Clause pénale : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19432

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Clause pénale : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19432

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 12 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19432 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWYB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 22/53416

APPELANTE

S.A.R.L. SYS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Localité 2]

[Localité 4] FRANCE

Représentée par Me Sonia LASSOUANE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.C.I. ANBV

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe MIRO de la SCP VITOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0273

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mars 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, lors de la mise à disposition.

Par acte du 9 août 2021, la SCI ANBV a consenti un bail commercial à la société SYS portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant un loyer annuel de 12.720 euros, soit 1060 euros par mois.

Par acte du même jour, M. [T] s’est porté caution solidaire des engagements de la société SYS dans la limite de la somme de 13.920 euros.

Par acte du 14 février 2022, la société ANBV a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société SYS, pour une somme en principal de 4.640 euros, au titre de l’arriéré locatif au terme de février 2022.

Le commandement a été dénoncé à la caution le 17 février 2022.

Par acte du 18 mars 2022, la SCI ANBV a assigné la société SYS et M. [T] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, expulsion de la société SYS et de tous occupants de son chef et condamnation de celle-ci au paiement d’une provision au titre de l’arriéré locatif.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, le juge des référés a :

constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 14 mars 2022 à minuit ;

débouté la société SYS de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délai de paiement ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de l’ordonnance, l’expulsion de la société SYS et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 4] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due mensuellement par la société SYS et M. [T], à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant mensuel du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

condamné solidairement par provision la société SYS et M. [T], en qualité de caution solidaire dans les limites de son engagement de cautionnement solidaire, à payer à la société SCI ANBV la somme de 2.350 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 15 mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2022, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures au 15 mars 2022 jusqu’à libération effective des lieux par la remise des clés au bailleur ;

dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale ;

condamné in solidum la société SYS et M. [T] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, de la dénonciation, de la saisie conservatoire et des frais de levée d’état des inscriptions ;

condamné in solidum la société SYS et M. [T] à payer à la SCI ANBV la somme de 1.800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté la société SYS et M. [T] de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes plus amples et contraires.

Par déclaration du 17 novembre 2022, la société SYS a interjeté appel de cette décision en intimant uniquement la SCI ANBV.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 janvier 2023, elle demande à la cour de :

infirmer purement et simplement le « jugement » attaqué ;

et ce faisant,

suspendre les effets de la clause résolutoire prévue au bail ;

lui accorder un délai de paiement ;

débouter la SCI ANBV de sa demande de paiement des entiers dépens ;

débouter la SCI ANBV de sa demande de condamnation à la somme de 1.800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 janvier 2023, la SCI ANBV demande à la cour de :

débouter la société SYS de l’ensemble de ses demandes ;

confirmant la décision entreprise,

constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 14 mars 2022 à minuit ;

débouter la société SYS de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délai de paiement ;

ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux, l’expulsion de la société SYS et de tout occupant de son chef des lieux situés [Localité 2] à [Localité 4] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

rappeler que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

fixer à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due mensuellement par la société SYS à compter de la résiliation du bail du 15 mars 2022 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant mensuel du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

condamner par provision la société SYS à lui payer la somme de 2.350 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 15 mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2022 ;

condamner la société SYS aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, de la dénonciation, de la saisie conservatoire et des frais de levée d’état des inscriptions ;

condamner la société SYS à lui payer la somme de 1.800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

réformant l’ordonnance entreprise,

condamner la société SYS à lui payer à titre provisionnelle la somme de 57.486 euros ;

ajoutant à l’ordonnance entreprise,

condamner par provision la société SYS à lui payer la somme de 13.340 euros au titre des indemnités d’occupation dues du 15 mars 2022 au 31 janvier 2023, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures au 31 janvier 2023 jusqu’à libération effective des lieux manifestée par la remise des clés au bailleur ;

condamner la société SYS aux dépens d’appel et aux frais de saisie exécutoire ;

condamner la société SYS à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de délais formée par l’appelante

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L’article 1343-5 du code civil prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins de créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Au cas présent, la société SYS ne conteste pas la validité et les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 14 février 2022 mais sollicite des délais de paiement avec suspension des effets de cette clause.

Elle expose qu’elle est une société récente, immatriculée le 10 décembre 2021, et qu’elle a réalisé des travaux importants, à hauteur de la somme de 23.856 euros, dans les locaux avant de commencer son activité de commerce de détail alimentaire à compter du mois de janvier 2022. Elle ajoute qu’elle avait réglé la somme de 2.600 euros entre les mains du commissaire de justice dès le 15 mars 2022, de sorte que sa dette n’était plus que de 2.170 euros, et elle précise qu’elle emploie deux salariés. Elle estime que ces éléments auraient dû être pris en considération par le premier juge pour lui octroyer des délais de paiement.

Cependant, ainsi que le relève l’intimée, elle ne produit aucune pièce comptable pour justifier de sa situation financière.

En outre, il résulte des décomptes produits par la bailleresse qu’elle n’a effectué aucun règlement depuis le versement de 2.620 euros de mars 2022, de sorte que la dette ne cesse de croître.

La société SYS ne justifie donc pas être en mesure de solder sa dette tout en réglant le loyer courant dans le délai de deux ans imparti par le texte précité, de sorte que sa demande de délais avec suspension des effets de la clause résolutoire ne peut qu’être rejetée.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur l’appel incident de la SCI ANBV

La SCI ANBV soutient que le premier juge aurait dû appliquer les dispositions du bail, dont il résulte que l’indemnité d’occupation est fixée à 2.000 euros par mois en cas de résiliation du bail, la provision pour charges est fixée à 100 euros et l’intérêt de retard est de 15% sur les sommes dues.

Elle en déduit qu’une somme de 70.906,44 euros est due par la société SYS au 31 janvier 2023.

Cependant, comme l’a exactement retenu le premier juge, ces clauses du bail s’analysent en des clauses pénales susceptibles de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l’article 1231-5 du code civil. Le juge des référés ne pouvant qu’appliquer la clause pénale sans pouvoir de modération de la somme forfaitaire contractuellement prévue, la demande de provision se heurte en l’espèce à une contestation sérieuse et sera rejetée.

L’indemnité d’occupation sera en conséquence fixée au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi, outre les charges, taxes et accessoires. Au vu du décompte produit et non contesté par l’appelante, il apparaît que seuls deux versements de 200 euros et 2.620 euros ont été effectués depuis novembre 2021.

La dette locative non contestable s’élève donc à la somme de 14.580 euros (15 mois x 1.160 euros – 2.820 euros), terme de janvier 2023 inclus.

L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné par provision la société SYS à payer à la société SCI ANBV la somme de 2.350 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 15 mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2022, la société SYS étant en outre condamnée à payer une provision de 12.230 euros au titre des indemnités d’occupation dues depuis cette date et arrêtées au terme de janvier 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n’y a pas lieu de condamner la société SYS au paiement des indemnités d’occupation postérieures au 31 janvier 2023, cette condamnation résultant déjà de l’ordonnance entreprise, confirmée de ce chef.

Sur les frais et dépens

L’appelante, partie perdante, sera tenue aux dépens, qui n’incluront pas les frais de saisie « exécutoire », lesquels sont des frais d’exécution et non des dépens.

Elle sera par suite condamnée à indemniser la SCI ANBV des frais qu’elle a de nouveau été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 1.500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société SYS à payer à la SCI ANBV une provision de 12.230 euros au titre des indemnités d’occupation dues du 15 mars 2022 au 31 janvier 2023, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes de la SCI ANBV ;

Condamne la société SYS aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la SCI ANBV la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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