros ;
-la taxe foncière 2019 estimée à : 22 000 euros ;
Il faut en outre déduire le dépôt de garantie versé par la société Rotalys, soit 180 000 euros, et le montant des dommages et intérêts réclamés par la société Valpaco France de 72 000 euros.
Depuis l’ouverture des procédures de liquidation judiciaire des sociétés Rotalys et Valrotalys, la société Les Ormes a tout fait pour rendre impossible l’enlèvement du matériel appartenant à la société Valpaco France, empêchant qu’il soit mis fin de façon anticipée par les liquidateurs judiciaires au bail commercial, et maintenir ses chances de poursuites de la société Valpaco France en qualité de caution de la société Rotalys. Elle a donc agi avec intention de nuire et a extorqué le paiement de la somme de 205 509,87 euros en faisant en sorte de saisir des équipements dont elle savait qu’ils devaient être vendus incessamment.
La société Les Ormes ne pouvait ignorer qu’elle n’avait pas le droit de procéder à un acte de saisie contre une caution sur le seul fondement d’un bail notarié dans la mesure où la dette était née du contrat de cautionnement, et non du contrat de bail. Compte tenu des délais, il n’a pas été possible d’en demander la mainlevée devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dunkerque et la société Valpaco France s’est trouvée contrainte de payer les sommes réclamées à défaut de quoi la vente aux enchères prévue n’aurait pu se dérouler dans les délais prévus.
Elle a été en mesure de retirer la totalité de son matériel le 20 novembre 2019 mais aurait pu le faire au moins six mois plus tôt si elle n’en avait pas été empêchée par la société Les Ormes, de sorte que le liquidateur de la société Rotalys aurait pu dénoncer le bail de manière anticipée.
Ainsi, il a été mis à sa charge six mois de loyers, soit 216 000 euros, qui ne sont dus que par la faute de la société Les Ormes. Le préjudice dont il est demandé le paiement, soit 72 000 euros, correspond à deux mois de loyer. Il est donc bien inférieur au préjudice réel subi.
La société Les Ormes ne peut pas demander plus que la créance qu’elle a déclaré au passif de la société Rotalys, créance qui doit au surplus avoir été définitivement admise. Or non seulement le montant déclaré de la créance s’élève à 458 471,16 euros, mais encore il n’est pas fait mention de créances au titre de la dépollution ou autres, de sorte que ces demandes sont irrecevables.
Sa résistance aux agissements de la société Les Ormes était et reste entièrement légitime.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 9 janvier 2023, la société Les Ormes demande à la cour de :
« Vu l’article 1188 du Code civil,
Vu les anciens articles 1134 et suivants du Code civil,
Vu l’ancien article 1174 du Code civil,
(…)
Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de DUNKERQUE du 22 décembre 2020 en ce qu’il a :
o rejeté la demande de la SAS VALPACO FRANCE de répétition de la somme de 205.509,87 € ;
o rejeté la demande de la SAS VALPACO FRANCE d’octroi de dommages et intérêts pour manque de loyauté ;
o condamné la SAS VALAPCO FRANCE au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
o condamné la SAS VALPACO FRANCE aux entiers dépens de première instance, en ce compris le commandement de payer visant la clause résolutoire du 02/10/2018, le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 02/10/2018, la dénonciation des commandements du 15/10/2018, la dénonciation de la saisie-attribution du 15/11/2018, la dénonciation de saisie-attribution du 10/12/2018, la saisie-vente du 25/02/2019, la saisie-vente du 08/03/2019 et la mainlevée du 27/03/2019.
Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de DUNKERQUE du 22 décembre 2020 pour le surplus et statuant à nouveau :
o Débouter la SAS VALPACO FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES la somme de 485.380,81 € au titre de l’arriéré de loyers et charges du bail commercial du 24 février 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020 ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES la somme de 48.538,08 € au titre de la clause pénale du bail commercial du 24 février 2016 ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES une indemnité d’occupation de 2.500 € par jour à compter du 10 janvier 2020 et jusqu’à parfaite libération et restitution des locaux ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES la somme de 312.000 € au titre du bail verbal ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE à payer à la SCI LES ORMES la somme de 15.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
o Condamner la SAS VALPACO FRANCE aux entiers frais et dépens d’appel. ».
