COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/03/2023
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
Me Jean-Michel LICOINE
ARRÊT du : 11 MAI 2023
N° : 84 – 23
N° RG 21/01166
N° Portalis DBVN-V-B7F-GLCL
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ORLEANS en date du 02 Février 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265259110753355
S.A. FLOA anciennement dénommée BANQUE DU GROUPE CASINO,
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
domicilié audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Jean-Pierre HAUSSMANN, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET, avocat au barreau d’ESSONNE
D’UNE PART
INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268048915937
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d’ORLEANS
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 14 Avril 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 janvier 202
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du 16 MARS 2023, à 9 heures 30, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 11 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 4 avril 2016, la SA Banque du groupe Casino a consenti à M. [E] [T] un prêt personnel destiné à un regroupement de crédits d’un montant de 32 616,04 euros, remboursable en 84 mensualités de 542,25 euros incluant les intérêts au taux nominal de 7,30 % l’an et les primes d’assurance.
Des échéances étant restées impayées à partir du mois de juin 2019, la Banque du groupe Casino a vainement mis en demeure M. [T], par courrier en date du 3 juillet 2020 adressé sous pli recommandé présenté le 7 juillet suivant, de régulariser la situation sous peine de déchéance du terme, puis a provoqué la déchéance du terme de son concours le 27 juillet 2020 en mettant en demeure M. [T], par courrier du même jour adressé sous pli recommandé présenté le 3 août suivant, de lui payer la somme totale de 25 878,15 euros.
Par acte du 4 novembre 2020, la société Floa, anciennement dénommée Banque du groupe Casino, a fait assigner M. [T] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Orléans.
Par jugement du 2 février 2021, en retenant qu’en application des articles L.312-16 et L. 341-9 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010, la société Floa devait être déchue en totalité du droit aux intérêts pour n’avoir pas justifié de la remise aux emprunteurs d’une fiche d’informations précontractuelles, ni de la consultation du FICP antérieurement à la conclusion du contrat de prêt conformément aux prescriptions de l’article L. 312-16, puis que le montant susceptible d’être perçu par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points par application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier était de nature à priver d’effectivité la sanction de la déchéance prononcée, le juge a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Floa anciennement dénommée Banque du Groupe Casino au titre du contrat de prêt personnel du 4 avril 2016,
– condamné M. [E] [T] à payer à la SA Floa anciennement dénommée Banque du Groupe Casino la somme de 12 630,76 euros au titre du contrat de prêt personnel du 4 avril 2016,
– dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal ni au taux légal majoré de 5 % prévu par l’article L.313-3 du code monétaire et financier et ce conformément à l’article 23 de la directive communautaire n°2008/48,
– lui a accordé des délais de paiement et dit que la dette sera payable en 23 versements mensuels successifs de 500 euros minimum, outre un 24e et dernier représentant le solde en principal, intérêts et frais,
– dit que le premier versement sera exigible entre le premier et le dixième jour du premier mois civil suivant la date de signification du présent jugement puis entre le premier et le dixième jour de chaque mois suivant,
– dit que le non-paiement d’une seule mensualité à son échéance entraînera la déchéance du terme et l’exigibilité de l’intégralité de la somme restant due,
– rappelé que conformément à l’article 1343-5 du code civil, la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés.
La SA Floa a relevé appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2021 en critiquant expressément toutes ses dispositions lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2021, la SA Floa demande à la cour de :
– déclarer la SA Floa recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel,
– déclarer M. [E] [T] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,
Y faire droit,
– infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d’appel.
Statuant à nouveau,
– condamner M. [E] [T] à payer à la SA Floa la somme de 26 112,73 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,06 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 27 juillet 2020,
– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. [E] [T] à payer à la SA Floa la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [E] [T] à payer à la SA Floa aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2021, M. [T] demande à la cour de :
– débouter la SA Floa anciennement dénommée SA Banque du Groupe Casino de son appel à l’encontre du jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal Judiciaire d’Orléans en date du 2 février 2021,
– confirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,
– débouter la SA Floa anciennement dénommée SA Banquedu Groupe Casino de toutes demandes plus amples ou contraires,
– condamner la SA Floa à payer à M. [E] [T] la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Floa anciennement dénommée SA Banque du Groupe Casino aux dépens et faire application au bénéfice de Maître Jean-Michel Licoine, avocat, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2023, pour l’affaire être plaidée le 16 mars suivant et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
Selon l’article L. 311-6, I, du code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable au 4 avril 2016, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
L’article R. 311-3 du même code fixe la liste des informations devant figurer dans la fiche d’information à fournir pour chaque offre de crédit, en sus de la mention visée au dernier alinéa de l’article L. 311-5 devant apparaître en caractères lisibles, ainsi que les conditions de présentation de cette fiche.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information.
