N° RG 23/00007 – N° Portalis DBVM-V-B7H-LVRY
N° Minute :
Copies délivrées le
délivrée le
à
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ‘ A P P E L D E G R E N O B L E
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DU 12 AVRIL 2023
ENTRE :
DEMANDERESSES suivant assignation du 16 janvier 2023
S.A.S.U. LOFT MONTAGNE RESTAURANT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE
Madame [Z] [P] épouse [D]
née le 28 août 1978 à [Localité 5] (UKRAINE)
de nationalité ukrainienne
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE
ET :
DEFENDEUR
Monsieur [F] [V]
né le 28 novembre 1967 à [Localité 7] (BELGIQUE )
de nationalité belge
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Myriam TIDJANI de la SELARL BEYLE AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
DEBATS : A l’audience publique du 15 mars 2023 tenue par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président de la cour d’appel de Grenoble par ordonnance du 28 février 2023, assisté de Marie-Ange BARTHALAY, greffier
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 12 AVRIL 2023 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
signée par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président et par Marie-Ange BARTHALAY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 17 septembre 2021, M. [V] a vendu un fonds de commerce de bar restaurant sis à [Localité 8] (38) à la société Loft Montagne, au prix de 185 000 euros payable à raison du versement comptant de 25 000 euros, le solde par échéances, à savoir :
– 25 000 € le 30 septembre 2021
– 25 000 € le 28 février 2022
– 50 000 € le 30 septembre 2022
– 6 .000 € le 30 septembre 2023.
La dirigeante de la société acquéreur, Mme [D], s’est portée caution solidaire du paiement du prix.
Saisi par acte du 29 septembre 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a, par un jugement réputé contradictoire du 10 octobre 2022, la société Loft Montagne et Mme [D] n’ayant pas comparu :
– prononcé la résolution de la vente du fonds de commerce ;
– ordonné l’expulsion immédiate sous astreinte de l’acquéreur ;
– condamné la société Loft Montagne et Mme [D] au paiement d’une indemnité d’occupation de 1 000 euros par jour de retard jusqu’à libération complète des lieux ;
– dit que la somme de 25 000 euros d’ores et déjà payée entre les mains de M. [V] lui demeure acquise à titre de clause pénale conventionnelle ;
– condamné la société Loft Montagne et Mme [D] à payer 5 000 euros de dommages-intérêts outre 1 500 euros au titre des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Ce jugement a été signifié le 14 octobre 2022 à domicile par dépôt de l’acte en l’étude d’huissier.
Le 16 novembre 2022, M. [V] a fait délivrer à la société Loft Montagne un commandement de quitter les lieux, et il été procédé à son expulsion le 22 décembre 2022.
Par un acte du 16 janvier 2023, la société Loft Montagne Restaurant et Mme [D] ont assigné M. [V] devant le premier président de la cour d’appel de Grenoble aux fins de se voir autorisées à interjeter appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Grenoble le 10 octobre 2022.
Elles exposent en substance que :
– le jugement en cause est réputé contradictoire ;
– elles n’en ont pas eu connaissance en temps utile ;
– Mme [D], ukrainienne, a rencontré d’importantes difficulés avec sa banque en France, le Crédit Mutuel, qui a bloqué les paiements sans explication ;
– il lui est devenu impossible de récupérer des fonds en Ukraine ;
– la saison 2022 a été très difficile, et Mme [D] a dû libérer le logement qu’elle occupait à [Localité 8] le 19 septembre 2022, pour aller vivre chez son fils, résidant dans le sud de la France ;
– elle a dû retourner en Ukraine voir sa mère et elle y est toujours actuellement pour s’occuper de sa famille ;
– ce sont ses enfants qui ont ouvert la boîte aux lettres et ont trouvé les actes d’huissier ;
– il n’y a jamais eu d’acte notifié à personne et le premier acte d’exécution rendant indisponible le bien du débiteur a été dressé le 22 décembre 2022.
Pour s’opposer à la demande et réclamer reconventionnellement 2 500 euros au titre des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile, M. [V] réplique que :
– de très nombreux actes ont été signifiés, sur une période de plusieurs mois, tant au siège de la société qu’au domicile de la dirigeante ;
– les requérantes ont ainsi fait preuve de négligence ;
– les relever de la forclusion entraînerait des conséquences graves pour M. [V], alors qu’il a connu d’importants impayés, qu’il a dû lui-même régler les loyers pour éviter la résiliation du bail, et que le fonds n’a pas été régulièrement exploité depuis la cession, étant observé qu’il n’était toujours pas ouvert en décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l’article 540 du code de procédure civile, ‘si le jugement a été rendu par défaut ou s’il est réputé contradictoire, le juge a la faculté de relever le défendeur de la forclusion résultant de l’expiration du délai si le défendeur, sans qu’il y ait eu faute de sa part, n’a pas eu connaissance du jugement en temps utile pour exercer son recours, ou s’il s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir. Le relevé de forclusion est demandé au président de la juridiction compétente pour connaître de l’opposition ou de l’appel. Le président est saisi par voie d’assignation. La demande est recevable jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur (..)’.
En l’espèce :
– dès avant le début de la guerre en Ukraine, la société Loft Montagne Restaurant ne s’était pas acquittée de ses obligations, puisqu’elle n’avait pas réglé le premier acompte de septembre 2021 de 25 000 euros ;
– alors que de nombreux actes d’huissier ont été délivrés au siège de la société (assignation à jour fixe le 29 septembre 2022, signification du jugement du tribunal de commerce de Grenoble le 10 octobre 2022, assignation en référé le 16 novembre 2022, commandement du 16 novembre 2022, procès-verbal d’expulsion) et au domicile de Mme [D] (signification du jugement le 14 octobre 2022), à aucun moment, quelqu’un s’est trouvé dans les lieux pour recevoir les actes ;
– par ailleurs, aucune disposition n’avait été prise quant au transfert de courriers, ce qui aurait permis à l’huissier de connaître l’adresse temporaire de la gérante ;
– alors que la station était ouverte en décembre, les lieux n’étaient toujours pas exploités ;
– enfin, si Mme [D] s’est rendue en Ukraine, c’est, au vu des mentions portées sur son passeport, du 08 octobre au 09 décembre 2022, soit après la délivrance de l’assignation et avant le commandement.
Dans ces conditions, les requérantes ont fait preuve de négligence, alors que dès le mois de mars 2022 elles avaient été mises en garde sur le risque de perte du fonds par Me [U], avocate, qui avait adressé un mail à Mme [D] le 4 mars 2022. Il appartenait à celle-ci de prendre toutes mesures utiles concernant la défense de ses intérêts, ce qu’elle s’est abstenue de faire.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande.
Cependant, l’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Olivier Callec, conseiller délégué par le premier président, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe :
Rejetons la demande de relevé de forclusion ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société Loft Montagne Restaurant et Mme [D] aux dépens.
Le greffier Le conseiller délégué
M.A. BARTHALAY O. CALLEC