La bailleresse observe que la demande de sursis à statuer présentée par la société Valpaco France a déjà été rejetée à deux reprises.
Elle plaide que le recours du créancier contre la caution n’est pas conditionné au fait que le juge de l’obligation principale se soit prononcé. En l’absence de rejet effectif de la créance, le défaut d’admission de celle-ci ne fait pas entrave à l’action du créancier à l’encontre de la caution.
Dès lors que la cour, et avant elle le tribunal judiciaire de Dunkerque, ont été saisis en tant que juge du cautionnement antérieurement au tribunal judiciaire de Dunkerque en tant que juge de l’obligation principale, tout potentiel risque de contrariété de décisions devrait, non pas conduire la cour à surseoir dans l’attente des décisions à intervenir du tribunal judiciaire de Dunkerque, mais inciter cette dernière juridiction à surseoir dans l’attente de la décision de la cour. C’est en ce sens qu’elle a régularisé, avant toute défense au fond, un incident devant le tribunal judiciaire de Dunkerque.
La société Valpaco France soutient que son engagement de caution a été conditionné au fait que la société Rotalys reste sa filiale, de sorte que la cession de cette dernière aurait fait disparaître toute obligation à sa charge. Cependant, la clause litigieuse est rédigée ainsi : « Pour la validité du présent cautionnement, Monsieur [J] [N] précise que la société Rotalys est une filiale de la société Valpaco. » Intervenu à l’acte, tant en qualité de représentant du débiteur garanti que de représentant de la caution, il a donc entendu préciser le motif ayant déterminé la seconde à garantir la première. Il n’a jamais été dans la commune intention des parties de conditionner la validité du cautionnement consenti par la société Valpaco France au maintien d’un lien de filiation entre le preneur et la caution. La clause ne saurait donc être sérieusement regardée comme un terme explicite de l’engagement de caution, lequel a été fixé par les parties au 31 janvier 2034.
Mais surtout, si la clause litigieuse devait recevoir une interprétation quant à une volonté de libérer de la caution en cours d’exécution du contrat, cette clause devrait être regardée comme une condition et non comme un terme. Or la société Valpaco France ne saurait prétendre que la perte de sa qualité d’associé de la société Rotalys constituait un évènement dont la réalisation était certaine. Ladite clause ne pourrait ainsi être regardée que comme une condition résolutoire, faisant dépendre l’obligation d’un évènement futur incertain, non seulement quant à sa date mais également quant à sa réalisation. Toutefois, une telle condition reviendrait à conférer à la caution, débiteur de l’obligation de garantie, la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement, et donc de contredire la portée de son engagement, la société Valpaco France étant parfaitement libre de se dessaisir à tout moment de ses titres de la société Rotalys. Il s’agirait alors d’une condition purement potestative, nulle et de nul effet. Ainsi, l’argument selon lequel la perte de la qualité d’associé de la société Rotalys libérerait la société Valpaco France de son engagement de caution ne saurait être suivi.
Conformément au cautionnement précité, la société Valpaco France se trouve donc tenue de garantir le paiement des loyers, charges et autres accessoires dus par la société Rotalys en vertu du bail du 24 février 2016.
La dette de loyers et de charges de la société Rotalys se chiffre à la somme totale de 760 354,59 euros, de laquelle il convient de déduire le règlement contraint qui a été opéré en suite des saisies de février et mars 2019 pour un montant de 274 973,78 euros. Il convient en effet de déduire des 277 509,87 euros réglés la part des frais d’exécution qui les composent pour ne retenir que le principal. La dette est donc de 485 380,81 euros, somme à laquelle la société Valpaco France doit être condamnée. Le bail commercial prévoit en outre l’allocation au bailleur d’une indemnité correspondant à 10 % des impayés à titre de clause pénale.