Dès lors que le prêteur se prévaut d’une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats, la signature de la mention d’une telle clause ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information (v. par ex. Civ. 1, 5 juin 2019, n° 17-27.066).
Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un
renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Dans son arrêt, la Cour de justice a par ailleurs précisé qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée et a ajouté qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Au cas particulier, la société Floa ne produit en cause d’appel aucune fiche d’information ni aucun élément de preuve de nature à corroborer la déclaration qu’a faite l’emprunteur en apposant sa signature sous une clause type mentionnant qu’il « reconnaissait avoir pris connaissance et rester en possession d’un exemplaire de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs ».
Le fait que M. [T], alors même qu’il était représenté par un avocat, n’ait pas contesté être en possession de cette fiche d’informations devant le premier juge qui a relevé d’office le moyen tiré des dispositions de l’article L. 311-6, I, du code de la consommation (en se référant par erreur à l’article L. 312-16 applicable aux contrats de crédit conclus à compter du 1er juillet 2016), ne saurait suffire à établir qu’une fiche d’informations précontractuelles a effectivement été remise à M. [T], qui ne le reconnaît pas en cause d’appel, et encore moins à établir que la société de crédit aurait remis à l’intimé une fiche comportant les informations prévues à l’article R. 311-3, et présentée conformément au modèle annexé à cet article.
Etant rappelé que par application de l’article L. 311-48 ancien, alinéa 1, du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 311-6 est déchu du droit aux intérêts, le premier juge a retenu à raison que la société Floa, qui n’apporte pas la preuve de la pleine et correcte exécution de son obligation d’informations précontractuelles, devait être déchue du droit aux intérêts.
En application de ces principes, étant observé que les dispositions de l’article L. 311-48 précité interdisent au prêteur de prétendre au paiement de l’indemnité de 8 % prévue à titre de clause pénale en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement du crédit, le premier juge a exactement retenu, au vu de l’historique du compte, du décompte arrêté au 21 septembre 2020 et des règlements dont il est justifié jusqu’au 5 novembre 2020, que la créance de la société Floa s’élève à 12 630,76 euros.
Par confirmation du jugement entrepris, sauf à préciser que le montant de la créance est ainsi arrêté, en principal, à la date du 5 novembre 2020, M. [T] sera donc condamné à régler à la société Floa, pour solde du crédit litigieux, la somme sus-énoncée de 12 630,76 euros.
En application de l’article 1153 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la déchéance des intérêts conventionnels ne prive pas le créancier des intérêts de retard au taux légal.
S’il est exact que la majoration de cinq points encourue par application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier est de nature à priver d’effectivité la sanction de la déchéance prononcée en ce que, passé le délai de deux mois prévu à l’article L. 313-3 précité, le taux d’intérêts applicable, c’est-à-dire le taux légal majoré de cinq points, ne sera pas significativement inférieur au taux nominal dont la société de crédit est déchue (7,30 %), il convient de minorer en la limitant à deux points la majoration prévue à l’article L. 313-3, mais non de priver l’appelante des intérêts au taux légal, lesquels courent depuis le 3 août 2020, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.
La présente condamnation étant assortie, non pas des intérêts de retard au taux du prêt comme le prévoit l’article L. 311-24 du code de la consommation, mais des intérêts moratoires au taux légal prévus par l’article 1153 du code civil, ces intérêts se capitaliseront dans les termes de l’article 1154 du même code (v. par ex. com. 4 juillet 2018, n° 17-13.128), et ce à compter du 10 juin 2021, date des premières conclusions de l’appelante comportant une demande en ce sens.
En application de l’article 1244-1, devenu 1343-5, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Au regard de sa situation financière dont M. [T] justifie, c’est à raison que le premier juge lui a accordé des délais de paiement pour s’acquitter de sa dette.
La décision déférée sera en conséquence confirmée sur ce chef.
La société Floa, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, la société Floa sera condamnée à régler à M. [T], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 1 200 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu’elle a dit que la somme de 12 630,76 euros au paiement de laquelle M. [E] [T] a été condamné ne portera pas intérêt au taux légal ni au taux légal majoré prévu à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,
Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé :
Dit que la somme de 12 630,76 euros au paiement de laquelle M. [E] [T] est condamné sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2020,
Limite à deux points la majoration des intérêts prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,
Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées, sauf à préciser que la somme de 12 630,76 euros au paiement de laquelle M. [E] [T] a été condamné correspond au montant de la créance de la société Floa arrêtée au 5 novembre 2020,
Y ajoutant,
Dit que les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 10 juin 2021, conformément aux modalités prévues à l’article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Condamne la société Floa à payer à M. [E] [T] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Floa formée sur le même fondement,
Condamne la société Floa aux dépens d’appel,
Accorde à Maître Jean-Michel Licoine, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT