Clause pénale : 13 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00788

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Clause pénale : 13 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00788

LC/LL

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST

C/

[W] [E]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

N° RG 21/00788 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXBX

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 02 mars 2021,

rendue par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 20/00614

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SELARL DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

assistée de Me Amélie GONCALVES, membre de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 6] (71)

domicilié :

[Adresse 7]

[Localité 5]

non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Leslie CHARBONNIER, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 1er février 2013, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est a émis une offre de prêt immobilier n°00001268894 au bénéfice de M. [W] [E], d’un montant de 78 800 euros pour une durée de 120 mois, au taux de 2,84 % afin de financer l’acquisition d’un bien immobilier.

Suivant acte sous seing privé en date du 19 mars 2015, il a été consenti à M. [W] [E] un prêt professionnel n°00001744003, d’un montant de 15 000 euros pour une durée de 60 mois remboursable en 5 annuités, au taux de 2,75 % afin de financer l’acquisition d’un terrain à vocation agricole.

A compter du 15 décembre 2018, M. [E] n’a plus honoré les annuités dudit prêt.

M. [W] [E] était titulaire d’un compte courant n°[XXXXXXXXXX03] auprès de la même banque sur lequel il disposait d’une ouverture de crédit d’un montant de 3 812 euros.

Le solde du compte excédant l’ouverture de crédit consentie, la banque a, par courrier recommandé du 26 septembre 2018, dénoncé cette ouverture de crédit ainsi que le compte de service souscrit.

Les tentatives amiables pour parvenir à la régularisation de cette situation étant demeurées infructueuses, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est a, par acte du 21 janvier 2020, assigné M. [W] [E] devant le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône afin de le voir condamner au règlement des sommes restant dues au titre des engagements sus-énoncés.

Par jugement réputé contradictoire du 2 mars 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :

– Débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est de sa demande de condamnation au titre du prêt immobilier n°00001268894,

– Condamné M. [W] [E] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 5 241,64 euros outre intérêts au taux de 2,75 % à compter du 31 octobre 2019 au titre du prêt professionnel n°00001744003,

– Débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est de sa demande de condamnation au titre de l’indemnité forfaitaire liée à ce prêt,

– Condamné M. [W] [E] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 9 059,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019 au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX03],

– Débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– Débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné M. [W] [E] aux entiers dépens,

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 10 juin 2021, appel limité aux chefs du jugement l’ayant débouté de sa demande de condamnation au titre du prêt immobilier n°00001268894 ainsi que de ses demandes au titre de l’indemnité forfaitaire liée au prêt professionnel n°00001268894 et de l’article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions d’appelante du 10 septembre 2021, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code Civil, de :

– Confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 en ce que le tribunal judiciaire de Chalon Sur Saône a condamné M. [W] [E] à lui payer la somme de 5 241,64 euros outre intérêts au taux de 2,75 % à compter du 31 octobre 2019 au titre du prêt professionnel n°00001744003, la somme de 9 059,74 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019 au titre du solde débiteur du compte courant [XXXXXXXXXX03], ainsi qu’aux entiers dépens,

– Réformer le jugement rendu le 2 mars 2021 en ce que le tribunal judiciaire de Chalon Sur Saône l’a déboutée de sa demande de condamnation au titre du prêt immobilier n°00001268894, ainsi que de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

– Condamner M. [W] [E] à lui verser les sommes suivantes :

49 829,47 euros, montant du solde débiteur du prêt n°00001268894 outre intérêts au taux conventionnel à compter du 31 octobre 2019,

1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

En tout état de cause,

– Condamner M. [W] [E] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Anne-Line Cunin, avocat sur son affirmation de droit.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est a fait signifier la déclaration d’appel et ses conclusions et délivrer assignation à l’intimé par acte d’huissier délivré à personne le 4 octobre 2021.

M. [W] [E] n’a pas constitué avocat à hauteur de cour.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de la partie appelante pour l’exposé de ses moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 janvier 2023.

SUR CE, LA COUR

– Sur l’effet dévolutif

Par sa déclaration d’appel, la banque n’a déféré à la cour que les chefs de jugement l’ayant débouté de trois de ses demandes initiales : celle tendant au paiement du solde dû au titre du prêt immobilier, celle tendant au paiement d’une indemnité forfaitaire au titre du prêt professionnel, et celle tendant au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,  la mention « et plus généralement sur les chefs de la décision faisant grief à l’appelante » ne répondant pas aux  exigences de l’article 901, 4° du code de procédure civile.

En toute hypothèse, aux termes du dispositif de ses conclusions, la banque réduit le périmètre de son appel en ne demandant la réformation du jugement déféré qu’en ce qu’il l’a déboutée de deux de ses demandes : celle tendant au paiement du solde dû au titre du prêt immobilier et celle présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le chef du jugement dont appel ayant débouté la banque de sa demande indemnitaire pour résistance abusive n’est pas déféré à la cour, qui n’examinera donc pas la demande tendant à la condamnation de M. [E] au paiement de 1 500 euros de dommages-intérêts.