C’est avec une particulière mauvaise foi que la société Valpaco France soutient que le dépôt de garantie constitué à la conclusion du bail se compenserait nécessairement avec la dette de loyer. En effet, suivant le bail commercial, ledit dépôt de garantie a été constitué en vue de garantir la dépollution du site tenant à l’usage de la machine 388 et au comblement de la fosse après démontage de cette dernière à la sortie du preneur. Or, si le bail commercial a été dénoncé au 9 janvier 2020, force est de constater qu’à cette date les locaux n’étaient pas dépollués. L’appelante se trouve donc malvenue de prétendre à une compensation du dépôt de garantie avec les loyers dus de sorte que son argument ne saurait prospérer.
Si le bail commercial a été dénoncé par pli recommandé du 9 janvier 2019, force est de constater que les clés n’ont pas été restituées à la bailleresse à cette date. En outre, les déchets non valorisables sont restés sur site, la dépollution tenant à l’usage de la machine 388 n’a pas été réalisée, la fosse de cette dernière n’a pas été comblée, et de nombreux et imposants matériels d’exploitation restent sur place. Il en résulte qu’elle n’a pas bénéficié d’une récupération effective des locaux.
Parallèlement au bail commercial du 24 février 2016, la société Les Ormes a loué, de convention orale et pour un loyer de 10 000 euros HT par mois, des locaux de stockage au sein dudit site industriel pour que la société Valpaco France puisse y entreposer du matériel lui appartenant. Par pli recommandé du 4 février 2020, le liquidateur judiciaire de la société Rotalys a dénoncé ledit bail verbal. L’existence ce celui-ci apparaît donc parfaitement établie.
Bien que la facturation ait été émise à l’attention de la société Rotalys, il n’en demeure pas moins que la location a profité à la société Valpaco France. Dans ces conditions, l’appelante ne saurait contester sa qualité de locataire, ou à tout le moins prétendre ne pas être tenue de couvrir la charge de la location dont elle a été seule bénéficiaire. Les loyers des locaux de stockage demeurent impayés depuis janvier 2018 de sorte que l’arriéré s’élève à la somme de 312 000 euros (12 000 x 26).
La société Valpaco France a illégitimement résisté au paiement des sommes auxquelles elle se trouvait tenue, et a tenté, de particulière mauvaise foi et de manière singulièrement abusive, de se soustraire à ses engagements. La résistance au paiement et la multiplication des procédures judiciaires n’ont pas été sans causer préjudice à la société Les Ormes.
Celle-ci s’est fort justement opposée à ce que des tierces entreprises puissent accéder aux locaux loués et procéder, à leur bon vouloir, à l’enlèvement de machines, matériels et stocks’ Si la société Valpaco France se prévaut aujourd’hui de l’autorisation du liquidateur judiciaire de la société Valrotalys, sous-locataire, pour procéder à un tel enlèvement, elle n’en a jamais justifié à l’époque.
Face à son incapacité technique à procéder à l’enlèvement de ses biens, la société Valpaco France a, avec une certaine récurrence, dénoncé des entraves imaginaires pour tenter de justifier du délai pris.
La bailleresse n’avait aucun intérêt à retarder la libération des locaux alors qu’elle disposait, à l’époque, d’un candidat repreneur pour une activité de nature différente, lequel n’a finalement pas donné suite à raison des aléas tenant à la dépollution du site et aux délais de libération effective des locaux.
La société Les Ormes ne se fait aucune illusion sur la solvabilité de la société Rotalys et de la société Valrotalys, et n’a donc aucun intérêt à alourdir un arriéré locatif pour lequel elle se trouve en contentieux judiciaire
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2023.
SUR CE
Au préalable, il convient de souligner qu’il n’y a pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que ….’ ou ‘juger que…’, telles que figurant dans le dispositif des conclusions de la société Valpaco France, lorsqu’elles portent sur des moyens ou des éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de la décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.
I ‘ Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
La société Valpaco France demande à la cour de surseoir à statuer d’office.
Il sera rappelé que le juge du cautionnement est normalement indifférent à la procédure menée devant le juge-commissaire. Par principe, la procédure collective du débiteur n’influe pas sur la situation de la caution à l’égard du créancier. Le cautionnement ayant précisément pour fonction de remédier à un défaut de paiement du débiteur dans le délai convenu, la règle de l’accessoire s’efface devant la fonction de garantie de la sûreté en cas de liquidation. Le juge du cautionnement ne peut donc surseoir à statuer que lorsque la créance principale est véritablement douteuse.
Or la société Valpaco France se contente d’arguer de la procédure au fond engagée par la société Rotalys sur le fondement d’un manquement supposé de la société Les Ormes à son obligation de délivrance, sans justifier d’éléments autres que l’assignation délivrée le 9 décembre 2021 devant le tribunal judiciaire de Dunkerque, laquelle ne suffit nullement à établir le caractère véritablement douteux de la créance principale,
Elle se contente d’affirmations purement péremptoires, non étayées par la moindre pièce, concernant les « problèmes » ayant « fait l’objet de nombreuses réunions avec le bailleur » sans être « solutionnés », alors que les échanges entre les parties versées à la présente procédure, loin d’évoquer un trouble de jouissance du locataire imputable au bailleur, montrent au contraire l’existence d’un projet commun, avec des négociations sur le montant des loyers et le rachat de matériels d’impression par la société Les Ormes face aux difficultés financières du preneur.
Il sera encore observé que si la créance n’est finalement pas admise, la caution pourra se prévaloir de l’extinction de la créance principale pour obtenir la répétition des sommes indûment versées.
Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer d’office.
II ‘ Sur les demandes en paiement formées par la société Les Ormes au titre du cautionnement
Aux termes des articles 2288, 2290 et 2292 anciens du code civil applicables en l’espèce, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Le cautionnement doit être exprès. Il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
Aux termes des articles 1156, 1157 et 1162 anciens du code civil, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun. Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.
Aux termes des articles 1170, 1171 et 1174 anciens du code civil, la condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. La condition mixte est celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. Toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige.
Aux termes de l’article 1302-1 nouveau (1376 ancien) du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
Il résulte des stipulation du bail notarié en date du 24 février 2016 que la société Valpaco France s’est engagée en qualité de caution solidaire du preneur envers le bailleur, « pour le paiement du loyer, de ses charges, de tous intérêts de retard, indemnités et autres accessoires dus en vertu des présentes pour la durée du bail et d’un renouvellement soit jusqu’au 31 janvier 2034 ».
Aucun autre engagement de caution n’est produit aux débats, la société Valpaco France ne pouvant dès lors être tenue de garantir la société Rotalys que dans ces limites. Par ailleurs, c’est sans en verser aucune preuve, en totale contradiction avec les pièces produites et ses autres actions procédurales, que la société Les Ormes prétend dans le cadre de la présente procédure que la société Valpaco France est en réalité le preneur des locaux qui auraient été donnés à bail verbal. Elle sera donc déboutée de toutes ses demandes relatives à ce supposé bail oral.
C’est à mauvais escient que la société Valpaco France prétend que la société Les Ormes n’est pas en mesure d’établir l’existence et le quantum de sa créance, dans la mesure où celle-ci n’a pas été admise au passif de la procédure collective de la société Rotalys, une procédure au fond ayant été engagée.
En effet, si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s’impose à la caution, il n’en demeure pas moins que le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement avant toute admission, en établissant l’existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun.
En l’espèce, la validité du bail notarié, titre exécutoire, n’est pas contestée, les parties s’opposant uniquement sur la portée à donner à la mention figurant dans l’engagement de caution de la société Valpaco France, selon laquelle : « pour la validité du présent cautionnement, Monsieur [J] [N] précise que la société Rotalys est une filiale de la société Valpaco ».