La cour n’a donc à trancher que la demande en paiement fondée sur le prêt immobilier du 1er février 2013, outre le sort des dépens, puisque la banque ne présente plus aucune demande tendant à l’allocation d’une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Sur l’existence de l’engagement au titre du prêt immobilier n°00001268894

L’offre préalable de prêt immobilier émise le 1er février 2013 est soumise aux dispositions du code de la consommation modifiées par la loi Lagarde n°2010-737 du 1er juillet 2011 entrée en vigueur le 1er mai 2011.

Au terme de l’article L312-10 du code de la consommation, dans sa version applicable, l’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur.

L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Le premier juge a débouté le Crédit Agricole de sa demande du chef de l’offre de prêt immobilier émise le 1er février 2013 au bénéfice de M. [E] au motif que l’acceptation de cette offre n’était établie par aucune pièce versée aux débats par la banque considérant que la seule présence d’un paraphe en bas des pages de l’offre n’était pas suffisante pour le démontrer, ledit paraphe n’ayant de surcroît pas été apposé à l’endroit de la signature de l’emprunteur.

A hauteur de cour, la banque produit l’accusé de réception et l’acceptation de l’offre préalable par l’emprunteur renfermant la signature de M. [E] en date du 20 février 2013 de sorte que l’acceptation du prêt par ce dernier est établie.

– Sur la déchéance du terme

Il résulte des dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier qu’après la délivrance à l’emprunteur d’une mise en demeure restée sans effet, lui précisant le délai dont il dispose pour faire obstacle à l’exigibilité immédiate de la créance (v. par ex. Civ. 1, 3 juin 2015, n°14-15.655 ; 22 juin 2017, n°16-18.418).

En page 7, au paragraphe intitulé « déchéance du terme », le contrat de crédit litigieux contient une clause de déchéance du terme rédigée ainsi qu’il suit : «en cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours notamment en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du/des prêts du présent financement.

Conformément à la clause conventionnelle, le prêteur a adressé à M. [E] une mise en demeure le 26 septembre 2018 laissant au débiteur un délai de quinze jours pour régulariser le paiement de la somme de 5 817,86 euros à défaut de quoi la déchéance du terme sera appliquée.

Faute de régularisation de l’arriéré, c’est à juste titre que la banque a appliqué la déchéance du terme, sans autre avis du débiteur.

– Sur le montant de la créance au titre du prêt immobilier n°00001268894

En application de l’article L312-22 du code de la consommation, dans sa version applicable, en cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans des limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles.

Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.

L’article L312-23 alors applicable précise qu’aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles.

Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement, sur justification, des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.

La banque n’explique pas pour quel motif elle applique dans le calcul de sa créance une déchéance du terme au 31 octobre 2019 alors qu’elle n’a pas adressé de nouvel avis de ce chef au débiteur de sorte que la déchéance du terme restera fixée au 11 octobre 2018 conformément à la mise en demeure explicite du 26 septembre 2018.

Les pièces au dossier permettent de vérifier que la première échéance impayée remonte à avril 2018.

Au regard du contrat de prêt, du tableau d’amortissement et du décompte de la créance, la créance de la banque peut être fixée comme suit :

– les échéances échues impayées : 755,09 x 8 = 6 040,72 euros (avril à octobre 2018),

– le capital restant dû au 11/10/2018 : 37 570, 24 euros.

La banque, qui s’est prévalu de la déchéance du terme, n’est pas fondée à appliquer aux échéances échues impayées avant déchéance du terme, des intérêts conventionnels majorés de trois points.

Enfin, l’indemnité de 7 %, contractuellement prévue et conforme à l’article R 312-3 du code de la consommation, dans sa version applicable, répond à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1226 anciens du code civil.

Alors que le prêt a été remboursé pendant plus de cinq années, la banque ne démontre pas l’existence d’un préjudice particulier de sorte que l’indemnité de 7 % paraît manifestement excessive et doit être ramenée à un montant de 100 euros.

Par infirmation du jugement entrepris, M. [E] sera donc condamné à payer au Crédit agricole la somme de 43 610,96 euros outre intérêts au taux conventionnel de 2,84 % l’an à compter du 31 octobre 2019, date du dernier décompte, outre la somme de 100 euros au titre de la clause pénale qui portera intérêts aux taux légal à compter de la décision.

– Sur les frais de procès

Le jugement déféré n’est pas critiqué en sa disposition relative aux dépens de première instance.

La procédure d’appel étant consécutive à la faute de la banque qui a omis de produire le contrat au complet en première instance, il convient dès lors de laisser à sa charge les dépens engagés à hauteur d’appel.

Si la banque critique le chef du premier jugement l’ayant déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, elle ne formule à hauteur de cour aucune demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Centre- Est de sa demande en paiement fondée sur le prêt immobilier,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [W] [E] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est la somme de 43 610,96 euros avec intérêts au taux conventionnel de 2,84 % l’an à compter du 31 octobre 2019, outre 100 euros au titre de la clause pénale qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est du surplus de ses demandes,

Laisse à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est les dépens de la procédure d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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