La modification des relations entre la caution et le débiteur garanti n’est pas susceptible d’emporter à elle seule la libération de la caution, sauf à ce que cette dernière en ait fait une condition déterminante de son engagement.
Il ne peut être tiré aucune conséquence de ce que Monsieur [N] soit intervenu à l’acte tant en qualité de représentant du débiteur garanti que de représentant de la caution. Par ailleurs, la clause litigieuse précitée ne peut prendre sens que si elle exprime la volonté de la société Valpaco France de ne garantir les dettes de la société Rotalys jusqu’au terme prévu que si cette dernière demeure sa filiale, invalidant l’argument selon lequel elle ne serait contentée d’indiquer le motif l’ayant déterminée à donner sa garantie. Il sera rappelé en outre que l’engagement a été contracté par la société Valpaco France et qu’il n’est pas contesté qu’il a été rédigé par le notaire de la société Les Ormes.
Les développements de cette dernière selon lesquels cette clause serait nulle et de nul effet, comme établissant une condition résolutoire purement potestative, ne peuvent qu’être disqualifiés en simple argument, en l’absence de toute demande d’annulation présentée dans le dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, et de tout chef du dispositif du jugement entrepris sur cette question dont il serait demandé la confirmation.
La nullité d’un engagement contracté sous condition potestative du débiteur devant cependant être relevée d’office, il sera constaté que ladite clause prévoit en réalité une condition mixte, valable puisque résultant à la fois d’un événement dépendant de la volonté du débiteur et de circonstances qui lui sont étrangères, en l’espèce la volonté d’un tiers d’acquérir la société fille.
Conséquemment, la société Valpaco France démontrant avoir cédé la totalité du capital et des droits de vote de sa filiale Rotalys par acte du 27 septembre 2018, elle doit être déchargée de la garantie des loyers échus après cette date, aucune conséquence ne pouvant être tirée du prix symbolique de cette cession au regard de la lourdeur des difficultés financières de la société cédée.
Les pièces produites aux débats mettent en évidence qu’à cette date, il était dû par la société Rotalys :
-21 loyers à 36 000 euros, soit 756 000 euros (les factures émises à hauteur de 42 000 euros entre septembre et décembre 2017 n’étant majorées de 5 000 euros que pour « rattrapage des loyers impayés de février à août »),
-la taxe foncière 2016 pour 18 641,26 euros,
-la taxe foncière 2017 pour 20 633 euros,
-la taxe foncière 2018 pour 22 633 euros,
-un rappel d’indexation de 759,23 euros entre février 2018 et septembre 2018, soit 6 073,84 euros,
soit au total la somme 817 907,26 euros.
La locataire ayant versé à sa bailleresse, en règlement, la somme totale de 592 413,58 euros, elle lui était donc redevable, à cette date, de 231 567,52 euros.
Le bail prévoyant qu’en cas de non-paiement de toute somme due à son échéance, et ce dès le premier acte d’huissier, le preneur devra en sus, outre les frais de recouvrement y compris la totalité du droit proportionnel dû à l’huissier de justice, 10% du montant de la somme due pour couvrir le bailleur tant des dommages pouvant résulter du retard dans le paiement que des frais, diligences et honoraires exposés pour le recouvrement de cette somme, sans préjudice de l’application judiciaire de l’article 700 du code de procédure civile, la société Les Ormes est en droit de réclamer en outre une clause pénale de 23 156,75 euros, ce qui porte la dette locative à 254 724,27 euros.
Aucun motif ne justifie de déduire de la somme garantie par la caution un prorata de la taxe foncière 2018 au titre des mois d’octobre à décembre 2018, cet impôt étant dû au 1er janvier.
La société Valpaco France a versé à la société Les Ormes la somme de 277 509,87 euros, dont il convient de déduire les frais de procédure pour 2 080,26 euros + 117,59 euros et les honoraires de l’article A444-31 à la charge du débiteur pour 338,24 euros. Il n’y a pas lieu d’y soustraire la somme supplémentaire de 10 779,17 euros qu’elle indique lui avoir été saisies, étant rappelé que les saisies-attributions réalisées sur ses comptes, fructueuses uniquement à hauteur de 3 466,52 euros et 3 950,47 euros selon les pièces parcellaires produites aux débats, ont été levées suite au paiement qu’elle a réalisé. Il doit donc être retenu qu’elle s’est acquittée, au titre des loyers et charges dus par la société Rotalys, de la somme de 274 973,78 euros.
Il en résulte un trop-perçu, de la part de la société Les Ormes, de 20 249,51 euros, que cette dernière doit être condamnée à lui rembourser. La décision entreprise sera réformée de ce chef et les parties déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires, étant simplement observé qu’il n’a pas été fait appel du chef du jugement ayant dit que la société Les Ormes établira des factures acquittées libellées au nom de la société Valpaco France, dans les mêmes termes que celles délivrées à la société Valrotalys.
III- Sur les demandes de dommages et intérêts
Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
1) Sur la résistance abusive reprochée à la société Valpaco France
La société Les Ormes reproche vainement à la société Valpaco France d’avoir résisté à sa demande en paiement, au regard du sérieux débat ayant existé entre les parties sur l’étendue de son engagement de caution.
Elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur le comportement déloyal reproché à la société Les Ormes
La société Valpaco France reproche à la société Les Ormes d’avoir tout fait pour rendre impossible l’enlèvement du matériel lui appartenant, empêchant qu’il soit mis fin de façon anticipée au bail commercial pour maintenir ses chances de poursuites de la caution. Elle précise qu’elle n’a finalement pu retirer la totalité de son matériel que le 20 novembre 2019 mais évalue à six mois le temps perdu suite à l’obstruction de la bailleresse.
Elle ne produit cependant, à l’appui de ses allégations, qu’une série de courriers officiels adressés par son conseil à celui de la société bailleresse, ainsi qu’un constat d’huissier en date du 2 avril 2019 montrant qu’un acheteur potentiel de la rotative Helio n’a pu pénétrer dans le local donné à bail à la société Rotalys.
Or il s’impose de constater d’une part que les échanges de courriers officiels entre les conseils des parties n’apportent que peu d’éléments probants aux débats, ces derniers se contentant de rapporter les propos de leurs clients respectifs, d’autre part que l’ordonnance de référé du 28 mars 2019 n’ordonnait à la société Les Ormes de donner accès aux locaux qu’aux fins de retrait de la rotative.
Il n’est donc produit aucun élément objectif, tels que des plaintes ou témoignages des entreprises mandatées pour vider les lieux, démontrant que la société bailleresse aurait délibérément entravé leur action de manière à pouvoir solliciter le paiement de loyers supplémentaires.
Surtout, il a été retenu que la caution avait été libérée de son engagement à compter du 27 septembre 2018, soit plus de six mois avant le 20 novembre 2019.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Valpaco France de sa demande de dommages et intérêts.
IV ‘ Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’issue du litige justifie de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L’issue de la présente décision sur les dépens justifie de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles d’appel et d’infirmer la décision entreprise du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Confirme le jugement rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu’il a :
-dit que la SCI Les Ormes établira des factures acquittées libellées au nom de la SAS Valpaco France, dans les mêmes termes que celles délivrées à Valrotalys ;
-rejeté la demande de répétition de la somme de 205 509.87 euros ;
-rejeté la demande de condamnation à des indemnités d’occupation ;
-rejeté la demande d’octroi de dommage-intérêts formée par la SAS Valpaco France pour manque de loyauté ;
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne la société Les Ormes à rembourser la somme de 20 249,51 euros à la société Valpaco France ;
Déboute la société Les Ormes de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse